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Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du samedi 20 novembre 1920

L'Humanité, journal socialiste quotidien

À partir du site internet Gallica, de la Bibliothèque nationale de France

 

L'Humanité du samedi 20 novembre 1920

 

 

 

Avant le congrès

Sabres, Couteaux et Pistolets !

Les enfants s'amusent. En l'absence d'arguments sérieux, on s'efforce de discréditer la motion du Comité de la IIIe Internationale qu'on présente au bon public socialiste comme une sorte d'énorme « galéjade ».

Mayéras, qui sait être drôle quand il renonce à se mettre bougrement en colère, parle de « vague de merle-blanquisme », sans se douter que, dans cette musique endiablée, il tient mystérieusement sa partie.

Verfeuil, docteur ès-science marxiste, proclame, l'air sincère, tout le dédain qu'il professe pour le « socialisme élémentaire ». Il y a aussi, cher docteur, le socialisme « élémental », je veux dire le socialisme des morts ; mais ceci est situé sur un autre plan et exige quelques incursions dans les mystères de la théosophie.

Passons. Enfin, voici Paul Faure qui remet solennellement, en nos mains débiles, le sabre de Prudhomme, ce fameux sabre avec lequel on défend et on combat, au besoin, les conditions de Moscou ! Et ce sabre en pâte-carton est d'autant plus irrésistible qu'on ne peut s'empêcher immédiatement de songer au « pères Coupe-Toujours » qui, armés d'une énorme paire de cisailles, coupent, tenaillent, déchiquètent, morcellent si bien les conditions et les thèses moscovites qu'il n'en reste plus guère que

Ce qu'une adhésion peut laisser de poussière,

Dans le creux de la main.

Ah, oui ! les enfants terribles s'amusent ! Il n'est question que de sabres, de pistolets, de couteaux : tout un arsenal ! C'est infiniment rigolo. Le sort de la Révolution russe, l'action des prolétariats, l'intérêt du socialisme international, voilà bien, n'est-ce pas, de quoi rire et s'amuser ! Rions donc. Après tout, nous vivons dans le pays de Voltaire et de Maître Alcopilas, dans ce doux pays où il est admis, depuis longtemps, que « rire est le propre de l'homme ». Seulement, je vous en prie, ne rions pas d'un seul côté. La plaisanterie n'aura de saveur que si nous nous y mettons à plusieurs.

Et justement, sans trop chercher, je rencontre une merveilleuse occasion de nous divertir tous. Imaginez que, dimanche dernier, au Congrès fédéral de la Seine, nous nous sommes trouvés en présence d'un phénomène nouveau, quoique attendu : le surbolchevisme. D'excellents camarades, pavés évidemment des meilleures intentions, ont décidé tout à coup que notre motion, la motion du Comité de la IIIe, était insuffisante. Elle comportait quelques adoucissements à certaines conditions et s'efforçait de rallier quelques hésitants ou quelques entêtés dont la place est chez nous et non ailleurs. Vous pensez bien que nos intransigeants camarades n'allaient pas accepter, sans protestations, une mention semblable.

Ce qui leur fallait, c'était l'ensemble des conditions, sans en excepter une seule, sans en excepter surtout la condition visant l'exclusion de Longuet et de ses amis. Nos surbolchevistes ne voulaient rien savoir de Longuet. Longuet et ses amis, à la porte, et plus vite que ça ! Telle était leur formule. En vain, nous efforcions-nous de les amener à plus de tolérance. Rien à faire. Il leur fallait la tête de Longuet, la tête de Paul Faure et quelques autres têtes de turc supplémentaires.

Eh ! Bien ! après avoir sensiblement bataillé contre nous que font nos bons surbolchevistes ? Ils se présentent simplement au Populaire. Mais oui ! Dans les bureaux de ce Populaire qu'ils venaient de mettre à l'index et qu'ils boycottaient farouchement. Et ils demande Longuet, parfaitement ! Longuet ! Non plus seulement sa tête, mais son corps, ses jambes, toute sa personne, Longuet tout entier. Et la conversation s'engage. Je l'entends d'ici. - Nous sommes les surbolchevistes qui boycottons votre journal. - Ah ! c'est vous qui voulez nous tuer. Asseyez-vous donc. Vous êtes chez vous. - Nous sommes les surextrémistes qui réclamons votre exclusion. - Ah ! c'est vous qui voulez vous payer notre tête ! Chers amis ! Embrassons-nous ! Vous, au moins, vous êtes des purs. Ce n'est pas comme ces farceurs du Comité de la IIIe.

