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Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du vendredi 31 décembre 1920

L'Humanité, journal socialiste quotidien

À partir du site internet Gallica, de la Bibliothèque nationale de France

 

L'Humanité du vendredi 31 décembre 1920

 

 

La fin de Cong​rès

Cette dernière journée a été marquée par un fait politique dont il convient de souligner la gravité sans retard. Les délégués de la fraction du centre, groupe Longuet-Paul Faure, qui avaient quitté le Congrès la veille, après le départ des représentants de la droite, sans préciser la décision qu'ils allaient prendre, ont fait alliance avec cette droite dans une réunion tenue en commun avec elle.

Les camarades Raoul Verfeuil et Lussy, qui avaient voté avec la fraction centriste, ont tenu alors à protester contre cette attitude et à affirmer leur indestructible dévouement au Parti.

Ils sont revenus au Congrès, qui les a fraternellement accueillis ; nul doute que ce noble geste ne soit imité, dans les sections et fédérations, par un grand nombre de camarades ayant voté la motion Longuet-Paul Faure et qui n'avaient jamais pensé qu'on put les conduire à un acte de révolte contre la volonté souveraine du Parti.

Le Congrès a voté un énergique appel au pays socialiste en faveur de l'action et de la discipline. Il sera entendu des masses profondes du Parti.

Avant de se séparer, le Congrès, à la demande de Frossard, a invité les fédérations à se réunir le plus tôt possible, pour triompher des manœuvres dirigées contre le Parti, et les délégués ont quitté Tours, fiers de l'œuvre historique accomplie, résolus à redoubler d'efforts pour a propagande parmi les populations laborieuses des villes et des campagnes.

L'Internationale Communiste doit étendre, grâce aux efforts de tous et de chacun sur le pays tout entier, son activité révolutionnaire. - D. R. [Daniel Renoult]

 

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Nos lecteurs trouveront à la deuxième page le compte rendu des dernières heures de la séance de nuit qui n'a pu trouver place dans notre numéro d'hier. Disons tout de suite, avant de rendre compte de la journée d'hier, que cette séance de nuit s'est terminée à près de trois heures du matin par le vote de la motion Renoult, qui obtint 3 247 mandats, tandis que la motion Mistral n'en obtenait pas 1 398.

 

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La séance​ du matin

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Séance de l'après-​midi

Les Jeunesses

Le rapport de la Trésorerie

La Commission de contrôle

Le rapport de l'Humanité

Le rapport du groupe parlementaire

Pour les communistes hongrois

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Les organismes cent​raux

Comité directeur

Les Commissions des Conflits et de Contrôle

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La nuit précéd​ente

Paul Faure

Cachin

Verfeuil

Pressemane

Paul Faure, au nom des reconstructeurs

Paoli, au nom du comité de résistance

La réponse de Frossard

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Les dissidents s'or​ganisent

 

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Le Socialisme continue ! - par Marcel Cachin

Les représentants socialistes de la classe ouvrière et paysanne française ont voté à une majorité énorme l'adhésion à la IIIe Internationale.

À aucun moment peut-être de l'histoire de notre Parti, une question plus grave ne lui avait été posée.

Jamais, à coup sûr, majorité plus compacte ne se groupa autour de la motion victorieuse.

Le vote a été obtenu dans des conditions de clarté et de loyauté absolues que nul ne peut honnêtement contester. Pendant cinq ans, une propagande ardente opposa les conceptions les plus diverses ; pendant cinq mois, textes et documents ont été étudiés, discutés, commentés amplement et contradictoirement dans chacune des sections de notre grand Parti.

Que signifie la décision ainsi obtenue ?

Sans doute, affirme-t-elle tout d'abord la solidarité, la sympathie, l'affection sans bornes des travailleurs français pour la Révolution russe. Mais elle marque en même temps leur volonté de préparer en notre pays les conditions favorables à une bataille des classes chaque jour plus rude et plus âpre.

Chacun des congressistes avait le senti[ment p]rofond de la grandeur inusitée du […]. Dans le dur conflit qui nous mit aux […] et qui vient d'aboutir à la rupture de […] unité, nul ne pouvait maîtriser […] angoisse intense ; des adjurations pathétiques échangées entre vieux compagnons de lutte étaient suivies des silences les plus poignants. L'incident Clara Zetkin porta à son comble l'émotion commune.

D'un bout à l'autre de ces six journées si chargées, le Congrès entier sut conserver la haute tenue, et, si j'ose dire, la solennité que les circonstances imposaient.

