Fédération de l'Oise

Fédération de l'Oise
Accueil
 
 

Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du vendredi 22 octobre 1920

L'Humanité, journal socialiste quotidien

À partir du site internet Gallica, de la Bibliothèque nationale de France

 

L'Humanité du vendredi 22 octobre 1920

 

 

DES HOMMES QUI S'USENT... - texte de Paul VAILLANT-COUTURIER

Ceux qui, hier, proclamaient avec nous, mais sans nous accompagner encore, la nécessité d'adhérer à la IIIe Internationale, avaient alors la porte grande ouverte.

Ceux-là ne firent dans ce temps aucune confiance à l'Internationale de Moscou, dont le Comité de la IIIe Internationale leur proposait de passer le seuil, et sous prétexte de Reconstruction, ils [lâchèrent] par l'introduction dans l'Internationale nouvelle d'éléments petits-bourgeois d'amender une conception révolutionnaire qui les mettait au pied du mur.

Aujourd'hui, les voilà qui crient, parce qu'on leur impose des conditions.

Ils ne les ont évidemment pas volées...

La cassure qui vient de se produire au sein du Comité de la Reconstruction est significative à ce point de vue.

Les éléments de gauche ont quitté un organisme défunt, non pas pour essayer de manœuvrer au sein d'un autre, mais seulement pour se mettre d'accord avec ce qu'ils avaient affirmé à Strasbourg.

C'est la logique même. Quant aux autres...

Je ne veux pas supposer que certains camarades cherchent à embrouiller le fil à plaisir, mais il faut bien constater que nous en sommes à ce point de la discussion où l'on peut être de mauvaise foi avec la meilleure foi du monde...

Tout est pourtant si clair pour des esprits qui consentent à conserver leur sang-froid. Nous ne forcerons personne à venir avec nous que diable, au contraire.

Il n'est pas un seul de ceux qu'on appelait hier reconstructeurs et dont l'État-Major, que je reconnais brillant, se désagrège, il n'est pas un seul de ceux-là qui n'ait cent fois proclamé qu'il n'avait qu'un seul but : « Faire une Internationale forte ».

Très bien. Ce but-là, c'est le nôtre aussi. Mais le chemin que"nous avons pris risque tout de même d'y mener plus vite que celui dans lequel ils piétinent.

Demandez, en effet, à un reconstructeur :

- Avez-vous quitté la Deuxième Internationale ?

Il vous répondra :

- Oui.

- Allez-vous, étant donné les conditions posées, adhérer à la Troisième ?

Il vous répondra :

- Non.

Nous serons bien alors an droit de lui demander :

- Où irez-vous ? vous qui prétendez comme nous constituer une Internationale forte et qui commencez par vous mettre au ban des deux Internationales existantes. Si le moment n'était pas grave comme il l'est ce serait une situation dé comédie.

Fonderont-ils une quatrième Internationale ?

Se retireront-ils au désert - comme le disait le député Félix qui discutait avec moi de ces choses à Cette - pour, le moment venu, voler au secours de la victoire ?

Veulent-ils seulement nous amener à discuter certains points, trouvant évidemment désagréable, comme dit Verfeuil, d'avoir le derrière entre deux selles ?

Discuter ? Nous ne demandons pas mieux. Je dirai même que nous sommes là pour ça.

Il y a un Comité de la IIIe internationale, représenté au sein du Comité exécutif à Moscou, et qui a toutes qualités pour élucider les points qui peuvent paraître obscurs à certains camarades. Il y aura bientôt une motion sur laquelle on votera au Congrès de décembre, une motion émanant du Comité, une motion qui sera le seul terrain ferme sur lequel nous pourrons disputer demain.

Pour le moment, ce ne sont pas entre centristes et communistes des doctrines qui se heurtent, l'ancienne motion de la reconstruction affirmant qu'« aucune des déclarations fondamentales de Moscou n'est en contradiction avec les principes essentiels du socialisme ».

Ce sont donc des tempéraments qui se rencontrent, des peurs qui s'affichent, des ambitions qui s'épouvantent, dés situations qui se raccrochent, des amours-propres qui se cabrent, des anciennetés de chambrée qui se confrontent, des vieilles camaraderies qui se désespèrent ou se congratulent... tout un pauvre bagage humain qui apparaît dans sa nudité dérisoire, entassant les mauvaises raisons sur les vieilles manœuvres pour consolider la muraille de la vieille Internationale qui s'effondre.

