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Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du jeudi 16 décembre 1920

L'Humanité, journal socialiste quotidien

À partir du site internet Gallica, de la Bibliothèque nationale de France

 

L'Humanité du jeudi 16 décembre 1920

 

 

Berne ou le manifeste des « Entre-deux-Selles » - par Paul Vaillant-Couturier

Elle est donc venue la grande manifestation tant promise par nos reconstructeurs, cette conférence de Berne qui devait, paraît-il, nous prouver la dérisoire faiblesse de notre IIIe Internationale.

Elle a péniblement réuni 8 partis ou minorités de partis après avoir rencontré chez tous les autres partis du monde soit un refus motivé, soit un silence plus humiliant qu'un refus.

Nous l'attendions sans curiosité, cette conférence, sachant d'avance qu'elle serait le résumé négatif des pauvretés anti-révolutionnaires qui depuis des mois traînent sous la plume de tous les sous-Kauski du monde.

Son manifeste est bien, en effet, cet extrait de néant que nous attendions. Proclamation de social pacifistes mécontents, entêtés dans la méconnaissance des conditions mondiales de la lutte révolutionnaire, le manifeste de Berne persiste à réclamer la réunion à Vienne d'une Internationale capable de rassembler sous un même toit des hommes ou des partis qui se sont, suivant la logique de l'histoire, montrés des ennemis irréductibles au cours des combats révolutionnaires.

Quelle tristesse de voir de bons et de vieux lutteurs s'associer à cet effort de confusion aussi stérile et désespéré, et quelle amertume de les voir dans des questions vitales laisser le ridicule le disputer à la stérilité.

Le bon sens de la classe ouvrière du monde entier a déjà fait justice de leur manifeste.

On ne parle de la Révolution russe avec cordialité que pour mieux distiller le venin sur le communisme russe, séparant ainsi une fois de plus, les choses inséparables.

Par là se continue l'action entreprise dans tous les partis centristes ou de droite et qui consiste pour eux à se faire les fournisseurs de la bourgeoisie en arguments polémiques contre une Russie des Soviets qu'ils prétendent défendre.

Quand on commence sitôt à fournir la boue cela peut laisser croire qu'on fournira, le cas échéant, les baïonnettes.

Les militants coupables de ces choses ne sont pas nécessairement de méchantes gens, mais subissant une situation révolutionnaire qu'ils s'obstinent à nier, ils se reclassent suivant leurs tempéraments, leurs rancœurs ou leur état d'esprit petit-bourgeois, perdant ainsi la confiance d'un prolétariat qu'ils avaient un moment abusé…

Le reclassement ne fait que commencer, et nous devons nous estimer heureux qu'il se fasse chez nous dans la période qui précède la crise décisive de la [lutte] armée. Cela supprime au moins quelques chances de trahison.

La Conférence de Berne a réuni des éléments destinés à se disperser à droite et à gauche, soit qu'ils rallient la IIIe Internationale qu'ils attaquent, soit qu'ils reviennent à la IIe qu'ils condamnent aujourd'hui. Pour le moment ils sont les « Entre-deux-Selles ».

Capables parfois d'un acte audacieux dans le coup d'une émotion vive, ils s'avèrent incapables de penser avec audace d'une façon suivie.

Quel que soit l'affranchissement que leur marxisme leur ait apporté, ils sacrifient malgré eux à l'ambiance bourgeoise par leur habitude de proclamer les lois caduques qui leur sont familières et de reculer le plus longtemps possible le moment de reconnaître les lois nouvelles qui déjà les déterminent.

Le sens du juste milieu, l'équilibre des camaraderies et des collaborations accompagnent peut-être la maturité des époques historiques.

Les naissances, elles, sont essentiellement des ruptures d'équilibre avec tous leurs dangers.

Or, nous sommes au seuil de notre période d'accouchement révolutionnaire. Tout, jusqu'à notre faiblesse, nous commande l'audace.

