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Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du vendredi 17 décembre 1920

L'Humanité, journal socialiste quotidien

À partir du site internet Gallica, de la Bibliothèque nationale de France

 

L'Humanité du vendredi 17 décembre 1920

 

 

Avant le Congrès Nation​al

Comité de la IIIe internationale

Réunion de la Commission exécutive, aujourd'hui à 20h30, rue de Bretagne, 49.

Présence indispensable. - René Reynaud.

Les reconstructeurs démissionnaires sont instamment priés d'assister à cette réunion. - Daniel Renoult.

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Une résolution du « Comité de résistance socialiste »

La Commission d'action, mandatée par le Comité de résistance socialiste, s'est réunie le 15 décembre après-midi pour examiner les résultats de la conférence internationale de Berne.

Elle a reconnu que les conclusions auxquelles est arrivée cette conférence concorde avec le but que doivent se proposer tous ceux qui sont fermement résolus à reconstituer une véritable Internationale socialiste.

Elle remarque en effet que la réunion nécessaire des éléments socialistes de tous les pays trouvera son naturel point de départ dans la conférence internationale convoquée à Vienne pour le 22 février prochain.

Elle note que c'est là, pour le Parti socialiste de France, l'occasion de suivre la méthode décidée par le congrès de Strasbourg.

En conséquence, elle constate l'accord existant à ce sujet entre l'esprit qui a animé le Comité de résistance depuis sa formation et l'attitude adoptée par le groupe de la reconstruction internationale à l'égard de la conférence de Berne où il était représenté par Jean Longuet et Paul Faure.

Au nom du Comité de résistance socialiste. - La Commission d'action.

 

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Fédération de Seine-et-Oise

Congrès fédéral

La deuxième session du congrès se tiendra dimanche 19 décembre à la Mairie du Pré-Saint-Gervais à partir de 9 heures du matin. L'ordre du jour comporte l'examen des rapports du Parti et de l’Humanité, la proclamation du scrutin sur les motions proposées au congrès de Tours et la désignation des délégués. La question de l'Imprimerie du Parti sera également examinée.

Le secrétaire fédéral : E. Klemczynski.

Les dispositions sont prises pour le repas de midi à proximité de la salle du Congrès.

 

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La C.G.T. poursuivie

Le Parquet demande la dissolution

Rien de plus ! la dissolution de la CGT. Ce sera, si vous le voulez, le dernier mot de la guerre du droit. Nous n'avons pas, aujourd'hui, à prendre parti pour ou contre la politique du bureau confédéral, ni à discuter les personnalités qui le composent. Les poursuites sont d'autant plus odieuses que les « inculpés » ont paru plus modérés.

Le code d'instruction criminelle et les protestations publiques des magistrats proclament que le parquet est indépendant.

Parlant au nom du procureur de la République, M. le substitut Durand, agissait en toute liberté, n'ayant pour juge que sa conscience.

Soit !

Mais s'il n'en était point ainsi, quel jugement devrions-nous porter sur ce gouvernement, prisonnier de sa politique de réaction au point d'être condamné à poursuivre sans trêve, non seulement les tentatives d'émancipation, mais les aspirations les plus sacrées de la classe ouvrière ?

Politique de faiblesse ! politique de duplicité et d'hypocrisie !

Depuis 1902 la C.G.T. n'a point, dit-on, obéit à toutes les prescriptions des lois. Pendant la guerre, pour la besogne qu'il exécutait, le gouvernement l'a appelée, lui a demandé une collaboration officieuse. Brusquement, il se découvre. Il n'a plus besoin, il le croit, de la neutralité de la force ouvrière ; il se dresse en maître, parce qu'il a trouvé de nouveaux appuis : les curés qu'il paiera, les frocarts qu'il accueille ; il est fier, surtout, du concours matériel et de l'inspiration intellectuelle de sa pudique Egerie : l'Action Française.

Et une voix blanche et lasse, celle de M. le substitut Durand, requiert qu'il plaide aux magistrats composant la 11e chambre, de dissoudre l'organisme qui contient en lui toute la matière, toute la force, tout l'idéal du prolétariat français.

Ils peuvent le faire entre deux de leurs jugements : trois mois de prison pour outrage public à la pudeur, et cent francs d'amende à un charcutier qui a trop féculé ses saucisses. La farce sera digne de Shakespeare, du Shakespeare père de Caliban.

Le feront-t-ils ?

La loi, rien que la loi ! dit le substitut.

Et la force ? Nous n'avons pas oublier Clemenceau.

Au surplus, n'est-ce pas elle qui fait la loi ?

 

L'audience

Ce n'est point une première mondaine ; on n'y voit point de jolies femmes ; ce n'est point une affaire de mœurs ; ni la bande des sadiques du demi-monde ; Landru ne comparait pas. Beaucoup de militants syndicalistes sont présents : Bidegaray, et les membres de l'Union des syndicats : Perrot, Cordier, Jarrigou, Barbin, Rolland, Gonthier, Selinghof ; derrière une cloison apparaît la tête brune et crépue de Roubanovitch.