Lorsque vinrent les minutes du déchirement, comme tout au long de la discussion, les= assistants offrirent le plus impressionnant spectacle de sérieux, de dignité, de maîtrise de soi.

Qn devra rendre aux orateurs de la majorité cette justice qu'ils multiplièrent les efforts pour justifier leur attitude et pour limiter les inévitables ruptures. Aujourd'hui les événements, plus forts que les hommes, ont décidé, et ce n'est pas sans une profonde tristesse qu'un socialiste peut enregistrer ceux d'hier et qu'il envisage ceux que nous […] demain.

À la lutte intensifiée qui attend le Parti dans les temps proches, voudront participer tous les prolétaires qui lui sont présentement affiliés. La majorité a parlé : elle a parlé librement. Chacun des militants n'a qu'à s'incliner devant le verdict souverain.

Nous faisons ici appel à tous les ouvriers et paysans groupés en nos sections et fédérations pour qu'aucun d'entre eux ne quitte la vieille et solide organisation qui seule peut abriter les espérances des masses prolétariennes.

Marcel Cachin.

 

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Le Manifeste du P​arti

Le Congrès de Tours marquera une date historique dans la vie longue déjà et glorieuse du socialisme français. S'il restaure parmi nous les conceptions traditionnelles de Marx et d'Engels, la doctrine jadis consacrée et trop souvent désertée dans la pratique, il s'adapte eu même temps aux nécessités des temps nouveaux, aux obligations impérieuses que nous impose la crise révolutionnaire mondiale.

Les méthodes de préparation et d'action qui doivent désormais prévaloir en présence du régime capitaliste qui croule politiquement, économiquement, socialement, nous imposent une discipline renforcée.

En face de tout ce qui accélère la chute de la classe déclinante, une conscience plus précise de la lutte de classes s'affirme devant la masse socialiste du pays.

Tel est le sens de l'adhésion du socialisme français à cette Internationale communiste qui a relevé le véritable drapeau de l'Internationale des travailleurs, et la majorité des trois quarts des suffrages exprimés qui s'est manifestée à Tours donne à cette adhésion sa valeur de souveraine puissance.

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C'est avec toutes les forces vives de la classe ouvrière que nous allons poursuivre notre tâche.

Du Congrès inaugural de la première Internationale, il y a 56 ans, au Congrès d'Amsterdam, en 1904, et de notre Congrès d'unité de 1905 au Congrès de Tours, la chaîne est continue.

La droite de notre Parti, un petit nombre d'hommes, des élus plus que des militants, dont certains comptaient des états de service, mais qui s'étaient laissé conquérir par les conceptions révisionnistes et purement parlementaires, nous ont quittés délibérément. Leur position était prise d'avance ; ils avaient préparé leur schisme au Congrès de la Fédération de la Seine. Le secrétaire du Parti avait démasqué leurs desseins. Ils n'ont pas voulu comprendre la loi d'airain des temps nouveaux. Nous passons.

Au centre, d'autres, en plus grand nombre, ont rompu avec nous. Ils ont hésité jusqu'à la dernière minute, irrésolus et incapables de faire leur choix entre le réformisme parlementaire et le communisme marxiste. IIls se sont rapprochés des hommes qu'ils combattaient hier encore.

Partisans, suivant leur motion, d'une adhésion à la IIIe Internationale, ils se sont refusés à suivre aucun des chemins qui pouvaient y conduire.

Ils sont les véritables auteurs de la crise, si restreinte soit-elle, où pénètre notre Parti.

Ils ont montré, par leur geste, aux masses laborieuses de ce pays, qu'ils en assumaient la responsabilité. Ce n'est pas sur un vote de principe qu'ils sont sortis, mais sur la lecture d'un document d'allure polémique, un message de l'Internationale Communiste dont ils ont voulu méconnaître la signification réelle.

C'est en vain que nous leur avons offert tous les apaisements légitimes. C'est en vain que nous avons pris l'engagement catégorique de consacrer, dans un statut, le droit des minorités. C'est en vain que nous nous sommes prononcés contre les exclusions pour les actes du passé.

Des considérations d'amour-propre où se révèle l'esprit petit-bourgeois. des raisons que le prolétariat ne peut comprendre, lui qui met la cause de la révolution au-dessus des personnes, les ont conduits à la rupture.

Qu'ils en gardent devant l'histoire la lourde responsabilité.