Après tout, cela n'est pas mauvais. Il est bon que les masses s'aperçoivent que ceux dont elle serait prête à faire des dieux ne sont que des hommes... La plus grande reconnaissance que nous puissions garder à ceux de nos adversaires de tendance qui ont entamé la discussion sur les conditions de Moscou, c'est que dès avant l'ouverture de la dispute sur le terrain ferme des motions, les hommes auront usé leur crédit.

Cela se voit un peu partout. Dans la Gironde, où la personnalité séduisante de Marquet ne parvient déjà plus à fausser l'opinion d'une masse pourtant gorgée de défaitisme révolutionnaire. Dans le Tarn, où il a fallu le baiser de Thomas à Miilerand pour enlever leurs dernières illusions aux suiveurs socialistes d'une des plus clairvoyantes intelligences bourgeoises de ce temps ; dans l'Hérault, où la défense de la grosse propriété viticole et la campagne en faveur de 'l'union des gauches entreprise par Barthe ne paraissent pas en accord, aux yeux des militants, avec cette dignité du Parti dont on parle tant à notre droite ; dans la Haute-Garonne, où Ellen Prévot, présenté par les amis de son canton et désavoué par la section de Toulouse, est élu avec, comme tout programme socialiste, la promesse de faire servir ses relations d'ancien député encore bien en cour à tous ceux qui consentiront à voter pour lui ; dans la Haute-Vienne, où malgré le passé, les luttes en commun, les services rendus, et à travers les plus lamentables calomnies, bien des camarades commencent à demander à ceux de leurs élus qu'ils aiment le plus, si cet amour doit, être une raison suffisante pour les entraîner jusqu'au cul-de-sac où les conduit leur amour-propre - lisez dignité du Parti.. Et il y a encore le Nord, où le trouble est grand ; le Pas-de-Calais, où depuis le passage de Cachin il est plus grand encore, et tant d'autres fédérations où certains hommes ne ramassent déjà plus dans les discussions actuelles que la désaffection progressive des masses.

La discussion va donc pouvoir s'engager libre, autant qu'il se peut, de toute considération personnelle.

C'est une doctrine communiste nette, dure et brillante comme le diamant qui va sortir de cette gangue qui étouffait toute action révolutionnaire sérieuse jusqu'à ce jour.

Quiconque voudra sauver la Russie révolutionnaire s'y ralliera, car il ne sera point de salut pour elle hors de la préparation disciplinée de la Révolution mondiale.

P. VAILLANT-COUTURIER.

----

Le Parti Socialiste et l'Internationale

RAPPORT de Frossard, secrétaire générai du Parti, sur les négociations conduites à Moscou, suivi des THESES présentées au IIe Congrès de l'Internationale communiste.

En vente à la Librairie de l'Humanité, l'exemplaire franco 1 fr. 15 ; les 10 franco, 10 francs ; les 50 franco, 45 francs : le cent, 85 francs.

---

Le Meeting du Comité de la IIIe internationale

Il y avait, hier soir, environ deux mille personnes aux Sociétés Savantes. C'est dire le succès du meeting organisé « pour l'adhésion à la IIIe Internationale ». L'assistance, très calme et très attentive, suivit avec sympathie les développements historiques et philosophiques que Noël Garnier et Treint notamment lui donnèrent le plaisir de goûter. Cette même foule vibra aux paroles du fougueux tribun Torrès qui fit clairement voir que « socialisme » et « défense nationale » s'excluent aussi rigoureusement que « IIIe Internationale » et « révolution russe » sont unis.

Il faut retenir les déclarations capitales de Ribaut, secrétaire du Comité de la IIIe Internationale ;

Le débat dans le Parti, dit-il, ne doit pas porter sur les conditions. Avant tout, que l'on se prononce sur l'adhésion ! C'est le point essentiel. Et pour les conditions, on verra après !

Nous avons dû quitter le meeting avant que nos amis Frossard, Charles Rappoport, Méric, retenus jusque là à la C.A.P., fussent arrivés rue Danton, Amédée Dunois avait été empêché d'assister à la réunion ; on lut de lui une lettre qui fut très applaudie.

L'ordre du jour « réclamant l'adhésion du Parti à la IIIe Internationale » et assurant les camarades de la Santé de la solidarité des communistes fut voté à l'unanimité.