De nombreux avocats se pressent : Alexandre Varenne, un crayon piqué dans sa toque ; l'ancien député Fournier qui quitta l'enclume pour la barre.

L'audience est morne. L'attention est retenue par la déclaration et les interventions de Jouhaux, les lazzi nombreux et piquants d'Ernest Lafont…

Les cinq inculpés : Jouhaux, Dumoulin, Laurent, Lapierre et Calveyrach sont au banc des prévenus libres. Derrière eux, la défense : Paul–Boncour, Pierre Laval, Ernest Lafont, André Berthon, René Bloch.

 

Déclaration de Jouhaux

Après l'interrogatoire réglementaire, le président résume l'inculpation. Jouhaux se lève :

« Que signifient ces poursuites ? Vous connaissiez nos tendances, nos doctrines. Pourquoi ne nous avez-vous pas poursuivis [plutôt] ? Au contraire, le gouvernement protestait que notre programme ne rencontrerait point une opposition systématique. Quand, après l'armistice, nous avons réclamé la nationalisation industrialisée et la constitution du Conseil économique du travail, même silence. Était-ce faiblesse ou approbation ? »

Et Jouhaux élève le débat.

« Les problèmes économiques que la classe ouvrière doit résoudre dépassent de beaucoup les seules revendications professionnelles. Et cela, le gouvernement le sait ; il l'a si bien senti qu'il l'a désigné, lui Jouhaux, comme membre du Bureau International du Travail. N'était-ce point reconnaître que l'action de la C.G.T. déborde nécessairement du cadre imposé par la loi de 1884 ?

Ce n'est point de salaires qu'il s'agit, mais de l'organisation de la production.

Quant à l'amnistie, à l'intervention en Russie, la C.G.T. et le gouvernement en ont discuté. La grève de mai ? La C.G.T. ne l'a pas provoquée, mais soutenue ; elle a offert, à ce moment, de ravitailler le pays.

Les idées de la C.G.T. se développent chaque jour. La révolution se fera. »

 

Le réquisitoire

Pendant plus de deux heures, M. le substitut Durand lit. Il développe le réquisitoire définitif dont, hier, l’Humanité a donné l'analyse. Il n'y ajoute rien que quelques développements oratoires.

L'intérêt réside tout entier dans les interruptions.

La forme, d'abord. La loi de 1884 est violée. La C.G.T. ne peux accepter les syndicats de fonctionnaires.

Jouhaux. - Dans son cabinet, le ministre nous a déclaré que en absence de textes législatifs, la C.G.T. devait être la tutrice des groupements de fonctionnaires et leur interprète pour soutenir leurs revendications.

Le substitut. - Nous n'avons ici à nous occuper que de la loi ; nous n'avons pas pénétré dans le cabinet du ministre.

- Alors il faut dire que le droit d'interpréter la loi n'appartient pas aux ministres, mais aux seuls tribunaux correctionnels.

Le substitut envisage l'action de la C.G.T. Un petit duel amusant à propos du mouvement du 21 juillet. C'est bien un mouvement politique puisqu'il fut fait en accord avec le Parti socialiste.

Jouhaux. - Nous avons, à ce moment, rendu visite au président du conseil qui nous répondit que les affaires russes de l'intéressaient pas. Pour des raisons diverses l'action a été reportée. On ne nous a rien dit. Pourquoi nous poursuivre aujourd'hui ?

Le substitut. - En quoi les déclarations de M. Jouhaux se rapportent-elles aux poursuites ?

Ernest Lafont. - Nous savons en effet que les poursuites n'ont rien à voir avec la réalité.

Et le réquisitoire continue, examinant tout, sans chaleur, sans vie.

La dernière critique porte sur la constitution du Conseil Économique du Travail. Le substitut lit même un document qu'il croit formidable et qui n'est qu'un projet repoussé par le C.E.T.

- Vous cherchez à transformer l'état social, même la législation.

- Le malheureux ! murmure Lafont, il ne tremble que pour le code civil. Il se fiche du reste.

C'est la moralité de l'audience. Aussi, quand, dans une péroraison brève et fatiguée, substitut réclame la dissolution de la C.G.T., personne ne rit de cette conclusion énorme et joyeuse.

- À demain, dit le président.

Demain, Paul–Boncourt plaidera le premier.

Et la C.G.T. vivra deux jours encore, puisque samedi sera la dernière audience. À moins que…

Debout les morts !

 

 

- « Avant le Congrès national - Une résolution du ‘Comité de résistance socialiste’ » portant sur les résultats de la conférence internationale de Berne

- annonce de la 2e session du Congrès fédéral de Seine-et-Oise

- « la C.G.T. poursuivie : le Parquet demande la dissolution » [Aussi, quand, dans une péroraison brève et fatiguée, substitut réclame la dissolution de la C.G.T., personne ne rit de cette conclusion énorme et joyeuse.] ; CGT défendue notamment par Pierre Laval

 

 

le 16 December 2020

 
 

Il y a cent ans : L'Humanité au jour le jour

 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)