Fédération de l'Oise

Fédération de l'Oise
Accueil
 
 

Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du mercredi 15 décembre 1920

L'Humanité, journal socialiste quotidien

À partir du site internet Gallica, de la Bibliothèque nationale de France

 

L'Humanité du mercredi 15 décembre 1920

 

 

« Reclassements » - par Paul Mistral

Vaillant-Couturier, parlant de la crise que nous traversons, nous dit :

Elle sépare ceux qui ont longtemps vécu de la Révolution de ceux qui sont prêts à se sacrifier pour elle, les politiciens socialistes des combattants communistes.

Ainsi, nous pouvons prendre allègrement notre parti de la scission qui nous menace. Après le Congrès de Tours, le Parti sera épuré : nous aurons, d'un côté, les « communistes éprouvés », les purs, les révolutionnaires sans tache et sans reproche, et de l'autre « ceux qui ont vécu de la Révolution », les « politiciens socialistes », les « social-traîtres ».

Comme c'est simple ! Il suffira de nous prononcer pour ou contre telle ou telle motion pour qu'aussitôt le bon grain communiste soit séparé de l'ivraie socialiste.

Les nouveaux-venus au socialisme et ceux qui ignorent tout de notre doctrine et de nos militants peuvent adopter ce système de « reclassement » et croire que la scission va servir la cause du socialisme et de la révolution. Mais si on se donne la peine d'observer les faits et de considérer les hommes en jeu, on s'aperçoit vite que la scission n'ajoutera qu'un peu plus de trouble et de confusion dans le mouvement ouvrier et socialiste.

Pendant trois ans, j'ai fait partie de la C.A.P. du Parti. Je m'y suis trouvé tour à tour avec la minorité et avec la majorité. Depuis que les anciens minoritaires sont devenus la majorité, je cherche en vain quand les représentants à la C.A.P. de la fraction extrémiste ont fait une proposition d'action positive à laquelle mes amis et moi nous nous soyions opposés. Le désaccord entre eux et nous s'est manifesté au sujet de la reconstruction de l'Internationale. Loriot et ses amis s'abstenaient, disaient se désintéresser de nos efforts. Mais lorsque les cheminots étaient en grève, que le Parti décidait une action pour la révolution russe, pour l'amnistie, contre la politique gouvernementale, jamais aucune proposition d'action plus révolutionnaire ne nous a été faite.

Donc, comment déduire que, la scission faite, Frossard - qui appartenait à la majorité et faisait la même politique que nous - et les membres de la IIIe Internationale à la C.A.P. seront des « purs », tandis que Longuet, Paul Faure, Mayéras et moi ne seron[t] que des « social-traîtres ».

Dans ma fédération, depuis vingt ans, j'appartient au Comité fédéral et participe à toutes les luttes locales du Parti. Je milite avec des camarades qui, aujourd'hui, sont pour l'adhésion sans réserves à la IIIe internationale. C'est en vain que je cherche à me souvenir d'une action, où je me sois montré moins bon socialiste que ces camarades et je me demande comment, demain, ceux-ci seront des « communistes éprouvés » alors que je serais considéré comme un mauvais socialiste.

Comme propagandiste, je prends la parole avec des camarades dits de « droite » et des camarades dits « d'extrême-gauche ». Je me suis presque toujours demandé - et les auditeurs on put se poser la même question - ce que valaient nos diverses étiquettes et tendances, tant notre langage, différent dans la forme, était le même dans le fond.

D'autre part, lorsqu'on considère les militants classés soit à la droite soit à la gauche du Parti, la perplexité est encore plus grande. Parmi les présumés « social-traîtres » de demain, je vois des hommes dont l'activité, la clairvoyance, la sincérité et le courage ne rencontrent point la contre-partie de l'autre côté. Vaillant-Couturier lui-même ne trouve à reprocher à Longuet que les scrupules que celui-ci apporte dans l'acceptation sans réserves des thèses et conditions de Moscou. Et nos camarades de la Haute-Vienne qui, les premiers, au moment le plus critique, prirent la position courageuse qu'on connaît contre la guerre ! Et tous les minoritaires de la première heure, qui, sous les outrages, ont, les premiers, défendu la révolution russe et ont observé une attitude nettement socialiste et internationaliste !