---

AU CONGRÈS DE HALLE

LA RÉPONSE D'HILFERDING À ZINOVIEV

Berlin, 15 octobre. - (De notre correspondant particulier.) - Hilferding a répondu ce matin au discours de Zinoviev, et a dit que sur un grand nombre de points il était d'accord avec lui, mais que ses reproches s'adressaient plutôt aux majoritaires qu'aux indépendants. Zinoviev considère les choses du point de vue russe et communiste, et l'opposition dont il parle entre mencheviks et bolcheviks en Allemagne est une pure supposition. La libération de la classe ouvrière doit être son œuvre propre et ne peut venir du dehors. Les Allemands ont à apprendre dé la révolution russe, mais ils ne peuvent pas l'imiter sans esprit critique.

Nous n'avons pas eu, le 9 novembre 1918, de révolution, à proprement parler. La classe ouvrière était alors enfoncée dans le réformisme, en conséquence de la situation économique d'avant guerre. Nous avons dit alors : « C'est seulement le début de la révolution. » Depuis, le processus de révolution des esprits a fait des progrès, mais il ne peut pas être favorisé par la tactique de coups de main et de division du prolétariat.

Tous les socialistes sont d'accord que la situation économique de l'Allemagne est mûre pour la socialisation. Une période de prospérité du capitalisme favoriserait à nouveau le réformisme. C'est une calomnie que dire que nous avons favorisé le rétablissement du capitalisme. Les Russes ont fait aussi de larges concessions au capital étranger. Ceci n'est pas un reproche contre eux, mais montre combien est puissante la force des rapports économiques.

La révolution en décroissance

Si nous n'avons pas fait davantage en Allemagne cela tient à plusieurs raisons. Mais nous sommes du moins arrivés à soustraire une grande partie de la classe ouvrière au réformisme. En face du front capitaliste, il nous faut rétablir un front prolétarien, non par des consignes artificielles, mais par des luttes à buts définis. L'unité d'action est ce qui importe davantage. Jusqu'ici nous avons été attaqués par la droite et par la gauche. On n'a pas fait une politique de la classe ouvrière, mais une politique d'intérêts de groupes, et c'est pourquoi le prolétariat a toujours été battu. Il est temps de s'opposer à la décomposition favorisée du dehors.

Zinoviev a prophétisé un prochain établissement de la république des Soviets dans les Balkans. Au moment où la Hongrie des Soviets a été renversée, Zinoviev prophétisait aussi que l'exemple de la Russie et de la Hongrie allait être imité par d'autres pays. C'est une tactique de guerre qui risque de favoriser la contre-révolution. Nous devons faire attention qu'il y a eu depuis un an un ralentissement de la révolution, et qu'en Occident l'opposition contre le réformisme est la minorité. Du reste, en France et en Angleterre, la politique socialiste ne joue aucun rôle.

L'action des syndicats

Je suis étonné que Richard Muller se soit laissé déléguer à l'Internationale syndicale jaune. En réalité, personne de nous ne croit que cette Internationale soit jaune. Elle doit être détruite, tout comme notre parti. Cela n'empêche pas qu'elle soit la seule Internationale capable d'action. Son échec dans le boycott contre la Hongrie est dû aux ouvriers yougo-slaves. Le Conseil d'action anglais, que Zinoviev a loué, est composé de syndicalistes que par ailleurs il nomme jaunes. Le Conseil d'action n'a rien à voir avec les Soviets, mais Zinoviev l'a reconnu parce qu'il constitue un gouvernement à côté. Est-ce que nos syndicats n'ont pas fait de même après le coup d'État du 13 mars ? Notre attitude à cette époque était un progrès révolutionnaire, tout comme la formation du Council of Action.

Zinoviev écrit que je n'estime pas à sa valeur la situation en Orient. Je dis que le mouvement en Orient est nationaliste-bourgeois et paysan, et a pour objet de réaliser l'État unitaire bourgeois. Cela n'a rien à voir avec un mouvement socialiste-communiste. Personne de nous n'a l'idée de reprocher à la IIIe Internationale de favoriser ce mouvement ; mais ce qu'elle fait là, c'est une politique de force contre l'Angleterre impérialiste, une politique d'alliance avec les puissances et non avec les travailleurs de ces pays.

La Révolution russe est une grande révolution paysanne faite pour établir la propriété privée. Chez nous, il est insensé de vouloir diviser les ouvriers pour unir les paysans : le problème consiste seulement à gagner les ouvriers d'industrie des grandes villes.

