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Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du lundi 6 décembre 1920

L'Humanité, journal socialiste quotidien

À partir du site internet Gallica, de la Bibliothèque nationale de France

 

L'Humanité du lundi 6 décembre 1920

 

 

Avant le Congrès

Le Manifeste du « Comité de Résistance »

Grâce à Frossard et aux « révélations » qu'il a cru faire le 28 novembre dernier au Congrès de la Fédération socialiste de la Seine ; grâce aussi à la réplique de Paoli - révélations et réplique publiées par l’Humanité du 29 novembre - les camarades du Parti ont connu heureusement [plutôt] que nous n'aurions pu le leur apprendre, qu'il vient de se fonder un Comité de résistance socialiste.

Ce comité se propose de résister pour l'unité socialiste internationale et nationale et pour la reconstruction de l'Internationale avec tous les partis restés socialistes révolutionnaires, contre l'entreprise de division socialiste et de guerre civile ouvrière conduite en plein accord par le « Comité de la IIIe Internationale », les citoyens Cachin et Frossard et tous ceux qui se sont ralliés à leur tactique en signant la motion dite « d'adhésion à la IIIe Internationale. »

Notre comité se place sur le terrain : 1° de la résolution du Congrès international d'Amsterdam ; 2° du Pacte d'Unité conclu en France en 1905 ; 3° du Programme d'action élaboré par le Parti en 1919 ; 4° de la résolution du Congrès de Strasbourg.

La résolution de Strasbourg, dans sa lettre comme dans son esprit, avait prévu la reconstruction de l'Internationale par tous les partis socialistes et communistes, par ceux qui avaient quitté la IIe Internationale et par ceux qui ont fondé la IIIe ; elle faisait un devoir au Parti français de rester en contact avec les « masses ouvrières » de tous les pays.

La résolution de Strasbourg était donc essentiellement une résolution pour l'unité socialiste internationale, puisqu'elle tendait à refaire, comme il est dit à l'article premier de nos présents statuts : « l'entente et l'action internationale des travailleurs… pour la transformation de la société capitaliste en une société collectiviste ou communiste. »

C'est pour maintenir le Parti dans sa ligne traditionnelle, c'est pour lui permettre surtout de développer toute son action de classe, que s'est constitué le Comité de Résistance Socialiste.

Que demande-t-on, en effet, aujourd'hui au Parti au nom de la IIIe Internationale ?

On lui demande de faire table rase de tous les fondements de sa doctrine, de déchirer la résolution d'Amsterdam, le Pacte d'Unité et le programme de 1919 ; de bouleverser sa constitution ; et enfin, de cesser de faire ce qu'a voulu la majorité de Strasbourg, pour faire ce que voulait la minorité.

Et cela sur l'ordre du Comité exécutif de Moscou et selon ses exigences, qui se manifestent plus impérieuses chaque jour, au fur et à mesure que Frossard affecte de prononcer des paroles un peu plus conciliantes - tout en refusant d'ailleurs de les incorporer à sa motion, car Moscou lui refuse la liberté de le faire.

L'acceptation des « thèses » des conditions, des statuts de la IIIe Internationale et la soumission aux décisions de son Comité sont exactement obligatoires ; qui n'accepte pas n'est pas admis - ou bien est exclu s'il est déjà adhérent.

Des « thèses » - qui sont des exposés de doctrine et de tactique - nous avons, les uns et les autres, par la parole ou la plume, signalé les erreurs fondamentales ou les contradictions étonnantes. Aussi, en dirons-nous seulement ici que nous rejetons cette nouvelle tentative de révisionnisme unilatéral, « […] à changer notre tactique éprouvée et glorieuse. »

Les statuts - non pas proposés, mais imposés - participent de l'esprit des thèses. Ils codifient la centralisation à outrance ; ils établissent une hiérarchie stricte, au faîte de laquelle se trouve internationalement le Comité Exécutif de Moscou et nationalement, un Comité directeur, lui-même soumis au Comité Exécutif ; enfin ils permettent à ce Comité Exécutif d'avoir, dans chaque parti national, un Comité occulte, relevant directement et seulement de Moscou, et qualifié pour donner ses ordres au Comité directeur connu. C'est la subordination de l'action publique des membres responsables des partis à l'activité occulte de membres irresponsables ; c'est l'organisation d'une sorte de carbonarisme international et peut-être la reprise, au compte de Moscou bolcheviste, de la redoutable politique des comitadjis tsaristes.

