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Bruno Hénin et Sophie Binet présentent la situation sociale et économique, ainsi que la place et le rôle des salariés - Clermont, 25 octobre 2013

L'Espace Marx Oise-Bernard de La Sala (site internet) proposait le vendredi 23 octobre à Clermont une conférence-débat sur le thème « La situation sociale et économique, place et rôle des salariés », avec comme intervenante la jeune secrétaire confédérale de la CGT Sophie Binet, membre du Bureau national de l'UGICT (ingénieurs, cadres et techniciens) et également en responsabilité des jeunes et des femmes.

 

Invitée dans l'émission « C dans l'air » sur France 5 le jour-même pour discuter de « Chômage : ce qui ne marche pas », en compagnie notamment de l'inénarrable et vétéran télévisuel Godet - qui ne verrait sans doute aucun problème à ce que les gens payent pour travailler plutôt que de remettre en cause le capitalisme - Sophie Binet est arrivée en moto-taxi de Paris avec un peu de retard.

 

Bruno Hénin présente la situation dans l'Oise

 

Ce léger contretemps a permis à Bruno Hénin, le secrétaire général de l'UD CGT Oise, de faire au pied levé un tour d'horizon de l'actualité sociale et syndicale dans le département, en déclinant quatre thèmes.

 

La réforme des retraites, la dernière ?

 

Le projet de réforme des retraites, votée avec une faible marge à l'Assemblée nationale, sera étudiée par le Sénat du 28 octobre au 4 novembre. Bruno Hénin interroge « Sera-t-elle la dernière réforme des retraites ? » En effet, est prévu dans ce projet de loi la mise en place d'un Comité de surveillance des retraites composé de cinq personnes « désignées en raison de leurs compétences en matière de retraite ». Chaque été, il rendra des recommandations pouvant aller vers une augmentation des taux de cotisation d'assurance-vieillesse, de base et complémentaire ou bien de réduction du taux de remplacement assuré par les pensions. Le tout par décret, ne laissant aucune place à l'expression de la démocratie.

Bruno Hénin revient les comptes notionnels - le « modèle suédois » dont on nous abreuvait en 2010 - disparus de la circulation depuis dans les débats français. La CGT s'est demandée pourquoi : les pensions en Suède sont attendues à baisser de 40 % en 5 années ! Ne vous inquiétez pas, vous n'en entendrez pas parler !

Voir la lettre de l'UFICT du 14 janvier 2012 « Nocivité des retraites en comptes notionnels à la suédoise »

 

L'ANI dévore les salariés

 

Le secrétaire général a ensuite présenté la casse sociale amenée par la transcription dans la loi de l'Accord national interprofessionnel (ANI) écrit par le Medef. La mobilisation contre l'ANI a été un échec, dû en partie à la technicité du texte et aux pseudo-avancées jetées en pâture concernant l'apprentissage et les femmes.

Les entreprises comme Akzo Nobel à Montataire qui délocalise ses services Recherche et développement et Comptabilité ont juste à présenter un plan social à la DIRECCTE. De plus, si cette dernière ne répond pas sous quinze jours, le plan est considéré valide et aucune possibilité de contestation en justice n'est possible !

Le « coût » du travail, la compétitivité insuffisante de la France sont généralement avancés par les directions : ainsi Air Liquide à Pont-Sainte-Maxence qui va s'installer en Slovaquie, promettant de mettre en place un « pôle d'excellence de recherche » calmant les velléités locales contre des emplois industriels qui disparaissent.

 

Le courage d'être syndicaliste CGT

 

Dans plusieurs entreprises du département, des licenciements de syndicalistes CGT ont été acceptés par l'inspection du travail et seul Denis Tomczak de Goss a pu être réintégré après un recours administratif. Dernièrement, à Méru, une entreprise a licencié sous prétexte de motif économique un salarié désigné peu avant représentant de la section syndicale (RSS) par la CGT.

À l'aéroport de Beauvais-Tillé, les syndicalistes CGT, traînés en justice par leur direction et qui ont perdu (voir les article du Courrier picard et du Parisien), se voient obligés de subir des enquêtes sur leur personnalité, à la demande du procureur de la République…

L'UD CGT Oise a interpellé le préfet et la DIRECCTE sur les discriminations syndicales, suivies par les autres syndicats, sauf …la CFDT.

Le 5 novembre, l'UD sera présente à la manifestation nationale pour les libertés d'expressions et d'actions syndicales à Roanne, jour où cinq syndicalistes de cette ville sont convoqués au tribunal.

 

Le travail d'information des salariés, déjà compliqué, l'est encore plus avec les pressions faites sur les syndicalistes. 

 

Un gouvernement qui trouble les repères politiques

 

Le gouvernement socialiste n'assume pas la mise en place d'une politique de gauche pour laquelle François Hollande a été élu : il porte la responsabilité d'un brouillage des repères politiques et certains voient en l'extrême droite la solution miracle. La CGT prévoit la diffusion d'un matériel 4 pages pour montrer l'impasse économique des idées FN.

 

Se sont ensuivis des échanges fructueux, avant la pause casse-croûte et l'arrivée de Sophie Binet. Le temps de s'installer et la seconde partie de la soirée est lancée.

 

 

Sophie Binet pointe le coût du capital

 

Une société qui ne s'occupe pas de ses jeunes

 

Sophie Binet commence son propos par l'augmentation inquiétante du nombre de chômeurs non indemnisés ainsi que celle du taux de pauvreté, avec une sur-représentation des jeunes dans ces deux catégories. Ainsi, une personne pauvre sur deux a moins de trente ans. Les jeunes sont exclus du RSA jusqu'à 25 ans. Et la réforme des retraites en cours est également une mesure anti-jeunes !

