Fédération de l'Oise

Fédération de l'Oise
Accueil
 
 

Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du samedi 25 décembre 1920

L'Humanité, journal socialiste quotidien

À partir du site internet Gallica, de la Bibliothèque nationale de France

 

L'Humanité du samedi 25 décembre 1920

 

 

Noël socialiste - par Marcel Cachin

Le Congrès National du Parti

s'ouvre à Tours aujourd'hui

Aujourd'hui va s'ouvrir à Tours le Congrès du Parti. Chacun des socialistes français sait l'importance capitale des décisions qui en doivent sortir, et nul ne peut les attendre sans l'émotion la plus vive.

Cette réunion se tiendra au milieu des événements d'ordre intérieur et extérieur les plus troubles et les plus angoissants. Une seule préoccupation peux retenir désormais les délégués qui vont avoir la lourde charge d'indiquer son orientation au socialisme de notre pays : il s'agit de mettre le Parti de la classe ouvrière en état de faire victorieusement face aux éventualités graves qui l'attendent en un avenir proche.

Le Congrès de Tours est annoncé depuis près de cinq mois. Depuis le début d'août son programme est discuté avec passion, avec fièvre dans tous nos journaux et même dans ceux de la bourgeoisie. Les fédérations du Parti, les sections les plus reculées des villes et des champs ont été appelées à en connaître, à fixer leur libre choix entre les diverses motions opposées.

Jamais, dans le passé, au temps même des conflits d'idées les plus violents entre socialistes, procédure plus vraiment démocratique ne fut employée. Chacun des militants, sans en excepter un seul, a pu avoir connaissance des textes, des thèses, des conditions, des arguments pour et contre l'adhésion à Moscou ; chacun sait clairement les conséquences qui suivront cette décision.

Après un débat d'une ampleur inusitée, poursuivi durant de longues semaines dans la presse, dans les meetings, dans les réunions de groupes, dans les congrès fédéraux, on peut affirmer que le maximum de garantie a été donné au Parti pour arrêter sa décision.

Ses délégués vont parler.

Quelle que soit la résolution qu'ils s'apprêtent à voter, ils représentent seuls le socialisme français dont ils tiennent en mains la destinée. Lorsqu'ils auront rendu en toute indépendance un verdict aussi longuement mûri, la décision de Tours représentera la volonté véritable du prolétariat français organisé politiquement ; elle deviendra la règle qui, du plus petit au plus grand, s'imposera à chacun des militants du pays.

Marcel Cachin.

 

--

 

Avant l'ouvert​ure

Tours, 24 décembre. - (D'un de nos envoyés spéciaux). - Quand je suis arrivé hier, à Tours, la vaste salle du manège où doivent se tenir, pendant six jours, nos assises nationales, se présentaient sous les aspects d'un grand hall nu au mobilier sommaire, aux murs froids. Des menuisiers installaient la tribune, des tapissiers achevaient la décoration, des électriciens suppléaient par une installation de fortune à l'insuffisance de l'éclairage représenté par quelques becs de gaz seulement, aidés par nos camarades de Tours et surtout par le dévoué secrétaire fédéral Brigot.

Aujourd'hui, grâce a l'effort de tous, ce vaisseau nu s'est transformé en une salle de Congrès confortablement agencée, agréable, coquette même.

De larges tapisseries rouges lui donnent l'aspect traditionnel de nos assemblées. Des guirlandes fleuries courent le long des tribunes garnies de multiples lampes électriques.

Au fond, la tribune est prête pour les débats oratoires, ornée des drapeaux des sections locales et surplombée par l'effigie trois fois répétée de notre grand disparu. Rien ne manque pour que les travaux du Congrès puissent se dérouler avec ordre et calme. À côté de la salle des séances un vaste hangar abritera le service postal, télégraphique et téléphonique, donnant ainsi aux délégués et à la presse le maximum de commodités.

Nos camarades d'Indre-et-Loire ont droit à nos félicitations pour ce tour de force que leur activité a réalisé. Le Congrès, grâce à eux, aura un local digne de lui.

De nombreux délégués sont déjà arrivés aujourd'hui, surtout des secrétaires de fédérations venus pour assister à la Conférence spéciale qui s'est tenue cet après-midi dans la salle du Congrès, sous la présidence de Salengro, secrétaire de la Fédération du Nord. Divers points de vue ont été échangés touchant surtout l'organisation de la propagande et l'utilisation, pour cette besogne, du groupe parlementaire. Les questions reviendront du reste devant le Congrès.

Ce soir, les diverses tendances se réunissent dans des salles différentes pour se concerter en vue du grand débat qui s'ouvre demain et sur lequel est fixée toute l'attention de la France socialiste. La séance doit s'ouvrir à 9 heures, mais elle sera consacrée, de 9 à 11, à la distribution aux délégués de leurs cartes. La discussion ne commencera donc en réalité que l'après-midi. D'après l'ordre du jour, le Congrès discutera d'abord le rapport du secrétariat qui constate les progrès magnifiques du Parti, qui est passé de 130 000 membres, l'an dernier, à 180 000, ce qui permet de bien préjuger de l'avenir. - Ch. Lussy.

