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Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du jeudi 9 décembre 1920

L'Humanité, journal socialiste quotidien

À partir du site internet Gallica, de la Bibliothèque nationale de France

 

L'Humanité du jeudi 9 décembre 1920

 

 

Reclassements - Par Paul Vaillant-Couturier

Comme l'a fait remarquer Daniel Renoult dans un article paru à cette place même, nous avons été, lors du Congrès fédéral de la Seine, jusqu'aux extrêmes limites de la camaraderie et de l'amitié à l'égard de Longuet et de son petit groupe.

Pour ma part, je dois avouer que, jusqu'au discours prononcé par Longuet en fin de journée, le 21 novembre, je voulais espérer de sa part un changement d'attitude.

« Ce n'est pas une adhésion du bout des lèvres avec le calcul de la restriction mentale, ce n'est pas non plus une capitulation de vaincu que nous vous demandons, Longuet, lui disais-je, c'est la loyale adhésion qui fait litière de l'amour-propre, c'est l'abandon de cette politique étroite qui se refuse à tenir compte des grandes pulsations du cœur communiste du monde, c'est la reconnaissance faite par un esprit libre qu'il n'est pas de salut révolutionnaire possible hors de méthodes d'actions précises adaptées étroitement à leur époque et dont la IIIe Internationale nous donne les directives. Ce n'est pas à continuer sous une autre étiquette la fausse unité d'aujourd'hui et à maintenir la IIe Internationale dans la IIIe, que nous vous convions, mais à réaliser la véritable unité communiste révolutionnaire qui voit plus haut que les petites saletés des rancunes et que les médiocres combinaisons des nationalismes socialistes. C'est à vouloir l'unité, nationale et internationale, qui accepte et exerce une discipline sévère imposée par des statuts de fer, la discipline militaire nécessaire à la victoire, dans la guerre civile comme dans l'autre, la discipline qui permet seule, en cas de nécessité tactique, les mouvements tournants ou les assauts de l'illégalité. »

Longuet, ce jour-là, nous a désillusionnés. Il pouvait faire un bel acte de foi révolutionnaire.

C'est le moment qu'il a choisi pour parler de « procès de tendance », de « procédés d'inquisition monastique » et d'autres pauvretés démocratiques et radicales.

Les amis de Renaudel l'ont applaudi.

Nous n'avons pas désespéré.

Voici que maintenant son groupe achève de s'émietter.

Imitant sa gauche qui l'a quitté, au retour de Cachin et Frossard, pour nous rejoindre, voici que sa droite l'abandonne et rallie la « Résistance socialiste » dans le tumulte d'une séance, dont les échos ont gravi jusqu'au quatrième étage les escaliers du Populaire.

Lui, bat en retraite jusqu'à l'échec de Berne, tandis que le Populaire ouvre sur la IIIe Internationale un tir de barrage à pois fulminants. Quelle pitié !

Nous désespérons de moins en moins de voir Longuet revenir à nous.

La situation doit commencer à s'éclairer, même pour lui.

Deux motions seulement demeurent en présence :

1° La motion d'adieu Bracke–Blum–Paoli, académique, honnête et logique.

Celle-la justifie pleinement la prédiction de Pressensé, disant que « le capitalisme ne pourrait être sauvé que dans la voie du socialisme conservateur ».

J'avoue que la sympathie attristée qu'avait d'abord éveillée en moi sa pâle figure de musée Grévin, a été fortement ébranlée depuis par le graillonneux manifeste de la Résistance socialiste qui l'a suivie. L'inexactitude de fait sciemment commise au sujet de mes soi-disant déclarations de Cambrai, donne la mesure des préoccupations de ses parrains.

Ils préparent la scission sans élégance, dans la cuisine ;

2° La motion du Comité de la IIIe Internationale Cachin-Frossard, qui réclame l'adhésion aux thèses de Moscou.

Motion Blum, motion de la IIIe.

Et c'est tout. Longuet doit bien commencer à s'en apercevoir.

Quant à sa propre motion, dite « d'adhésion avec réserves », le mieux qu'on en puisse dire, par amitié pour lui, c'est qu'elle n'existe pas.

