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Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du mercredi 1er décembre 1920

L'Humanité, journal socialiste quotidien

À partir du site internet Gallica, de la Bibliothèque nationale de France

 

L'Humanité du mercredi 1er décembre 1920

 
 

Raymond Lefebvre, Verg​eat et Lepetit sont morts tragiquement au service de la Révolution sociale

Une tragique nouvelle nous est parvenue dans la soirée d'hier. À vrai dire, nous l'attendions et nous y avions l'âme prête. Depuis trois ou quatre semaines, on ne s'abordait plus, de camarade à camarade, quand se demandant l'un à l'autre : « A-t-on appris quelque chose ? Va-t-on bientôt être fixé ? » Et l'autre répondait : « Rien encore ; on attend ! »

Et, tout à coup, hier, la nouvelle a surgi, brutale, affreuse, atroce : ils sont morts. Raymond Lefebvre, Marcel Ver[g]eat et Lepetit sont morts. Ils ont péri en mer, et nul ne saura jamais l'heure ni le lieu où s'est consommé sinistrement l'irréparable.

Ils sont morts en soldats de la Révolution universelle, tandis que, revenant du Congrès de Moscou, ils forçaient, pour regagner la France, le blocus infernal où les malfaiteurs de l'Entente enferme la Russie… Leurs yeux se sont fermés loin de ceux que leurs cœurs aimaient, et vers ceux-là vont aujourd'hui les condoléances douloureuses, cependant que notre colère monte vers les gouvernements assassins.

Lefebvre, Ver[g]eat, Lepetit !… Ils étaient allés à Moscou, comme les trois mages vers l'étable divine… Ils avaient pris part aux délibérations de l'Internationale communiste. Qu'ils étaient différents, tous les trois, et pourtant qu'ils se ressemblaient ! Raymond Lefebvre était la suprême fleur d'une longue et vieille lignée bourgeoise ; tout lui souriait dans la vie et, sans la guerre, sans doute eût-il répondu à tous ces sourires : il y avait en lui tant de charme et de grâce !… Mais la guerre l'avait jeté brusquement hors de sa ligne héréditaire. L'horreur de la gigantesque hécatombe avait ouvert en lui et son monde un abîme que rien ne pouvait plus combler. Et il s'était donné à nous comme se donnent ceux qui sont purs, entièrement, définitivement. Hélas ! il n'a fait que passer parmi nous, laissant à ceux qui l'ont connu le souvenir mélancolique et doux de ce qu'il a été et le regret toujours saignant de ce qu'il serait devenu !

Ver[g]eat et Lepetit étaient des ouvriers, l'un mécanicien et l'autre terrassier. Ah ! quelle est belle la cause qui peut unir dans la vie et jusque dans la mort un poète, un mécanicien et un terrassier, la cause devant quoi tous les hommes sont égaux, ayant l'égalité plus qu'humaine de l'héroïsme et de la foi ! Ver[g]eat et Lepetit étaient allés à Moscou au nom de la minorité révolutionnaire de la Confédération Générale du Travail. Mais aller à Moscou, c'est risquer sa vie. On va à Washington - et on n'en revient ! - bien plus confortablement ! Verjeat et Lepetit ont joué leur vie et ils l'on perdue. Puisse le prolétariat ne l'oublier jamais !

Puisse-t-il ne pas oublier non plus qu'un journal, soi-disant ouvrier, a pu, la semaine dernière, tourner en dérision nos transes et bafouer l'ignorance angoissée où nous étions du sort de nos amis ! Si les faux prolétaires qui rédigent l'Atelier pouvaient encore garder, sous la cendre de leurs reniements multiples, quelque étincelle de leur conscience d'autrefois, comme je les plaindrais à cette heure !

Amédée Dunois.

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Un premier télégramme de Stroem

Un certain nombre de télégrammes avaient été échangés, depuis une dizaine de jours, entre l’Humanité et le camarade Stroem, délégué à Stockholm de la République des Soviets. Aux questions qui lui étaient posées sur le sort de nos infortunés amis, Stroem avait jusque-là répondu qu'il faisait accomplir des recherches actives.