On comprend que pour arriver à de pareilles fins, à une nouvelle organisation où ni les partis nationaux, ni même l'Internationale ne se gouvernent plus eux-mêmes, les partisans de l'Internationale Communiste veuillent des expulsions préalables, des expulsions « à temps » et même des expulsions périodiques.

Tous les textes à grand-peine connus jusqu'à ce jour sont, sur ce point, formels et impératifs. Jugez-en :

L'Internationale Communiste exige impérativement et sans discussion cette rupture (d'avec le réformisme (?) et la politique du Centre). Elle ne peut admettre que des réformistes avérés, tels que Turatti, Kautsky, Hilferding, Longuet, Macdonald, Modigliani et autres, aient le droit de se considérer comme des membres de la IIIe Internationale et qu'ils y soient représentés (7e condition).

Les adhérents au Parti qui rejettent les conditions et les thèses établies par l'Internationale Communiste doivent être exclus du Parti (21e condition).

Les délégués de la minorité au prochain Congrès (de Tours) ne seront pas exclus, s'ils se soumettent à la décision du Parti… Un délai de trois mois sera laissé aux organismes locaux pour juger des cas individuels, sous le contrôle du Parti et du Conseil Exécutif de l'Internationale (interprétation de la 21e condition, remise par Zinoview à Renoult).

Les Partis… ont pour devoir de réviser la composition de leurs groupes parlementaires, d'en écarter les éléments douteux… (11e conditions).

Les Partis Communistes des pays où les Communistes militent légalement doivent procéder à des épurations périodiques de leurs organisations, afin d'en éliminer les éléments intéressés et petit-bourgeois (13e condition).

Ces conditions ont été formulées afin que l'on procède à l'épuration dans les rangs de tous les partis ouvriers… (Lettre de Zinoview aux Travailleurs français, publiée par l’Humanité le 18 novembre).

Le couteau sur la gorge, il faut exiger une réponse de Longuet et de ses partisans, et, selon cette réponse, selon qu'ils accepteront de bonne foi les thèses et les conditions de l'Internationale Communiste, et consentiront à les appliquer loyalement en fait, et non en paroles seulement, il sera pris une décision définitive à leur égard (même lettre de Zinoview).

L'exclusion, on le voit, est devenue un système - un système de gouvernement de l'Internationale de Moscou. C'est en vain que Frossard, par des déclarations publiques, s'efforce d'atténuer les effets produits par la violence de ce que veulent ses nouveaux amis. Il est désavoué par eux. Ainsi à Ronchin, le 21 novembre, notre jeune camarade Henri Ghesquière rappelle à Antonio Coen, (membre du Comité de la IIIe Internationale) des réserves faites par Frossard à Lille, le 26 octobre, sur les exclusions ; et Coen répond : « Je ne suis pas d'accord avec Frossard ». (Cri du Nord, 25 novembre).

Le 25 novembre, à Cambrai, « Paul Dégremont demande à Vaillant-Couturier si, dans son esprit, les partisans de la motion Longuet–Paul Faure pourront rester dans le Parti. « Non », répond celui-ci ». (Cri du Nord, 29 novembre)

En même temps que Frossard, au Congrès de la Seine, tout en croyant révéler l'existence de notre Comité de Résistance socialiste, disait que « la sécurité de tous et de chacun et les droits des minorités ne sauraient disparaître, et que les « représailles » n'étaient dans l'esprit « d'aucun » de ses amis », en même temps, on lisait dans le Bulletin Communiste, sous la plume de Souvarine, plus autorisée en ces matières que la parole de Frossard :

… les reconstructeurs sont aujourd'hui réduits au rôle d'un Renaudel dont le sort sera le leur… Ce qui signifie que Longuet est solidaire de tous les traîtres, de tous les aventuriers, qui ont choisi le Parti socialiste comme champ d'opérations… Le Comité de la IIIe Internationale… n'a nullement songé à assurer l'impunité aux divers Longuet qui desservent chaque jour les intérêts du prolétariat… Les communistes n'accepteront à aucun prix de collaborer avec aucun de ceux qui sont, jusqu'à ce jour, restés dans le camp reconstructeur…

