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Journée pour la mémoire et pour la Paix, avec Pierre Laurent - Oise, 7 novembre 2018

Le Parti Communiste Français a organisé le 7 novembre une journée pour la paix et pour la mémoire des victimes de la Première Guerre mondiale, à l'occasion du centenaire 14-18.

Les communistes de l'Oise ont accompagné le secrétaire national du PCF Pierre Laurent tout au long de la journée, marquée par des moments d'émotion, des lectures, des hommages, alors que résonnait dans les têtes la phrase « Guerre à la guerre ! » comme le disait l'écrivain Henri Barbusse, porte-voix de la souffrance des tranchées, dans son célèbre livre « Le Feu » (prix Goncourt 1916).

Après la visite de l'Historial de la Grande Guerre à Péronne, le cortège s'est rendu à la Clairière de l'Armistice, pour une belle cérémonie républicaine à Rethondes.

Après la pause de midi avec les camarades de la section PCF de Ribécourt-Noyon, Pierre Laurent a visité la Maison Sylvie à Haumont-en-Halatte (à proximité de Senlis), la maison de Henri Barbusse. Cette propriété des « Amis d'Henri Barbusse » est malheureusement laissée à l'abandon contrairement à un récent engagement d'un secrétaire d'État, alors que comme l'a dit Pierre Laurent, elle pourrait être un endroit précieux pour porter la mémoire et un message de paix.

L'itinéraire s'est fini à Montataire, où une conférence sur Barbusse et la paix a passioné les présents, avant un meeting franco-allemand avec Ian Brossat, chef de file des communistes à l'élection européenne du 29 mai 2019, et Thomas Nord, député Die Linke au Bundestag.

Une journée admirable, à l'opposé des déclarations du président Macron sur l'ex-maréchal Pétain qui entachent ce centenaire.

 

Intervention de Pierre Laurent lors du meeting franco-allemand, Montataire

Journée du souvenir - 7 novembre 2018

 

Cher-e-s camarades et ami-e-s,

Cher Jean-Pierre et Ian,

Cher Thomas,

Je veux commencer par te remercier vivement, Thomas, de ta présence ce soir et de ta participation, toute la journée, aux hommages que nous avons rendus aux morts de la Grande guerre et aux pacifistes qui, aux côtés d'abord de Jean Jaurès puis d'Henri Barbusse, s'étaient levés pour dire « la grande paix humaine est possible » et s'opposer au sacrifice inutile sur l'autel de l'argent-roi et de l'impérialisme européen de dizaines de millions de morts.

Si nous commémorons, avec nos camarades allemands de Die Linke, le Centenaire de l’Armistice du 11 novembre 1918, ce n’est ni pour « fêter une victoire », ni pour « célébrer » une réconciliation qui tairait les causes véritables de ce premier vaste affrontement des impérialismes mondiaux que fut la Première Guerre mondiale. 

En 1914-1918, il n’y eut pas de victoire, il n’y eut que des victimes, des vies et des villes détruites,  des familles endeuillées, des peuples exsangues et humiliés.

Si nous commémorons, à travers ta présence Thomas, nos camarades allemands de Die Linke ce Centenaire c'est pour célébrer « le plus grand des combats » selon les mots de Jaurès, celui de l'exigence de paix et de fraternité entre les peuples.

Le Parti communiste français né du refus de cette immense et inutile boucherie de la Première Guerre mondiale avait fait sienne et n'a jamais oublié les mots d’Anatole France : « On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels. »

« Ces maîtres de l'heure, disait Anatole France, possédaient les trois choses nécessaires aux grandes entreprises modernes : des usines, des banques, des journaux. »

Dans ce même article paru le 18 juillet 1922 dans l'Humanité et consacré à un livre, Anatole France rappelle en effet que « la guerre mondiale fut essentiellement l’œuvre des hommes d'argent, (...) ce sont les hauts industriels des différents États de l'Europe qui, tout d'abord, la voulurent, la rendirent nécessaire, la firent, la prolongèrent. Ils en firent leur état, mirent en jeu leur fortune, en tirèrent d'immenses bénéfices et s'y livrèrent avec tant d'ardeur qu'ils ruinèrent l'Europe, se ruinèrent eux-mêmes et disloquèrent le monde. »

Et, cent ans après l'Armistice, voici les peuples du monde toujours aux prises avec ces femmes et ces hommes d'argent sans d'autre foi ni loi que celles du profit, de la domination et de l'exploitation. 

