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Jacques Fath : « De la créativité pour une idée communiste de notre temps, pour changer le monde »

Première conférence de l’année 2016 pour l’association Bernard-de-La-Sala-Espace Marx60, membre du réseau Espaces Marx, qui se définit comme une université populaire ouverte pour débattre et mettre en commun. Née en 2011, l’association a inauguré pour l’occasion le nouveau lieu de ses conférences, à l’invitation du maire Serge Macudzinki : la Maison pour tous Nelson Mandela de Saint-Maximin, ancienne maison de maître rescapée des bombardements massifs de la ville pendant la Seconde Guerre mondiale. Par ironie de l'histoire, cette première conférence a notamment abordé la crise de la pensée stratégique, qui donne depuis des dizaines d'années la priorité à l'option militaire et aux bombardements.

Une trentaine de personnes ont participé à cette conférence-débat intitulée « La situation internationale - La situation en France - Quelles perspectives et quelles alternatives ? », avec Jacques Fath, responsable du secteur International du PCF jusqu'en 2013.

 

Conférence de Jacques Fath

 

Un livre pour comprendre ce qu’est devenu le monde

Jacques Fath a écrit le livre « Penser l’après… » pour synthétiser sa réflexion sur le monde d’aujourd’hui, non pas en le décrivant comme beaucoup d’experts l’ont déjà fait, mais en partant des concepts qui servent à parler des relations internationales, qui font autant de chapitres : guerre, sécurité internationale, puissance, dissuasion…

Fini tout début janvier 2015, avant les attentats qui ont frappé Charlie Hebdo, il a seulement ajouté un épilogue à l'ouvrage sur la façon de réagir et d’interpréter ces événements meurtriers, contenu toujours valable après les attentats du 13 novembre. Ce livre est ainsi en contradiction totale avec ce que disent nombre d’experts et le gouvernement, tel Valls à l’Assemblée nationale, qui désignent uniquement « un ennemi à combattre ». Jacques Fath s’inscrit en faux avec cette vision, et pense qu’au contraire il est nécessaire de comprendre pour expliquer ce qui se passe : oui, il y a des responsabilités individuelles, mais nous vivons également dans une société, française, européenne, mondiale qui a fondamentalement changé.

Jacques Fath essaie ainsi de montrer en quoi l’état du monde aujourd’hui est complètement différent de celui qui existait avant la chute du mur de Berlin, avec un vrai basculement stratégique, géopolitique, économique, social, politique. Cette rupture est issue de l’effondrement des pays de l’Est, mais également de l’exacerbation de la crise du capitalisme mondialisé depuis les années 1990. Il est nécessaire de comprendre ce qu’est devenu le monde dans cette nouvelle période pour saisir ce qu’il s’y passe.

 

Que vivons-nous aujourd’hui ?

La France a vécu une année 2015 marquée par des attentats, les plus importants jamais connus dans le pays. Ils soulèvent des problèmes de sécurité, de politique étrangère de défense, de budget, institutionnels, sociaux, financiers… en un mot de politique générale qui concernent tous les citoyens. Et pas du seul État qui se chargerait d’un ennemi auquel faire la guerre. 

La Syrie, le Proche-Orient et plus largement le monde arabe vivent un niveau de chaos et de risques inédit, loin des tensions existant depuis des dizaines d’années. Ainsi, la moitié des 24 millions de Syriens ont quitté leur domicile, migrant dans ou à l’extérieur du pays. Le nombre de tués syriens se situe entre 240 000 et 400 000. De leur côté, les peuples sans État que sont les Palestiniens et les Kurdes voient leur avenir se jouer actuellement. Le monde arabe est en état de déstabilisation majeur. Le « printemps arabe », explosion politique et sociale d’essence principalement progressiste et démocratique, avait pour espoir de changer la société. Pour faire aboutir ces aspirations, il fallait un rapport de force politique et social que ne possédaient pas les organisations progressistes – sauf en Tunisie. La force la plus forte était l’islamisme politique. On ne peut pas séparer le « printemps arabe » et « l’hiver islamiste » : les aspirations restent, mais elles sont récupérées, avec toutes les contradictions et les reculs à l’œuvre. L’Europe est concernée par le monde arabe, constitué d’anciennes colonies : nous avons un passé et un passif, une histoire ancienne, récente et cela influe sur notre avenir.

L’Union européenne est incapable de maîtriser l’afflux de réfugiés : c’est un échec majeur. Les crises en Syrie, en Irak et les réfugiés ne forment qu’un seul et même sujet. L’Union européenne sépare les immigrés politiques, qui ont le droit de voir leur dossier individuel examiné, des immigrés économiques, dépendant de la loi souveraine de chaque État. Les accords de Schengen sont morts, avec des barrières ou des restrictions à l’intérieur même de l’espace Schengen ! La Grèce est abandonnée et menacée par l’Union européenne,  les accords et promesses à la Turquie ne fonctionnent pas. Le problème humain et social est intolérable. Nous sommes face à une double crise : une crise du mode de développement capitaliste ; une crise de la pensée stratégique, avec la priorité donnée au militaire et aux bombardements, à la logique de puissance qui domine le système capitaliste.

 

Quelles exigences face aux crises et aux drames ?

