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Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du mercredi 27 octobre 1920

L'Humanité, journal socialiste quotidien

À partir du site internet Gallica, de la Bibliothèque nationale de France

 

L'Humanité du mercredi 27 octobre 1920

 

À Moscou ? ? - par Léon BLUM

Dans mon précédent article, j'ai essayé de déblayer le débat des controverses arbitraires ou rétrospectives qui, cependant depuis deux mois, y ont tenu la place la plus encombrante, ou plutôt, je me suis permis, dans notre commun intérêt, de faire à cet égard un appel qui, je l'espère, sera entendu. En revanche, je suis tout prêt, pour mon compte personnel, à faire un sacrifice corrélatif. Je suis tout prêt à abandonner la discussion qui parait tant déplaire à nos adversaires, et qui va parfois jusqu'à altérer leur humeur : la discussion sur les neuf, ou dix-huit, ou vingt et une conditions de Moscou - ou peut-être même vingt-deux, à ce qu'on chuchote.

Si j'avais des dons d'humoriste, je n'y renoncerais sans doute pas aussi facilement, car c'est une merveilleuse matière à plaisanteries. Dans le mois qui a suivi le retour de Frossard et de Cachin, et tant que le Parti n'a eu connaissance officielle que des neufs conditions, on ne souffrait pas volontiers que nous parlions d'autre chose. Les thèses, les résolutions, dont d'ailleurs nous ne possédions pas le texte, cela ne comptait pas. Les uns nous disaient « Ne vous alarmez pas. Quand vous connaîtrez les thèses, vous serez stupéfaits de constater à quel point elles sont opportunistes - plus opportunistes qu'un centriste français, s'il se peut... » Les autres ajoutaient : « Que vous importent les thèses. On a remis neuf conditions à Cachin et à Frossard, pas une de plus. Elles seules nous engageront, si nous adhérons : c'est sur elles, sur elles seules que le Parti aura à se prononcer. Les autres documents moscovites n'existent pas pour nous... »

Mais peu à peu, la polémique s'est étendue, la vérité s'est fait jour. Il a fallu que la C. A. P. publiât les vingt et une conditions dans l'Humanité. Il a fallu que Frossard, après les démonstrations de Paul Faure et de Pressemane, convînt ici-même que les vingt et une conditions s'appliquaient au Parti français comme au Parti italien ou comme aux Indépendants d'Allemagne. Et, tout aussitôt, nous avons pu goûter le spectacle d'un brusque renversement tactique. Les neuf conditions avaient été tout ; les vingt et une n'étaient plus rien. Il fallait autant de mauvaise grâce, et presque de mauvaise foi, pour discuter conditions qu'un mois auparavant pour discuter autre chose. Méric là-dessus épuise sa verve, et le camarade Varine sa dialectique : « Comment, vous persistez dans ces chicanés misérables ! Vous perdez votre temps à éplucher l'une après l'autre des syllabes et des virgules ! Vous déclarez cette clause inacceptable, cette phrase blessante, ce mot révoltant ! Mais, malheureux, là n'est pas la question. Ce n'est plus sur les conditions que nous appellerons le Congrès à voter. Ce qui est en cause, c'est l'ensemble de la doctrine communiste, prise dans son esprit et non dans sa lettre. Dites-nous si vous l'acceptez, oui ou non, et nous examinerons les conditions ensuite, entre nous, s'il y a lieu... »

La cause de cette volte-face ? Oh ! elle est bien claire. C'est que les vingt et une conditions identiques aux neuf dans le fond, mais bien autrement explicites, bien autrement brutales dans la forme, avaient provoqué dans les masses profondes du Parti comme une clameur de révolte qu'il fallait calmer. Le débat sur ce terrain s'annonçait mal ; il fallait le déplacer au plus vite. Et je reconnais que l'opération a été exécutée avec une décision et une désinvolture qui forcent l'admiration des connaisseurs.