Le Proche et le Moyen-Orient, aux ressources pétrolières immenses, est dévasté depuis la fin de l'Empire ottoman par des guerres sans fin qui s'enchaînent et s'enchevêtrent les unes aux autres et qu'alimentent avec ardeur les ambitions impérialistes des puissances occidentales et de leurs alliés régionaux. Des fortunes colossales se sont construites sur des charniers sans fond et les humiliations de peuple entiers. 

Non, cent ans après l'Armistice, nous n'avons pas oublié que l'accession au pouvoir d'Hitler, Franco et Mussolini sur fond de ruine et de misère, de haine et de xénophobie, fut aussi rendue possible par le soutien actif des grands manias de l'industrie et des fabricants d'armements.

Ceux, les quelques-uns, qui aujourd'hui possèdent « usines, banques et journaux » n'ont pas changé d'optique ; ils préférèrent un Bolsonaro au retour de la gauche de transformation sociale au Brésil, ils préfèrent un maréchal Sissi en Egypte plutôt qu'un régime démocratique, ils préfèrent une guerre saoudienne au Yémen et une crise humanitaire historique plutôt qu'un Etat palestinien, ils préfèrent un Trump aux Etats-Unis plutôt qu'un Sanders qui parle de partage des richesses et de sécurité sociale, ils préfèrent un Mohammed VI plutôt que le respect des résolutions de l'ONU pour le peuple sahraoui et la justice sociale pour le Rif, ils préfèrent un Salvini en Italie et un Orban en Hongrie où les forces de gauche ont été réduites à l'impuissance...

Partout, les injonctions néolibérales d'ajustements structurels, d'austérité et de traités de libre-échange du FMI ou de la BCE, de la Commission européenne et de l'Eurogroup faisant payer, depuis la crise de 2008, la dette des banques aux peuples et aux Etats ont ouvert la voie au retour de la Bête immonde qui sait prendre mille visages mais elle fait partout la même politique.

La mondialisation de l’économie sous domination capitaliste nous a conduit à une guerre économique généralisée permanente pour assouvir les appétits insatiables des groupes  multi- et transnationaux qui ont à leur service des gouvernements et des présidents,  des dictateurs sanguinaires et des néofascistes à peine ripolinés. 

Ces grands hommes et femmes d'affaires n'ont aucun scrupule, ils montent des armées privées pour l'unique protection de leurs usines ou sites d'extraction, ils passent des deals sonnants et trébuchants avec des groupes armés et des milices qui font régner la terreur partout où elles s'implantent ; on disait souvent que l'argent n'a pas d'odeur et bien nous savons maintenant que le pétrole de Daech non plus, semble-t-il... 

Qu'importe que l'argent serve à armer des kamikazes qui s'exploseront dans un jardin d'enfants en Afghanistan ou au Nigéria, qu'importe qu'ils arment les bras d'esprits obscurantistes à Saint-Étienne-du-Rouvray ou à Tunis, qu'importe que l'argent serve à recruter des nouveaux mercenaires pour anéantir les forces syriennes démocratiques du Rojava qui ont sauvé tant de femmes et d'hommes de la mort et des viols en Irak... ou de l'argent qui sert même à armer des tueurs antisémites et racistes provoquant des carnages aux Etats-Unis 

Le pillage incessant des ressources naturelles et des richesses nationales, la conquête perpétuelle de part de marchés, la course effrénée au surarmement ne sont pas des sports de très très riches ; c'est la concrétisation d'une logique systémique qui piétine aussi bien l'humanité que la planète.

Et, ils leur faut absolument briser tout espoir de changement, tout envie de changer les règles de ce système froid, cynique et destructeur qu'est le capitalisme.