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Après celle séparation, qui éloigne de nous des hommes dont certains avaient un long passé socialiste, nous travaillerons avec joie à accroître la puissance belle et majestueuse de notre Parti.

Toutes les fédérations industrielles sont avec nous. Les fédérations paysannes sont venues, par leurs renforts, attester le fécond travail qui s'accomplit dans les masses rurales et qui se marque par leur solidarité grandissante avec les travailleurs des villes, par la croissance de l'esprit de classe, cette condition même de l'élaboration de la société future. C'est la clarté tranchante de la politique menée en commun par tous les partisans sincères de la IIIe Internationale qui a frappé le plus vivement la conscience du prolétariat.

Ainsi s'est réalisée en France l'union intime et désormais indissoluble de tous les socialistes communistes.

C'est la France salariée, ta France en révolte contre le régime capitaliste, régime de guerre et de faillite, régime de rapine, d'exploitation et de servitude, c'est toute celte France militante qui est avec nous, c'est elle qui défendra demain, de concert avec toutes les sections de l'Internationale communiste, la paix, le droit des peuples et la révolution menacée par les impérialistes, masquant leurs intérêts de classe derrière la défense nationale. L'œuvre qui s'impose à notre Parti est énorme ; elle ne nous effraye pas.

Le vieux monde s'effondre devant l'esprit des temps nouveaux. La révolution qui s'annonce, qui est née en Russie et qui grandira de proche en proche dans les États de tout le continent, trouvera des millions et des millions d'artisans sévères. L'âpre lutte continuera, patiente quand il faudra, rapide et décisive à l'heure venue pour la libération des nouveaux esclaves. Le régime bourgeois chancelle sur ses bases, au lendemain de la plus cruelle des guerres. Nous lui apporterons seulement le dernier coup.

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Prolétaires, Paysans et Ouvriers !

Votre devoir s'accroit dans la mesure où le temps s'avance. Vous ne vous laisserez séduira ni par ceux qui veulent trouver dans le parlementarisme exclusif, dans l'abandon des principes, socialistes, dans les concessions à l'adversaire capitaliste, les avantages illusoires des transactions mortelles pour la révolution, ni par ceux qui cherchent leur voie à tâtons sans jamais se résoudre et qui, constamment, paralysent l'œuvre d'affranchissement.

Vous tous, vieux militants de notre Parti, qui le servez par votre dévouement opiniâtre, jeunes hommes soulevés par le cyclone de la guerre et qui affluez dans nos rangs, vous viendrez à nous pour continuer l'oeuvre commencée.

Que notre Parti soit fort et discipliné, maître à la fois de ses militants et de ses élus !

Qu'il soit digne de son passé, digne de Babeuf, digne des hommes de Juin 1818, digne de la Commune, digne de Jaurès, digne de l'avenir glorieux qui s'ouvre à nous !

Le combat continue plus ardent et plus ample. Nous n'allons pas vers des émeutes d'aventures. En travailleurs, toujours équipés avant l'heure de l'offensive, nous creuserons nos parallèles de départ, toujours à l'affût d'un ennemi que nous savons implacable et préparé.

Que la décision de Tours soit l'acte qui réunira tous les prolétaires français !

Que l'adhésion à la IIIe Internationale retentisse à travers le monde comme l'annonce des grands changements prochains !

Vive le Socialisme révolutionnaire français !

Vive l'Internationale Communiste !

 

 

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Le communisme au parlement

Clara Zetkin et Lénine ont les honneurs de la séance à la Chambre des Députés

Inopinément survenu, Marcel Cachin fait entendre, sous les huées bourgeoises, la parole révolutionnaire

Le grand geste historique de « l'adhésion » a eu hier, à la Chambre, son premier retentissement.

Le prétexte : torturer le ministre de l'intérieur sur la courageuse équipée de notre grande et chère Clara Zetkin.

Le but : frapper un premier coup contre la propagande révolutionnaire - audacieuse et large propagande d'idées - dont l'organisation, nous en prévenons charitablement M. Steeg, sera désormais la besogne essentielle du socialisme.

Arrivé de Tours à 16 heures, Cachin, immédiatement prévenu du débat qui allait s'engager, s'en fut d'une traite à la Chambre.

La bataille commençait à peine quand, à 16h10, il s'asseyait à son banc.