Enfin, nous lisons sous la même plume, dans le n° 46 du Bulletin Communiste, sous ce titre suggestif : « Nécessité d'une scission » :

La fraction qui repousse explicitement l'adhésion à l'Internationale Communiste (par la motion Blum) s'est exclue elle-même du Parti…

Et nous y lisons encore :

Partisans des thèses et des 21 conditions de Moscou, (nous) avons consenti à nos camarades groupés autour de Cachin et Frossard quelques concessions d'importance secondaire… à seule fin de réaliser l'accord entre les deux fractions… Mais nous sommes décidés à faire entrer en application les règles tracées par le 2e Congrès International (de Moscou)…

C'est-à-dire qu'on se donne l'air de faire des réserves à seule fin d'obtenir une majorité au Congrès de Tours. Et ensuite, la guillotine fonctionnera sans réserves. Nous retenons l'aveu édifiant du Bulletin Communiste, organe officiel de la IIIe Internationale en France.

Mais, plus que ces textes encore, un fait parle haut et clair.

Les « Jeunesses socialistes » tiennent un Congrès les 1er et 2 novembre. Leur majorité passe au communisme, brime la minorité, viole les décisions des Congrès du parti, etc. La minorité protestante au Congrès même, puis devant la C.A.P. Alors, la nouvelle majorité exclut les protestataires.

Or, à la C.A.P., Frossard et ses amis qui y sont en minorité approuvent les jeunes néo-communistes que désapprouve la majorité de la C.A.P. fidèle aux décisions des Congrès du parti. Mais devant le Congrès de la Fédération de la Seine, Frossard et ses amis, qui s'y trouvent majorité, approuvent les « Jeunes » néo-communistes contre la majorité de la C.A.P. et les décisions des Congrès du Parti. Et l'exclusion des protestataires se trouve donc, elle aussi, approuvée !

Voilà bien, sans doute, un précédent pour le Congrès de Tours - un précédent devant lequel il n'est plus permis de ne pas être fixé sur la tragique réalité de demain !

« La session se prépare activement… », disait encore Frossard parlant sur ses prétendues révélations !… Nous le pensons autant que lui. Nous l'avons démontré par des textes clairs et un fait éclatant.

Mais où sont les « scissionnistes » ?

Osera-t-on appeler ainsi les camarades exclus des « Jeunesses » ?

Les scissionnistes sont ceux qui avalisent la déclaration de Trotsky inscrite à la page 5 du n° 46 du Bulletin Communiste :

Comment appellerez-vous cette minorité directrice du prolétariat groupée en un bloc homogène par le programme communiste et brûlant d'entraîner la classe ouvrière à l'assaut décisif de la citadelle capitaliste ? Nous l'appelons le Parti Communiste.

Mais alors, direz-vous, ce Parti n'a rien de commun avec le Parti socialiste français actuel ? C'est absolument vrai. Et c'est précisément pour établir bien nettement la différence que nous ne parlons pas de Parti socialiste, mais de Parti Communiste.

Les scissionnistes sont ceux qui provoquent à la scission par l'abandon du socialisme traditionnel et par l'organisation systématique des exclusions ; ils sont ceux qui organisent la division de la classe ouvrière contre elle-même ; qui portent la guerre entre les socialistes, qui la portent aussi dans les organisations syndicales et coopératives.

Camarades, vous en êtes maintenant persuadé comme nous-mêmes. La « scission » que Souvarine a jugée « nécessaire » menace notre Parti. La responsabilité de chaque membre du Parti se trouve déjà engagée. Il faudra choisir à Tours entre ceux qui vont quitter le Parti socialiste pour un Parti communiste et ceux qui sont résolus à continuer avec nous le Parti socialiste. C'est le vote sur les motions proposées qui impliquera le choix de chacun.

Camarade, nous vous crions : À l'aide !

À l'aide, pour le regroupement de tous les travailleurs de tous les pays et des deux mondes !

À l'aide, pour l'Unité Internationale !

À l'aide, pour notre glorieux et libre socialisme révolutionnaire !

À l'aide ! Organisez-vous avec nous comme nous nous sommes organisés pour la résistance socialiste, pour une résistance poussée jusqu'aux limites où les entrepreneurs de scissions et d'exclusions nous obligeront de la pousser.