Mais des espoirs et des mobilisations capables de soulever des montagnes, il y en a et nous, femmes et hommes de paix et de progrès d'Europe et du monde entier nous en construirons de nouvelles. Je partage totalement la conviction de Karl Marx, nous la partageons toutes et tous ici, que « l'union des travailleurs fera la paix du monde ».

Il ne s'agit pas d'une croyance ou d'un vœu pieux. Il s'agit d'un projet politique en soi. 

La paix, la culture de paix, d'amitié et de fraternité entre les peuples est un projet politique quand la guerre demeure encore et toujours un business.

L'heure est venue de débarrasser le monde des armes de destruction massive et des armes nucléaires. L'heure est venue d'aller au-delà de la lutte contre la prolifération de l'arme nucléaire, mais de l'interdire tout simplement. 

À l’opposé d’un Donald Trump qui remet en cause des accords de désarmement en vigueur depuis plusieurs décennies, nous voulons agir pour que soit lancé ou relancé un processus de désarmement nucléaire. Nous voulons agir pour l’éradication et l’interdiction de l’arme atomique et de toutes les armes de destruction massive 

La politique de non-prolifération a sans doute atteint ses limites puisque, non seulement, il n’y a plus aucun progrès dans la réduction des arsenaux nucléaires mais sous couvert de maintenir le potentiel existant, les gouvernements développent des budgets faramineux pour moderniser et miniaturiser les armes nucléaires et que les plus puissants, les plus dotés, comme les Etats-Unis en sont avec Trump à remettre en cause les accords passés. 

Les mêmes États-Unis contraignent avec l'accord explicite de dirigeants des pays européens les pays membres de l'OTAN à consacrer 2 % de leur PIB à la Défense alors que, en France par exemple, on se cantonne à n'envisager une augmentation de l'Aide publique au développement qui est pourtant un des éléments de lutte contre les causes de guerres et de tensions, on n'envisage que de monter de 0,37 % à 0,55 % du revenu intérieur brut et en 5 ans de temps qui plus est... 

Dans une telle situation de blocage du processus du désarmement, un pas historique a été franchi lorsque 122 pays ont adopté en juillet 2017, en Assemblée générale de l'ONU, le Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN) qui répond aux exigences du TNP ; ce nouveau traité est ouvert à signature et ratification depuis un peu plus d’un an et pourra entrer en vigueur dès 2020, malgré l’opposition des puissances nucléaires – comme la France – et les pressions qu’elles exercent sur leurs alliés. 

Le désarmement nucléaire est une exigence universelle à laquelle notre pays, la France, se doit maintenant de répondre, avec clarté, en signant et ratifiant ce traité. 

La majorité de notre peuple y est favorable sans ambiguïté, et le Mouvement de la paix l'a mis en évidence au cours de l'été dernier dans une enquête d'opinion publiée dans le journal La Croix. Il n'y a pas d'autre chemin que celui de la dénucléarisation pour éviter la catastrophe. C'est un large mouvement populaire dans chacun de nos pays qui pourra imposer un tel choix aux dirigeants toujours plus enclins à conduire des politiques au service de leurs sponsors qu'au bénéfice de l'intérêt commun.

L'Europe elle-même, aussi bien au sein de l'Union européenne que par delà les limites de l'UE, doit devenir réellement un véritable espace de paix. L'intégration régionale dominée par les lois du marché a trahi l'aspiration des peuples européens à la paix. 

Arrimée à l'OTAN, la politique dite de défense et de sécurité européenne est agressive, intrusive, interventionniste et elle est à elle seule une source de fortes tensions en Europe même. 

Il n'y a d'alternative pour la paix mondiale, pour la sécurité humaine collective, que dans une dissolution à terme de l'OTAN et pour y parvenir nous voulons que les élections européennes à venir soient un grand moment de débat démocratique populaire qui place la paix et la coopération une des priorités absolues d'une transformation progressiste de l'UE.

Nos adversaires, les chantres du marché et de la finance, font de la guerre économique, quand ce n'est pas de la guerre tout court, l'alpha et l'oméga de toute politique. 