Elle ne vit que de l'ignorance que l'on a d'elle.

Émanation d'un comité de Reconstruction, où certains (comme Verfeuil) jugent désormais toute reconstruction impossible, elle offre ce double caractère d'être conçue dans un esprit extrêmement voisin de celui de la motion Blum, hostile à l'adhésion, et d'aboutir à l'adhésion quand même.

Il est vrai qu'elle refuse tous les moyens pratiques d'y parvenir. Tirez-vous de là si vous pouvez.

En effet, sur 21 conditions elle en repousse 17, de telle sorte qu'il ne reste plus aux partisans de la motion Longuet, s'ils veulent en respecter l'esprit, que quatre points sur lesquels ils sont d'accord avec nous et, chose cocasse, quatre points que même un partisan de la motion Blum, hostile à l'adhésion, accepterait :

1° La condition 6, qui condamne la Société des Nations bourgeoise ;

2° La condition 14, qui réclame aide et assistance pour les républiques communistes ;

3° La condition 18, qui demande la publication dans la presse des documents de la IIIe internationale ;

4° La condition 19, qui vise la date du Congrès.

Est-ce assez savoureux ?

Cette simple énumération suffit à mettre en lumière les qualités offensives de l'adhésion acceptée par le groupe du Populaire.

On adhérera, mais à condition qu'il n'y ait rien de changé et que le Parti continue à être aussi impuissant qu'aujourd'hui.

On accepte l'adhésion en principe, on la repousse en pratique. On accepte l'adhésion parce qu'on ne peut pas faire autrement. En un mot, on veut faire prendre une vessie pour une lanterne.

Il faut que ces vérités soient connues des camarades, parce que la crise que nous traversons, tous les partis l'ont traversée. Elle précède nécessairement toute période d'action révolutionnaire.

Elle sépare ceux qui ont longtemps vécu de la Révolution de ceux qui sont prêts à se sacrifier pour elle, les politiciens socialistes des combattants communistes.

Nous ne désespérons pas de voir Longuet se ranger parmi les seconds, puisque les premiers prennent si ouvertement position contre-révolutionnaire.

Peu à peu, chaque homme revient à sa place. Des menchevistes comme Chirkin et Barkin, qui combattaient les bolchevistes en Russie, ont fini par comprendre où était le devoir révolutionnaire et se sont ralliés au mouvement. Nous savons bien que c'est ce qui se passera en France pour la plus grande partie des militants qui ont voté la motion Longuet par amour, et sans doute pour Longuet lui-même, qui vote pour sa motion par amour aussi.

On se fatigue à rester, comme dit Verfeuil, « le derrière entre deux selles » et l'on risque vraiment trop de se flanquer par terre, n'est-ce pas ?

P. Vaillant-Couturier.

 

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Avant le congrès

Pour le Socialisme - par Jean Zyromski

Notre Parti approche d'une heure décisive et le moment est venu pour les militants pris par la fièvre de l'action de rentrer en eux-mêmes et d'examiner si l'attitude qu'ils ont prise dans la grande crise qui secoue toute l'Internationale est en conformité avec la substance même du socialisme.

Ce qui a fait le prestige et la force de rayonnement des idées socialistes, c'est justement l'esprit de synthèse créatrice d'équilibre et d'harmonie qui anime le long et tenace effort de perfectionnement doctrinal qui unit Marx à Jaurès.

Notre opposition aux thèses et aux conditions de l'Internationale Communiste est déterminée essentiellement par cette élimination brutale de l'esprit de synthèse auquel est substitué un esprit unilatéral exclusif et sectaire, incompatible avec notre doctrine et notre méthode, éclairées par la projection de la vie.

Nous retrouverons partout ce caractère desséchant et paralysant que nous allons souligner dans les principaux domaines de la pensée socialiste où s'est manifesté le sectarisme de Moscou.