 

On ne peut toutefois pas dire que le gouvernement n'a rien fait, avec la mise en place des emplois d'avenir et des contrats de génération.

Les emplois d'avenir s'adressent à des personnes peu ou pas qualifiées, à qui l'on devait présenter un CDI ou un CDD de trois ans. Or, l'expérience montre que les collectivités publiques, qui font appel à nombre de ces emplois d'avenir, fonctionnent généralement avec des CDD d'un an seulement. La CGT tient à ce que les jeunes se forment, acquièrent une qualification, mais comment faire sur une durée si courte ? C'est tout l'intérêt de ces emplois aidés qui est mis à mal, quand les études montrent que l'insertion dépend de la durée de l'emploi.

La CGT a signé en faveur des contrats de génération, notamment parce que pour une fois, c'est un CDI qui est présenté aux jeunes. Les entreprises devaient ouvrir une négociation - sans obligation de la conclure - mais, en dépit de contraintes faibles, le patronat bloque : 75 % des entreprises n'ont rien fait, au-delà des pires anticipations de la CGT.

 

S'attaquer aux vraies causes

 

La non-reconnaissance du travail et la financiarisation de l'économie sont les causes de la situation de crise actuelle. 200 milliards d'exonérations fiscales et sociales qui ne servent pas l'emploi. Le Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) et ses 20 milliards de cadeaux loupent la cible : seuls 20 % vont à des entreprises exposés économiquement à la concurrence et la majeure partie est captée par les grands groupes, alimentant les dividendes versés. 

Les salaires sont trop bas ! L'écart salarial entre les hommes et les femmes est de 27 %, à cause des emplois à temps partiel et/ou moins reconnus occupés principalement par les femmes et d'une discrimination toujours présente, notamment par l'individualisation des rémunérations, avec des primes et des intéressements souvent supérieurs pour les hommes. La fonction publique est loin de donner le bon exemple et il ne faut pas s''étonner des faibles salaires dans l'enseignement, où les femmes sont très présentes. Lutter pour la hausse des salaires, c'est aussi lutter pour l'égalité homme-femme.

À noter le projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes qui sera proposé à l'Assemblée nationale en janvier 2014, est loin du compte.

 

Une politique industrielle à l'échelle européenne

 

200 emplois industriels sont détruits chaque jour depuis cinq ans en France ! L'industrie ne représente plus que 10 % du PIB. La réponse apportée par le gouvernement n'est pas à la hauteur : la Banque publique d'investissements (BPI) a des moyens financiers limités et la conception-même de sa mission est douteuse pour Sophie Binet, après l'annonce faite de ne venir en aide qu'à des entreprises dans des « secteurs d'avenir » : la BPI ne devrait-elle pas aider les entreprises en difficulté à évoluer vers des activités ayant un avenir ?

 

Et le financement par les richesses ?

 

« Parler de sauvegarde du système par répartition des retraites sans parler de financement semble aberrant, c'est pourtant ce qui s'est passé ! » s'exclame Sophie Binet. À aucun moment la participation du capital n'a été posée : seules l'augmentation de la durée de cotisation et les hausses de cotisation ont été citées. La CGT a pourtant proposé un financement permettant la pérennité du système de retraite et au service de l'emploi. Les trois principales propositions sont :

  • la taxation des revenus financiers à la même hauteur que le travail
  • la modulation de la part patronale des cotisations selon la politique de l'emploi appliquée par l'entreprise
  • l'extension des cotisations sociales à l'ensemble des rémunérations (primes et intéressements)

 

La fiscalité est un autre domaine où le capital n'est pas sollicité, contrairement aux ménages. Dans la balance, la réduction des services publics.

 

En conséquence, la CGT s'apprête à lancer une campagne sur le coût du capital.

 

La capacité collective à faire bouger les choses

 

Comment populariser cette prochaine campagne ? En utilisant notamment des outils permettant la visibilité de ce coût du capital. La CGT va mettre en place, entreprise par entreprise, un indice reflétant le coût du capital pour chacune.

Mais aussi par la « pédagogie des luttes », en montrant que la mobilisation peut faire bouger les choses. Elle mentionne une étude qualifiant l'état d'esprit des Français de « résignation rageuse ». Il est nécessaire de valoriser les avancées, les grandes comme les petites : toutes les victoires sont bonnes à prendre. Une des responsabilités syndicales est de montrer l'intérêt à la mobilisation. 

C'est aussi la meilleure façon de faire barrage à l'extrême droite, alors que se développe le comportement de la réponse indivuelle, que ce soit dans le domaine de la sécurité en se faisant justice soi-même mais aussi économiquement, avec l'exemple des « tondus » à Poitiers qui, depuis août, ont décidé d'arrêter de payer les cotisations patronales sans réaction des pouvoirs publics.

 

Faire évoluer l'outil syndical

 

Sophie Binet conclut sur deux des travaux auxquels s'attelle la CGT. Tout d'abord, œuvrer pour faire vivre le syndicalisme rassemblé. Ensuite, adapter l'outil syndical à l'évolution du monde salarié, avec le développement du secteur tertiaire, de la mobilité et de la précarité. Une nécessité pour que les salariés perçoivent l'utilité de se syndiquer.

 

 

 

 

Bruno Hénin et Sophie Binet présentent la situation sociale et économique, ainsi que la place et le rôle des salariés - Clermont, 25 octobre 2013

L'association Bernard de La Sala-Espace Marx60

Intervention de Bruno Hénin

Intervention de Sophie Binet

Quelques photos

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« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)