Pour achever de mous rassurer, d'ailleurs, nous avons le discours de Zinoviev, à Halle... Les conditions ne sont peut-être pas intangibles. Si le Parti français adhère, en principe, s'il se rallie à l'ensemble de la doctrine communiste prise dans son esprit, on pourra peut-être lui épargner telle exigence spécialement difficile à réaliser dans la pratique ou spécialement insupportable pour sa dignité !... Ici encore, nous pourrions sourire. Y a-t-il si longtemps que Serrati communiquait à Graber la circulaire du Comité exécutif de Moscou ? N'y était-il pas question de conditions sine alla non, immuablement fixées ? Aujourd'hui le même Comité exécutif autorise Zinoviev à déclarer - sans que nous sachions, d'ailleurs d'où le Comité exécutif tient le pouvoir de modifier ainsi des résolutions arrêtées par le Congrès lui-même - qu'il y a moyen de s'entendre, que le Comité désire savoir quelles conditions paraissent inacceptables, pourquoi on les juge telles, et quelles contre-propositions on formule. Que s'est-il-passé dans l'intervalle ? Toujours la môme chose. Ce n'est pas seulement en France que les vingt et une conditions avaient déterminé comme un soulèvement de conscience, et il fallait bien rassurer ces inquiétudes, sans pour cela dévier du but.

Il n'était pas sans intérêt de rappeler cette histoire récente. Mais, je le répète, j'accepte volontiers de suivre les partisans de l'adhésion sur le terrain qu'ils semblent aujourd'hui préférer. Je ne discuterai pas les conditions, ni les neuf, ni les vingt et une. Je ne reprendrai ni le commentaire un peu prématuré de Daniel Renoult sur les neuf, ni la démonstration, à mon gré décisive de Pressemane sur les vingt et une. Je consens très volontiers - d'autant plus volontiers que c'est là, Frossard le sait bien, mon opinion depuis le début - à ce qu'il n'y ait qu'une seule condition, qu'une condition unique, sans laquelle notre adhésion ne serait d'ailleurs qu'une vile comédie on qu'une misérable manœuvre : accepter la doctrine élaborée par le Congrès de Moscou et nous engager à l'appliquer en France... c'est, pour ma part, cette condition unique qu'il m'est impossible d'accepter. Et je déclare même, très franchement, que je me rallierai cent fois plus volontiers à telle ou telle des conditions qui choque le plus nos camarades, que je consentirais cent fois plus volontiers, par exemple, à remplir la C. A. P., notre groupe parlementaire et nos journaux de communistes chevronnés, plutôt que d'accepter pour mon Parti une doctrine que je juge inacceptable ; intrinsèquement fausse, contraire à toute la tradition théorique et historique du socialisme, et, en tout cas, radicalement inapplicable à l'action socialiste dans le pays.

On juge bien que j'essayerai d'appuyer cette déclaration par quelques preuves. Et - je tiens à répondre ici, d'un mot, à l'article récent de Vaillant-Couturier - la résolution de Strasbourg ne nous interdit nullement de tenter un tel effort de démonstration.

« Pour le moment, disait Vaillant-Couturier, ce ne sont pas, entre centristes et communistes des doctrines qui se heurtent, l'ancienne motion de la Reconstruction - à Strasbourg - affirmant « qu'aucune des déclarations fondamentales de Moscou n'est en contradiction avec les principes essentiels du socialisme... » J'en demande pardon à Vaillant-Couturier. Entre communistes et nous, c'est bien un heurt de doctrines qui se produit, et qui donc pourrait penser, qui donc pourrait avoir intérêt à ce que ce débat fût autre chose qu'un conflit de doctrines ? Mettons notre dignité, mettons même notre coquetterie, les uns et les autres, à ce qu'il ne soit plus jamais autre chose. Mais ce débat de doctrines, en dépit du texte cité par notre camarade, la résolution de Stras- bourg ne nous interdit nullement de l'instituer.