Allons-nous nous entourer d'une asepsie rigoureuse ou permettre, par je ne sais quelle absurde bonté d'âme, toutes les infections microbiennes que ne manqueraient pas de nous apporter les mains mal lavées de telles avorteuses de l'Internationale « reconstruite » ?

Pour faire une Internationale vivante, nous devons nous garder du juste milieu révolutionnaire comme de la peste.

Cela signifie que nous devons inaugurer l'ère d'une terrible sagesse exclusive.

L'éclectisme dans la foi ne se conçoit pas. Il ne produit que le confusionnisme et conduit fatalement à l'impuissance ou à l'échec.

Première révolution russe, révolution de novembre en Allemagne, révolution de Finlande, d'Autriche, de Hongrie, l'expérience récente de tous les mouvements de libération prolétarienne nous enseignent une intransigeance que l'histoire même de notre pays, Commune de 71 ou Révolution de 89, ne peut que confirmer.

Or, le manifeste de Berne ne respire que le mépris de ces vérités élémentaires.

Pas un mot sur la nécessaire préparation révolutionnaire. Un peu de défensive ; pas d'offensive.

Loin d'envisager l'organisation de la prise du pouvoir on décide de mettre au premier plan des préoccupations « du prolétariat les revendications socialistes finales. »

C'est une fois de plus mettre la charrue devant les bœufs au moment précis où il convient de labourer.

Il est vrai qu'on proclame sur tous les tons que la situation est contre-révolutionnaire.

La seule chose à laquelle on semble croire fermement, en effet, c'est à la défaite du prolétariat.

Les nationalismes social-bourgeois non contents de s'être épanché[e]s contre la prétendue dictature de Moscou, pointent sous certaines déclarations visiblement inspirées par tel parti de l'Europe centrale.

Des « traités iniques » (comme si les capitalismes pouvaient élaborer autre chose que des traités iniques), « conduisent les peuples de l'Europe centrale à la ruine, terrain favorable à tous les mouvements nationalistes et contre-révolutionnaires ».

Et les autres ?

La prospérité de l'Amérique la fait-elle échapper à l'impérialisme et à la contre-révolution ?

La faillite et les violences provoquées par la réaction bourgeoise ne doivent-elles pas précisément nous commander plus impérieusement que jamais de préparer minutieusement la prise du pouvoir ?

Mais tous les « Entre-deux-Selles » se bornent à recommander l'usage des positions de repli, à réclamer la retraite avant l'engagement, à organiser la déroute.

Est-ce la tactique momentanée ? Non point. Le « mordant » manque complètement et en toute occasion au « Entre-deux-Selles ».

Évoquant une révolution purement théorique d'ailleurs, le prolétariat, disent-ils, devra recourir à des moyens dictatoriaux « chaque fois que la bourgeoisie sabotera le pouvoir prolétarien ou se relèvera contre lui ». On n'est pas plus aimable !

Voyez-vous cette excellente société socialiste attendant qu'il soit trop tard et que sa situation soit déjà sapée par des sabotages ou des soulèvements, pour sévir contre ses ennemis ?

Sont-ils donc inconnus ?

Ignore-t-on les gun-men, les gardes civiques, les Orgesch et les gardes citadines ? Ignore-t-on les listes d'otages ? Ignore-t-on les arrestations et les assassinats de communistes ? Non, puisque l'on vient, quelques lignes auparavant, de faire le plus sombre et véridique tableau de la situation contre-révolutionnaire.

Alors ?

Alors, on parle du cas où le prolétariat « conquerrait le pouvoir par des moyens démocratiques » !!

Voilà où l'on en est.

C'est-à-dire qu'on parle même pour l'Angleterre d'une éventualité impossible, puisqu'au moment de l'intervention polonaise ce fut par les « Comités d'action » organisant un État destructeur de l'État dans l'État, que le prolétariat anglais combattit l'aventure, au grand scandale des démocrates d'outre-Manche.

