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Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du vendredi 10 décembre 1920

L'Humanité, journal socialiste quotidien

À partir du site internet Gallica, de la Bibliothèque nationale de France

 

L'Humanité du vendredi 10 décembre 1920

 

 

Avant le congrès

Double question - par Marcel Mauss

La plupart des militants ne tiennent qu'à prendre une décision, exprimer leur caractère et leur passion. Ils sont pour la « guerre civile violente » ou contre, pour ou contre « la C.G.T. ».

En réalité, ce sont ces esprits simplistes qui ont raison et voient juste, comme il arrive souvent dans les mouvements populaires. Il n'y a pas d'autre question que de savoir quelle est la tendance du Parti. Le Parti est-il bolcheviste ou mencheviste ? C'est ce que Zinoviev demanda aux indépendants allemands à Halle. Question sentimentale, mais exacte.

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C'est celle-là qu'il faut poser la première, et que le deuxième Congrès de Moscou a parfaitement posée.

C'est une question de tactique, de tendance, non pas de doctrine.

Car le bolchevisme n'est pas une théorie. Sa théorie n'est qu'un marxisme intégral peu différente du marxisme le moins orthodoxe. Le bolchevisme est exclusivement une méthode d'action, et une forme de constitution de parti. Les procédés d'un des parti socialistes russes, sanctionnés par le succès, sont élevés à la hauteur d'une règle générale de tous les partis. Ces principes ne sont que de forme et de politique : constitution clandestine, discipline, centralisation, action violente, puis, en cas de succès, dictature terroriste contre la majorité du pays qui se sera laissé dessaisir. Au fond, il n'y a rien de nouveau en tout ceci. C'est - avec des principes marxistes - le vieux Comité révolutionnaire central, le Blanquisme, - moins ce qui fit sa grandeur : la tradition républicaine et nationale.

Le parti est-il bolcheviste ? Se transformera-t-il en  un vaste Comité révolutionnaire central ? Proclamera-t-il qu'il n'y a que cette méthode d'action ? Voilà toute la première question. Que ceux qui sont bolchevistes le disent et le disent en public comme dans le Parti.

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Si la majorité du Parti est bolcheviste, que va-t-elle faire ?

Ceci est une deuxième question. Et c'est sur celle-ci qu'il faut faire porter un deuxième débat. Car à la rigueur on peut être bolcheviste sans l'être à la russe. Les bolcheviks russes ont fait un principe de leur ancien esprit de secte, qui les fit se séparer des mencheviks. Ils exigent de tous les bolcheviks du monde la même pratique. Ils sont une secte dans l'Église. Or, cette secte prétend non pas la tolérance, mais à la domination. Elle veut s'emparer de l'Église et en expulser quiconque ne pratique pas tous ses rites à elle. Les bolcheviks français sont-ils ainsi ?

Ici, nos communistes français ne sont ni clairs, ni francs sur ce point. Des discours comme ceux de Pioch l'autre jour nous conviant à rester dans le Parti, muets, mais libres ; des adjurations comme celles de Frossard ; des dires comme ceux qui circulent, à savoir : que l'adhésion à Moscou n'a aucune importance, que nous n'aurons qu'à « noyauter » le Parti, comme il l'a été par les communistes ; tout cela, si ce ne sont pas des manœuvres, prouve que la masse de ceux qui vont voter pour Moscou s'imagine que tout va continuer comme par le passé. Évidemment, elle croit qu'elle ne fait que donner un coup de barre à gauche, et manifester sa sympathie pour les Soviets. Mais trompe-t-on ces braves gens ? ou se trompent-ils ?

Oui ou non, est-on bolcheviste jusqu'au bout ? Veut-on un parti de tendance, une Internationale de tendances ? La IIIe Internationale et, en attendant, le parti communiste Français, sont-ils exclusivement bolcheviks ? La IIIe Internationale comprendra-t-elle des représentants de tous les partis socialistes, y compris les partis russes non bolchevistes ? Et le parti communiste français sera-t-il un parti admettant d'autres tendances que la sienne ?