La conception léniniste de l'action révolutionnaire est essentiellement unilatérale. La prise du pouvoir politique apparaît comme l'objectif tellement prédominant qu'il finit par devenir exclusif. Certes nous ne nions pas la nécessité de cette prise du pouvoir, de la conquête de l'État devenu le réduit central de la défense capitaliste et bourgeoise, mais jamais le socialisme n'a confondu prise du pouvoir politique avec la révolution ; la révolution est une transformation profonde du régime de la propriété ; la révolution consiste dans la substitution de la propriété collective sociale à la propriété collective capitaliste et si elle exige pour sa réalisation intégrale la conquête du pouvoir politique, elle ne saurait se confondre avec cette conquête.

Mais alors il est compréhensible que les communistes de Moscou n'attachent aucune importance au mouvement si substantiellement révolutionnaire que l'on a appelé « le Socialisme des Institutions ». La pratique ouvrière de l'action syndicale à peu à peu fait disparaître ce corporatisme égoïste si sévèrement et si justement qualifié par Jules Guesde, quand il dénonçait les périls de la « solution corporative », et elle a créé une véritable doctrine sociale sortie des réalités de l'action revendicatrice quotidienne : le syndicalisme. La pratique ouvrière de l'action coopérative a également abouti à la formation d'une autre doctrine sociale : le coopératisme. Ce sont ces faits qui amènent la classe ouvrière à attribuer au syndicalisme comme au coopératisme une valeur révolutionnaire propre et à considérer ces mouvements comme des mouvements autonomes. L'émancipation prolétarienne apparaît aujourd'hui comme l'objectif identique d'une triple action politique, syndicale, coopérative agissant chacune dans leur sphère, mais coordonnée et soudée entre elles.

Ce Socialisme des Institutions n'est pas du tout contraire à la doctrine marxiste, bien au contraire, car c'est singulièrement étriquer Marx que de ne voir dans son œuvre immense que le catastrophisme. Le grand mérite de Marx qui a arraché le Socialisme à l'ornière de l'utopisme réside justement dans cette saisissante mise en relief du processus de l'évolution capitaliste. Le régime capitaliste de par son fonctionnement même engendre le régime socialiste ; les éléments de réalisation du socialisme sont concentrés par le système capitaliste ; l'évolution capitaliste dessine les linéaments de la société socialiste. Les institutions ouvrières et pour ne citer que les principales, les syndicats et les coopératives, seront les cellules sociales de la société de demain en gestation ; développer, fortifier, animer de l'esprit socialiste, marquer de l'esprit de classe ces institutions, c'est édifier l'armature de la société future. Ces idées que la pléiade de militants groupés autour de la revue le Mouvement Socialiste avait répandues dans notre Parti doivent continuer à imprégner et à vivifier notre action révolutionnaire.

Nous retrouvons ce même esprit unilatéral dans la conception de l'action parlementaire. Le Parlement ne servirait que comme une tribune ; les députés socialistes seraient exclusivement affectés à une besogne de propagande et la place de la plupart d'entre eux ne serait pas au Parlement où un simple « piquet de garde » suffirait tandis que les autres parcourraient le pays. Nous savons bien que l'action parlementaire c'est loin d'être la seule forme d'action socialiste, mais nous ne pouvons admettre une telle mutilation de cette action. Il existe une autre face de l'action parlementaire, car il y a possibilité de conduire une action législative positive et constructive.

Il est de mode maintenant de dédaigner les réformes arrachées à la bourgeoisie par l'action légale et l'action de masse conjuguées ; l'épithète de « réformiste » devient synonyme de « contre-révolutionnaire » ; il n'en est pas moins vrai que nier la valeur révolutionnaire, comme la valeur socialiste des réformes est une aberration ; le Parti a connu il y a longtemps déjà cette « maladie infantile » contre laquelle Jaurès a si magnifiquement lutté et qui avait été définitivement terrassée au Congrès de Toulouse en 1908. L'amélioration du statut économique de la classe ouvrière augmente sa propre force de revendication et de combat, intensifie sa capacité d'émancipation ; les réformes sont des travaux d'approche de l'assaut pour la conquête du pouvoir ; les réformes sont des brèches dans l'armature capitaliste, car en limitant l'absolutisme patronal en restreignant le champ d'action du régime capitaliste, l'action législative apporte les germes et les embryons du système socialiste.