Et Longuet d'ouvrir toutes grandes les colonnes de son journal à ses nouveaux amis, ceux qui, précisément, veulent lui interdire le droit de le publier. Et Longuet d'accueillir, avec transport, ceux qui, justement, lui placent sur le cœur le pistolet de Zinoviev, brandissent un sabre sur sa tête et pointent un couteau sur sa gorge. Si, après ça, vous résistez au fou rire, c'est que vous êtes plongé immédiatement dans l'hypocondrie la plus noire et la plus tenace.

Autre chose. Nos social-périmés ne cessent d'affirmer que nous nous écartons de la saine et traditionnelle doctrine. Avec nos histoires de « dictature du prolétariat », de « violence », d'autoritarisme ; avec nos thèses, nos conditions, nos méthodes, nous tournons le dos au socialisme, au vrai socialisme, celui de Marx, celui de Guesde, celui de tous les socialistes qui ne sont pas « élémentaires ». Et j'avoue que ce reproche, mainte fois formulé, m'avait quelque peu troublé. Tellement troublé que j'ai voulu savoir ; j'ai fouillé de vieux textes, relu de vieilles déclarations pour voir comment et jusqu'à quel point nous rompions avec la tradition socialiste.

Et ce que j'ai retrouvé, je vous le donne ici. Oh ! pas tout ! Quelques échantillons seulement. Tenez, voici du Jules Guesde, du Guesde de derrière les fagots :

Ce n'est pas sur la question de la dynamite que nous nous séparons des anarchistes, prêts que nous sommes à employer, comme ces derniers, toutes les ressources que nous fournit la science pour notre œuvre d'affranchissement de l’humanité. Tous les moyens nous paraîtront bons, qui mèneront au but, c'est-à-dire à l'expropriation gouvernementale de la bourgeoisie en vue de son expropriation économique. Nous ne sommes pas pour rien les successeurs et les vengeurs des pétroleurs de 1871.

(Égalité, 5 novembre 1882.)

Et ceci, sur le suffrage universel :

Le suffrage universel, qui a sa place marquée dans une société égalitaire, n'est pas un moyen de réaliser cette société qui ne sortira que de la lutte.

Et en le représentant comme tel aux déshérités de l'ordre actuel, en le leur faisant accepter comme le salut, Ledru-Rollin a fait peut-être plus de mal à la classe ouvrière qu'avec la saignée qu'il pratiquait en juin, à coups de canon, sur les plus vaillants de ses membres.

(Égalité, 2 mars 1878.)

Rapprochez ces textes de la résolution du Congrès du Parti ouvrier de Roubaix, dont j'ai donné dernièrement un extrait, recommandant aux socialistes de prendre le pouvoir par la force, de supprimer le suffrage universel et d'exercer le pouvoir dictatorialement. Rapprochez-les de la fameuse formule de Karl Marx sur la « force accoucheuse des sociétés », si véhémentement commentée par Gabriel Deville.(Préface du Capital.) Rapprochez-les de la déclaration très nette apportée par Marx, lui-même. (Lettre sur le programme de Gotha), qui dit :

Entre la société capitaliste et la société communiste, se place la période de transformation révolutionnaire, le passage de l'une à l'autre. À cette période correspond aussi une période de transformation politique, dans laquelle l'État ne peut être que la dictature révolutionnaire du prolétariat.

Si après ses lectures, vous n'êtes pas convaincu que nous sommes en opposition complète avec la pensée de Marx, avec la pensée de Guesde, je vous demande ce qu'il vous faut. Vous n'avez plus qu'à prendre le dernier numéro de l'Information Ouvrière et y déguster ce délicieux petit couplet du camarade Merrheim sur Lénine :

Quand on me demanda à mon impression sur Lénine, je répondis : « c'est un guédiste, cent fois plus sectaire que tous les guédistes réunis, ce qui n'est pas peu dire, mais d'une intelligence dix fois supérieure à Guesde, avec cet autre avantage qu'il a voyagé dans le monde entier et parle ou comprend presque toutes les langues.