M. Vallat, député royaliste de l'Ardèche, « questionnait » à la tribune M. Steeg, assis à son banc de torture. La droite se frottait les mains et troussait des lèvres gourmandes à l'annonce d'un dépècement ministériel.

À vrai dire, M. Vallat ne fut pas très méchant : ses blessures de guerre expliquent sans doute, et excusent la débilité de son intervention :

M. Vallat. - Il y a quelques jours, le Gouvernement refusait des passeport à plusieurs révolutionnaires allemands, entre autres la citoyenne Clara Zetkin, propagandiste connue, député au Reichstag.

Or, hier, le journal officiel du parti socialiste arborait la manchette suivante : « À la barbe de la police, Clara Zetkin, arrive à Tours ». (Applaudissements à l'extrême gauche. - Interruptions et exclamations au centre et à droite) et nous donnant quelques détails sur cet incident théâtral bien réglé ! (Très bien ! très bien !)

M. Vallat veut toutefois bien concéder que Clara Zetkin, excellente communiste, fut « parmi les rares consciences qui, outre Rhin, protestèrent, en 1914, contre la violation de la Belgique et l'agression dont nous étions alors les victimes. »

M. Vallat - Quoi qu'il en soit, on a refusé des passeports à Clara Zetkin et, avant-hier elle était à Tours.

Y a-t-il eu [reculade] du gouvernement ? Autorisation de la dernière heure ?

Non, le ministre de l'intérieur est le prisonnier de l'Action française et Léon Daudet […] faiblesse (on rit.)

Clara Zetkin [sera] donc introduite en France [malgré] les ordres donnés.

Et M. Vallat […] par un trait où l'on retrouve la [délicate] inspiration littéraire en honneur à l'Action Française :

Les soldats de France ont fait taire les berthas. Il appartient au gouvernements de la République de fermer la bouche aux Claras.

A droite, au centre, à gauche, c'est une furie d'applaudissements. Ah ! la faune agréable que celle de l'hémicycle.

Elle réserve d'ailleurs à M. Steeg, réduit par destination et par nécessité à croquer du bolcbeviste à chaque séance, un accueil aussi sympathique.

 

M. Steeg à la tribu​ne

Le remarquable ministre de l'Intérieur, si fâcheusement roulé par une vieille femme de soixante-dix ans, est amusant à souhait :

M. Steeg. - Je ne puis admettre que des étrangers et surtout des Allemands, viennent faire chez nous une propagande de guerre civile alors surtout que certains de nos concitoyens n'hésitent pas devant cette tâche lamentable.

Ça, M. le ministre ne peut pas l'admettre... La Chambre non plus : elle en témoigne consciencieusement par des cris d'indignation partis d'un peu partout et par de furieux applaudissements, partis d'un peu partout aussi.

Le ministre continue. C'est toujours très intéressant :

M. Steeg - Mardi soir, a cinq heures, Mme Clara Zetkin pénétrait dans la salle du congrès de Tours entourée de quelques membres de l'assemblée. Immédiatement les portes se fermèrent sur elle, et elle prononça un discours dont. après tout, il n'est pas mauvais que nous ayons entendu l'expression, car il prouve que la propagande bolcheviste chemine par des routes diverses mais que l'une de ces routes passe certainement par Berlin. (Vifs applaudissements à gauche, au centre et à droite).

Très soutenu par la majorité, M. Steeg poursuit :

La déléguée de la firme révolutionnaire germano bolcbeviste a flétri le traité de Versailles qu'elle a appelé un traité de fer et de sang, et il est triste de penser que des assistants français, oubliant la provocation 1914 (Vifs applaudissements à gauche, au centre et à droite), oubliant toutes les souffrances de la patrie (Nouveaux applaudissements), aient applaudi de tels propos, je ne dirai pas avec enthousiasme, mais avec résignation. (Vifs applaudissements à gauche, au centre et à droite).

D'une voix de cuivre, Cachin jette de son banc :

- Si, si, avec enthousiasme !

Une salve de hurlements explose des travées radicales aux travées royalistes.

« Boche ! Boche ! » cria avec persévérance une voix anonyme, tout en haut du centre.

« À la porte ! La censure ! » Le bruit est infernal.

Dominant le grouillement de l'hémicycle, le président intervient doctoralement du haut de son fauteuil ;

M. Raoul Péret. - Vous heurtez le sentiment patriotique de l'Assemblée par des paroles qui ne peuvent pas être entendues par des oreilles françaises. (Vifs applaudissements à gauche, au centre et à droite).