 

--

 

Avant le Congrès

Pour les nationalisations industrialisées

Le citoyen B. Montagnon, du Conseil Économique du Travail, nous a adressé l'article suivant qui constitue une réponse à celui que nous avons publié récemment sous la signature de notre camarade L. Lauant.

Le citoyen Launat a publié dans l'Humanité, il y a quelques jours, un article attaquant les « nationalisations industrialisées ». Qu'on me permette d'y répondre brièvement :

1° Les « nationalisations industrialisées » ne sont qu'une partie d'un ensemble de questions qu'on peut appeler « le contrôle ouvrier ».

2° La C.G.T. et le Conseil économique du Travail n'en ont publié que le cadre supérieur, conseil central et conseils régionaux. Ils étudient, en accord avec les fédérations intéressées, les « conseils » syndicaux qui, à la base et à tous les échelons, devront assurer le contrôle des travailleurs manuels et techniciens. Pour les chemins de fer en particulier, ces conseils seront établis aux gares, aux postes d'aiguillage, aux dépôts, aux ateliers de réparation, etc.

3° Le projet soutenu au Parlement par le groupe socialiste, en ce qui concerne les chemins de fer, n'est qu'une adaptation parlementaire du projet de la C.G.T.

Mais c'est sur les indications des militants cheminots - majoritaires et minoritaires - que les clauses financières que critique Launat ont été introduites.

4° Lorsque je discutais personnellement de l'avant-projet avec Levêque, Sirolle, Sigrand et d'autres camarades minoritaires, ils me faisaient valoir eux-mêmes les deux raisons suivantes :

a) raison de tactique : beaucoup de nos syndiqués sont eux-mêmes actionnaires ou obligataires ; d'autres part, beaucoup parmi les gens susceptibles d'aider notre propagande syndicale dans le voisinage des gares sont aussi porteurs de valeurs de chemins de fer. Nous ne devons pas les rejeter dans les bras de nos adversaires ; et nous devons leur garantir l'intérêt de leur argent - dans la mesure des conventions bien entendu.

b) il serait injuste autant que maladroit de demander l'expropriation des capitalistes des chemins de fer seulement. Tous les capitalistes doivent être expropriés. On ne fait pas cela par tranches. C'est d'ailleurs une question de force et de moment. Réservons donc simplement l'avenir ; et laissons entière - et volontairement - la question d'expropriation.

Le C.E.T. s'est rallié à ce point de vue.

5° Pendant le congrès des cheminots, après la victoire des minoritaires, le conseil fédéral s'est réuni à la Bourse du Travail pour examiner le projet.

Lapierre, pour la C.G.T., et moi-même pour le C.E.T., avons été appelés pour donner notre avis. Après discussion et à l'unanimité, le Conseil fédéral a accepté les principes que Launat condamne.

6° Toute la grande grève de mai s'est faite sur cette question, et il y a quelque ironie à le rappeler aux socialistes de la Seine.

7° Si aujourd'hui la classe ouvrière prenait le pouvoir politique, elle aurait tout contre elle ; elle manquerait d'armes pour résister aux réactions possibles.

Si, au contraire, les nationalisations des grands services publics étaient réalisées, la classe ouvrière en prenant le pouvoir politique, tiendrait en même temps un pouvoir économique immense.

De suite, elle pourrait contenir la petite industrie non concentrée, et la classe paysanne hostile.

8° Tous les militants des chemins de fer et des mines savent que la nationalisation constitue un excellent terrain pour la propagande extra-corporative.

Et je défie quiconque a lu l'exposé des motifs du projet du C.E.T. sur les chemins de fer de dire qu'il y a pas là une arme magnifique pour l'action syndicale et socialiste.

9° Les nationalisations sont à l'ordre du jour dans tous les pays. Ce n'est pas par hasard. Cette idée correspond au moment économique présent. Et dans tous les pays, sans entente préalable, les mêmes solutions sont présentées. Je signale en particulier l'avis des indépendants d'Allemagne à la Commission de socialisation des mines. Leur projet procède du même esprit que celui du C.E.T.

10° L'impression des socialistes qui travaillent au C.E.T. est que le Parti ne se préoccupe pas assez des problèmes économiques qui se poseront après la Révolution. Ils lui rappellent que les bolchevistes regrettent aujourd'hui encore « de ne pas avoir de plans, schémas, instructions ». Ils prennent pour un avertissement ce cri de Lénine, 15 mois après son avènement au pouvoir :

« Je donnerais un pot-de-vin de un demi-milliard, au capitaliste qui nous enseignera l'art d'organiser la production. » - (La Commune du Nord.)