Écrivez-nous ! Donnez-nous votre adhésion !

C'est nous qui sommes et qui resterons, et c'est vous qui serez et qui resterez, avec nous, la réalité vivante du grand Parti socialiste - unifiée en 1905 par Jaurès, Guesde et Vaillant, sous l'invocation de la magnifique formule du Manifeste Communiste :

« Travailleurs de tous les pays, unissez-vous ! »

Au nom du Comité de Résistance Socialiste,

la Commission d'Action :

Aubry, Vincent Auriol, Henri Binet, Léon Blum, Bracke, Paul Boncour, Eugène Frot, H. Grangier, Pierre Laîne, Gaston Levy, Edgar Longuet, Mayéras, Moutet, Jean Mouret, Oustry, D. Paoli, Jean Parvy, Pressemane, R.–G. Reau, Eugène Reisz, Pierre Renaudel, J.–B. Severac, Alexandre Varenne, Vendrin.

 

Adressez les adhésions et la correspondance à :

D. Paoli, 37, rue Mouton-Duvernet, Paris (14e).

 

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Un mot personnel

Nous avons annoncé hier, - quelques heures avant le lancement officiel - le manifeste du Comité de résistance socialiste. Ce faire-part anticipé nous vaut la note qu'on lira plus loin.

Les signataires de cette note s'étonnent que le secrétaire général de l’Humanité - qui s'estimerait, selon eux, « investi d'une autorité particulière ! » - ait cru devoir s'exprimer en des termes qui semblent lui faire prendre dès maintenant la responsabilité d'une rupture ».

Le secrétaire général de l’Humanité ne s'estime investi que de l'autorité de ses fonctions. En réalité de quoi il s'efforce de son mieux à servir le socialisme révolutionnaire. Il croit l'avoir servi de la même manière que l'avait fait, huit jours plus tôt, au Congrès de la Seine, le citoyen Frossard en mettant le Parti en garde contre les démarches de ceux qui, sous prétexte de « résister » aux courants nouveaux du socialisme, pousseront fatalement la résistance jusqu'à la rupture, jusqu'à la scission. C'est au nom de l'unité du Parti, que ses amis et lui ont entendu sauvegarder, quoi qu'on dise, que le secrétaire général de l’Humanité a cru devoir, comme il en avait le droit, apprécier l'attitude du Comité de résistance. Au surplus le Parti se prononcera. - Am. D.

 

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Protestation

Les soussignés, au nom du Comité de résistance socialiste, protestent vivement contre l'insertion de la note signée Am. D., que l’Humanité a publiée dans le numéro du 5 décembre.

Ils s'étonnent qu'un secrétaire général de l'organe central du Parti, qui d'ailleurs, comme le prouvent les récentes délibérations du Conseil d'administration et de direction du journal, s'estime investi d'une autorité particulière, ait cru devoir s'exprimer en des termes qui semblent lui faire prendre dès maintenant la responsabilité d'une rupture sur l'importance de laquelle la circulaire du Comité de résistance socialiste est justement faite pour attirer l'attention des militants.

Ils rappellent que, d'un commun accord, toutes les expressions injurieuses avaient été écartées des discussions relatives au prochain Congrès de Tours et qu'il n'est pas contre des membres du Parti, d'injure plus grave que de les donner comme organisant une « résistance au socialisme ».

Ils constatent que, dans l'esprit du ou des rédacteurs de la note en question, c'est se mettre en opposition au socialisme que d'être en opposition avec eux.

Ils croient que la meilleure réponse à faire à cette injure gratuite est de mettre sous les yeux de tous le texte même de la circulaire qu'ils ont adressée à toutes les Fédérations et à tous les journaux du Parti, avec les signatures dont elle est revêtue.

L'opinion socialiste pourra juger qui résiste contre le socialisme, qui travaille contre l'unité.

Pour le « Comité de résistance socialiste » :

Jean Mouret, Léon Blum, Bracke, Pierre Renaudel, D. Paoli, Eugène Frot, Mayéras.

 

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Comité de la Re​construction

Notre Comité s'est réuni samedi 4 décembre, et quoique cette réunion fut convoquée précipitamment - et à une heure où beaucoup de militants ne sont pas libres - le nombre respectable d'assistants prouve la solidité de notre position et l'intérêt qu'elle présente pour l'avenir du Parti socialiste.