Lundi soir, nous recevions le nouveau télégramme suivant :

Stockholm, 29 novembre, 13h40. - Nous avons fait les recherches les plus minutieuses en Norvège septentrionale. De Vardoe, nous avons reçu la suivante dépêche qui nous a causé les plus vifs regrets :

Vardoe, 25 novembre. - Les camarades français ont vraisemblablement péri le 1er octobre, sur le chemin entre Va[l]daguva et Vardoe. En tout cas, ils ne sont jamais arrivés à Vardoe. Avons télégraphié à Mourmansk pour réclamer de nouvelles recherches. Le camarade Bodin est parti pour Mourmansk depuis une semaine pour faire des investigations. Il sera de retour dans quelques jours. De plus détaillées nouvelles seront envoyées alors.

Le secrétaire du parti ouvrier norvégien m'a averti que les délégués tchécoslovaques arrivés du congrès à Vardoe, au commencement d'octobre, ont fait savoir que les camarades français, quelques jours avant le départ des Tchèques, ont loué un petit bateau à voiles et sont partis pour Vardoe. Mais ils ne sont jamais arrivés là-bas. Les Tchèques et un camarade américain qui ont fait le même trajet et n'ont pas vu les camarades français. Ou les gardes blanches finlandaises les ont faits prisonniers, ou, ce qui semble vraisemblable, ils ont été sujets à un accident malheureux pendant leur voyage.

Les investigations seront poursuivies et nous n'avons pas encore perdu tout espoir. - Stroem

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La fatale nouvelle

Nous non plus, n'avions pas perdu tout espoir, encore que ce qui nous en restât fut bien faible. Nous attendions dans l'angoisse les nouvelles qui nous étaient promises. Notre attente a été de courte durée. Hier soir, nous avons reçu le télégramme fatal :

Stockholm, 30 novembre. - J'ai le devoir douloureux de vous avertir que nous avons aujourd'hui reçu des télégrammes de Vardoe et de Mourmansk confirmant que les trois camarades français Lefebvre, Lepetit et Verjeat ont péri environ le 1er octobre, en route entre Vaida-Gouba et Vardoe. L'expédition d'investigation et de sauvetage m'a envoyé un rapport détaillé par poste que je vous enverrai immédiatement après réception.

La Russie révolutionnaire pleure la mort des trois vaillant camarades. Ils ont donné leur vie pour leur et notre grande et sainte cause commune. Ils sont tombés à leur poste dans la lutte pour la Révolution mondiale. Leur mort nouera les liens entre la France révolutionnaire et la Russie révolutionnaire plus fermement que jamais. La mémoire de Lefebvre, Lepetit et Vergeat vivra pour jamais au cœur du prolétariat. - Le Consulat soviétiste.

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Les condoléances des communistes suédois

De son côté, notre camarade Hogland, le militant le plus en vue du Parti socialiste suédois de gauche, nous a adressé dans le télégramme que voici, les condoléances émues des communistes suédois :

Stockholm, 30 novembre. - La confirmation de la mort des camarades Lefebvre, Lepetit et Vergeat nous a profondément affligés. Ils ont fait comme délégués de la vaillante classe ouvrière française le dangereux voyage à Moscou pour tenir conseil sur la lutte émancipatrice du prolétariat mondial. Par leur mort, ils ont démontré tout leur dévouement pour leur idéal. La classe ouvrière révolutionnaire de Suède envoie aux parents des morts et au prolétariat français ses sentiments de la sympathie la plus sincère pour leur deuil douloureux. Gloire au héros tombés ! - Le Parti socialiste de gauche de Suède (Section de l'Internationale communiste).

