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Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du mardi 26 octobre 1920

L'Humanité, journal socialiste quotidien

À partir du site internet Gallica, de la Bibliothèque nationale de France

 

L'Humanité du mardi 26 octobre 1920

 

LE MENSONGE DE L'"UNITÉ" - par VARINE

« Les mots sont de grands tyrans, dit Rémy de Gourmont, et il y a si longtemps qu'ils règnent que leur pouvoir est incontesté ». En France et en Allemagne, les Partis socialistes ont subi trop longtemps la tyrannie du mot unité, lequel mot n'a jamais correspondu à la chose. L'unité de façade, sans unité de pensée, a permis à la lèpre réformiste de ronger ces organisations dont le programme était de lutte de classes et de révolution. La fausse unité a entraîné l'ensemble de ces partis dans la honte, le crime et le déshonneur, en 1914. Sans le mensonge de l'unité, la trahison de 1914 n'eût pas été unanime. La preuve en est que dans les pays où les fractions socialistes étaient indépendantes, ou dans ceux où la scission salutaire avait séparé les révolutionnaires des réformistes : la Russie, l'Italie, l'Angleterre, les États-Unis, la Serbie, la Bulgarie, l'opposition irréductible au régime capitaliste et à la guerre impérialiste n'a jamais cessé. Tandis qu'en France, en Allemagne, en Autriche, en Belgique, ou régnait « l'unité », la défaillance des socialistes fut à peu près générale.

Ce sont des faits que tout observateur attentif a pu constater, et ils parlent plus éloquemment que les affirmations creuses sur l'unité à tout prix, que les lieux-communs sophistiques sur l'union qui fait la force, etc. Pour ceux qui ne se nourrissent pas de formules vides, la seule union génératrice de puissance, la seule unité qui décuple la force agissante d'un parti, c'est l'unité de pensée, sans laquelle il n'est pas d'unité d'action possible.

Le mensonge de l'unité a été dénoncé en Allemagne par la fraction qui s'est constituée en Parti Indépendant. Qui oserait contester la nécessité de cet acte historique sauvant l'honneur du prolétariat et sauvegardant le socialisme en Allemagne ? Le mensonge de l'unité du Parti Indépendant a été dénoncé en 1918, quand ce parti trahit la Révolution en acceptant de collaborer au pouvoir contre-révolutionnaire, avec Scheidemann et Ebert. Fallait-il que les héros du groupe Spartacus acceptassent de se rendre complice de cette trahison ? Hier, à Halle, les révolutionnaires se sont séparés des contre-révolutionnaires : c'est ce que Longuet appelle la « ruine » du Parti Indépendant. Nous appelons cela son salut.

Non seulement le Parti n'est pas affaibli par cette scission, mais encore il est renforcé, La fusion des Indépendants de gauche avec les communistes n'est plus qu'une question de jours. Et les chefs de la droite, qui avaient réussi, grâce à la possession de la plupart des journaux du Parti, et en convoquant un Congrès brusqué, à rassembler un chiffre de voix important, ne seront pas suivis longtemps par leurs troupes. Tout ce qu'il y a de sain et de révolutionnaire dans celles-ci se ressaisira et rentrera dans le Parti révolutionnaire, tandis que les éléments gangrenés de réformisme iront, qu'ils le veuillent ou non, au vieux Parti traître de Scheidemann.