Eh bien nous, avec des centaines de millions d'Européens, nous savons que la coopération économique est garante de toute paix, que la redistribution des richesses, le partage des ressources naturelles dans le respect strict des écosystèmes, le commerce réellement équitable et des traités d'échanges mutuellement bénéfiques, l'investissement dans le développement économique, social et humain sont les vrais garants de la paix. 

Ce sont tous ces actrices et acteurs de la paix que nous voulons réunir dans une Conférence paneuropéenne de coopération et de sécurité collective ouverte à tous les Etats, et associant les peuples, de tout le continent.

Voilà, en vérité, une initiative qui ouvrirait un nouveau chemin, un nouvel horizon pour les peuples, et les femmes et les hommes, les travailleurs qui constituent les 99% de notre humanité.

Pas les ventes d'armes, pas les traités de libre-échange qui jettent des pêcheurs ruinés dans les bras de passeurs, pas les interventions et occupations militaires qui poussent des paysans à devenir des soldats de fortune, pas les optimisations et évasions fiscales qui font prospérer les voleurs en cols blancs et les mafieux, pas les plans d'ajustements qui font le beurre des géants de l'agrobusiness...

Plutôt que de nous laisser emporter encore plus en avant dans des logiques d'alliances militaro-politiques opportunistes et prédatrices, nous les peuples d'Europe et du monde avons le choix, si nous le décidons, nous avons, nous aurons le pouvoir d'inverser le cours des événements. Ce choix nous appartient, à nous femmes et hommes d'aujourd'hui. 

Oui, je l'affirme, nous en avons potentiellement le pouvoir, ensemble en agrégeant nos forces.

Lorsque la coalition ICAN, dont nous faisons partie, comme des dizaines d'organisations démocratiques dans le monde, a reçu le prix Nobel de la Paix en 2017 qui , à part ses militants et organisations membres ou partenaires, connaissait ICAN ? 

Ce prix n'est pas un trophée à poser sur le manteau d'une cheminée ou un selfie à poster sur Facebook, c'est un appel à la mobilisation générale pour la paix, le désarmement et la fin de l'arme nucléaire.

Avec les actrices et les acteurs de la paix, nous saurons imposer l'embargo sur les ventes d'armes françaises à l'Arabie saoudite – nous avons déjà réussi à forcer le président à sortir de son silence --, l'interdiction des ventes d'armement aux Etats engagés dans des conflits, agressifs ou interventionnistes.

Avec les actrices et les acteurs de la paix de Palestine et d'Israël, nous saurons contraindre Emmanuel Macron à la reconnaissance officielle de l'Etat palestinien et l'arrêt du soutien tacite de la France à l'Etat d'apartheid que Benjamin Netanyahu et sons gouvernement de colons est en train d'imposer en Israël.

Avec les actrices et les acteurs de la paix, nous saurons ramener la paix au Yémen, la démocratie en Turquie, la justice sociale au Rif et au Maroc : oui, nous décuplerons d'énergie pour que toutes les femmes et les hommes de paix voient leurs forces multipliées.

La grande leçon de la Première Guerre Mondiale, c’est Henri Barbusse qui nous l'a livrée dans le Feu et dans son action jusqu'à son décès en 1935, et celles des anciens combattants. La fin des combats ne suffit pas à assurer la paix et que la paix, la sécurité humaine collective en tout domaine, reste à construire, en permanence, dans chacun de nos choix.

 Au sortir de la Second Guerre mondiale, la Charte de l’ONU a inscrit la paix comme un projet politique, elle en a fait le pilier du droit international et elle a défini les conditions nécessaires à sa réalisation. La paix se construit par l'engagement des peuples, des citoyen-ne-s, des Etats, des collectivités territoriales... Elle se construit pas à pas, inlassablement.

En ces jours de Centenaire du 11 novembre 1918, c'est la voix de la paix qui doit se faire entendre, c'est la voix de la grande paix humaine qu'il faut écouter. 