Que les partis signataires, s'ils persistent dans leur volonté, se rassurent. À partir de ce jour, la réaction bourgeoise sera de moins en moins dirigée contre eux. Encore un petit effort et ils seront traités par elle avec la plus grande cordialité.

Ils ne seront plus par bonheur, à ce moment-là, que le plus lamentable des états-majors sans troupes.

La Conférence de Berne, organisée par ses adversaires, est un succès pour la IIIe Internationale.

P. Vaillant Couturier.

P.-S. - Par une coupure habile, le Populaire a fait dire par mon dernier article de l’Humanité toutes sortes d'injures que je n'ai jamais prononcées à l'égard de vieux militants du Parti.

Les lecteurs de mon article les auront laissées au compte déjà accablant du Populaire.

Nous reviendrons, d'ailleurs, sur cette absurde querelle des vieux et des jeunes. - P. V.-C.

 

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Avant le congrès

Une déclaration du Comité de la Reconstruction

Le Comité de la Reconstruction a tenu une réunion plénière au cours de laquelle a été adoptée la déclaration suivante :

À la suite des votes des Fédérations acquis en plein équivoque et faussés par la crainte (exploitée si habilement par certains) de nuire à la Révolution russe et de servir la criminelle politique impérialiste et réactionnaire des gouvernants français, le Congrès de Tours risque de porter une atteinte grave à la constitution intérieure du Parti, à ses méthodes d'action et, d'une façon générale, à tout ce qui servit de base intellectuelle, politique et administrative au pacte d'Unité, sur lequel vit et évolue, depuis 1905, le mouvement socialiste de notre pays.

Sur les conséquences de tout ordre que peut comporter une telle décision, surtout si l'application des textes proposés dans leur esprit et dans leur lettre, est rigoureusement poursuivie, les soussignés tiennent à mettre immédiatement en garde les travailleurs organisés et à dégager leur propre responsabilité par cette déclaration publique.

Ils affirment une fois de plus leurs sympathies ardentes pour la Révolution russe et flétrissent les agissements et les entreprises de réaction internationale, où la France gouvernementale tient un premier rôle, et par lesquels on a jusqu'ici vainement essayé d'accabler la République des Soviets.

Pour mettre un terme à ces agissements et à ces entreprises, ils sont disposés à mener une lutte acharnée et à préconiser les moyens les plus énergiques.

Ils répètent également avec force, et ils le rediront au Congrès de Tours : à savoir, qu'ils sont disposés à adhérer à Moscou dans les conditions précisées par leur motion.

Enfin, ils manifestent leur volonté absolue de rester membres du Parti socialiste. Ils entendent demeurer, si la majorité n'y met pas obstacle, au sein de cette Unité, à la fondation de laquelle beaucoup d'entre eux ont collaboré ; qui fut, pour tous, le terrain commun de luttes fécondes et sacrées auxquelles ils consacrèrent le meilleur d'eux-mêmes, toute leur vie et toute leur foi ; luttes d'où le Socialisme surgissait, en fin de compte, toujours plus grand, plus audacieux et mieux armé.

Mais, ceci dit, et précisément, parce qu'ils sont pleinement conscients des enseignements et des leçons du passé, ils protestent de la façon la plus vivre contre les projets de la majorité qui ne tendent à rien moins qu'à déchirer la charte d'Amsterdam et le pacte d'Unité, et à lancer le Parti Français dans une voie pleine de périls pour lui-même et pour l'idéal auquel, quoi qu'il arrive et quoi qu'on fasse, ils resteront irréductiblement dévoués.

Ils déclinent, en conséquence, toute solidarité avec ceux qui créeraient et entreprendraient des foyers de discorde dans les rangs des syndicats et des coopératives, et aggraveraient, de ce fait, les malentendus si fâcheux déjà entre les diverses organisations du Prolétariat.