Les diatribes de Longuet contre tout ce qu'il appelle la « prétendue gauche de Halle » (« prétendue gauche » est énorme !) ne font que souligner l'importance mondiale de la victoire de nos camarades communistes allemands. Si « l'élite intellectuelle » de la droite a été battue, malgré sa maîtrise des journaux et de la plupart des postes importants du Parti, c'est que les masses ouvrières sont gagnées au communisme. Nous verrons avant un an ce qu'il adviendra de cette « élite intellectuelle », de ses journaux et de ses effectifs. Les puérilités de Longuet quant au nombre des abstentions, à la valeur des hommes de la gauche, etc., ne résistent pas à l'examen. Dans le Parti français comme dans le Parti allemand, et comme dans tous les partis, c'est l'opinion des militants actifs qui s'impose, et non celle des adhérents endormis. Longuet s'est-il donné la peine de compter le nombre exact de ceux qui ont voté la motion des « reconstructeurs », lors du dernier Congrès ? Si Stœcker a été chauvin pendant la guerre, nous devons le féliciter d'avoir abjuré son erreur ; que Longuet ne l'imite-t-il ? Quoi qu'il en soit, Stœcker n'a pas pu être plus chauvin que Longuet, lequel publia dans le Bonnet Rouge des articles inspirés de ce qu'il appelle en sa langue le « jusqu'auboutisme forcené », et que Rozier ni Hervé n'eussent pas désavoués. Longuet a tort de croire que cette prose lui confère le droit d'accabler Stœcker... Quant à savoir si Daumig est un homme de troisième plan, c'est une question d'appréciation, et celle-ci dépend du point de comparaison. Mais à supposer que Daumig soit au troisième plan, sûr quel plan faut-il placer Longuet ? En vérité, Longuet abuse du droit de parler pour ne rien dire.

Il abuse plus encore quand il se permet de diffamer les communistes allemands, desquels il a des leçons à recevoir et auxquels il lui serait difficile d'apprendre quelque chose… Exploiter l'assassinat de Liebknecht, de Rosa Luxembourg de Tychko, d'Eugène Livini, la perte de Frantz Mehring mort de douleur, les hécatombes de spartakistes à Berlin, à Munich, en Westphalie, pour s'écrier : « Voyez ces pauvres communistes, ils n'ont pas de chefs, pas de théoriciens, pas d'écrivains, etc. », c'est aller loin dans l'insolence. Nous conseillons à Longuet de prononcer ses outrages devant une réunion d'ouvriers parisiens : il verra si les prolétaires sont impressionnés par les mérites de la gérontocratie qu'il appelle « l'élite intellectuelle », et quel est leur avis quant aux communistes de « troisième plan ».

La vérité est que Longuet, après avoir trompé les lecteurs du Populaire et leur avoir annoncé comme certaine, avec la collaboration de Caussy et de Chapiro, la défaite de la gauche allemande, se rend compte enfin de la puissance irrésistible du mouvement des masses attirées par la IIIe Internationale. Il comprend tardivement que la gauche du Parti français, traduisant les aspirations de ces masses, triomphera au prochain Congrès comme la gauche a triomphé à Halle. IL espère que ses appréciations absurdes sur l'état du Parti Indépendant seront transposées ici et appliquées au Parti français.

Peine perdue. Le mensonge de l'unité sera dénoncé en France comme il l'a été en Allemagne. La promiscuité que nous impose une fausse unité cessera en décembre. En votant l'adhésion sans réserve à l'Internationale Communiste, le Parti se délivrera des amis de Millerand, dés hôtes de Pilsudski, des pèlerins de Tiflis, des embrasseurs de maréchaux, et autres agents de la bourgeoisie dans le Parti socialiste, lequel deviendra enfin un parti « de lutte de classes et de révolution ».

VARINE.

 

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Le problème de l'Internationale

Une controverse Frossard-Mayéras à Lens

Lille, 24 octobre. - Une réunion des délégués des sections du Pas-de-Calais du Parti a eu lieu aujourd'hui à Lens. Frossard et Mayéras ont exposé leur point de vue sur la question de l'adhésion à la IIIe Internationale.

À l'issue de cette réunion, qui n'a pas duré moins de six heures, la grosse majorité de l'assistance, qui se composait de 600 délégués, s'est prononcée par ses acclamations pour la IIIe Internationale.

Au Pré-Saint-Gervais

La section du Pré-Saint-Gervais s'est prononcée sur la question de l'Internationale. Voici le résultat du vote : pour l'adhésion, 206 ; contre, 13 ; 6 abstentions.