Hein ! Voilà maintenant que Moscou est devenu la Mecque guédiste. Mayéras, qui l'eût cru ? Paul Faure, qui l'eût dit ? Ça, pour le coup, c'est du « surmerleblanquisme ».

Et quand je vous affirmais que c'est à chacun son tour de rire !

Victor Meric.

 

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Résultats

5e section de la Seine. - Pour la IIIe Internationale 103 voix, pour la motion Longuet, 18 voix, pour la motion Blum, 32 voix.

Section de Montluçon. - Adhésion pure et simple, 14 voix ; adhésion avec réserves (Longuet, Paul Faure), 35 ; motion pour l'Unité internationale (Blum, Paoli), 88.

Section d'Ivry. - Motion de la IIIe Internationale, 108 voix ; motion Longuet, 22 ; 1 abstention.

Section de Saint-Étienne. - D'après une dépêche de Radio, la section s'est prononcée pour l'adhésion à la IIIe Internationale.

Section de Vaujours (S.-et-O.). - Unanimité pour la IIIe Internationale.

Section de Bagneux. - Motion Cachin-Frossard, 23 voix ; Longuet, Paul Faure, 9 voix ; 1 abstention.

Section de Corbeil. - Motion Cachin-Frossard, 94 voix ; motion Longuet, Paul Faure, 7 voix ; motion Blum-Bracke, 2 voix.

 

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Réplique au « Pop​ulaire »

Le Populaire prétend nous « répondre ». En réalité, il ne fait que se répéter. « Il est possible », dit-il, que l'appel de Zinoviev ne nous ait été remis que la veille du jour où nous l'avons publié. « Mais cet étrange document, rédigé le 23 octobre à Berlin, était arrivé depuis longtemps à Paris. Si on ne l'avait pas publié jusqu'ici, c'est qu'on en avait honte et qu'on jugeait dangereuses sa publication. On ne s'est décidé à le donner à L’Humanité que lorsque qu'on n'a pas pu faire autrement. »

Allégations érronées ! Le texte anglais du manifeste de Zinoviev, télégraphié de Moscou à Londres le 4 novembre, nous est parvenu dans l'après-midi du 17 à Paris. Quant au texte russe, daté de Berlin 23 octobre, il est parvenu aux citoyen Varine le 16 novembre ; il a été remis par Varine au citoyen Dunois et à la citoyenne Leiciague le lendemain 17 novembre. La publication en a eu lieu dans les vingt-quatre heures.

Le Populaire affirme que nos « procédés d'information étonnent chaque jour davantage les militants socialistes ». Mais que dire des procédés de polémique du Populaire ?

 

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Le​ meeting de la salle Wagram

Le syndicat des métaux, celui de la construction métallique et serrurerie, ainsi que celui de la maçonnerie-pierre font un pressant appel auprès de leurs adhérents pour qu'ils assistent en masse au meeting organisé en faveur de la Révolution russe, organisé par l'Union des syndicats de la Seine, le Parti socialiste et la Ligue des Droits de l'Homme pour dimanche, à la salle Wagram.

Signalons que M. Guernut, qui devait y prendre la parole, sera remplacé par M. Ferdinand Buisson.

 

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Le « Bulletin Communiste »

Le n° 41-42 du Bulletin Communiste (32 pages) vient de paraître. Nous relevons au sommaire : Le discours prononcé par Lénine, à l'occasion du premier anniversaire de la fondation de la IIIe Internationale. - Un article de Varine : Le 3e anniversaire de la République des soviets. - Une étude de Zinoviev : Qu'est-ce que l'impérialisme ? - Des pages de documentation sur les Universités ouvrières et paysannes de Russie. - John Reed, par Varine. - Un appel aux travailleurs. - Une chronique internationale, etc.

Ce numéro contient également un superbe portrait de Lénine.

Le numéro : 50 centimes. En vente à la librairie de L’Humanité.

Abonnements : 3 mois, 7 fr. ; 6 mois, 14 fr. ; 1 an, 28 francs.

Envoie gratuit d'un numéro spécimen sur demande adressée à René Reynaud, 123, rue Montmartre.

 

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Les cheminots et le complot

Le Conseil fédéral se solidarise avec les inculpés

Hier, à la Bourse du travail s'est tenu un conseil fédéral des cheminots.