Je vous rappelle à l'ordre.

M. Balanant. - Nous demandons la censure, monsieur le président. (Applaudissements.)

(Voir la suite en 2e page)

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À la Chambre

Suite

L'élève Balanant, n'obtenant pas la punition sollicitée, se tient coi, et le ministre continue, plaidant les circonstances atténuantes en faveur de ses services : on pourrait bien envoyer aux frontières davantage de « fonctionnaires » de la police, mais il n'en resterait plus, alors, à l'intérieur. On frémit, à l'idée d'une telle éventualité.

Les honnêtes gens se rassureront toutefois en apprenant que le ministre de l'intérieur prépare de sérieuses mesures de répression :

M. Steeg - Le gouvernement ne peut pas accepter que s'organise sur la terre de France une propagande fondée sur l'illégalité, la corruption et la terreur. (Applaudissements). Le gouvernement emploiera toutes les armes dont il dispose, et il n'hésitera pas à vous demander celles qui lui paraîtront nécessaires. (Très bien ! très bien !)

Je viens de déposer sur le bureau de la Chambre un projet préparé par le gouvernement de M. Clemenceau et édictant des pénalités contre les étrangers qui entreront en France sans autorisation régulière.

Notre libéralisme demeure, mais il ne va pas jusqu'à donner aux étrangers la liberté de bouleverser l'ordre, de fomenter la guerre civile, de saper les bases d'une patrie faite de douceur, d'intelligence et d'humanité.

Ainsi fut liquidée la question Vallat.

 

La réplique de Cachin

Restaient trois interpellations, de Cachin, de M. Gérald… et de M. Daudet, motivées par l'incident Clara Zetkin et forgées, notamment celle de Cachin, au feu de la séance.

La Chambre en décida la discussion immédiate.

Je vous fais grâce de la xénophobie ignorante de M. Gérald dont le départ de la tribune fut marqué par des grognements divers : on s'aperçut aussitôt, il est vrai, que ces grognements étaient à l'adresse de Cachin qui y faisait son apparition…

- N'oubliez pas que nous sommes ici entre Français ! lui jeta d'une voix altière M. Noblemaire-des-wagons-lits.

- Oui ! réplique du tac au tac Cachin. Et je n'ai jamais exploité cette qualité. Vous n'avez fait que ça toute votre vie.

Mouché, l'homme des wagons-Iite se tait et écoute - avec toute la Chambre. C'est curieux et presque inquiétant, ce silence…

Marcel Cachin. - Tout à l'heure, quand M. le ministre de l'intérieur constatait que la présence de notre amie Clara Zetkln avait été saluée d'applaudissements au congrès de Tours, je me suis borné à le consTaler avec lui. Si nous avons ainsi salué cette vielle femme de soixante-dix ans, c'est que, seule, en 1914, au moment où son pays tout entier [délirait], elle a osé protester contre la violation du sol de la Belgique et de la France.

M. Steeg a accusé Clara Zetkin d'avoir parlé en pangermaniste : je m'étonne qu'un affirmation semblable puisse être portée ici et applaudie, alors que les pangermanistes avaient tué Rosa Luxembourg qui, elle aussi, avait protesté en 1914.

Rappelez-vous qu'en 1871, il s'est trouvé encore en Allemagne, qui victorieuse, venait d'écraser notre pays, des socialistes allemands pour protester contre le traité de Francfort : ces socialistes étaient Bebel et Liebknecht, auxquels Gambetta envoya l'hommage de la France. Aujourd'hui, on n'envoie plus les hommages de la France à la seule femme qui ait protesté, en Allemagne, contre les crimes du kaiser.

M. Galli. - Elle a protesté contre le traité !

Marcel Cachin. - Ce contre quoi elle a protesté, c'est contre ce fait qu'à l'heure actuelle la bourgeoisie allemande est aussi riche qu'avant la guerre tandis que la classe ouvrière est affamée.

M. Ignace lève alors vers Cachin sa face patibulaire de brigand de cinéma :

M. Ignace. - Les ouvriers allemands que vous défendez ont commis en France, pendant qu'ils faisaient partie des armées allemandes, les mêmes atrocités que les autres. (Applaudissements au centre et à droite).

M. Ignace se chargeait, à la même époque, de commettre, dans le même pays, d'autres atrocités.

Cachin. - Avez-vous refusé des passeports aux mercantis qui, des deux côtés de la frontière, font leurs affaires ?