Voilà ce qu'il faut dire à ceux qui votent en ce moment.

Car si l'adhésion à Moscou n'est que l'adhésion à une Internationale comprenant toutes les tendances, je ne vois pas qui pourrait refuser. Si la IIIe Internationale est l'assemblée unique de tous les socialistes du monde, si elle ne réclame l'accord que sur la doctrine, et non sur la tactique, c'est même le devoir de tous d'y adhérer, comme à toute autre de même tolérance.

Peu importe, dans ce cas, qu'une minorité adhérente, mais tenue par des décisions, soit annihilée, n'ait plus ni bénéfices, ni charges, ni même moyen de contrôle. Pour notre part et, je crois, pour nombre de vieux militants, nous laisserons volontiers aux autres les devoirs qui pesèrent longtemps sur nous, sans bénéfices. Si l'on décide de nous éliminer des Conseils, de supprimer la Représentation proportionnelle, ce ne sera pas une raison pour nous de quitter le Parti. Au contraire. Ce sera un moyen pour nous de nous décharger de toute responsabilité et de faire plus intense celle de la majorité.

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Mais si adhérer au Parti veut dire : 1° que l'on est bolchevik ; 2° qu'on ne tolère - dans l'organisation nationale et internationale - que des bolcheviks, alors ce sera avec douleur que je verrai mon Parti rompre avec moi des liens vieux de trente ans bientôt.

Rien au monde ne me forcera à dire que je suis bolchevik.

Je suis contre toute violence qui n'est pas celle de la loi ; contre toute dictature qui n'est pas celle de la loi, ou au moins celle rendue nécessaire comme dit Engels, par la transition d'un régime un autre ; contre tout mouvement social qui n'aurait pas au moins l'appui et la sympathie de la majorité de la section.

Ensuite, rien ne me fera être un sectaire.

Rien ne me fera considérer comme non socialiste ceux qui n'admettent pas la tactique de Moscou.

J'admets qu'on pense autrement que moi sur tous ces sujets, qui ne sont rien à côté de la doctrine. J'admets que les bolcheviks fassent partie du même Parti que moi et m'y autorisent, de la même Internationale que moi et m'y autorisent.

Mais je pense que s'ils veulent ajouter leur anathème aux partis qui nous lient, ce sont eux qui sortent du Parti.

Et je ne signerai pas leur revers.

Car ce serait oublier la tradition dans laquelle Guesde, Jaurès et Vaillant guidèrent mes pas ; tradition à la fois révolutionnaire et républicaine, qui n'a rien à faire avec le fatalisme menchevik, mais qui est tolérante et active.

Ce serait me renier moi-même. Je croirais apostasier une vie modeste, qui n'a été consacrée, en plus de mon métier, de ma science, qu'à la défense de la République, à celle de mon pays, et au progrès du socialisme, et à l'organisation solide, et à l'action constante des travailleurs.

Marcel Mauss

 

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Au comité de la Résistance so​cialiste

La commission d'action du comité de résistance socialiste a tenu séance hier, 8 décembre.

Étaient présents : Parvy, Pressemane, Pierre Laîné, Eugène Fort, Réau, Léon Blum, Mayéras, Paoli, Paul–Boncour, Henri Binet, Grangier, Reisz, Jean Mouret, Vendrin, Aubry, Pierre Renaudel, Oustry.

S'étaient excusés : Bracke, A. Varenne, Edgar Longuet et Séverac.

La commission, après avoir pris connaissance des adhésions envoyées par des camarades des diverses fédérations, en a décidé la publication prochaine.

Il est rappelé que les adhésions doivent être adressées au citoyen Paoli, 37, rue Mouton-Duvernet, Paris, 14e arrondissement.

La commission s'est ensuite préoccupée de toutes les dispositions susceptibles d'aider à la constitution rapide de sections du comité de résistance dans les fédérations et de la préparation de l'action commune au congrès de Tours. - Le secrétaire : D. Paoli.