Ils s'opposeront absolument à toute mesure d'exclusion, individuelle ou collective, de membres du Parti pour délit d'opinion ou sous le prétexte d'épurations, et sont résolus à ne pas se laisser bénévolement chasser du Parti qu'ils ont aidé à construire de tous leurs efforts passés et auquel ils sont attachés de toutes les fibres de leur être.

En ce qui concerne la propagande générale : sur le parlementarisme et la participation aux élections ; sur la conquête de réformes avec toujours présent aux yeux l'objectif du collectivisme à atteindre par la volonté et la conscience révolutionnaires des masses et dans un milieu économiquement favorable à ces fins ; sur la préparation et l'éducation révolutionnaire de ces masses ; sur les méthodes d'action à employer ; sur la Dictature provisoire et impersonnelle du Prolétariat, une fois conquis le pouvoir politique, - ils se refusent à renoncer, sous la forme impérative qui leur est signifiée, ou sous une autre forme, aux méthodes d'action édictées par les Congrès Internationaux qui, selon eux, peuvent parfaitement s'adapter, après quelques révisions de détail, à la situation présente.

Ils s'élèvent contre la suppression de la Représentation Proportionnelle - véritable défi aux minorités - dans les organismes et la presse du Parti, système qui avait permis au socialisme dans notre pays de se développer et de grossir sans cesse son influence politique et morale, et, avant, pendant et depuis la guerre, fourni aux minorités les moyens de faire prévaloir librement leurs conceptions.

Contre tout cela, ils en appellent enfin au bon sens, à la justice et à la conscience des camarades mieux informés et plus réfléchis.

Convaincus qu'un tel bouleversement de nos méthodes et les conséquences de toute nature qu'il entraînerait, seraient néfastes aux progrès du Socialisme, au triomphe de la Révolution Sociale, et à la Révolution Russe elle-même - qui doit attendre aide et secours non de sectes étroites, sans adhérents, sans action réelle sur l'opinion, mais de l'unité vivante du Prolétariat - ils s'efforceront, lors des prochaines assemblées du Parti, de ramener le Parti au respect de tout ce qui fut jusqu'ici le Socialisme, et que vient de rappeler si opportunément et avec tant de force la Conférence tenue à Berne du 5 au 8 décembre 1920.

Les soussignés estiment qu'ils devaient donner, à la veille du Congrès de Tours, ces explications franches et publiques.

Dans l'espoir, et sous la réserve que la majorité, leur laissant la liberté d'action et de pensée, dont elle-même a pu user sans mesure lorsqu'elle était minorité, c'est-à-dire jusqu'à ce Congrès, ne voudra pas prendre l'initiative coupable et la responsabilité lourde de briser l'Unité, ils expriment encore une fois leur ferme volonté de rester dans le Parti, à leur poste de combat contre la société capitaliste, afin d'y travailler à hâter l'heure du Socialisme et de l'affranchissement des travailleurs par le maintien ou le rétablissement de l'unité socialiste nationale et internationale.

Le Comité de Reconstruction déclare, en outre, se rallier de façon absolue à la résolution de la Conférence de Berne.

Ont signé ce manifeste :

Jean Longuet ; Paul Faure ; […]

 

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Résultats

Les votes des Fédérations

Loiret

Cachin-Frossard, 592 voix, 20 mandats ; Longuet-Faure, 90 voix, 3 mandats ; Blum-Paoli, 58 voix, 2 mandats.

Jura

Longuet-Faure, 35 voix, 27 mandats ; Cachin–Frossard, 11 voix, 8 mandats ; Blum-Paoli, 1 voix, 2 mandats ; abstentionnistes, 1 voix, 1 mandat.

 

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Congrès National

Les délégués fumeurs sont prévenus que Tours est pourvu de la carte de tabac.

Une permanence fonctionnera au restaurant Louet (à droite en sortant de la gare) toute la nuit du 24 au 25 ; des camarades munis de brassards attendront les délégués à la gare pour les conduire à leur chambre. - Le Secrétariat.