Terreur et centralisme

Nous entendons par terreur une manifestation gouvernementale qui opprime toute opinion différente, emprisonne ainsi que leurs familles les hommes dont on pense qu'ils peuvent faire quelque chose.

Nous nous élevons contre la terreur dans les élections, qui annule la majorité menchevik quand elle se produit.

Dès 1901 Rosa Luxembourg s'est élevée de la façon la plus vive contre le sur-centralisme réclamé, par Lénine et a montré qu'il était intenable. Elle n'aurait jamais admis les 21 conditions. Nous les refusons parce qu'elles signifient la dépendance du parti communiste russe, quoi qu'on puisse nous raconter des représentants des autres partis. Quand Zinoviev demande que dans notre, politique étrangère nous passions de la défensive à l'offensive, nous disons que c'est un point sur lequel les masses doivent décider.

Défiance contre défiance

Depuis que les Suisses, les Américains, les Norvégiens, les Italiens, les Anglais ont fait des objections aux conditions, Zinoviev paraît incliner vers un compromis. Voici ce dont il s'agit. I1 est certain que si Daumig et Stoecker avaient agi d'accord avec nous les vingt et une conditions n'auraient pas été posées. Vous dites, camarade Zinoviev, que quand vous nous traitez de coquins cela ne doit pas être pris au sérieux. Cela pourtant a déchaîné les ouvriers contre leurs chefs, cela a ouvert la porte à tous les aventuriers de la politique. Nous ne pouvons pas jouer comme les Français avec les neuf et les vingt et une conditions ; nous partageons l'avis de Longuet que si des conditions meilleures qu'aux autres nous étaient posées nous ne les accepterions pas. Que signifie donc l'offre de Zinoviev ? Elle est une nouvelle manœuvre pour semer [la] division dans les rangs de la droite et faire la scission, sur une plus large base. Mais nous nous maintenons à la résolution Ledebour, d'après laquelle l'adhésion ne peut avoir lieu que sur la base de notre programme d'action et avec le maintien de l'autonomie du parti.

Ce qui est inacceptable dans les conditions, c'est la suppression de l'autonomie des partis affiliés, la destruction de l'Internationale syndicale, l'exclusion de groupes compacts de camarades refusant en principe les exigences de l'Internationale Communiste.

Les refus de l'Europe occidentale se multiplient : or, nous n'aurons pas sans ces partis une Internationale capable d'action. En Allemagne, nous devons veiller à ce que la partie la plus unie du mouvement ouvrier, le mouvement syndical ne soit pas brisé. Nous avons quitté Leipzig avec la conscience d'avoir résolu un grave problème. Nous quitterons ce Congrès avec le sentiment d'une défaite pour le prolétariat révolutionnaire.

 

LE DISCOURS DE KOBATSCHIEV

Kobatschiev, délégué du parti bulgare, succède à Hilferding.

Il rappelle que le parti communiste bulgare a longtemps lutté contre le parti de droite, dont les ministres ont massacré le peuple, et a gagné à lui un grand nombre de travailleurs. Aux dernières élections la droite a perdu les trois quarts de ses mandats et la moitié de ses voix.

La scission entre la droite et la gauche était nécessaire dans un pays comme la Bulgarie, où les éléments petits bourgeois et paysans submergent le mouvement socialiste. L'emprisonnement des communistes bulgares pendant la guerre a montré la nécessité de l'organisation illégale, du centralisme et de la discipline.

L'orateur évoque ensuite la Fédération des partis communistes des pays balkaniques, les Roumains de gauche, les Grecs, les Yougo-Slaves, fédération qui a été favorisée par la crise économique consécutive à la guerre et par l'assujettissement de la majeure partie des Balkans à l'imperialisme de l'Entente.

F. CAUSSY.

---

- Hoffmann à Moscou

Berlin, 21 octobre, - C'est Hoffmann qui représentera la gauche des Indépendants au bureau de l'Internationale Communiste.

 

Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du vendredi 22 octobre 1920

  • « des hommes qui s’usent », de Paul Vaillant-Couturier

  • réponse d’Hilferding à Zinoviev au Congrès de Halle : la révolution en décroissance ; l’action des syndicats ; terreur et centralisme ; défiance contre défiance

  • discours de Kobatschiev, délégué bulgare, au Congrès de Halle

  • meeting du Comité de la IIIe Internationale, la veille aux Sociétés savantes

 

 
 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)