Pourquoi ? Pour une raison très simple, et que, - sans revenir sur les conditions un peu particulières dans lesquelles la résolution de Strasbourg fut rédigée et votée - une simple citation de Lenine me permettra de faire ressortir. Lenine dit au au début de sa thèse sur le rôle du Parti communiste dans la Révolution prolétarienne : » La première année de travail de l'Internationale communiste a été surtout une année de propagande et d'agitation autour des idées communistes. À l'heure présente, à la veille du deuxième Congrès de l'Internationale communiste, l'organisation mondiale du prolétariat entre dans une nouvelle phase : une époque d'organisation et d'édification s'ouvre devant nous... » Le second Congrès, c'est celui de juillet-août dernier, celui dont Cachin et Frossard ont été les hôtes trop tôt lassés, et c'est en effet ce second Congrès qui a élaboré la constitution doctrinale de l'Internationale communiste. À Strasbourg, en février, nous ne la connaissions pas, par l'excellent motif qu'elle n'existait pas encore. Et nous ne pouvions affirmer l'accord avec nos théories traditionnelles de ces dogmes encore informulés que par une vague et incertaine anticipation qui ne saurait vraiment lier personne.

L'affirmation de Strasbourg, antérieure au Congrès constituant de la IIIe Internationale, est donc totalement destituée de valeur. Qu'on juge d'ailleurs comment ses rédacteurs l'ont justifiée. Ils se sont fondés, avant tout, sur le fait que l'idée de la dictature du prolétariat se retrouve dans notre doctrine traditionnelle, et qu'elle est même développée, comme Paul Louis me le rappelait amicalement, dans le dernier programme du Parti. Mais je n'aurai pas de peine, je crois, à montrer que l'idée de dictature du prolétariat, telle que l'a conçue Marx, telle qu'elle figure dans nos textes français, et notamment dans le texte de Roubaix rappelé par Méric, telle qu'elle est exprimée dans le programme d'avril 1919, n'a que les plus lointains rapports avec la théorie communiste. Les mêmes mots recouvrent des conceptions toutes différentes, presque opposées à certains égards... Nous avons pu voter à Strasbourg, dans une ignorance forcée, le texte dont s'arme Vaillant-Couturier. Aujourd'hui, instruit comme nous le sommes, je ne le voterais plus, pour mon compte, et je ne serais sans doute pas le seul.

Léon BLUM.

 

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DANS LE TEXTILE LILLOIS

D'après l'Agence Havas, nous avons publié, hier, la nouvelle que les syndicats du textile de Lille et de sa banlieue avaient adopté un ordre du jour décidant l'adhésion à l'Internationale syndicale de Moscou.

Nos camarades Huyghe, secrétaire fédéral du Textile, et Bauche, conseiller municipal de Lille, nous demandent de dire que la motion minoritaire fut présentée en fin de séance, alors qu'un grand nombre de délégués avaient déjà quitté la salle et qu'en tout état de cause, si cette motion fut adoptée, c'est seulement par un très petit nombre de délégués.

 

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Une interpellation des Indépendants de droite sur l'expulsion de Zinoviev

BERLIN, 20 octobre. - (De notre correspondant particulier.) - Le groupe indépendant de droite au Reichstag a interpellé le ministre des affaires étrangères sur l'expulsion de Zinoviev et de Lozovski.

Rosenfeld a dit que cette expulsion rappelait celle de Jaurès et que déjà l'expulsion de Ioffe a montré quelles suites malheureuses pouvaient avoir de pareilles pratiques, puisqu'elle a empêché la reprise des relations avec la Russie. L'Angleterre doit sa réputation d'État civilisé à la justice avec laquelle elle traite les étrangers. Chez nous, il n'y a que les réactionnaires qui ont le droit d'asile. Le gouvernement n'a pas tenu sa parole vis-à-vis de Zinoviev et de Lozovski dont l'attitude dans notre congrès a été celle que tout le monde pouvait prévoir. Ils sont actuellement entourés de policiers, il faut pourtant qu'on cesse de combattre un mouvement intellectuel par des mesures de police.

Le ministre des affaires étrangères Simons a répondu que le passeport avait été conditionné à l'abstention de toute manifestation politique : les Busses devaient se limiter à des pourparlers d'ordre économique et social. Les Russes et notamment Lozovski, n'ont pas observé cette réserve, si bien qu'on a dû d'abord leur donner un avertissement puis refuser de prolonger leur permis de séjour.

Si nous établissons un droit d'asile, il ne pourra pas avoir le caractère dont parle le Dr Rosenfeld ; les discours de Zinoviev à Halle, pourraient poser la question d'une intervention du Parquet. En tous cas, cette affaire aggrave nos relations avec la Russie. Mais on ne doit pas régler notre conduite ; le peuple russe est extrêmement populaire en Allemagne ; nous savons que nous ne pouvons pas nous relever contre lui mais avec lui.