 

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André Marty à la ​torture

Une nouvelle nous vient qui provoquera la douleur et l'indignation de tous les hommes de cœur.

André Marty, héros parmi ces héros que furent les marins de la mer Noire, est soumis à un véritable régime de torture.

Après vingt mois de détention à la Maison Centrale de Nîmes, Marty, transféré à Nice, y subit la rigueur du régime cellulaire.

Enfermé dans une étroite chambre de force pendant toute la journée, sauf durant une demi-heure, il ne voit personne, excepté les gardiens auxquels il lui est défendu de parler.

Ses deux frères, Michel et Jean, dont la tendre affection suit le martyr à travers toutes ses souffrances, nous demandent d'où vient ce redoublement de torture.

Ils font remarquer que le régime cellulaire, qui ne doit être imposé qu'aux condamnés à moins d'un an et un jour de prison, ne saurait être appliqué à André Marty.

Veut-on tuer cet homme, anéantir le principal témoin de ce crime : l'intervention armée de la France en Russie ? Veut-on faire disparaître l'officier mécanicien qui « commande » pour ainsi dire l'immortelle phalange des marins de la mer Noire ?

Nous nous adressions au gouvernement. Nous parlons à M. Leygues. On dit qu'il n'est pas méchant homme. Connaît-il le traitement infligé à Marty, l'approuve-t-il ?

En tout cas, il faut qu'il apprenne que dans les masses ouvrières il n'y a pas de nom qui soit plus aimé, plus vénéré que celui du marin qui a tout sacrifié pour ne pas s'associer à l'attentat infâme commis contre le peuple russe. Il faut qu'il sache qu'il est grandement imprudent de pousser au paroxysme certaines colères.

À propos des cheminots révoqués, M. Ferdinand buisson disait hier que le gouvernement ne devait pas donner l'exemple de la passion furieuse, ni de la vengeance. On peut avec plus de force encore reprendre le raisonnement en faveur de Marty et demander pourquoi le gouvernement ordonne ou tolère que soit ainsi torturé un prisonnier qui, on le sait bien, n'est pas un malfaiteur, mais un otage politique aux mains du pouvoir.

Daniel Renoult

 

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La C.G.T. en correction​nelle

C'est aujourd'hui, vers une heure, que commencera devant la 11e chambre le procès intenté au bureau confédéral de la C.G.T. On sait que la peine encourue par chacun des « inculpés » n'est que l'amende. Mais le tribunal peut prononcer la dissolution de la C.G.T.

Et ce serait le plaisant de l'aventure. Le président Lemercier, magistrat bourru, mais subtil, risquera-t-il l'immense ridicule ?

Le pays tout entier a ri, jusqu'ici, des poursuites. Le résultat ne peut être accueilli que par un universel éclat de rire.

Sancho Pança qui remplacerait son maître dans la bataille contre les moulins, telle est l'image exacte qui représente le seul aspect sérieux de l'aventure.

 

Les conclusions du réquisitoire

M. Jousselin instruisit l'affaire. C'est le substitut Durand à qui incomba l'honneur de rédiger le réquisitoire définitif. Il a écrit un long papier, habile, et qui, si le Bureau confédéral n'a point le loisir de le faire, pourrait remplacer, dans une certaine mesure, le rapport de son secrétaire.

Le document trahit cependant, ça et là, l'insuffisance d'une documentation hâtive et superficielle. Mais il a une certaine allure ; il est clair et adroitement indulgent, dans le passage notamment où il définit le rôle du Bureau confédéral dans les dernières grèves de mai, « engagées en dehors de la C.G.T. »

En voici les conclusions :

Et attendu qu'en conséquence il résulte de l'information contre 

Jouhaux, Léon-Henri ;

Dumoulin, Georges-Prosper ;

Laurent, Marcel–Paul ;

Lapierre, Jules ;

Calveyrach, Abel-André,

charges suffisantes d'avoir, à Paris ou en tout autre lieu connu, depuis temps non prescrit, étant directeurs ou administrateurs de la Confédération Générale du Travail, Union des Syndicats contrevenu aux dispositions des articles 2, 3, 4, 6, 8 de la loi du 21 mars 1884, modifiée par la loi du 12 mars 1920.