Sur l'angoissant problème de l'Internationale se manifeste encore la prédominance de l'esprit de secte sur l'esprit de synthèse. Si l'on veut sortir de ce douloureux état de dispersion des forces internationales pour reconstituer une Internationale d'action du Prolétariat mondial, de plus en plus nécessaire en face d'un capitalisme agressif, la seule méthode pratique est la convocation et la consultation sur le pied d'égalité de toutes les organisations politiques nationales de la classe ouvrière ; hors de cette « Constituants de l'Internationale » il n'y a qu'efforts sporadiques touchant des groupements provisoires et incomplets. Aucun Parti national, aucune fraction du Parti n'a le droit de créer une Internationale nouvelle et de fixer impérativement des conditions d'admission. Cette méthode aboutit aux internationales de secte multipliées.

Seules les sections nationales peuvent établir souverainement la charte de l'Internationale, adaptée aux conditions nouvelles créées par la guerre ; il faut se souvenir qu'en 1904, à Amsterdam, toutes les Sections Nationales ont été librement appelées à préciser les principes de l'Internationale Ouvrière, et le révisionnisme fut condamné après un débat célèbre par la majorité, malgré l'opposition de la minorité française qui ensuite naturellement accepta la loi de l'Internationale. La prétention des Communistes russes d'ériger leur propre technique révolutionnaire évoluant dans un milieu donné, dans des conditions historiques, politiques, économiques, spéciales, en règles générales d'action, doit être écartée. Leur tendance « à déduire de conditions qui sont occasionnelles et spécifiques à la Russie, des maximes sociales infaillibles et universellement applicables… à couler le mouvement socialiste de tous les pays étrangers dans le moule rigide d'une formule dogmatique », pour employer les judicieuses expressions de M. Hilquitt, doit être rejetée dans l'intérêt de l'unité Internationale.

C'est enfin sur la question de la défense nationale que se retrouve encore davantage la marque de l'esprit unilatéral, exclusif, plus préoccupé de l'apparence superficielle que de la réalité profonde. Les oppositions faciles et factices entre l'intérêt de classe et l'intérêt national, entre la Classe et la Nation, sont développées avec une abondance et une profusion favorables aux déclarations littéraires qui rappellent ce cosmopolitisme anarchisant dont Domele Nieuvenhuis fut un moment l'incarnation.

Il est faux d'opposer la Classe à la Nation. La Nation n'est pas une conception idéologique, mais une réalité sociale ; c'est le produit d'une longue évolution historique, antérieur à la Société Capitaliste et qui sera postérieure à elle.

La nation a une valeur socialiste primordiale ; elle est distincte de la Société Capitaliste ; c'est la Nation qui est dépouillée par le Capitalisme des richesses collectives et justement tout l'effort du socialisme consiste dans la revendication incessante de la propriété et de la gestion de ces richesses.

L'Action de Classe, qui est l'action motrice du Socialisme, exige le cadre national. La Nation est le milieu le plus favorable et le plus adéquat à la lutte de classes ; c'est pour obtenir le maximum de cohésion dans l'action prolétarienne internationale que chaque prolétariat doit se charger de sa propre bourgeoisie, dont il est l'antithèse.

Il faut insister sur ces vérités élémentaires car dans aucun domaine de la pensée socialiste les déviations n'ont été plus nombreuses. La Classe Ouvrière ne peut accepter qu'une domination étrangère se superpose à la domination capitaliste en doublant ainsi l'obstacle qui barre la route à la libération du Prolétariat. Bien plus, c'est la Classe Ouvrière qui a le plus d'intérêt au maintien de l'indépendance et de l'intégrité nationale, car si la domination capitaliste est certes oppressive, du moins elle produit, elle réunit les éléments de l'émancipation économique des travailleurs, tandis que la domination étrangère paralyse l'action de classe et favorise ces courants nationalistes qui contaminent si malheureusement les partis socialistes des pays privés de la liberté nationale. C'est dans une nation indépendante et libre que l'Action de Classe peut être portée à son maximum de tension. Même on peut constater que la domination étrangère renforce et consolide le plus souvent les oligarchies foncières, industrielles ou cléricales du pays asservi contre les mouvements de libération nationale et sociale conjugués des classes ouvrières.