M. Galli. - Elle vient prêcher la guerre civile chez nous !

Cachin. - Elle fait la propagande qu'il lui plait. (Très bien ! très bien !)

M. Bonnefous. - Vous nous suffisez !

Cachin. - Je fais de mon mieux.

Bouclé à son tour, M. Bonnefous n'insiste pas.

 

Après Clara, Lenine !

Au milieu des interruptions, Cachin continue son intervention courageuse : 

Cachin. - Oui, Clara Zetkin est venue nous apporter son salut de fraternité : je m'incline, pour ma part, avec respect et admiration devant cette femme.

Un malin crie à gauche :

- Devant, Lenine !

Très froidement, Cachin répond d'une voix forte :

- J'ai pour Lénine, la plus grande admiration !

Et voilà de nouveau toute la Chambre en fureur.

- Lenine a fait tué 300 000 Français, s'époumone M. Ehrlich.

Cette intelligente accusation soulève une fois de plus une nuée de vociférations.

Peu à peu, la voix de Cachin domine ces clameurs sauvages ; notre ami conclut :

Cachin. - Je puis donner à M. Le ministre de l'Intérieur un appui qu'il ne réclame pas de en reconnaissant qu'avec tous ses agents, il a fait tout son possible pour empêcher Clara Zetkin d'enter en France.

Il n'y a pas réussi. Je veux saluer ici le geste de cette vieille femme: de soixante-dix ans qui, dans sa ferveur révolutionnaire, a su montrer que lorsque l'on a au cœur un ardent amour de l'humanité on pouvait franchir tous les obstacles. (Applaudissements à l'extrême gauche. - Bruit prolongé à droite).

 

Les menaces de M. Steeg

Quand M. Daudet, qui succéda à Cachin, en eut fini, avec sa nullité habituelle, de ce qu'il est convenu d'appeler « son interpellation », M. Steeg remonta à la tribune, la menace à la bouche.

On gagne comme on peut son ordre du jour de confiance…

Et M. Steeg déclara :

Nous connaissons la propagande des agents ennemis ; nous procédons à des expulsions et nous empêchons l'entrée en France des […].

Scandant ses paroles, M. Steeg ajoute :

Le discours de M. Cachin est un défi au gouvernement.

Notre énergie sera à la hauteur de son audace. (Applaudissements.)

Si nous laissions se développer les campagnes des amis de M. Cachin, la victoire de la France aurait bientôt […]

Et voilà comment M. Steeg obtint, par 451 voix contre 54, son ordre du jour de confiance.

Monsieur Steeg, vous avez toujours la parole !

Au cours de la séance du matin, et à la fin de la séance de l'après-midi, la Chambre a terminé le débat sur l'Algérie. Berthon avait prononcé le matin un remarquable discourt. - […]

 

 

- « la fin du congrès », avec une introduction de Daniel Renoult [Les délégués de la fraction du centre, groupe Longuet-Paul Faure, qui avaient quitté le Congrès la veille, après le départ des représentants de la droite, sans préciser la décision qu'ils allaient prendre, ont fait alliance avec cette droite dans une réunion tenue en commun avec elle.]

- fin du compte-rendu de la nuit du 29 au 30 et compte-rendu de la 6e journée du Congrès de Tours : la séance du matin ; séance de l’après-midi (la Jeunesse et les rapports) ; les organismes centraux ; la nuit précédente (Paul Faure, Cachin, Verfeuil, Pressemane, Paul Faure, Paoli, Frossard) ; les dissidents s’organisent

- « le socialisme continue », par Marcel Cachin [Nous faisons ici appel à tous les ouvriers et paysans groupés en nos sections et fédérations pour qu'aucun d'entre eux ne quitte la vieille et solide organisation qui seule peut abriter les espérances des masses prolétariennes.]

- « le Manifeste du Parti » [En face de tout ce qui accélère la chute de la classe déclinante, une conscience plus précise de la lutte de classes s'affirme devant la masse socialiste du pays.] ; [Vive le Socialisme révolutionnaire français ! Vive l'Internationale Communiste !]

- « le communisme au parlement : Clara Zetkin et Lenine ont les honneurs de la séance à la Chambre des Députés », avec Marcel Cachin [Les soldats de France ont fait taire les berthas. Il appartient au gouvernements de la République de fermer la bouche aux Claras.]

 

 

le 29 décembre 2020

 
 

Il y a cent ans : L'Humanité au jour le jour

 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)