De l'autre côté, parmi les « purs », parmi ceux qui « sont prêts à se sacrifier pour la Révolution », qui trouvons-nous ? D'excellents militants, certes. Mais surtout de bons camarades qui, de bonne foi, ne voient dans l'adhésion sans réserves à la IIIe Internationale qu'une manifestation d'entière solidarité en faveur de la révolution russe, et croient, ainsi, être de meilleurs socialistes, de meilleurs révolutionnaire. Nous y voyons des militants, ayant aperçu, comme nous, tout ce qui, dans les conditions et thèses de Moscou est inapplicable, voire dangereux, mais qui disent : « Cela importe peu, le Parti fera, après l'adhésion, ce qu'il faisait avant ». Nous y trouvons également de ceux qui, selon l'expression de Lénine lui-même, cherchent à « faire carrière » dans la révolution. Et parmi ceux-là, il y en a qui, avec une virtuosité admirable, passent par-dessus nos têtes du jusqu'auboutisme intégral à l'extrémisme aig[u]. J'en connais qui, pendant toute la guerre, ont violemment critiqué et injurié notre internationalisme et d'autres pensant comme nous, mais jugeant préférable de ne point afficher leur opinion ni se mêler à notre action minoritaire et qui, aujourd'hui, sont parmi ceux qui jettent l'anathème et l'excommunication aux « social-traîtres » que nous sommes.

Je sais qu'il doit être beaucoup pardonné à qui a beaucoup pêché. Mais ce n'est point une raison pour condamner et exclure ceux qui n'ont aucune faute à se reprocher. Et je ne vois pas comment on pourra se dire le parti des « purs », lorsqu'on aura avec soi de tels éléments ni comment on aura le courage de condamner des hommes qui ont toujours fait honneur au socialisme

La vérité est que la scission envisagée par Vaillant-Couturier ne mettra nullement les bons socialistes d'un côté et les mauvais de l'autre. Ce sera un reclassement fait dans l'équivoque et dont le résultat sera d'éparpiller et de paralyser les efforts de tous les militants de la même cause.

Ah ! ce n'est pas sans un profond serrement de cœur que j'entrevois la destruction de cette unité créée par Jaurès, Guesde et Vaillant, de cette unité qui, malgré toutes nos discordes, nos querelles et nos fautes, est cependant une des grandes forces du mouvement ouvrier et socialiste de ce pays. Je me souviens des luttes qui, avant 1905, dressaient les unes contre les autres, à la grande joie et au plus grand profit de la bourgeoisie capitaliste, les diverses fractions ou écoles socialistes de notre pays. Je me rappelle le mal fait à notre cause par les divisions et nos luttes fratricides, et je me demande combien il faudra renouveler les mêmes expériences pour nous guérir de cette folie de déchirement entre soldats du socialisme.

Vaillant-Couturier parle d'amour-propre de militant. Qu'il se trompe ! Que ses amis et lui prennent la direction du Parti, qu'ils s'installent partout et agissent. Ce n'est point en spectateurs amusés que nous assisterons à leur action ; nous nous y mêlerons et l'aiderons de toutes nos forces et avec l'ardent désir de la voir réussir, tant que cette action servira le prolétariat et le socialisme.

Mais, sous prétexte de prendre le volant, qu'on ne repousse point les constructeurs de la machine et qu'on engage point notre organisation dans des voies où elle risque de se briser.

« Reclassements » ! Mais ils s'opèrent tous les jours… Regardez autour de vous et voyez d'où viennent vos troupes. Demain, en présence d'autres problèmes, de nouveaux reclassements se feront et des militants qui sont de votre avis aujourd'hui seront d'un avis contraire. Ainsi le veut la vie, la vie du Parti et de ses militants comme celle de toute chose humaine. Le principal est que tous ces classement, déclassements et reclassements se produisent entre socialistes sincères, sur des conceptions honnêtement exposées et défendues, et dans notre organisation unitaire, afin de pouvoir toujours présenter un front solide à l'ennemi commun.

Paul Mistral.

 

--

 

Avant le Congrès national

Résultats

Le vote des Fédérations

Calvados

Motion Cachin–Frossard, 13 mandats ; Longuet–Faure, 8 ; Blum–Paoli, 2.

Charente-Inférieure

Motion Cachin-Frossard, 20 mandats ; Longuet-Faure, 8 ; Blum–Paoli, 8. Les camarades qui ont voté la motion Longuet ont déclaré s'incliner à l'avance devant les décisions de la majorité.

Corse

Motion de la IIIe internationale 17 mandats ; Blum-Paoli, 5.

Creuse

Motion Cachin–Frossard, 37 mandats ; Longuet–Paul Faure, 6 ; Blum–Paoli, 5 ; amendement Heine, 1.

Hautes-Alpes

Cachin-Frossard, 2 mandats ; Longuet-Faure, 2.

Haute-Garonne

Longuet-Paul Faure, 33 mandats ; Cachin-Frossard, 26.