 

 
 

Journée pour la mémoire et pour la Paix, avec Pierre Laurent - Oise, 7 novembre 2018

Discours de Pierre Laurent à la clairière de l'Armistice

Discours de Pierre Laurent à la Villa Sylvie

Intervention de Pierre Laurent lors du meeting

Pierre Laurent : « Pétain a déshonoré la France »

Oise Hebdo du 14 novembre 2018

20181114-OH-Aumont-en-Halatte-Les communistes veulent transformer l'ancienne maison d'Henri Barbusse en musée

Le Courrier picard du 8 novembre 2018

20181108-CP-Oise-Le patron du PCF à Rethondes

Le Courrier picard du 8 novembre 2018

20181108-CP-Péronne-Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, en visite à l'Historial [édition Aisne]

Le Courrier picard du 7 novembre 2018

20181107-CP-Oise-Le communiste Pierre Laurent aujourd'hui dans le département

Le Courrier picard du 6 novembre 2018

20181106-CP-Picardie-Pierre Laurent et le PCF rendent hommage à Barbusse

Texte du discours de Pierre Laurent la clairière de l'Armistice

Discours de Pierre Laurent à la clairière de l'Armistice, Rethondes

Journée du souvenir - 7 novembre 2018

 

Le 11 novembre 1918, ici même, au petit matin, dans cette clairière tranquille, à l’abri des regards, était signé l’armistice qui mettait fin aux terribles combats de la plus « grande guerre » que l’humanité ait connue. Les chefs de guerre français et les amiraux britanniques y recevaient des représentants allemands cette signature d’armistice qui allait apporter aux  peuples qui avaient tant souffert pendant quatre longues années et jusqu’à l’heure de sa mise en application, à 11 h, cet immense soulagement qu’ils désespéraient de pouvoir connaître.

En France, à Paris, comme dans toutes les villes et dans  le moindre village, partout, en Grande-Bretagne, en Belgique et même en Allemagne, des centaines de milliers de personnes descendirent dans la rue pour célébrer la fin des hostilités, des tueries et des souffrances. 

Le 11 novembre 1918 fut ainsi et d’abord un intense moment de soulagement et de joie. Enfin les armes se taisaient ! 

Le bilan des morts au combat est sans précédent : près de 10 millions de soldats tués (1,4 million en France, 2 millions d’Allemands), des millions de civils ont été victimes de la violence des occupations, des famines, des maladies, des destructions. 

Des espaces peuplés ont été réduits à rien ; des millions de mutilés et de blessés ont regagné leur lieu de vie ; des territoires dévastés, des économies ravagées, ont pris la place d’espaces humanisés. Confrontées aux nécessités de la guerre industrielle, les populations de quasiment tous les pays d’Europe sortent épuisées physiquement et moralement du conflit, traumatisées par la violence d’une guerre qui ne devait durer que quelques semaines et qui s’est transformée en une interminable et stupéfiante boucherie. 

L’humanité s’est abîmée dans les tranchées quand la folle stratégie d’une prétendue « guerre d’usure » a conduit à ne considérer les combattants que comme de la chair à canon. Conditionnés par l’exploitation éhontée d’un sentiment national exacerbé, soumis violemment et partout à des gouvernements et à des états-majors dont le seul objectif était de gagner la guerre à tout prix, les soldats furent en réalité les premières victimes de l’affrontement des grandes puissances impérialistes. 

Celles-ci cherchaient depuis le début du siècle à étendre leur zone d’influence, à soumettre l’espace humanisé, européen et mondial, à leurs intérêts financiers et stratégiques. 

« On croit mourir pour la Patrie, on meurt pour des Industriels » a pu dire lestement Anatole France. 

Les monuments aux morts érigés par milliers dans les années qui suivirent, continuent de nous rappeler l’horreur de cette guerre et paradoxalement l’ineptie du bellicisme. 

Pourtant, dès ce 11 novembre d’il y a cent ans, aucun des ingrédients qui avaient conduit au déclenchement des hostilités, n’avait été identifié et analysé en profondeur par les maîtres du monde ! 

La paix ne se proclame pas, elle se construit.

Et dès ce mois de novembre 1918, malgré les discours et invites de quelques chefs d’État, les ingrédients d’une paix universelle et solide ne semblent pas dominer les rapports internationaux à venir. 