 

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Le vote des fédérat​ions

Le congrès de l'Indre-et-Loire a voté ainsi : Cachin-Frossard, 30 [ou 50] mandats ; Longuet-Faure, 26 ; Paoli–Blum, 1.

 

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Le congrès de Berne

Le manifeste

Voici le manifeste adopté à Berne par les délégués des Partis socialistes ou fractions de Partis socialistes qui s'y étaient rendus.

 

Avec la guerre mondiale a commencé la phase de la lutte décisive du Prolétariat et de la Bourgeoisie pour la conquête du pouvoir politique.

La guerre a eu pour résultat immédiat l'hégémonie universelle du capitalisme anglais et américain, qui, sur le continent européen, laisse la prépondérance au militarisme français et, dans l'Asie orientale, au militarisme japonais. La victoire a d'abord consolidé la puissance de classe des capitalistes dans les pays victorieux et aggravé l'oppression des classes ouvrières de ces mêmes pays.

Il en est résulté un système de domination universelle directement hostile à la Révolution prolétarienne dans l'Europe centrale et orientale, comme aussi bien aux aspirations à la liberté des peuples opprimés et des populations des colonies.

Par le blocus et les interventions militaires, les vainqueurs s'efforcent de détruire la République Russe des Soviets, avant-garde de la Révolution sociale. Ils profitent de la dépendance économique des pays vaincus de l'Europe centrale pour y empêcher le développement de la Révolution prolétarienne. Ils se servent des forces contre-révolutionnaires sanguinaires de Hongrie, de Pologne et de Roumanie comme de mercenaires non seulement contre la Russie des Soviets, mais aussi contre les prolétaires de l'Europe centrale. Ils soutiennent les mouvements contre-révolutionnaires en Allemagne, en Autriche et dans la République Tchéco–Slovaque. Ils menacent du blocus tout mouvement révolutionnaire en Italie. Ils font de tous les petits États les instruments de leur politique par des représailles économiques et par le chantage financier. Ils étouffent dans des flots de sang les aspirations des peuples d'Orient à la liberté.

Mais cette hégémonie capitaliste est de plus en plus en opposition avec les exigences de la vie des masses prolétariennes des pays vainqueurs eux-mêmes.

Par le blocus de la Russie et la destruction économique de l'Europe centrale - conséquence de traités de paix iniques - la plus grande partie de l'Europe est exclue du marché mondial. Ainsi, non seulement les peuples de l'Europe centrale et orientale sont conduits à la ruine, terrain favorable à tous les mouvements nationalistes et contre-révolutionnaires, mais l'industrie de l'Europe occidentale et de l'Amérique est privée de ses marchés les plus considérables, jetée dans des crises graves qui entraînent le chômage de millions d'ouvriers.

Les ouvriers des pays occidentaux risquent donc, eux aussi, de souffrir de ce que dans le reste de l'Europe un grand nombre de prolétaires travaillent à des salaires misérables, provoquant ainsi pour de longues années en Europe occidentale et en Amérique l'abaissement du niveau des conditions de vie.

En présence de cette situation, il est nécessaire de rallier toutes les forces ouvrières et de placer au premier plan les revendications socialistes finales. Les prolétaires doivent opposer leur propre politique mondiale à celle des capitalistes.

 

La politique mondiale du socialisme

L'objet de cette politique doit être de défendre énergiquement la Russie des Soviets contre les puissances occidentales du capitalisme ; d'empêcher les intrigues contre–révolutionnaires de l'impérialisme français dans l'Europe centrale ; de briser les chaînes par lesquelles les mouvements révolutionnaires de tous ces pays sont paralysés par des impérialismes vainqueurs ; de secourir les peuples opprimés et les populations des colonies qui combattent pour leur liberté contre le capitalisme - de réunir pour cela toutes les forces révolutionnaires du monde contre l'Impérialisme.

Cette tâche ne peut être remplie par le prolétariat mondial que s'il s'unit sur les principes du Socialisme Révolutionnaire avec une inébranlable volonté de lutte et groupe toutes ses forces dans une puissante organisation internationale. Le Prolétariat est actuellement privé de cette organisation internationale.