L'action socialiste ayant pour objectif de constituer à côté de la souveraineté politique nationale la propriété économique nationale ne peut pas non plus méconnaître les intérêts collectifs nationaux qui là encore ne sont pas en opposition avec l'intérêt de classe. Le Prolétariat est directement intéressé à la vitalité économique, au développement industriel de son pays comme à la garantie de ces richesses aujourd'hui propriétés des détenteurs du capital, mais demain conquises par son propre effort.

Nous venons d'examiner les principales raisons de notre opposition aux doctrines nouvelles du Communisme moscovite. Le débordement de mysticisme révolutionnaire et d'anarchisme sentimental a produit une crise socialiste redoutable et angoissante. Nous savons qu'un parti populaire doit tenir compte de la valeur des courants instinctifs qui secouent les masses, mais quand ceux-ci doivent aboutir à des déviations et à des divisions meurtrières pour le socialisme international, le devoir, malgré l'âpreté de la tâche et aussi, hélas ! les outrages et les calomnies quotidiennes, est de résister avec ténacité.

Dans cette action de résistance si rude et si nécessaire nous avons au moins le réconfort de nous raffermir et de nous retremper au contact des bienfaisantes réalités de la doctrine et de la vie.

Jean Zyromski.

 

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Parti socialiste (S.F.I.O.)

Congrès National de Tours

Avis aux délégués

Les délégués qui désirent que leur chambre soit retenue à leur arrivée à Tours devront s'adresser aux camarades Grossein, 80, rue Victor-Hugo, à Tours (Indre-et-Loire), qui leur fournira tous les renseignements utiles. Le prix des chambres varie de 6 à 15 francs par jour.

Les délégués qui voudraient accepter des chambres à deux lits voudront bien l'indiquer. Quelques hôtels de premier ordre placés à proximité de la salle du Congrès offre la chambre et les repas pour 30 francs par jour environ (repas imposé à l'hôtel).

Les délégués voudront bien faire savoir à l'adresse ci-dessus s'ils arriveront la veille ou le jour du Congrès ainsi que le prix approximatif qu'ils veulent payer leur chambre.

Le Secrétariat.

 

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Une lettre de Clara Zet​kin

Berlin, le 5 décembre 1920

Aux camarades Loriot et Souvarine, secrétaires du Comité de la IIIe Internationale.

Chers Camarades et Amis,

J'ai le plaisir de vous informer que l'Exécutif de l'Internationale communiste de Moscou m'a fait l'honneur de me charger de sa représentation au Congrès du Parti socialiste de France à Tours le 25 décembre.

Il est bien entendu que je ferai tout ce qui me sera possible pour remplir le mandat que l'Exécutif m'a confié. Je tacherai donc d'obtenir mon passeport me permettant d'aller en France. Je suis tout à fait convaincue que le gouvernement de M. Millerand, ex-socialiste, montrera la même mesure d'intelligence politique dont a fait preuve le gouvernement de M. Ebert, ex-social-démocrate, en permettant de prendre part au Congrès des socialistes indépendants à Halle, non seulement au camarade Longuet, porte-parole des centristes du mouvement ouvrier, mais aussi au camarade Zinoviev, représentant du bolchevisme et porte-épée de la dictature du prolétariat russe. Il me semble que ce n'est pas seulement l'héritage de Guillaume II qui oblige, mais aussi l'héritage de la grande révolution française.

Mais qu'on motorises ou qu'on me refuse de me rendre en France, je suis convaincue que les ouvriers français descendants des insurgés glorieux de juin 1848 et des communards héroïques de mars 1871 feront leur devoir. Ils se grouperont autour de la bannière rouge que les frères de Russie ont portée au-devant des exploités et des opprimés de tous les pays : ils adhéreront à l'Internationale de l'action révolutionnaire.

Salut communiste et cordial.

Clara Zetkin.