Il faut tout d’abord respecter l’exigence d’humanité, de solidarité, en s’appuyant sur le droit et la légitimité. Faire de la politique sans éthique n’est pas possible ! Les crises nourrissent le développement de la xénophobie, du nationalisme étroit, de l’autoritarisme, comme lors du vichysme. Notre propre avenir institutionnel et démocratique en France et en Europe est donc concerné.

Régler collectivement les problèmes communs sur la base du droit ou de valeurs communes est une autre nécessité : c’est l’exigence du multilatéralisme. La Charte des Nations-Unies, avec ses buts et ses principes, pose des bases utiles. À l’ONU, 158 pays sur 193 ont voté un texte pour l’élimination des armes nucléaires en 2015. En 2014, 133 pays à Santa Cruz ont adopté une déclaration sur le développement, dont le contenu est dans la droite ligne du mouvement des non-alignés des années 1970-1980. Qui en a entendu parler ?

L’exigence de sécurité est bien sûr présente, mais les progressistes doivent se réapproprier ce mot : sécurité internationale, mais aussi sociale, économique, écologique, institutionnelle, politique. C’est une sécurité concernant notre vie quotidienne et collective. Comment construire de la sécurité ? Au moins deux réponses : par le développement – ce qui interroge le modèle de développement - et par le désarmement, des armes nucléaires aux armes légères.

 

Réponses de Jacques Fath aux interventions de la salle

 

La chute du mur, un changement historique

La chute du mur a entraîné un basculement géopolitique et l’effondrement d’un monde existant, alors que dans le même temps la crise économique s’accélérait. Les progressistes n’ont pas su apporter de réponses, les communistes faisant face à une crise des concepts, une crise « philosophique ». Ils doivent prendre de la hauteur, du recul sur cette période, qui fait maintenant partie de l’histoire. D’autres ont su s’imposer dans le débat idéologique : ainsi de la « fin du monde » ou plus encore du « choc des civilisations ».  Les communistes ont une obligation et une responsabilité : repenser une analyse du monde aujourd’hui ainsi que les rapports politiques nécessaires pour changer le monde. Ils doivent travailler à une pensée commune à l’échelle de l’Europe, étape après étape, pour construire un processus commun convergent de luttes, de rassemblements et de batailles idéologiques et politiques. Élire un gouvernement de gauche ne suffit pas, comme le montre l’expérience de Syriza : les marges de manœuvres sont écrasées quand le rapport de force est défavorable. Il faut donc trouver toutes les formes de convergence possibles pour battre les forces capitalistes encore dominantes aujourd’hui, mais au bout de leurs perspectives : impasses de la gestion des réfugiés,  la Grèce poussée à bout… Un énorme effort de créativité pour régénérer une pensée communiste de notre temps est devant les communistes, qui ont une grande ambition pour la France et l’Europe, pour que ce monde change.

 

Les causes des conflits

Il est simpliste de ne considérer qu’une seule cause à l’origine des conflits : elles sont multiples, formant un faisceau de causes qui s’entremêlent. Ainsi des intérêts économiques (oléoducs par exemple) qui convergent avec les intérêts stratégiques. Ainsi des échelles locales, régionales et internationales qui s’imbriquent, comme en Syrie : conflit interne au pays ; enjeu entre l’Iran et l’Arabie saoudite et au-dessus entre la Russie et les Etats-Unis. En réponse à la Russie qui montre qu’elle ne reculera plus, en Géorgie ou dernièrement en Ukraine – par une classique politique de puissance -, l’OTAN fait le tour des pays européens pour qu’ils consacrent 2 % de leur PIB aux dépenses militaires, afin de « rétablir le rapport de forces ». En France, des experts et des militaires portent l’idée d’un basculement global du budget français vers les seules fonctions régaliennes : la défense, la politique étrangère, la justice et la police.

 

Frapper socialement et militairement

Le capitalisme est en crise, il décide donc de frapper socialement et militairement. Ainsi des attaques par Hollande-Valls contre les conquis sociaux et leur option va-t-en-guerre. Le terrorisme leur offre un boulevard, permettant un recul de l’État de droit et de la démocratie française : les thuriféraires du capitalisme veulent faire passer à la France un cap qualitatif décisif dans le recul de tous les droits. En jeu, le modèle républicain français, mais plus largement tout le modèle français, social et politique. La peur deviendrait une donnée permanente de la vie quotidienne, un consensus se faisant face au terrorisme, comme en Israël, empêchant les revendications sociales et politiques. La peur est légitime face à l’insécurité, mais elle est aussi une façon de gouverner. 

 

 

 

 

 

Jacques Fath : « De la créativité pour une idée communiste de notre temps, pour changer le monde »

Revivez la conférence-débat avec Jacques Fath, avec ci-dessous les vidéos :

  • conférence complète
  • conférence découpée en 4 parties
  • réactions de Jacques Fath aux interventions de l'assistance, en 4 parties

Conférence complète (44 min)

Conférence - Partie 1/4

Conférence - Partie 2/4

Conférence - Partie 3/4

Conférence - Partie 4/4

Questions - Partie 1/4

Questions - Partie 2/4

Questions - Partie 3/4

Questions - Partie 4/4

Le Parisien du 26 février 2016

20160226-LeP-Saint-Maximin-Conférence sur la situation internationale avec Jacques Fath [Espace Marx60]

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« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)