Après une vive discussion, dans laquelle Koenne, des indépendants de gauche a dit que le parti de Noske n'avait pas à faire reproche du terrorisme à Zinoviev, la motion des indépendants de droite demandant le retrait des mesures d'expulsion a été repoussée par les partis bourgeois associés au parti majoritaire. - F. CAUSSY.

 

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La Vie Sociale

LA FRANCE OUVRIÈRE

Dans l'Oise

Les samedi 16 et dimanche 17 octobre, le camarade Sarotte, de la 18e section de la Seine, invité par le groupe de Mareuil-sur-Ourcq, a fait, assisté du camarade Quentin, secrétaire de ce groupe, une série de conférences aux cultivateurs des villages environnants. Il a exposé aux assistants le caractère critique de la situation actuelle pour les travailleurs de la terre et les petits propriétaires, et signalé les conditions dans lesquelles la classe paysanne serait appelée à prendre part à la transformation sociale qui paraît imminente.

À la suite de ces explications, un nouveau groupe a été créé à Thury-en-Valois, près de Mareuil-sur-Ourcq, et un premier noyau a été constitué à Marolles, près de la Ferté-Milon.

 

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Pour la Révolution Russe

L'Union des Syndicats ouvriers des Bouches-du-Rhône nous adresse la déclaration suivante : 

Le gouvernement français qui, officiellement, combat la vie chère, contribue, dans la coulisse, à la raréfaction des denrées et augmente par là le malaise économique.

C'est ainsi que nous apprenons qu'à Marseille même de nombreux objets de toute sorte et des produits alimentaires sont réquisitionnés pour être dirigés en Crimée et mis à la disposition de l'armée du général Wrangel.

La classe ouvrière des Bouches-du-Rhône élève une énergique protestation contre de tels procédés et demande la conclusion de la paix avec la République des Soviets, seul gouvernement de la Russie. - Pour l'Union Départementale et par ordre : le secrétaire : Français MAYOUX.

 

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PARTI SOCIALISTE (S. F. I. O.)

Commission administrative permanente

SÉANCE DU LUNDI 13 OCTOBRE 1920

Étaient présents : Bloch, Bracke, Bureau, Cartier, Frossard, Grandvallet, Mayéras, Méric, Paul Louis, Renaudel titulaires ; Bagot, citoyenne Kauffmann, Klemczynski, Morizet, suppléants .

Excusés : Le Troquer, Loriot, citoyenne Saumonneau, Verfeuil (en délégation).

Le secrétaire rend compte des pourparlers engagés avec la C.G.T., en vue de réaliser une action commune de défense de la C.G.T.

En réponse à une question préjudicielle posée par le bureau confédéral, le secrétaire est autorisé à déclarer que la C. A. P. issue du Congrès de Strasbourg, est liée par les résolutions de ce Congrès qu'elle a charge d'appliquer et qui restent la loi du Parti jusqu'à ce qu'un autre Congrès en ait décidé autrement.

En ce qui concerne la politique syndicale du Parti, elle reste également fixée par les Congrès antérieurs. En conséquence la C.A.P. en tant que telle ne connaît les conditions d'admission des partis dans l'Internationale communiste que pour les soumettre aux délibérations des sections et des fédérations. Elle n'a, ni ne saurait avoir mandat de les appliquer.

Sur la question de savoir si la C.A.P. doit se rendre à la réunion commune proposée par la Commission administrative de la C.G.T., après un court échange de vues, il est procédé à un vote.

Ont voté pour la participation à la réunion commune : Bioch, Bracke, Bureau, Frossard, Grandvallet, Mayéras, Méric, Paul Louis, Renaudel, Tommasi, titulaires ; Bagot, citoyenne Kauffmann, Klemczynski, suppléants.

S'est abstenu : Cartier.

Après avoir pris connaissance des réponses des fédérations à la proposition du Gard, la C.A.P. décide que le Congrès national se tiendra à Tours, du 25 au 31 décembre prochain.

Le Secrétaire ; L.-O. FROSSARD.

 

Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du mercredi 27 octobre 1920

 

 
 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)