L'objet de la réunion portait sur les décisions qu'il convient de prendre au sujet de l'application du statut du personnel et des échelles de traitement. On sait que le statut qu'on veut appliquer aux cheminots est plus désavantageux que l'ancien, en ce qui concerne, notamment, les congés, les maladies, les gratifications.

Au début de la séance, le conseil fédéral a décidé d'envoyer au juge Jousselin la lettre suivante :

Monsieur Jousselin, juge d'instruction,

Le Conseil fédéral, réuni le vendredi 19 novembre, après avoir entendu l'exposé des accusations portées par le juge d'instruction contre nos camarades cheminots impliqués dans le complot, déclare :

Que la grève des cheminots a bien été décidé en Congrès, les 22, 23,24 et 25 avril 1920.

Que les camarades poursuivis n'ont fait qu'appliquer les décisions de ce Congrès. L'opportunité de la date et les rapports entre les différents organismes syndicaux étant du domaine syndical, n'ayant rien d'illégal, ne relève pas de la justice.

Affirme que la grève déclenchée sur les questions de la nationalisation et du respect des engagements pris lors de la grève de février est resté sur ce terrain.

Les camarades poursuivis ont affirmé pendant toute la durée de la grève leur volonté de ne pas sortir de ce cadre, qui leur avait été tracé par le Congrès.

Certains documents dont l'accusation fait état n'ont pas un caractère collectif, et rien dans l'action de grève menée par nos camarades ne peut l'autoriser à les impliquer dans un prétendu complot étayé sur ces documents.

Le Conseil fédéral approuve et fait sien l'ordre du jour voté par la Commission exécutive de la Fédération des cheminots le 12 novembre 1920.

Cette lettre fut signée par tous les membres du Conseil fédéral « non impliqués dans le prétendu complot ».

Bien qu'aucun communiqué n'ait été rédigé, nous avons pu savoir que le conseil fédéral a vivement protesté contre l'application arbitraire du statut, ainsi que contre l'application restrictive des échelles de traitements, non ratifiées par les commissions paritaires, et qui sont actuellement pour les compagnies une occasion de favoritisme, contrairement au droit, qui doit être égal pour tous.

Le Conseil a également étudié les questions de réintégrations et des brimades exercées depuis la grève de mai.

Il a manifesté son désir de causer avec le gouvernement, mais à la condition que les délégués des travailleurs ne soient pas choisis par le ministre des travaux publics.

Enfin, le Conseil fédéral a renouvelé sa confiance à sa commission exécutive.

 

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Un Congrès extr​aordinaire des Communistes allemands

Berlin, 19 novembre. - Le Comité central du Parti communiste et le Comité du Parti néo-communiste convoquent, pour le 3 décembre, un Congrès extraordinaire qui consacrera la fusion des deux partis, communiste et néo-communiste, en une section allemande de la IIIe Internationale.

 

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Le bilan rouge de la Hongrie

Londres, 19 novembre. - (Par téléphone de notre correspondant particulier.) - On annonce que le nombre des poursuites engagées par le gouvernement de Horthy contre les communistes s'élève à 28 419. 1 313 personnes ont été jugées par un tribunal extraordinaire et 1 028 par une cour criminelle.

37 socialistes ont été condamnés à mort et pendus à Budapest.

1 128 condamnations à l'emprisonnement ont été prononcées pour délit politique et 12 862 poursuites ont été abandonnées.

Ces chiffres ne s'appliquent qu'à Budapest. Il resterait actuellement dans les prisons de Budapest 15 557 prisonniers politiques qui n'ont pas été jugés.

 

 

Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du samedi 20 novembre 1920

- « Avant le Congrès - Sabres, Couteaux et Pistolets ! », de Clément Méric

- résultats de sections

- réplique de L’Humanité au Populaire sur la publication tardive du texte de Zinoviev (suite)

- meeting dimanche salle Wagram en faveur de la Révolution russe

- le « Bulletin Communiste », et son « superbe portrait de Lénine »

- « les cheminots et le complot : le Conseil fédéral se solidarise avec les inculpés » [lettre au juge d’instruction Jousselin, à propos des grévistes d’avril]

- convocation le 3 décembre d’un Congrès extraordinaire pour la fusion des communistes et néo-communistes allemand

- « le bilan rouge de la Hongrie », avec la répression des communistes par le gouvernement de Horthy

le 19 novembre 2020

 
 

Il y a cent ans : L'Humanité au jour le jour

 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)