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Claude Gindin « Les enjeux d'aujourd'hui pour l'avenir de l'humanité » - Clermont, 27 juin 2014

Espace Marx Oise proposait avant les vacances d'été une conférence-débat avec Claude Gindin, membre de la rédaction de la revue La Pensée.

Une belle soirée autour de « Hommes, outils, nature - Les enjeux d'aujourd'hui pour l'avenir de l'humanité » que nous vous proposons de revivre ici (compte-rendu ci-dessous, vidéos sur la partie droite de la page).

Tout d'abord la conférence séquencée en trois parties :

  • l'espèce humaine et sa capacité de production
  • l'outillage et la révolution industrielle
  • les enjeux de la révolution informationnelle

suivie d'une quatrième séquence correspondant aux réponses et commentaires de Claude Gindin aux questions des participants.

 

Conférence

 

 

Partie 1/3 - L'espèce humaine et sa capacité de production

 

Une production supérieure à celle nécessaire à la « reproduction simple »

Qu'est-ce qui contitue l'espèce humaine ? Vaste question... Une des pistes de réponse est la capacité de l'être humain à produire ses moyens d'existence, et même à produite davantage à ce qui est nécessaire à sa « reproduction simple », selon l'expression de Marx.

La production et le processus d'hominisation sont fortement liés : station debout et verticale permettant l'utilisation de la main, un champ visuel supérieur, le développement de la partie frontale du cerveau...

 

Des apprentissages sociaux longs

L'apprentissage chez l'être humain, en plus de sa longueur, se caractérise par son caractère social. L'environnement et l'époque sont donc prépondérants dans cette phase d'apprentissage.

 

Une production avec un effet utile différé 

La production supérieure à la reproduction simple permet à l'être humain d'accumuler des moyens et de s'engager dans une production à effet utile différé (de la construction d'un pont pour accéder à une terre meilleure lui offrant ultérieurement un rendement supérieur aux crédits bancaires). La productivité totale du travail de la communauté humaine peut ainsi augmenter.

 

Division technique du travail et division sociale en classes

Cette grande capacité de production offre à l'être humain la possibilité de mener des activités non productives. Elle entraîne également le développement de la division technique du travail (spécialisation dans une activité) et la division sociale en classes, avec l'exploitation de l'homme par l'homme. Selon le type de production, les sociétés humaines peuvent stagner, voire régresser, ou bien croître à l'image des sociétés capitalistes grâce à une productivité du travail en hausse, avec les machines outils et la vente par le travailleur de sa capacité de force de travail. Actuellement, les sociétés capitalistes ont atteint la limite du mode de croissance de la production.

 

 

Partie 2/3 : L'outillage et la révolution industrielle

 

Les outils du corps

L'être humain utilise son corps comme source de multiples outils : on pense à la main, mais l'oreille, les yeux... sont aussi des outils. Leur utilisation nécessite un apprentissage et le développement gestuel va de pair avec le développement des outils.

 

L'outil comme prolongation du geste humain

L'utilisation d'outils extérieurs au corps à une très longue histoire largement inconnue de nous : quels outils ? quelle utilisation ? quels essais d'outils ? André Leroi-Gourhan distingue la tendance (ex : la nécessité de frottements pour créer du feu) et le fait (les formes différentes trouvées par les peuples pour faire du feu).

La caractéristique de l'outil est de prolonger le geste humain, en dépassant ses limites.

La production fait ainsi appel à cette chaîne : corps  ==>  outil  ==>  objet de travail

 

La révolution industrielle et la machine-outil

Avec la révolution industrielle, la productivité du travail explose. La machine-outil fait son apparition : elle peut utiliser plusieurs outils et la force et la précision atteintes sont sans commune mesure avec celles de l'être humain. La production fait ainsi appel à cette chaîne : corps  ==>  machine-outil  ==>  outil  ==>  objet de travail

L'apparition de la machine-outil nécessite au minimum deux conditions, qui ne sont pas réalisées dans toutes les sociétés : posséder la technologie et les outils pour construire la machine-outil ; que des forces aient des inétérêts à investir dans cette construction.

Le mode de production capitaliste a été un mode de production progressif (dans le sens où il a fait progressé les capacités de l'humanité), ce que Marx a exprimé par « le rôle civilisateur du capitalisme ». L'est-il encore aujourd'hui, alors que la révolution informationnelle est apparue ?