 

La Deuxième Internationale

La guerre mondiale a détruit la Deuxième Internationale. Celle-ci n'a pas fait faillite parce qu'elle fut trop faible pour empêcher la guerre, produit du développement du Capitalisme, mais en raison de l'attitude des Partis Socialistes qui se sont rangés aux côtés de l'un ou de l'autre des groupes capitalistes rivaux, au lieu d'unir leurs forces contre la guerre déchaînée par l'impérialisme. Ainsi ils se sont mis dans l'impossibilité d'abréger le fléau.

Aux Conférences de Zimmerwald et de Kienthal, il fut prouvé qu'on aurait pu faire, même au début de la guerre, une politique internationale guidée par les principes du Socialisme. La démonstration y fut faite que la Deuxième Internationale, incapable de faire une pareille politique, avait failli à sa mission historique.

Cet échec des Partis socialistes a provoqué des haines et des méfiances qui ont séparé les masses ouvrières des divers pays et détruit la Deuxième Internationale. Cette dernière n'existe donc plus.

L'organisation qui prend actuellement le titre de Deuxième Internationale n'est plus qu'un assemblage de partis constituant la fraction purement réformiste ou chauvine [du mouvement ouvrier international. La conception de ces partis donne pour règle aux prolétaires de n'employer que les méthodes démocratiques et parlementaires -] sans égard aux conditions particulières à chaque pays, aux phases diverses de l'évolution, aux nécessités historiques de la lutte révolutionnaire des classes. Dans la pratique, ils abandonnent le combat révolutionnaire, admettent le ministérialisme réformiste, dans lequel ils voient la possibilité de réaliser le Socialisme. Ce sont les mêmes éléments dont l'attitude durant et après la guerre a le plus contribué à ébranler la confiance réciproque des masses ouvrière de tous les pays.

La soi-disant Deuxième Internationale, incapable de réunir dans son sein les forces vivantes et fières du Prolétariat, n'est plus qu'un obstacle à l'unité socialiste internationale.

 

La Troisième Internationale

L'Internationale Communiste s'est donnée elle-même le nom de Troisième Internationale. Ainsi, elle a réclamé le droit et assumé le devoir de continuer et de finir l'œuvre historique de la Deuxième Internationale. Mais l'Internationale de Moscou n'est en vérité jusqu'ici qu'une réunion de Partis Communistes. Elle ne peut devenir autre chose tant qu'elle s'en tiendra aux résolutions prises à son deuxième Congrès de Moscou.

L'Internationale Communiste veut imposer aux partis ouvriers des autres pays comme des méthodes stéréotypées celles que les bolcheviks ont suivies dans la Révolution des prolétaires et paysans russes. Elle ne tient pas compte de la diversité des conditions de la lutte des classes dans le monde ni du fait que les tactiques doivent dépendre des contingences de temps et de lieux. Elle supprime l'autonomie des partis socialistes qui peuvent seuls juger des conditions dans lesquelles ils doivent combattre dans leur propre pays. Elle veut les soumettre à un Comité International, muni d'un pouvoir sans limite, leur imposant une forme d'organisation résultant du développement spécial de la civilisation russe. Elle travaille consciemment à la destruction des partis socialistes qui ne veulent pas se soumettre à son mot d'ordre.

Elle veut subordonner les Syndicats ouvriers au Parti et provoquer la ruine de l'Internationale syndicale qui, actuellement, est la seule organisation de classe unissant les ouvriers de tous les pays. Elle veut remplacer un mouvement d'ensemble s'adaptant aux conditions concrètes de chaque pays par un mouvement de secte dirigé par un Comité Central, selon un plan identique.

De telle sorte que l'Internationale Communiste est actuellement incapable d'unir dans son sein le Prolétariat mondial.