Dans le textile lillois

Lille, 24 octobre. - Aujourd'hui a eu lieu à la Bourse du Travail l'assemblée trimestrielle des syndicats du textile de Lille et de sa banlieue. L'assemblée a voté un ordre du jour décidant l'adhésion à l'Internationale de Moscou. - (Havas.)

 

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APRÈS LA SCISSION DE HALLE

Les Indépendants de gauche

Berlin, 20 octobre, - (De notre correspondant particulier.) - La majorité du Parti indépendant a tenu dimanche matin une dernière séance pour le règlement des questions d'organisation. À l'ouverture de la séance, le président Brass a lu un manifeste qui doit être adressé à tous les membres de l'ancien Parti.

Ce manifeste dit « que Hilferding et Crispien ont renouvelé le crime commis pendant la guerre contre le prolétariat par Ebert et Scheidemann ; ils sont tombés dans le dos du prolétariat et se sont joints aux partis qui le retiennent et l'empêchent dans sa lutte. La droite a tenté par tous les moyens de rejeter hors du Parti les éléments actifs et révolutionnaires. Au Congrès de Leipzig elle a déjà menacé de la scission ; elle a essayé d'empêcher la discussion après 1e retour de la délégation de Moscou, en devançant la convocation du congrès. Elle a essayé de se faciliter une majorité en précipitant le referendum et en abusant de la presse d'une manière démagogique. Elle voulait la scission parce qu'elle est contre l'adhésion à la IIIe Internationale et parce qu'elle sait qu'elle a perdu la confiance des ouvriers. Elle essaye aujourd'hui de conserver les organes du Parti en abusant de son nom.

« La majorité que nous avons obtenue montre que nous sommes le Parti ; ceux qui quittent aujourd'hui ses rangs n'ont plus le droit do parler en son nom. Le Parti conserve son unité de par la volonté du Congrès ; la route est maintenant libre pour l'unification du prolétariat révolutionnaire d'Allemagne, et pour la création d'une puissante section allemande de l'Internationale communiste

« Le devoir présent est de serrer les rangs pour accepter le combat contre la souveraineté de la bourgeoisie et contre le système capitaliste, et la première condition de cette lutte est de conserver l'unité du Parti. »

Discours de Daumig

Daumig a prononcé un discours final où il dit qu'il ne faut pas se laisser induire en erreur par la scission actuelle du Parti.

Avant peu le prolétariat révolutionnaire sera consolidé et ce sera le point de départ d'une activité plus grande des masses. Peut-être devrons-nous être bientôt prêts à l'action. Dans la question des sans-travail et du contrôle de la production, nous allons bientôt entrer en conflit avec la bureaucratie des syndicats. Les principes de Moscou devront être exécutés le plus vite possible. Nos adhérents doivent être instruits davantage que par le passé pour l'action politique, et les questions de boutique et d'organisation devront passer à l'arrière plan. Comme l'adhésion à la IIIe Internationale impose à nos adhérents des exigences beaucoup plus grandes que par le passé et comme ses décisions vont resserrer le front contre-révolutionnaire, nous devons être prêts à l'action.

La plus grande difficulté apportée par les conditions d'admission est la création d'une section allemande unifiée de l'Internationale communiste. Avant que la fusion ne s'opère, il y aura encore une foule de frictions. Il faut pourtant que l'égoïsme de parti cesse de jouer un rôle. L'autonomie du parti indépendant doit être maintenue jusqu'au règlement définitif. Les négociations avec le Parti communiste vont être poursuivies sous la direction d'un représentant du Comité exécutif de Moscou, en vue de poser les lignes fondamentales de l'unité. La décision finale ne pourra être prise que par un congrès commun des deux partis, indépendant et communiste.

Dès aujourd'hui, on peut arriver à une entente pour des actions politiques et il y a lieu de créer des organes d'action locaux. Dans la lutte d'opinions qui va avoir lieu, les personnalités doivent passer au second plan, attendu que parmi les adversaires des conditions il y a beaucoup de camarades de lutte qu'on pourrait gagner.

F. CAUSSY.

 

 

Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du mardi 26 octobre 1920

 

 
 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)