Mis au courant d'une déclaration émanant du « Comité de résistance socialiste », le Comité s'est refusé d'examiner le document en lui-même, ne voulant à aucun prix et sous aucun prétexte, donner l'impression d'une entente préalable avec les instigateurs de ce manifeste.

La seule « résistance socialiste » est celle faite par le « Comité de la reconstruction », parce qu'elle se dresse en même temps contre ceux qui veulent introduire dans le Parti « la rigueur d'une discipline monastique » et le « figer dans l'immobilité du dogme » et contre ceux qui, à l'abri du trouble qui règne dans le mouvement ouvrier, voudraient se servir de certains d'entre nous pour réhabiliter la politique de collaboration, à jamais condamnée par le Parti et par les événements eux-mêmes.

Quant à la signature de ce manifeste par des reconstructeurs, la presque unanimité des présents l'a considérée comme incompatible avec notre politique.

Les membres de la Commission se réuniront mardi soir au Populaire pour rédiger une déclaration qu'elle soumettra à l'assemblée plénière du jeudi 9, à 20h30, également au Populaire.

Nous faisons un pressant appel à tous ceux qui ont voté la « motion d'adhésion avec réserves », pour qu'ils nous conservent leur confiance éclairée, plus que jamais nécessaire.

Le secrétaire-adjoint : Manier.

 

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Résulta​ts

Les votes des fédérations

Le Congrès fédéral du Gard a voté à l'unanimité une motion de Compère en faveur de l'unité internationale.

Le vote sur la IIIe Internationale a donné les résultats suivants : Cachin–Frossard, 1 327 ; Longuet–Faure, 1 057 ; Paoli-Blum, 215.

Le Congrès a, de plus, décidé par 1 306 voix de présenter une liste complète de candidats aux élections sénatoriales ; 1 069 voix souhaitaient qu'on ne présentât qu'un candidat. Les camarades Fabre, Valette et Lasserre ont été choisis comme candidats.

Les votes des sections et groupes

Cattinières (Nord). - Cachin-Frossard, unanimité.

Châtellerault. - Cachin-Frossard, 45 ; Paoli-Blum, 7 ; Longuet-Faure, 6 ; abstention, 1.

Les Renardières. - Cachin-Frossard, unanimité.

Buscières-les-Mines (Nièvre). - Cachin-Frossard, unanimité moins une voix.

Bourbon-l'Archambault, Franchesse, St-Hilaire, St-Plaisir et Igrande. - Cachin-Frossard, unanimité.

Fougères (Ille-et-Vilaine). - Cachin-Frossard, 50 ; Longuet-Faure, 24 ; Paoli-Blum, 4.

Montégut et Varilhes (Ariège). - Cachin-Frossard, unanimité.

Lormont (Gironde). - Cachin-Frossard, unanimité.

 

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Igno​ble

Et la presse redouble de base ignominie. Que d'excréments au fond du cœur de ces gens qui s'appellent journalistes ! Ah ! ils sont bien dignes, ces laquais, de la classe qui les paie et qu'ils méprisent autant qu'ils en sont méprisés !

Un goujat anonyme a déposé hier dans les colonnes du Petit Journal - du Petit Journal de Pichon, l'ennemi perfide et lâche de la République des Soviets - une dégoûtante ordure. La mémoire de Raymond Lefebvre, de Vergeat et de Lepetit n'en saurait souffrir, loin de là. Mais comment un homme qui tient une plume a-t-il pu s'abaisser à une telle infamie ?

Sous ce titre, le Mystère de l'Océan Arctique, le rédacteur (anonyme) du Petit Journal a imaginé un projet de roman-cinéma. On y voit nos pauvres amis, pressés de rentrer en France, prendre pour commencer le chemin le plus long (nous avons fait justice de cette absurdité) ; on les y voit ensuite, ayant le choix entre deux bateaux, s'embarquer sur le plus mauvais.

Puis vient ceci, qui est tout simplement ignoble :

Troisième épisode.

Naufrage. - (Gargouillis lugubre d'où sortent des voix étouffées.)

- C'est tout de même embêtant de mourir comme ça pour la cause.

- On se console en pensant à la façon dont les camarades de Paris vont expliquer notre aventure.