L'organisation de la lutte de classe internationale, nécessitée par la politique mondiale prolétarienne et par l'action du Socialisme Révolutionnaire ne peut surgir que d'une lutte incessante de chaque Prolétariat contre la domination de sa Bourgeoisie. Les moyens de lutte et la tactique sont dictés par le degré de maturité de la situation révolutionnaire. Tant que la classe ouvrière lutte encore comme minorité au sein de l'État bourgeois, elle ne peut pas plus limiter son action aux seuls moyens traditionnels syndicaux et politiques-parlementaires, qu'elle ne peut admettre qu'on lui impose mécaniquement les méthodes des ouvriers et paysans de nations entrées dans une période révolutionnaire aiguë.

 

La dictature du prolétariat

Dès que le Prolétariat aura conquis le pouvoir, il devra recourir à des moyens dictatoriaux chaque fois que la bourgeoisie sabotera le pouvoir prolétarien ou se soulèvera contre lui.

La Dictature, c'est-à-dire l'emploi de la force de l'État par le Prolétariat, devenu classe dominante, pour abattre les oppositions que la bourgeoisie suscitera à la réalisation du Socialisme, constitue une phase transitoire dans le passage de l'État de classe capitaliste au régime socialiste. La forme que prendra cette dictature dépendra dans chaque pays des conditions économiques, politiques et sociales. Si le prolétariat conquiert le pouvoir par des moyens démocratiques, l'exercice de la Dictature sera nécessaire dans le cas de résistance de la bourgeoisie.

Si la démocratie est détruite par l'activité des antagonismes de classe au cours de la période la plus aiguë des luttes décisives entre les forces en présence, la Dictature pourra être exercée par les organisations prolétariennes qui seront, suivant les conditions de chaque pays, les conseils d'ouvriers et paysans, les syndicats ouvriers, les délégués d'ateliers, des organisations communales autonomes ou autres organismes de classe. Non seulement la dictature transitoire, mais encore la structure définitive de la Démocratie prolétarienne dépendront dans chaque nation de conditions particulières. De même que la révolution bourgeoise prit des formes très différentes de pays à pays, la Révolution Prolétarienne prendra des formes très diverses suivant le degré du développement capitaliste.

Sur la base de ces conceptions générales imprégnées de l'esprit du marxisme révolutionnaire, se sont réunis à Berne, du 5 au 7 décembre 1920, en une conférence préparatoire, les représentants des Partis suivants :

Parti Socialiste Indépendant Allemand ;

Parti Social-Démocrate d'Autriche ;

Parti Indépendant du Travail d'Angleterre ;

Parti Socialiste de France ;

Parti Social-Démocrate Allemand de la République Tchéco-Slovaque ;

Parti Socialiste Suisse ;

Parti Socialiste des États-Unis d'Amérique ;

Parti Social–Démocrate Ouvrier de Russie.

 

Vers l'unité internationale

En présence de la réaction mondiale, grandissant sans cesse ; de la rapide reconstitution, après la guerre, de l'unité de front international de la bourgeoisie ; de la nécessité d'une action défensive du Prolétariat, tant pour protéger ses récentes conquêtes que pour soutenir le développement révolutionnaire ; en présence des graves déchirements des forces prolétariennes de tous les pays qui empêchent toute lutte efficace, les participants à la Conférence Internationale de Berne recommandent à leurs Partis respectifs de prendre part à la

Conférence socialiste internationale

qui se réunira le 22 février 1921 à Vienne (Autriche).

L'ordre du jour provisoire est ainsi fixé :

1° Constitution de la Conférence ;

2° L'impérialisme la révolution mondiale ;

3° Méthodes et organisation de la lutte de classe ;

4° La lutte internationale contre la contre-révolution.

Les Partis représentés à cette Conférence s'efforceront de demeurer en contact étroit afin d'arriver à constituer un groupement uni et à coordonner toutes les forces prolétariennes internationales pour une action commune contre le Capitalisme et l'Impérialisme, et à réaliser enfin une véritable Internationale du Prolétariat conscient.