B. Montagnon.

 

--

 

Autour de l'unité en Seine-et​-Oise

Il est un fait démontré par notre Congrès fédéral, que ceux qui se proclament le plus unitaire sont ceux qui rendent le plus l'unité impossible. Un grand effort avait été fait dans notre Fédération par les membres du comité de la IIIe internationale, effort sincère et raisonné.

Nous étions, certes, tous d'accord pour maintenir notre intransigeance de principes, pour considérer notre motion, commune avec les reconstructeurs dissidents, comme le maximum des concessions possibles, pour déclarer qu'une unité englobant la droite ne pouvait être que factice et nuisible même.

Mais nous disions aussi, que parmi nos adversaires, ceux-ci pris individuellement, il y en avait que leur passé révolutionnaire devait entraîner vers nous. Notre devoir d'unitaires quand même, était de faciliter leur entrée dans nos rangs sont blesser leur amour-propre.

Lorsqu'au Congrès de dimanche dernier, au Pré-Saint-Gervais, une déclaration en ce sens fut faite, nous savions que certaines petites sections isolées dans la campagne étaient insuffisamment touchées par nos arguments, que l'influence d'un chef ou du seul de leurs membres qui ont contact avec Paris, rendrait indispensables certaines précisions et certaines explications devant tous les délégués présents.

Notre formule était simple. Avec netteté elle exprimait notre désir d'adhésion sans réserve, notre décision formelle de nous en tenir exclusivement au texte de notre motion, sans y rien changer. Elle indiquait, de plus, que le vote de certaines fédérations rendait également nécessaire une explication franche à Tours et que cette explication seule devait réaliser la seule unité possible.

Nous pensions, sans abandonner notre point de vue, grouper ainsi autour d'un même idéal, tous ceux qui demain seront appelés à faire le même travail de préparation révolutionnaire.

Hélas ! nous avions compté sans la tactique politique, l'unité cherchée par nos adversaires de tendance ne leur semblait désirable qu'au prix de la rupture de notre propre unité.

Un journal régional, dont le directeur-propriétaire est adhérents au Parti, publia une déclaration d'unité totale soi-disant émanant de membres du Comité 3e et de reconstructeurs.

Le Congrès demanda les noms et ne put les obtenir. Sans la déclaration formelle et restée sans démenti, de nos amis, le doute se faisait sur la sincérité de nouveaux adhérents.

Le moyen classique d'opposer entre eux les membres de notre comité fut essayé. Notre geste loyal était ainsi déformé, nous n'avions plus qu'une attitude à prendre, retirer notre déclaration. L'unité nous la voulions. Les 85 % des voix acquises à notre tendance, dans une fédération mi-parisienne mi-rurale pouvaient nous suffire. L'unité était faite.

Nos délégués à Tours irons voter notre motion, fermement décidés à s'en tenir à son texte intégral. Ils écouteront les explications de nos camarades centristes, ils ne sont pas a priori adversaires de [toute] entente, mais s'inspirant des débats de leur propre Congrès ils sauront éviter les malentendus. Si les actes du Pré-Saint-Gervais se reproduisent à Tours, ils rejetteront sur leurs adversaires la responsabilité de la rupture et fidèles à leur programme resteront intransigeants sur son application.

René Bureau.

 

--

 

La « Rote Fahne » et « L'Internationale » f​usionnent

Berlin, 24 décembre. - La Rote Fahne, organe du parti communiste allemand, et l'Internationale, organe des néo-communistes, vont fusionner à partir du 1er janvier.

Le nouvel organe, qui conservera le nom de Rote Fahne et paraîtra deux fois par jour, sera le journal du parti communiste unifié. - (Radio.)

 

 

- « Noël socialiste. Le Congrès National du Parti s’ouvre à Tours aujourd’hui », par Marcel Cachin [la décision de Tours représentera la volonté véritable du prolétariat français organisé politiquement ; elle deviendra la règle qui, du plus petit au plus grand, s'imposera à chacun des militants du pays.]

- « avant l’ouverture » [grâce a l'effort de tous, ce vaisseau nu s'est transformé en une salle de Congrès confortablement agencée, agréable, coquette même.]

- « avant le Congrès - pour les nationalisations industrialisées », réponse de B. Montagnon, membre du C.E.T., au texte de Launat dans l’Huma le 13 décembre et à la position prise par le Congrès de la Fédération de la Seine contre le système de la « nationalisation industrialisée » préconisé par le conseil économique du travail de la C.G.T.

- « autour de l’unité en Seine-et-Oise » [Il est un fait démontré par notre Congrès fédéral, que ceux qui se proclament le plus unitaire sont ceux qui rendent le plus l'unité impossible.]

- « la ‘Rote Fahne’ et ‘l’Internationale’ fusionnent », respectivement organe du Parti communiste et celui des néo-communistes allemands »

 

 

le 23 December 2020

 
 

Il y a cent ans : L'Humanité au jour le jour

 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)