(Le prochain épisode, intitulé peut-être Résurrection, sera projeté à une date indéterminée.)

L'homme qui, sans respect de la vertu, de la jeunesse et de la mort, a osé se risquer à ces plaisanteries immondes, cet homme, on voudrait le connaître, ne fût-ce que pour lui flanquer un fort coup de pied quelque part !

 

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Au sujet de la mort de nos amis

Le Syndicat des Métaux de la Seine nous adresse la communication suivante, en réponse à un article paru dans l'Atelier, feuille hebdomadaire :

 

Le numéro du 27 novembre du journal l'Atelier contient un article sans signature dans lequel on accuse les minoritaires d'avoir abandonné leurs camarades délégués en Russie.

Nous ne nous serions pas arrêtés à une pareille sottises, mais, sachant que les idioties se propagent bien plus vite que les choses sensées, nous tenons à rendre compte de nos démarches.

Le 27 septembre, les compagnes de nos camarades recevaient des nouvelles qui, malheureusement, devaient être les dernières. Vergeat écrivait : « Soyez sans inquiétude, si vous restez quelques jours sans nouvelles, les prochaines seront plus abondantes. » Nous avons donc laissé passer quelques jours, espérant le retour proche de nos camarades.

Vers le 15 octobre, inquiets, nous nous préoccupons d'avoir des renseignements. Les camarades de la Vie Ouvrière agissent de leur côté. Aux Métaux, aux Terrassiers, nous sommes décidés à user de tous les moyens pour savoir où se trouvent nos amis.

Nous nous rendons auprès de Frossard, qui fera son possible pour nous aider. Puis, le Conseil central des Métaux décide une délégation à l’Humanité, où nous voyons Cachin qui se met à notre entière disposition.

Un télégramme est adressé à Stockholm, au camarade Stroem, qui en accuse réception à Cachin.

Entre temps, une communication de Berlin, adressée à Lepetit, nous suggère l'idée de chercher de ce côté quelques indications. Le secrétaire général des Métaux de la Seine écrit à Berlin une lettre demandant au camarade délégué par les révolutionnaires allemands à Moscou dans quelles conditions il avait quitté Vergeat et Lepetit. Voici sa réponse :

À propos de nos camarades Bertho et Vergeat : Je les ai trouvés à Moscou ! Nous eûmes beaucoup de discussion et le camarade Bertho Lepetit m'a donné son adresse pour un congrès international des syndicalistes. Après le congrès de la IIIe Internationale, les camarades sont partis pour la France. Je suis resté à Moscou environ un mois après leur départ et partis ensuite pour l'Allemagne.

Arrivé à Stettin, j'ai trouvé le camarade Lozowsky, des syndicats professionnels de Russie. Il a été en Allemagne, puis expulsé.

Il m'a dit que les camarades Vergeat et Bertho se sont noyés en mer ; mais je ne peux pas croire cette histoire ; et Lozowsky ne m'a pas dit dans quelle mer.

Un camarade marinier est maintenant en Russie. Il sait toute la chose, car il est l'organisateur du trafic avec la Russie. Nous attendons son retour. Nous vous donnerons des nouvelles le plus rapidement qu'il nous sera possible…

Au reçu de cette réponse, nous adressons à nos camarades d'Allemagne une nouvelle lettre dans laquelle nous joignons une correspondance pour Lozowsky, à qui nous demandons des renseignements précis. Voici ces deux lettres :

Au camarade Fritz Kater, Berlin.

Nous avons bien reçu votre lettre qui nous inquiète profondément sur le sort de nos camarades Vergeat et Lepetit. Aussi nous vous serions très reconnaissants de vouloir bien nous faire connaître le résultat des recherches faites par le camarade de Russie dont vous nous parlez.

Nous vous demandons également, si cela vous est possible, de faire parvenir au camarade Lozowsky la lettre ci-jointe que nous lui écrivons.

Avec tous nos remerciements, et dans l'attente de vous lire, nous vous prions, etc.

 

 

Au camarade Lozowsky,

Voici plus de deux mois que nous sommes complètement sans nouvelles de nos camarades Vergeat et Lepetit, qui avaient été délégués par le Comité des syndicats minoritaire de France pour se rendre en Russie.