1° En ne renouvelant pas, à chaque changement de la direction ou des statuts de la Confédération Générale du Travail, le dépôt devant être fait en vertu de l'article 4 précité, et en ne faisant pas connaître, dans les conditions prévues audit article 4, le nom et le siège social des syndicats qui composent ladite Confédération, conformément à l'article 6 ;

2° En admettant de la Confédération Générale du Travail des groupements de syndicats irrégulièrement constitués ou poursuivant d'autres objets que l'étude et la défense d'intérêts économiques, commerciaux et agricole ;

3° En poursuivant, au sein de la Confédération Générale du Travail elle-même d'autres objets que l'étude et la défense d'intérêts économiques, industriels, commerciaux et agricoles ;

Vu les lois du 21 mars 1884 et 12 mars 1920,

Requiert qu'il plaise à M. le juge d'instruction renvoyer Jouhaux, Dumoulin, Laurent, Lapierre et Calveyrach, devant le tribunal de police correctionnelle, pour être jugés conformément à la loi.

Au parquet, le vingt-neuf octobre 1920.

Pour le procureur de la République :

Edmond Durand.

 

Les crimes de la C.G.T.

Ainsi qu'on le voit, ils sont divers. Le premier est d'avoir méprisé la « forme ». Jusqu'en 1900, le Bureau confédéral a fait toutes les déclarations exigées par la loi de 1884. Puis il négligea d'envoyer régulièrement sa carte de visite à la Préfecture.

Mais il a fait pis, il a accueilli les syndicats de fonctionnaires : enseignement, P.T.T., fédération du personnel civil de la guerre qui ont pour objet « non l'étude et la défense d'intérêts économiques, industriels, commerciaux ou agricoles, mais la défense de certaines catégories de titulaires d'emplois publics et la réalisation de revendications dont la nature est déterminée par la qualité de fonctionnaires de ceux qui en font partie. »

Un peu faible, la définition ! Acceptons-la telle qu'elle est.

Ainsi, illégale dans sa forme, la C.G.T. ajoute un nouveau crime : elle poursuit des buts révolutionnaires.

Tout l'art du substitut Durand consiste maintenant à découvrir la lune. Il fait un historique détaillé de l'action de la C.G.T. depuis 1919. Il rappelle la décision du comité national, tenu à Paris les 26 et 27 mai 1919, de lutter pour le rétablissement des libertés constitutionnelles, la démobilisation, l'amnistie, la cessation de l'intervention militaire en Hongrie et en Russie.

La C.G.T. se met en rapport avec les organisations italiennes et anglaises. Et ce fut l'ajournement de la grève du 21 juillet.

Mais la C.G.T. persiste : Appel du 14 juillet, résolution du congrès de Lyon (15–20 septembre), manifeste du 20 août 1920.

Toutes les protestations confédérales contre les crimes gouvernementaux sont rappelés et analysés. Le réquisitoire s'étend longuement sur la condamnation de la loi d'amnistie.

La voilà bien la preuve que la C.G.T. fait de la politique !

 

Les grèves de mai

Il reste à démontrer maintenant que même sur son terrain d'action propre, elle a outrepassé ses droits.

Et le réquisitoire entreprend l'examen de la grève des cheminots. Qu'est-ce qu'ils prennent les extrémistes !