Les dirigeants français n’ont d’abord eu en vue que d’exploiter la victoire sur l’Allemagne. Selon eux, l’Allemagne, vaincue, et ses alliés, devaient être considérés comme seuls coupables et seuls mis au ban de la communauté internationale. Les dirigeants français voulaient faire payer l’Allemagne : vaincue militairement, celle-ci doit être tenue pour la seule coupable et devra rembourser. 

En Allemagne même, en invoquant un prétendu  « coup de poignard dans le dos » pour expliquer la défaite militaire, puis le « diktat de Versailles », on verra la caste dirigeante instrumentaliser systématiquement le ressentiment des allemands et les effets de la reconversion économique en Europe centrale pour faire naître cet esprit de revanche dont profiteront Hitler et les nazis et ruineront les bien modestes efforts des Wilson, Briand, Stresemann. 

Derrière les quelques tentatives de construction d’une coopération internationale fondée sur les principes d’arbitrage que devait incarner la Société des nations, ce sont les nationalismes et les ambitions impérialistes qui ont fini par s’imposer, dès avant la crise de 1929.

Plus largement, l’implosion des empires Austro-Hongrois et Ottoman se produisit à la fin de la guerre quand, sous l’effet de la légitime aspiration des peuples à leur indépendance, on s’ingénia à la détourner de ses prémisses au bénéfice d’un nationalisme agressif et sans entraves. 

La volonté des puissances européennes, la France et le Royaume-Uni en tête, de renforcer et de diversifier leur domination coloniale s’établit dans un monde transformé, mais désormais en position de se soumette à l’hégémonie créancière et conquérante des États-Unis d’Amérique qui se tournent vers le Pacifique et la conquête des marchés… 

Les peuples coloniaux et dépendants dont les soldats ont souvent été envoyés en première ligne après 1916 ne connaissent, à la fin de la guerre ni les honneurs, ni les hommages, et moins encore le respect de leur droit à l’indépendance à laquelle, beaucoup déclarent désormais aspirer, en sorte que la réalité  du colonialisme  s’impose encore presque partout, en Afrique, en Asie, en Amérique centrale et du sud ,et se révèle pour ce qu’il est : un instrument de puissance et d’exploitation des hommes et des ressources.

L’immense « empire » colonial français pour sa part est dès lors considéré par les dirigeants français de l’époque comme le pilier de la grande France, véritable vitrine et justification de l’impérialisme français d’autrefois. 

Ce qui s’expose sans fards quelques années plus tard, en 1931, dans une mise en scène sans équivoque à l’occasion d’une exposition internationale…

Et il va sans dire que le consensus des grandes puissances, victorieuses ou vaincues, cette fois-ci unies, s’alignera sans la moindre décence, pour renvoyer aux enfers, les aspirations révolutionnaires nées de la Révolution russe de 1917, ou suscitées par elle, elle, dont le premier acte fondateur, atteint dès le début et non à la fin de 1918, fut d’avoir mis fin à la Guerre !

Le 11 novembre est chaque année l’occasion de nous souvenir ensemble du terrible sacrifice des millions de vies humaines qui furent le prix de l’affrontement guerrier. Commémorer l’arrêt des combats et partager par-dessus les ans le soulagement des contemporains de la Première Guerre mondiale, est, du même coup, toujours et d’abord, un appel à lutter sans relâche pour la paix. 

Mais ce qui a suivi le 11 novembre 1918 nous rappelle aussi que tout armistice ne conduit pas nécessairement à l’avènement d’une paix juste et durable : celle-ci est une construction qui nécessite le respect de la volonté des peuples et le renoncement à l’idée de domination. 

« La grande paix humaine est possible » disait Jaurès. 

Et il ajoutait « et si nous la voulons, elle est prochaine ».

Entendit-on en 1919 la portée de cet appel quand, en mars 1919, Vilain, l’assassin de Jaurès fut acquitté ?

La lutte pour préserver la paix du monde est toujours devant nous !

 

 

Discours de Pierre Laurent à la Villa Sylvie-Maison Henri Barbusse, Aumont-en-Halatte

Journée du souvenir - 7 novembre 2018

 

Au nom du PCF, je suis heureux ce jour d'être ici dans cette maison Sylvie, qui fut si chère à Henri Barbusse.