Loir-et-Cher

Motion Blum, 2 mandats ; Longuet : 5 ; Cachin, 6 ; Cachin (avec R.P.), 8.

Lot

Motion Cachin-Frossard, 29 mandats ; Longuet-Faure, 9.

Lot-et-Garonne

Motion Cachin-Frossard, 65 mandats ; Longuet-Faure, 5 ; Blum-Paoli, 1.

Meurthe-et-Moselle

Motion Cachin-Frossard, 19 mandats (unanimité). La Fédération a décidé de confier ses mandats au citoyen Frossard.

Saône-et-Loire

Motion Cachin-Frossard, 55 mandats ; Longuet, 15 ; Blum, 7.

Vendée

Motion de la IIIe, […] mandats ; Longuet, 1 ; Blum, 1.

 

----

 

Pour les cheminots révoqués

Intervention de la Ligue des Droits de l'Homme

La Ligue des Droits de l'Homme, par une lettre de M. Ferdinand Buisson, au président du Conseil, demande la réintégration des cheminots révoqués.

Nous estimons, écrit M. Ferdinand Buisson, que la réintégration des cheminots, quel que soit le caractère de la répression qui les a frappés, apporterait dans nos relations sociales un apaisement dans la France a le plus grand besoin. Bien loin de réfréner les tendances extrémistes, une pénalité trop brutale les exagère, en leur fournissant des motifs de colère nouveaux ; c'est au plus sage, au plus fort à arrêter dans son élan un tel mouvement par des mesures opportunes de bienveillance ou de haute justice…

M. Buisson aurait pu ajouter que la recrudescence des catastrophes est la conséquence certaine de ce bannissement insensé de 25 000 techniciens remplacés, du jour au lendemain, par des hommes ne connaissant pas le métier.

Mais M. Leygues, agent du Bloc National, est-il capable d'entendre d'entendre ces raisons…

 

--

 

La France ouvrièr​e

Paul Louis au Havre

[…]

Coen et Vaillant-Couturier à Beauvais

Le jeudi 9 décembre a eu lieu au théâtre de Beauvais une conférence publique et contradictoire. Coen nous fit l'exposé des raisons pour lesquelles doit se constituer en France, une organisation de combat de la classe ouvrière contre la bourgeoisie capitaliste. Il montra la bourgeoisie s'étant rendue adroitement maîtresse du pouvoir politique grâce à l'action révolutionnaire des masses de 1789–93, assurant sa domination économique, concentrant entre ses mains la majeure partie des richesses sociales. Et, de ce fait, la lutte des classes s'affirmant de plus en plus âpre entre la minorité des exploiteurs et la masse des exploités.

Vaillant-Couturier dénonça à l'assistance toute la duperie de la guerre du Droit. Il rappela les souffrances endurées par tous les peuples livrés au massacre de ces cinq années, rapprochant les sacrifices consentis des résultats atteints. Soutenu par les applaudissements nourris de l'assistance, il fit face victorieusement à ses contradicteurs, les députés Paisant et Bouteille. - Marcel Rigault

 

--

 

Le chôma​ge

[…]

Dans le textile lillois

Deux mille chômeurs, pour la plupart ouvriers du textile et de la confection se sont réunis à la Bourse du Travail de Lille et ont décidé de s'organiser dans le but de faire mettre un terme à leur chômage.

 

--

 

Batailles de rues et grèves en Bohê​me

Londres, 14 décembre. - Dans la nuit de jeudi dernier, la police a lancé une vigoureuse attaque contre le quartier général des Communistes, à Prague. Au cours de combats violents, où dix agents ont été tués, les Communistes ont été forcés d'évacuer l'édifice qu'ils occupaient. Les ouvriers accourus de tous côtés prirent parti contre la police.

Le prolétariat tout entier s'agite. Les mineurs de Kladno ont décrété la grève générale et refusent de fournir du charbon à Prague où les fabriques sont arrêtées. Le gouvernement a convoqué des troupes qui gardent le Parlement, la poste, les télégraphes, les stations de chemin de fer.

Les leaders communistes insistent pour faire proclamer la grève générale afin d' obtenir le contrôle de l'industrie.

Les revendications des socialistes de gauche

Prague, 14 décembre. - Des rencontres dans les rues se sont produites entre les ouvriers et la police. Plus de cinquante personnes sont blessées, ouvriers et policiers.

Le parti socialiste de gauche lance un appel au prolétariat l'invitant à la grève générale. Il demande l'évacuation de la Maison du Peuple, la démission du cabinet, l'introduction du contrôle des ouvriers sur le travail et la production, ainsi que sur les denrées alimentaires, l'expropriation des immeubles et l'établissement des conseils ouvriers. Une partie des ouvriers ont suivi cet appel et se sont mis en grève à Prague et en province. À Brunn les mineurs sont en grève.