 

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Une déclaration​ du citoyen Coën

Le citoyen Antonio Coën nous fait tenir la note suivante qui répond à une assertion émise par le Cri du Nord et reproduite par le Comité de Résistance socialiste :

Je me plais à rendre hommage à l'artificieuse habileté des membres du « Cercle Bonvalet ». Moins expert en prétérition, je rétablis l'intégralité des faits quelque peu tronqués dans ce Manifeste qui ne devient concis que dans le trucage de la vérité.

Ronchin, le 21 novembre. - Ghesquière fils me posa la question suivante : « Vous parliez d'exclusion : Frossard a déclaré qu'il n'y en aurait point. Où est la vérité ? » - Voici ma textuelle réponse : « Vous m'étonnez. Frossard n'a pas pu faire une telle déclaration ; mais si, par impossible, il l'avait faite, je ne serais pas d'accord avec Frossard ».

Ghesquière me demanda alors de préciser ma pensée sur la possibilité de l'exclusion de Longuet. Je lui fis observer qu'il avait dû mal lire notre notion, qui prévoit expressément le jeu de la 20e condition, même en ce qui a trait aux membres du Parti visés par la 7e.

Je garantis la textualité de ma réponse et je la maintiens, comme je l'ai maintenu au Congrès de la Somme, comme je la maintiendrai partout.

Je ne conçois pas l'existence de groupements collectifs, quels qu'ils soient, sans statuts ; je ne conçois pas l'existence de statuts dont le respect ne soit pas imposé avec la dernière énergie par tous les moyens possibles, et compris l'exclusion. - Antonio Coën.

 

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Le vote des fédérat​ions

La Fédération de la Lozère a tenu son congrès dimanche dernier. Le résultat du vote sur la question de l'Internationale est le suivant : Cachin-Frossart, 5 mandats ; Longuet-Faure, 2.

- Le Congrès de la Fédération du Cantal, après une longue discussion, a voté comme suit : Longuet–Faure, 13 mandats ; Cachin–Frossard, 13 ; Blum–Paoli, 7.

- La Fédération du Finistère a tenu son Congrès le 5 décembre. Le résultat est le suivant : Cachin–Frossard, 197 voix ; Longuet-Faure, 81.

- La Fédération d'Eure-et-Loire a tenu son congrès dimanche, à Chartres. Voici le vote : Cachin–Frossard, 14 mandats ; Longuet–Faure, 3 ; Paoli–Blum, 1.

Dinan, 7 décembre. - (Par lettre de notre correspondant). - Au Congrès de la Fédération des Côtes-du-Nord, tenu le 5 décembre, à Saint-Brieuc, auquel onze sections étaient représentées, le vote suivant fut émis : Cachin–Frossard, 198 ; Longuet-Faure, 134 ; Paoli–Blum,3. - P. Vaillant.

 

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La conférence de Be​rne

Berne, 8 décembre. - La conférence préliminaire socialiste à clos ses travaux mardi soir. Elle a décidé de convoquer pour le 22 février, à Vienne, une conférence socialiste internationale dont l'ordre du jour portera les questions suivantes :

Impérialisme et révolution sociale ; méthode et organisation de la lutte de classes ; lutte internationale contre la contre-révolution.

Une commission au sein de laquelle l'Angleterre, la France, l'Allemagne, l'Autriche et la Suisse seront représentées, chacune par un délégué, et qui se réunira vraisemblablement vers la fin de l'année à Vienne, a été instituée à l'effet de préparer les délibérations de la conférence, à laquelle elle présentera des propositions fermes.

Sont conviés à participer à la conférence de février, tous les partis dont les principes correspondent à ceux développés dans un manifeste qui sera adressé aux partis socialistes et qui a été adopté à l'unanimité par la conférence préliminaire. Ce manifeste fait un exposé général de la situation internationale consécutive à la guerre.

Il constate la nécessité de défendre la Russie des Soviets et d'engager contre les assauts impérialistes de l'Entente une action générale, qui suppose toutefois la création d'une forte et efficace internationale de la classe ouvrière. Or, cette condition préalable n'a été remplie ni par la IIe Internationale, dont on sait l'insuccès pendant la guerre, ni par la IIIe, qui divise la classe ouvrière au lieu de l'unifier. Seule, une Internationale ayant égard aux conditions particulières des différents pays sera capable de sauvegarder les intérêts du prolétariat mondial. Le but de la conférence de Vienne est précisément de créer une telle organisation. - (Havas.)