Son œuvre a été quelque peu oubliée et pourtant quelle actualité sa pensée recèle-t-elle aujourd'hui ! Celle d'un combattant infatigable pour la paix, contre le fascisme et pour une autre société, lui qui rejoignit le Parti communiste en 1923.

Il tire de la guerre une grande leçon d’humanité qu’il formule si bien dans les dernières pages du Feu.

De ses camarades de combat, il dit : « Ils lèvent leur face d’homme où germe enfin une volonté. Il faut tuer la guerre. On est fait pour vivre, pas pour crever comme ça. C’est nous la matière de la guerre. C’est nous qui formons les plaines de morts et les fleuves de sang ! Or les peuples, c’est rien et ça devrait être tout. Tous les hommes devraient être égaux ! Les simples soldats qui sont là et dont les noms "sont de petits noms de rien du tout" sentent monter à leur gorge les propos révolutionnaires. Pour qui offre-t-on ainsi la chair fraîche de milliers de jeunes hommes par jour ? Pour les tripoteurs, les profiteurs, les banquiers qui vivent, eux, de la guerre et qui sont suivis par les simples d’esprit, les ignorants.

Il faut en finir ! Il ne faut pas se cramponner à ce passé hideux ! Tous les malheureux dont le sang coule ici sont des dupes odieusement trompées ! Il faut punir la guerre et l’étouffer ! »

Quelle force ! Et dès l'époque, ses contemporains le reconnurent et son livre Le feu fut couronné du prix Goncourt.

Désormais, la vie de Barbusse fut consacrée à la défense de la Paix, à rechercher les causes des guerres, à leurs dénonciations.

C’est ainsi qu’avec Paul Vaillant-Couturier, Raymond Lefebvre, Georges Bruyère, il va regrouper les soldats, ses frères d’armes, pour les aider matériellement, mais surtout pour les instruire comme le disait Barbusse. Ainsi naissait l’ARAC en novembre 1917 – et je salue aujourd'hui ses dirigeants – puis en 1919, le mouvement Clarté.

En 1932, il prépare l’organisation des mouvements d’Amsterdam, puis d’Amsterdam-Pleyel avec Romain Rolland. Leurs objectifs avec ces mouvements réunis, trouver les forces éprises de paix et les forces antifascistes.

Au sein du mouvement communiste international, il occupa une place originale et, bien qu'ayant écrit un livre intitulé Staline, on sait aujourd'hui qu'il fut souvent en conflit avec l'Internationale communiste, lui qui eut tôt l'intuition qu'il fallait rassembler au-delà des traditionnels clivages face à la peste brune.

Il était un pacifiste, un républicain, un antifasciste et un communiste ; chez lui tout cela s'entremêlait. 

Dans un écrit de juin 1917 (la date est importante, nous sommes en pleine guerre), il écrit : « Pourquoi te bas-tu ?  Tu te bats pour la justice et pour la libération des hommes et pour cela seulement. »

Il exprime, à cette occasion, la voie juste du combat pour la liberté. Il sait qu’il se bat « contre de vieux ennemis infâmes et de toujours : le militarisme et l’impérialisme », il rajoute « le Sabre, la Botte et la Couronne ».

Il met en garde : « Le Nationalisme suit partout. Il n’est pas exclusif à l’Allemagne, il est infiltré en France… bien vivant ».

Au moment où lui-même et ses trois camarades construisent la volonté de créer une association pour s’attaquer aux causes impérialistes de la guerre, pour mobiliser au moment où se développent les mutineries, où les tribunaux condamnent et fusillent pour l’exemple dans une adresse aux anciens combattants dans l’œuvre en juillet 1917 il développe : 

Extraits : 

« J’adresse un appel ardent à tous ceux des anciens combattants de cette guerre qui croient à la République et qui la veulent.