Ils ne peuvent pas soutenir qu'ils ne poursuivaient que des améliorations de vie matérielle. Les bougres avaient un programme plus vaste : la nationalisation entre autres choses, qui n'implique « rien moins d'une expropriation. »

La C.G.T. soutient la grève et elle l'étend. Elle appuie les cheminots, lance les mineurs, les dockers, les inscrits maritimes, l'union des métaux, le bâtiment, les transports, l'éclairage, l'habillement. Citons le texte lui-même :

En s'associant à cette grève, déclarée en dehors d'elle, mais dont le caractère lui était si bien connu que M; Jouhaux l'avait lui-même qualifiée de grève d'expropriation, dirigée non seulement contre les compagnies de chemins de fer, mais aussi contre le gouvernement ; en soutenant un mouvement tendant à un acte révolutionnaire, la Confédération Générale du Travail était évidemment sortie de la légalité.

 

Le Conseil économique du travail

C'est le dernier crime ! Constitution, organisation, but, moyens d'action du conseil économique, tout cela évidemment, ne prouve point la soumission de la C.G.T. à la loi de 1884.

Suppression du salariat, expropriation capitaliste, organisation d'un ordre nouveau, ne voilà-t-il point de quoi faire pendre bien des gens ?

Condamnez ! Et puis après ? Croyez-vous que vous briserez l'élan de la classe ouvrière ? Tous vos crimes ont-ils arrêtés l'expansion de la Révolution russe ! Nous sommes tranquilles sur le résultat du pro[g]rès, il ne changera rien.

Les défenseurs de la C.G.T. sont nos amis Paul-Boncour, Ernest Lafont, Pierre Laval, André Berthon de Me René Bloch.

 

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L'interprétation millerandine de ​la loi de 1884

Les tribunaux continuent à interpréter la loi de 1884 conformément à la doctrine juridique de M. Millerand. « L'activité des syndicats est limitée aux objets indiqués par la loi, savoir : l'étude et la défense des intérêts économiques, industriels, commerciaux et agricoles. En dehors de ces limites précises, l'acte du syndicat est illicite, fût-il même prévu par ses statuts » dit le tribunal du Havre. Et, se fondant sur cette idée il en déduit qu'une grève « politique » est illicite et que transmettre l'ordre de faire une grève de cette sorte constitue une « faute » au sens de l'article 1882 du Code civil. Il en résulte que le travailleur qui transmet un ordre de grève n'a droit à aucune indemnité si son patron le congédie brusquement pour ce fait.

 
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À la CGT

[…]

Le journal « Le Peuple »

La C. A. de la CGT a pris connaissance de l'ensemble des dispositions prises pour la parution du quotidien, organe du syndicalisme ouvrier.

Ce journal qui sera placé sous le contrôle direct de la C. A. (comme lui en a été donné le mandat par le comité confédéral national) s'appellera Le Peuple.

Le premier numéro paraîtra le 4 janvier prochain.

[…]

 

 
 

 

- « Berne ou le manifeste des ‘Entre-deux-Selles’ », par Paul Vaillant-Couturier [Capables parfois d'un acte audacieux dans le coup d'une émotion vive, ils s'avèrent incapables de penser avec audace d'une façon suivie.]

- « avant le Congrès - Une déclaration du Comité de la Reconstruction » [Mais, ceci dit, et précisément, parce qu'ils sont pleinement conscients des enseignements et des leçons du passé, ils protestent de la façon la plus vivre contre les projets de la majorité (…)]

- « les votes des Fédérations » du Loiret (Cachin-Frossard) et du Jura (Longuet-Faure)

- « Congrès national » à Tours, avec la carte de tabac et une permanence d’accueil

- « André Marty à la torture » [Après vingt mois de détention à la Maison Centrale de Nîmes, Marty, transféré à Nice, y subit la rigueur du régime cellulaire.]

- « la C.G.T. en correctionnelle », parmi les motifs : le Bureau confédéral « a accueilli les syndicats de fonctionnaires »

- « l’interprétation millerandine de la loi de 1884 » sur les syndicats

- « à la C.G.T. », avec l’annonce de la parution du premier numéro du quotidien Le Peuple

 

 

le 15 December 2020

 
 

Il y a cent ans : L'Humanité au jour le jour

 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)