 

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Landru renvoyé devant les assi​ses

L'affaire Landru, dont d'aucuns se demandaient si elle existait encore, va venir bientôt, c'est-à-dire dans quelque trois mois, devant le jury de la Seine.

M. le juge Bonin a rendu hier son ordonnance de renvoi, retenant contre Landru les crimes et délits d'homicide volontaire, avec guet-apens et préméditation. Dans son réquisitoire, le substitut Gazier rappelle comment débuta l'instruction de ce procès qui ne manquera pas d'être très couru.

Vers la fin de 1918, un jeune homme nommé Buisson est victime d'un accident grave. De sa mère on n'a aucune nouvelle depuis un an. Sa tante, Mme Lacoste, se met à la recherche de cette dernière. Sachant que Mme Buisson avait fait un séjour à la villa l'Ermitage, à Gambais, chez un monsieur Freymiet, elle écrit au maire de la localité. Celui-ci, après quelque temps, répond que l'Ermitage est loué à un certain Dupont et non Freymiet, et il signale ce fait curieux : à peu près à la même époque que Mme Lacoste, une dame Pellat lui a signalé la disparition d'une de ses parentes, Mme Collomb, qui elle aussi était venue à l'Ermitage pour quelques jours.

Mme Lacoste entre en relation avec la famille de Mme Collomb. Le parquet de Mantes est saisi. Une instruction est ouverte contre X, dit Freymiet, dit Dupont.

Le 12 avril 1919, on arrête à Paris, 76, rue Rochechouart, un ingénieur Lucien Guillet, qui n'était autre que Henri-Désiré Landru, condamné par défaut en 1914 à cinq ans de prison et à la relégation.

Sur Landru, on trouve le fameux carnet portant de nombreuses indications entre autres les noms de ses « fiancées » disparues : Cuchet, Laborde–Line, Guillain, Héon, Buisson, Collomb, Babelay, Jaume, Pascal, Marchadier.

L'instruction fut transférée à Paris. On en connaît les détails. Fouilles à Gambais, à Vernouillet, découverte de papiers d'état-civil, d'objets personnels ayant appartenu aux disparues. Mais jamais le juge ne put obtenir un aveu de l'inculpé, que défendra Me de Moro-Giafferi.

 

 

- « Reclassements » par Paul Vaillant-Couturier [Nous ne désespérons pas de voir Longuet se ranger parmi les seconds, puisque les premiers prennent si ouvertement position contre-révolutionnaire.]

- « Avant le Congrès - Pour le Socialisme » par Jean Zyromski, sur le Socialisme des Institutions, la Classe et la Nation [La Nation est le milieu le plus favorable et le plus adéquat à la lutte de classes ; c'est pour obtenir le maximum de cohésion dans l'action prolétarienne internationale que chaque prolétariat doit se charger de sa propre bourgeoisie, dont il est l'antithèse.]

- « avis aux délégués » du Congrès de Tours, sur les questions d’hébergement

- « Une lettre de Clara Zetkin » à Loriot et Souvarine [J'ai le plaisir de vous informer que l'Exécutif de l'Internationale communiste de Moscou m'a fait l'honneur de me charger de sa représentation au Congrès du Parti socialiste de France à Tours le 25 décembre.]

- « une déclaration du citoyen Coën » rétablissant les échanges tenus par lui, déformés par le Comité de Résistance nationale

- « le vote des fédérations » de la Lozère, du Cantal, du Finistère, d’Eure-et-Loire et des Côtes-du-Nord

- « la conférence de Berne », avec un manifeste et un conférence socialiste convoquée le 22 février à Vienne

- « Landru renvoyé devant les assises » [Sur Landru, on trouve le fameux carnet portant de nombreuses indications entre autres les noms de ses « fiancées » disparues]

 

 

 

le 08 December 2020

 
 

Il y a cent ans : L'Humanité au jour le jour

 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)