La mort vous a épargnés. Je vous demande de venir tous à nous, de vous unir. Je veux vous entretenir aujourd’hui d’un grand intérêt général qui dépasse celui de chacun de vous, mais qui repose sur vous tous : soldats de la guerre, continuez à être les soldats de la pensée, il le faut. Vous ne devez pas renoncer encore à vous battre. La démocratie a besoin de vous. Elle vous appelle à son secours, vous qui serez un jour le nombre et la force, et qui êtes l’énergie, l’audace et la lucidité.

Les avertissements nous assiègent de toutes parts : l’heure est grave, le principe immortel de la République est menacé, la charte des Droits de l’Homme leur est tombée depuis longtemps des mains.

Les principes républicains sont, de tous côtés, ou trop attaqués, ou trop mal défendus. Il faut veiller sur la République. C’est à vous entre tous et avant tous qu’incombe ce devoir, survivants de la guerre des hommes contre les oppresseurs !

Nous appelons République la société constituée sur les bases de la réelle souveraineté du peuple, c’est-à-dire sur la logique et la raison, avec tout ce qu’un corps social sagement organisé peut comporter d’égalité, de liberté et de droits pour chacun ; une société qui ne soit pas, ouvertement ou obscurément, conduite par une oligarchie de privilégiés et de parasites, mais illuminée dans tous ses coins par le clair intérêt général…

Nous disons que non seulement le but que nous poursuivons à l’intérieur et à l’extérieur n’est pas une utopie. C’est là et non ailleurs qu’est l’aboutissement de l’œuvre de la Révolution. Quoi qu’il en soit, c’est par ces voies que la grande France de 1789 s’agrandira et durera. »

Cette volonté de défendre les valeurs républicaines, de s’attaquer aux causes des guerres, de se méfier de la bourgeoisie, sont aujourd’hui 100 ans plus tard, des mots qui sonnent juste.

Quand un président n’est élu qu’avec 18 % des inscrits sur les listes électorales, quand près de 60 % des Français s’abstiennent lors des élections des députés, nous entrons dans une crise morale, politique où tous les risques resurgissent. En France, en Europe et dans le monde.

Est-on loin, croyez-vous des préoccupations, du cri de Barbusse, sur la République attaquée, la République universelle menacée de toute part ?

Barbusse met l’accent sur ce qui fâche, sur ce qui gêne, c’est la question de la souveraineté des peuples et par souveraineté, il entend celle des peuples pas celle des gouvernements et de leurs dirigeants, il met cette question au centre de sa réflexion.

Nous sommes obligés de constater que cette question de la souveraineté des peuples est au cœur des débats d’aujourd’hui.

Aujourd’hui, l’impérialisme comme disait Barbusse a besoin de réorganiser le monde pour se donner un nouveau souffle.

L’enjeu aujourd’hui, c’est l’accaparation de richesses dans la cadre de la mondialisation capitaliste galopante.

Mais aujourd’hui, comme hier, pour réussir cette mondialisation capitaliste, il faut étouffer la souveraineté des peuples. 

Le combat pour la paix de Barbusse est lié à son combat antifasciste qu'il mena dès les années 20 contre le régime de Mussolini, contre la terreur blanche dans les Balkans.

Au printemps de 1933, le Mouvement Amsterdam-Pleyel prend forme. Henri Barbusse intervient au congrès. Aux 3 000 délégués, parmi lesquels ceux des pays où le fascisme a triomphé, Italie, Pologne, Finlande, Hongrie, Yougoslavie, Allemagne, il dit : « Tout grand mouvement antifasciste doit s’appuyer sur la classe ouvrière et paysanne. Il doit mener la bataille avec la masse de travailleurs qui est le gros d’une armée à laquelle nous devons rallier dans la plus grande proportion possible les intellectuels, les fonctionnaires, la petite bourgeoisie, sans perdre de vue surtout l’énorme importance des jeunesses… Et cela sous le signe du front unique seul gage de la victoire finale. »

Il prépare ainsi les esprits à l'unité nécessaire et à ce qui deviendra le Front populaire. Mort en 1935, il n'en verra que les débuts mais dans les images d'archives, on le voit lors des premiers rassemblements, fatigué physiquement mais infatigable et immortel militant.

 

 

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« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)