 

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La gauche ​socialiste d'Autriche fusionne avec les communistes

Vienne, 30 novembre. - Dimanche a eu lieu la conférence de fondation du parti ouvrier socialiste d'Autriche allemande (gauche) auquel participèrent 152 délégué de Vienne et de province. Parmi les invités, on remarquait le représentant des indépendants de gauche allemands Stoecker.

Dans son discours, Stoecker a exposé le point de vue des indépendants de gauche d'Allemagne à l'égard de la IIIe internationale.

Le Dr Frey proposa de ratifier la décision du 12 septembre tendant à la création d'un parti autonome, de se prononcer en faveur de l'affiliation à la IIIe internationale et de charger le Comité d'entrer en relation avec le parti communiste d'Autriche en vue d'une fusion. C'est propositions ont été adoptées. Pour terminer, le Comité directeur du Parti à été élu.

 

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Pour les victimes de la terreur hongroise

L'Internationale communiste des Jeunes lance l'appel suivant :

Des nouvelles épouvantables viennent de Hongrie. Il y a des milliers de communistes et de socialistes, des hommes, des femmes, des jeunes gens et même des enfants, qui se meurent encore aujourd'hui dans des camps de concentration et derrière des murs de prison. Des centaines sont déjà morts, des centaines sont pendus et fusillés. Les souffrances des prisonniers sont connues au monde entier. En vain l'Internationale syndicale et les millions des ouvriers qui y adhèrent ont essayé par le boycottage de la Hongrie de Horthy de délivrer les prisonniers et de sauver ces malheureux. Les souffrances ont augmenté, la misère est plus grande que jamais. Ceux qui vivent encore doivent s'attendre à des tortures affreuses. L'hiver bientôt commençant rendra leurs peines indicibles. Ils manquent de nourriture suffisante, mais avant tout de linge et de vêtements chauds.

Ému par le cri de ces victimes, le Comité exécutif de l'Internationale communiste des jeunes a résolu de préparer une action de secours pour les prisonniers. Dans tous les pays on doit - à l'aide des partis communistes et des organisations des Jeunesses - faire des quêtes de linge, de vêtements chauds et d'argent pour acheter les objets indispensables pour les prisonniers. Mais cette action ne peut et ne doit pas intéresser seulement les organisations communistes et socialistes. C'est plus qu'une affaire de parti : cet appel doit être entendu de tout le monde, de l’humanité. Nous suivons l'invitation de l'Internationale des Jeunes et nous adressons notre appel à toutes les femmes et à tous les hommes sans distinction de parti et de nationalité, hommes et femmes !

Fondez dans tous les pays et en tous lieux des comités qui s'occupent de faire une quête de linge, de vêtements et d'argent pour en acheter ce qui est nécessaire.

Renforcez la voix de notre appel en y apposant votre nom. Faites tout pour secourir au plus vite ces malheureux qui souffrent de froid et de faim dans les prisons hongroises.

Berlin, novembre 1920.

Ont signé cet appel : Maxime Gorki (Russie) ; Max Barthel, Brune Schouland, Alexander Moissi, Katne Kollwitz (Allemagne) ; Henriette Roland-Holst (Hollande) ; Henri Barbusse (France) ; Bernard Shaw (Angleterre) ; Martin Andersen-Noxo (Danemark) ; Ture Nerman (Suède) ; Arvid G. Hansen (Norvège).

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[…]

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Horthy renforce la répression

Londres, 30 novembre. - (Par téléphone de notre correspondant particulier.) - Suivant une information de Budapest, la Commission judiciaire de l'assemblée nationale hongroise a voté un projet de loi stipulant que toute personne qui portera préjudice au bon renom de la Hongrie sera condamnée à cinq ans de prison et à une amende de cent mille couronnes. S'il en résulte une action étrangère contre la Hongrie, comme par exemple le boycottage par les syndicats internationaux, le coupable sera condamné aux travaux forcés à perpétuité. S'il est étranger, il sera expulsé.