Cette absence de nouvelles nous étonne d'autant plus que quelques camarades revenus de Russie nous ont confirmé que nos deux camarades avaient quitté votre pays. En outre, nous recevons aujourd'hui du camarade Fritz Kater (de Berlin), avec qui nous avons pu correspondre, une lettre dans laquelle il nous dit que vous lui avez déclaré que nos deux amis se seraient noyés en mer, et où il ajoute que vous ne lui avez pas donné plus de renseignements.

Étant très inquiets sur le sort de Vergeat et Lepetit, surtout après cette attristante éventualité, nous vous demandons instamment de vouloir bien faire votre possible pour nous informer d'une façon précise à leur sujet.

 

Enfin le 29 novembre, l’Humanité reçoit les trois télégrammes qui ont été publiés, nous annonçant la terrifiante réalité.

Ces explications détruisent complètement l'affirmation que nous sommes restés indifférents au sort de nos camarades disparus.

Le Syndicat des Métaux.

 

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Autour du Complot fantôme

Qu'est-ce que le « Capitaine Laurent » ?

Parmi les fragiles documents dans s'étançonne - si l'on peut dire ! - l'instruction - si l'on peut encore dire ! - du juge Jousselin, figure un rapport de police d'un certain capitaine Laurent. Nous avons dit cela avant-hier, et nous avons ajouté que ce rapport est un tissu d'absurdités. Sur la personnalité même de son auteur, nous parviennent aujourd'hui, de source sûre, les renseignements que voici :

Savez-vous, mon cher Dunois, que le capitaine Laurent dont a parlé L’Humanité, est le fils de Charles Laurent, ambassadeur de France à Berlin, l'homme des métallurgistes ?

Je l'ai rencontré à Bergen, il y a deux ans. Je revenais de Russie ; il y retournait, muni d'un passeport d'employé de commerce et porteur de sacs d'explosifs !… Cela, je vous l'affirme. Il me montra ses colis, il se vantait d'aller opérer là-bas des destructions de pont.

Officier d'active, grand blessé de guerre, sa moralité ne peut être discutée. Il n'en est pas de même de sa mentalité, toute spéciale et bien militaire !

 

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À propos d'une « accusation calomnieuse »

Les détenus politiques de la Santé ont protesté, dans l'Humanité d'hier, contre une accusation calomnieuse portée par Sigrand dans le Communiste.

Louis Rabilloud, - gérant de ce journal, et inculpé du complot, en liberté provisoire, - nous écrit pour joindre sa protestation à celle des camarades de la Santé.

Rabilloud indique, de plus, que « c'est indépendamment de la volonté des rédacteurs du Communiste que cette phrase malheureuse n'a pas été supprimée et que ceux-ci regrettent son insertion ».

 

 
 

- « Avant le Congrès - Le Manifeste du ‘Comité de Résistance’ [socialiste] », nouveau comité autour de Léon Blum, rejetant la responsabilité de la scission sur la motion portée par le Comité de la IIIe et Cachin-Frossard [C'est nous qui sommes et qui resterons, et c'est vous qui serez et qui resterez, avec nous, la réalité vivante du grand Parti socialiste], à partir d’exemples de déclarations et de textes, et d’un fait, avec les exclusions aux Jeunesses socialistes passées majoritairement communiste

- « Protestation » dudit nouveau comité sur le texte de la veille d’Amédée Dunois, secrétaire général de l’Huma, où il les qualifie de « résistants au socialisme »

- « un mot personnel » d’Amédée Dunois, se voyant comme un lanceur d’alerte

- communiqué du « Comité de la Reconstruction », sur sa position face à ce nouveau comité

- « résultats » dans des fédérations et sections

- « Ignoble », à propos d’un article dans le Petit Journal, sur les trois morts en mer

- « au sujet de la mort de nos amis », communication du Syndicat des Métaux de la Seine réagissant à l’accusation de ne pas s’être inquiété de la mort de Vergeat et Lepetit

- « Autour du Complot fantôme - qu’est-ce que le ‘Capitaine Laurent’ ? »

- « à propos d’une ‘accusation calomnieuse’ », protestation des détenus politique de la Santé sur une formule utilisée par le journal le Communiste

le 05 décembre 2020

 
 

Il y a cent ans : L'Humanité au jour le jour

 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)