Seront admis à la Conférence de Vienne tous les Partis qui sont sortis de la Deuxième Internationale et se placent sur le terrain des principes énoncés dans cet appel. Les adhésions doivent être adressées avant le 1er février 1921, au camarade Friedrich Adler, Rechte Wienzeile, 97, Vienne (Autriche).

Pour préparer cette Conférence et la discussion de son ordre du jour, la Conférence de Berne a pris les dispositions pour la nomination d'une commission de cinq membres qui transmettront en temps voulu, à tous les Partis adhérents, les propositions se rapportant aux sujets contenus dans l'ordre du jour.

Friedrich Adler (Vienne) ; Otto Bauer (Vienne) ; Kurt Cernak (Tepliz) (Tchéco–Slovaquie) ; Arthur Crispien (Berlin) ; Paul Faure (Paris) ; Paul Graber (Berne) ; Robert Grimm (Berne) ; Rudolf Hilferding (Berlin) ; August Huggler (Berne) ; Francis Johnson (Londres) ; Georg Ledebour (Berlin) ; Jean Longuet (Paris) ; L. Martow (Moscou) ; Ernst Reinhard (Berne) ; Kurt Rosenfeld (Berne) ; E. Shinwell (Glasgow) ; R. C. Wallhead (Manchester).

Berne, le 7 décembre 1920.

 

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Le Congrès des peuples orientaux de Bakou

Compte rendu officiel

La Pravda du 22 septembre a publié le rapport officiel de la séance du Comité Exécutif de l'Internationale Communiste sur le Congrès oriental de Bakou.

En voici les passages essentiels :

Au Congrès qui s'ouvrit le 1er septembre assistèrent 1 891 délégués, représentant 32 nationalités. Zinoviev en fut élu président à l'unanimité. L'ordre du jour comportait cinq questions : 1° situation politique générale ; 2° questions nationales et coloniales ; 3° question agraire ; 4° les Soviets en Orient, et 5° problèmes d'organisation.

Zinoviev et Radek furent les rapporteurs de la première question. Ils insistèrent sur la nécessité de lutter contre l'impérialisme de l'Entente et firent un appel à la « guerre sainte « » de tous les travailleurs et de tous les opprimés d'Orient et d'Occident contre la bourgeoisie impérialiste.

- Nous avons ouvertement déclaré, dit Zinoviev, que nous considérons la réalisation du Communisme en Orient comme impossible pour le moment, et qu'en conséquence nous consentons à travailler avec les éléments nationaux-démocratiques et révolutionnaires, tout en soutenant cependant le mouvement communiste faible encore des pays orientaux.

Le Congrès de Bakou comprenait deux fractions : une fraction communiste et une fraction beaucoup plus importante de sans-parti. Celle-ci, à son tour, se divisait en deux groupes : un groupe effectivement sans parti, comprenant les représentants des paysans et de la population semi-prolétarienne des villes, et un groupe de gens qui se disent sans parti mais qui en fait appartiennent aux partis bourgeois. Un de ces délégués, un professeur turc, membre du comité Union et Progrès, déclara qu'il ne voulait de nous qu'une seule chose : des armes.

Dans ma conversation avec Euver Pacha, raconte Zinoviev, je lui demandai[s] si l'on savait, en Turquie, ce que c'est qu'un bolchevik.

- Les Turcs, me répondit Enver, disent ceci : « Un bolchevik, c'est un homme qui est hostile à l'Angleterre. »

- Mais que pensent-ils du fait que les bolcheviks luttent contre les riches et les propriétaires fonciers ?

- Cela n'intéresse pas les Turcs, répliqua Enver.

Évidemment, il n'en est pas ainsi. L'ex-généralissime turc raisonne d'après son propre point de vue de parti.

Le niveau moyen de la conscience des délégués du Congrès était assez haut. Les représentants de l'Internationale Communiste dirent nettement la vérité ; que l'Internationale Communiste est une organisation ouvrière et que la lutte des peuples opprimés doit être dirigée par la classe ouvrière communiste. Le congrès a accepté consciemment ce point de vue.