 

 

Partie 3/3 : Les enjeux de la révolution technologique actuelle, la révolution informationnelle

 
Nous vivons une révolution technologique considérable à l'échelle humaine, la révolution informationnelle. Elle s'appuie sur l'information, c'est-à-dire le traitement des données sur le réel. Une des caractéristiques essentielles de l'information est le partage, la possibilité de la communiquer sans perte.
 

Mémoire, stockage, récupération

L'utilisation de l'information fait appel à la mémoire, au stockage et à la récupération. Claude Gindin des étapes importantes de la communication de l'information : les signes, le langage articulé, l'écriture qui permet de dépasser les limites de la mémorisation du cerveau. Il définit la mémoire sociale, avec les connaissances d'une personne qui profite à tout le groupe. Les mécanismes sont eux-mêmes porteurs de mémoire (exemple de la montre avec les décalages 30 et 31 jours mensuels) ou utiliser la mémoire d'un support (machine à tisser, cartes perforées). [La discussion qui suivra la conférence portera en partie sur la capacité des animaux autres que l'homme à communiquer.]

La révolution informationnelle s'appuie sur la capacité de stockage atteinte, ainsi que la miniaturisation. Elle permet une économie de moyens matériels et le croisement des informations ouvrant des possibilités considérables.

 

Une révolution technologique libératrice ?

La révolution informationnelle ne sera pas automatiquement libératrice. La réduction du temps de travail, plutôt que d'ouvrir des champs pour se développer, est utilisée par les puissants pour mettre en concurrence les salariés, avec la menace du chômage.

La bonne utilisation de la révolution informationnelle ne sera possible que si elle s'accompagne d'un développement des capacités humaines et d'un accès aux pouvoirs, aux décisions, pour tous les êtres humains. La barrière entre les décideurs et les exécutants doit sauter si l'on veut dépasser le stade de la minorité qui décide dans ses intérêts propres.

 

Une égalité de droits et de pouvoirs

Le combat libérateur de l'égalité de droits et de pouvoirs est indispensable aujourd'hui. Les droits des salariés en entreprises, l'égalité femmes-hommes… sont des exemples où ce combat est à mener.

 

 

Réponses et commentaires de Claude Gindin

aux questions et réactions de l'assistance

 

Analyser les champs des possibles et des contraintes

L'intervenant se refuse à se projeter dans un hypothétique futur et explique sa démarche : analyser les champs actuels des possibles et des contraintes et choisir les luttes émancipatrices à mener.

Il est difficile d'analyser l'effondrement des sociétes passées car elles ne sont pas isolées, étant en interaction avec le monde environnant. La fin souvent évoquée de notre société capitaliste, en crise, qui génère aujourd'hui des risques considérables jamais atteints, ne reste qu'une éventualité.

Il met en garde contre la vision définitive d'une Terre finie : les découvertes sont toujours d'actualité et porteuses de possibilités nouvelles tandis que les gaspillages peuvent être réduits de façon importante.

 

Faire les choix politiques permettant le développement des besoins enrichissants

Les besoins humains sont en évolution, se transforment, ont une histoire en rapport avec les capacités humaines. La société peut les façonner, comme le besoin d'automobile dans notre monde répondant à l'éloignement des lieux de travail et au manque de transports collectifs - attention à ne pas verser dans la position stigmatisante et culpabilisante face à l'utilisation de certains objets. Les choix politiques doivent donc porter sur le développement des besoins enrichissants améliorant les capacités des individus (par exemple, la découverte de la musique qui entraînera un besoin ultérieur de jouer ou d'écouter de la musique) et pas sur ceux étouffants ou asservissants (télévision abrutissante après une journée usante, médicaments pour dormir…). Ces choix orientant les besoins humains bénéficieront aux individus et à la société, sans s'enfermer dans une vie de caserne que ne sont pas loin de promouvoir certaines pensées écologistes.

 

Ne pas sacrifier une partie d'elle-même

L'espèce humaine doit relever un défi pour ses développements ultérieurs : ne pas sacrifier une partie des êtres humains à ces évolutions. Chacun de ses membres devra pouvoir développer ses capacités et accéder aux pouvoirs.

 

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« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)