Le projet de loi viendra en discussion devant l'assemblée nationale au début de décembre. Cette loi s'applique également aux correspondants de journaux étrangers qui seront expulsés si les informations ne sont pas favorables au gouvernement de Horthy.

 

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Le chômage chez les terrassiers

Une lettre ouverte de Barthes au Préfet de la Seine

Nos camarades terrassiers souffrent du chômage. Au dire des entrepreneurs, c'est l'administration préfectorale qui est responsable de cet état de choses. C'est pourquoi notre ami, Louis Barthes, secrétaire du syndicat des terrassiers, adresse au Préfet la lettre que voici :

Monsieur le Préfet,

Devant la situation créée aux ouvriers terrassiers du département de la Seine ; devant le chômage voulu, imposé par MM. les patrons des travaux publics, je prends la liberté de vous poser cette question : « Que comptez-vous faire ? »

Certains entrepreneurs - et non des moindres - nous déclarent que la responsabilité du chômage incombe à une administration incapable, dont le mauvais vouloir est évident et qui n'essaie en aucune façon de trouver les moyens de renouer de dénouer la crise. Cette administration est la vôtre, M. le préfet :

Que conclure de cela ? Manque de fonds, me direz-vous, pour continuer les travaux en cours ou activer la démolition des fortifs et la réfection des égouts.

Je vous réponds : C'est faux !

Quand on trouve le moyen de dépenser des millions en beuveries ou en illuminations pour recevoir un quelconque Millerand, ou pour fêter le souvenir du crime qui s'appelle la guerre, on peut bien trouver les moyens financiers pour pouvoir ouvrir des travaux et occuper la main-d'œuvre qui est sur le pavé, ce qui permettrait aux ouvriers de vivre et faire vivre leur famille.

J'espère, M. le préfet, que vous réfléchirez sur la question posée et que vous ferez diligence à la solutionner, ou alors nous serons dans l'obligation d'employer les moyens dont nous disposons pour avertir l'opinion publique de l'incurie et du gâchis qui existent dans votre administration.

Croyez, M. le préfet, à mes salutations distinguées.

Louis Barthes, secrétaire des terrassiers de la Seine.

 

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Dans la t​errasse

Les camarades terrassiers réunis dimanche dernier à la Grange-aux-Belles, après avoir entendu l'exposé de la situation sur les chantiers fait par ces militants de l'organisation, ont décidé de continuer la propagande et l'action dans les chantiers pour acquérir de meilleures conditions de vie. Ils protestent contre l'incurie des pouvoirs publics, complices des gros manitous de la terrasse, qui organisent, de parti pris, le chômage pour essayer de briser les énergies des compagnons terrassiers. Ils répondront présents à l'appel du syndicat au moment voulu pour se dresser contre les responsables de la situation actuelle.

Les terrassiers ont voté la somme de 1 000 fr. pour les enfants de Hongrie et ont donné leur adhésion au Comité s'occupant de cette propagande et approuvé l'action des Comités syndicalistes révolutionnaires.

Une collecte pour l'Entr'aide a produit la somme de 249 fr. 50.

 

Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du mercredi 1er décembre 1920

- « Raymond Lefebvre, Vergeat et Lepetit sont morts tragiquement au service de la Révolution sociale », par Amédée Dunois, après leur naufrage aux environs du 1er octobre, sur le chemin du retour du Congrès de Moscou [avec une attaque contre le journal l’Atelier]

- « la gauche socialiste d’Autriche fusionne avec les communistes »

- « pour les victimes de la terreur hongroise », appel de l’Internationale communiste des Jeunes, signé entre autres par Henri Barbusse

- « Horthy renforce la répression » en Hongrie

- « le chômage chez les terrassiers : une lettre ouverte de Barthes [secrétaire du syndicat des terrassiers] au préfet de la Seine »

- réunion à la Grange-aux-Belles sur la situation « dans la terrasse » le dimanche précédent

le 30 November 2020

 
 

Il y a cent ans : L'Humanité au jour le jour

 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)