Radek a été rapporteur des questions nationales et coloniales. Pour la question agraire, on a voté une résolution qui aura sans aucun doute une grande importance pratique. Pavlovitch a fait un rapport sur les travaux du 2e Congrès de Moscou, et Bela Kun a fait un exposé sur les nouvelles formes de gouvernement, dans lequel il a montré que le pouvoir des Soviets est possible même là où il n'y a pas de prolétariat industriel. Selon cette vue, le Congrès a voté une résolution sur l'institution des Soviets en Orient.

Sur le problème de l'organisation, des divergences éclatèrent au sein du Bureau qui comprend 48 membres. Certains voulaient créer un organisme qui aurait contrôlé les formations soviétistes existantes et serait devenu une institution suprême d'administration et de contrôle. Cette idée a été repoussée. Le Congrès a décidé de créer un « Conseil de propagande et d'action des peuples de l'Orient ». Ce Conseil, qui compte 45 membres, a son siège à Bakou et se réunit au moins une fois tous les trois mois. Le Bureau de ce Conseil comprend 9 membres, en majorité communistes, dont 2 représentants de l'Internationale Communiste. Ce conseil s'est réuni immédiatement après le Congrès. Il a décidé de publier une revue spéciale. Spasova et Pavlovitch ont été nommés provisoirement représentants de l'Internationale Communiste à ce Conseil. Une délégation de 40 membres a été chargée de se rendre à Moscou.

Après avoir entendu le rapport de Zinoviev, le Comité Exécutif a approuvé l'attitude de ses délégués au Congrès et ratifié la nomination des deux communistes chargés de le représenter à Bakou.

 

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Après le drame

Un nouveau télégramme de Strœm

Nous avons reçu à l’Humanité le télégramme suivant :

Upsal. - À cause de la grève des cheminots de Norvège, le rapport du camarade Bodin de Vardoë n'est pas encore parvenu. Aussitôt reçu, je vous le télégraphierai à Paris.

Vous pouvez démentir formellement les mensonges de la presse capitaliste relatifs à la catastrophe.

La responsabilité incombe à ceux qui imposent le blocus et forcent les États voisins à empêcher les communications des socialistes avec la Russie.

J'ai envoyé un courrier spécial à Vardoë et à Mourmansk pour éclaircir les détails du naufrage et pour chercher l'épave du bateau qui n'est pas encore retrouvée. La difficulté de communications et l'hiver retardent les voyages et les renseignements.

Strœm

Est-il permis de penser que les misérables qui ont cherché à salir la mémoire des trois martyrs se repentiront de leurs infâmes calomnies ?

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Trois billets de Raymond Lefebvre

On nous communique les trois billets suivants extraits de la correspondance envoyée par Raymond Lefebvre au début du mois d'août.

Il suffira de les lire pour comprendre l'ineptie des racontars d'après lesquels Raymond Lefebvre aurait été désillusionné pour son voyage.

Dans ces courtes phrases on le retrouve tout entier avec son enthousiasme magnifique et son ardeur un peu fébrile.

 

Moscou, début d'août.

Un mot en hâte. Drizdo vient de m'apprendre qu'il part ce soir pour l'Angleterre… Je lui remets un article pour l’Humanité et une lettre pour toi, toute bonne. Énorme travail. Congrès grave, attentif, sans vacarme. Conversations avec des dizaines de gens de génie (des Hindous, des Chinois, des Allemands, des Américains, etc.)

Je suis en train de préparer mon retour. Il sera assez long. Je ne veux pas encore te dire quel chemin je prendrai de peur que cette lettre ne soit lue par des indiscrets.

Je serai de retour mi-septembre. Impossible avant, pour des motifs d'ordre majeur.

Je travaille tant que je n'ai pas le temps d'écrire une seule note. Je tremble d'oublier quelque chose…

Seratti a parlé contre l'admission du Parti français. Rakowski aussi.

Je file au Kremlin. Discussions sur le syndicalisme. J'en aurai pour jusqu'à trois heures du matin. C'est tous les jours pareil, et il faut courir après son linge, lire la littérature communiste, aller voir les gens…

Amitiés et tendresse à tous.