La Maison du Peuple de Prague

Au sujet des événements auxquels il est fait allusion ci-dessus, l'Arbeiter Zeitung, qui est arrivé hier à Paris, fournit les indications suivantes :

La Maison du Peuple de Prague est un grand édifice que le Parti socialdémocrate avait acquis il y a une dizaine d'années. C'est un ancien palais comtal dans lequel toute la vie du parti s'était concentrée et où l'on avait spécialement installé la rédaction et l'imprimerie de l'organe central.

Après la rupture qui s'est accomplie entre les deux ailes du parti socialdémocrate tchèque, les gauches formèrent un conseil d'exploitation qui prit possession de la Maison du Peuple et qui força l'ancienne administration et l'ancienne rédaction à en sortir.

Les tribunaux avaient admis la plainte formulée par Nemec et par l'ancienne administration et avaient statué en leur faveur. La police de Prague voulut faire exécuter cette décision. L'opération s'accomplit sous la protection de la gendarmerie et ce fut ainsi qu'eut lieu à Prague un conflit entre les socialistes de gauche d'une part, la police et la gendarmerie de l'autre, qui fit de nombreuses victimes.

Dans une dépêche datée du 10 décembre, l'Arbeiter Zeitung dit que c'est devant la Chambre des députés que la lutte a atteint son paroxysme. Vers 10 heures du matin, un millier de personnes étaient rassemblées devant l'édifice. Il se tint là une réunion dans laquelle divers orateurs, et entre autres le communiste Sturc, prirent la parole. Vers 10h30, un cortège de 2 500 personnes avec un drapeau rouge fit son apparition. Un agent de police, poursuivi par la colonne, se réfugia dans un magasin, la foule l'en arracha. D'autres policiers vinrent au secours de leur collègue ; ils tirèrent 18 coups de revolver sur les manifestants. Cinq à six personnes restèrent sur la place. Huit personnes furent blessées dont une grièvement. À ce moment, la gendarmerie apparut, baïonnette au canon, la foule s'enfuit dans les rues avoisinantes et le Parlement fut de toutes parts enveloppé par la force publique.

Le gouvernement décrète la loi martiale

Londres, 14 décembre. - (Par téléphone de notre correspondant particulier). - Le gouvernement tchéco-slovaque a proclamé la loi martiale dans tous les districts industriels de Bohême. En même temps, il publie une déclaration disant que la lutte avec les ouvriers communistes est terminée. Cependant Frédéric Kuh, le correspondant du Daily Herald à Vienne, dit que la grève est générale. À Kladno, les mineurs ont organisé un soviet, ils ont confisqué les grandes propriétés privées, et ont le contrôle de tout le district. Les travaillistes de la Bohême allemande se sont déclarés solidaires du mouvement de Prague, et une grève générale a commencé à Reichenberg. Dans plusieurs autres centres industriels, les ouvriers sont en grève, et se sont procurés des armes. Prague est isolée. Les services téléphoniques et télégraphiques sont suspendus. Le gouvernement songe à faire appel à l'armée.

 

- « Reclassements » par Paul Mistral, réponse à Paul Vaillant-Couturier [La vérité est que la scission envisagée par Vaillant-Couturier ne mettra nullement les bons socialistes d'un côté et les mauvais de l'autre.]

- « le vote des Fédérations » du Calvados ; Charente-Inférieure ; Corse ; Creuse ; Hautes-Alpes (égalité Cachin-Frossard et Longuet-Faure) ; Haute-Garonne (Longuet-Faure devant) ; Loir-et-Cher (majorité pour « Cachin-Frossard, avec représentation proportionnelle ») ; Lot ; Lot-et-Garonne ; Meurthe-et-Moselle (tous les mandats remis à Frossard) ; Saône-et-Loire ; Vendée

- « pour les cheminots révoqués », lettre de Ferndinand Buisson (LDH) au président du Congrès

- « Coen et Vaillant-Couturier à Beauvais », compte-rendu de la conférence publique du 9 décembre au théâtre de Beauvais

- « le chômage » dans le textile lillois, avec une réunion pour s’organiser

- « batailles et rues et grèves en Bohême » [ Au cours de combats violents, où dix agents ont été tués, les Communistes ont été forcés d'évacuer l'édifice qu'ils occupaient.]

 

 

le 14 December 2020

 
 

Il y a cent ans : L'Humanité au jour le jour

 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)