 

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Moscou, août.

… Je suis terrassé de choses et de notes. Je vois et je constate un monde nouveau, terrible et futur. Toute la Russie n'est plus qu'un futur gémissant, comme un être qui sort d'un ventre.

Je pars demain en Ukraine et reviendrai dans dix jours pour partir tout de bon.

 

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Moscou, septembre.

Je reviens d'Ukraine, où j'ai fait un fatiguant est splendide voyage dans le triangle Kharkow, Kiew, Odessa.

Je suis écrasé de travail, lectures, visites, meetings.

Tout à l'heure je vais essayer de bâcler un article pour l’Humanité, mais je suis ébloui par tout ce que j'ai reçu depuis un mois et demi, et je ne peux pas encore classer tout cela.

J'ai revu Lénine tout à l'heure et dois le revoir demain.

Je suis en train de mettre au point les manœuvres des centristes français. Travail délicat, mais considérable de conséquences.

 

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Les hommages à la mémoire de​ nos amis

Nous recevons de nombreuses organisations, syndicales et socialistes, des ordres du jour de sympathie pour les familles Vergeat, Lepetit et Lefebvre, et qui célèbrent le dévouement de nos trois camarades à la cause ouvrière. Nous ne pouvons à notre grand regret, les publier tous. […]

 

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Va-t-o​n réintégrer les cheminots révoqués ?

M. Israël et plusieurs de ses collègues radicaux, prix de tardifs remords de conscience, viennent de déposer sur le bureau de la Chambre une proposition de résolution demandant au gouvernement d'obtenir des Compagnies de chemin de fer la réintégration des cheminots rayés des cadres à l'occasion de la dernière grève.

Dans l'exposé des motifs les auteurs de la proposition déclarent que la réintégration des cheminots révoqués qui n'ont commis aucun acte de sabotage ne constituerait pas un acte de faiblesse, mais une mesure de bienveillance.

De bienveillance ou de justice, MM. les radicaux ?

Dans l'après-midi, MM. Israël, Herriot, Archimbaud et Renard se sont entretenus avec le président du conseil de leur proposition.

Ils ont notamment insisté - ils sont si sages ! - sur ce fait que la proposition ne visait pas les cheminots révoqués à la suite des faits de grève délictueux.

Le président du conseil a promis de s'entretenir à ce sujet avec ses collègues de cabinet et de rendre une réponse d'ici quelques jours.

Ça n'engage à rien.

 

 

 

- « avant le Congrès - Double question », par Marcel Mauss [Le Parti est-il bolcheviste ou mencheviste ? ; Si la majorité du Parti est bolcheviste, que va-t-elle faire ?]

- « au Comité de la Résistance socialiste », adhésions et constitution de sections du Comité dans les fédérations

- vote de l’Indre-et-Loire

- « Le manifeste » du Congrès de Berne : la politique mondiale du socialisme ; la Deuxième Internationale [n’existe plus, est un obstacle à l’unité socialiste internationale] ; la Troisième Internationale [actuellement incapable d’unir dans son sein le Prolétariat mondial] ; la dictature du prolétariat ; vers l’unité internationale [avec une conférence socialiste internationale le 22 février 1921 à Vienne]

- le compte-rendu du « Congrès des peuples orientaux de Bakou » [nous considérons la réalisation du Communisme en Orient comme impossible pour le moment ; Le Congrès a décidé de créer un « Conseil de propagande et d'action des peuples de l'Orient ».]

- « après le drame » de la disparition de Vergeat, Lepetit et Lefebvre : télégramme de Strœm ; 3 billets de voyage de Raymond Lefebvre ; hommages

- « va-ton réintégrer les cheminots révoqués ? » [(les radicaux) ont notamment insisté - ils sont si sages ! - sur ce fait que la proposition ne visait pas les cheminots révoqués à la suite des faits de grève délictueux.]

 

 

le 09 December 2020

 
 

Il y a cent ans : L'Humanité au jour le jour

 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)