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Hommage aux résistants fusillés en forêt de Carlepont et de Compiègne il y a 80 ans-Discours de Loïc Pen - Compiègne, 13 mars 2022

Hommage aux six fusillés de Moulin-sous-Touvent

et aux dix fusillés de la forêt de Compiègne de févier, mars et mai 1942

Discours de Loïc Pen, pour la Fédération de l'Oise du Parti communiste français

 

Mesdames, messieurs, chers amis, chers camarades,

et je veux saluer tout particulièrement les familles et amis des résistants et déportés et les militants et représentants de la FNDIRP et de l’ANACR, associations qui jouent un rôle important pour la préservation et la transmission de la mémoire.

Plus que jamais, le célèbre vers de Paul Eluard doit résonner dans nos têtes : « si l’écho de leur voix faiblit, nous périrons ».

C’est pourquoi, après la commémoration de tout à l’heure à Carlepont, en l’honneur des six fusillés de Moulin-sous-Touvent, des 21 février et 7 mars 1942, avec les prises de paroles de Patrice Carvalho, maire de Thourotte, ancien député, et de Nicolas Bonnet, président du groupe communiste au Conseil de Paris, nous nous retrouvons ici, devant le Mémorial de la Résistance et de la Déportation, devant ce qui fut le camp de Royallieu.

Rappelons que ce camp fut le 2e camp d’internement de France après Drancy, que plus de 54 000 résistants, militants syndicaux et politiques, civils raflés, juifs y ont été internés, et il fut le lieu de départ vers les camps de la mort de 50 000 hommes et femmes. Royallieu constitua aussi un sinistre réservoir d’otages à fusiller en représailles à des actes de résistance, et nous voulons ici rappeler tout particulièrement la mémoire de 10 otages fusillés, en février, mars et mai 1942, il y a 80 ans, en forêt de Compiègne.

Les seiize, ceux de Moulin sous Touvent comme ceux de la forêt de Compiègne, étaient tous militants ou sympathisants du Parti communiste français, et le plus souvent syndicalistes à la CGT, et c’est le sens de ma prise de parole, ici même, au nom de la Fédération de l’Oise du PCF et de nos camarades de la section locale du Nord Compiégnois à l’origine de cette commémoration.

Dans cette période sombre que nous traversons, avec en particulier la résurgence depuis des années, des idées les plus nauséabondes, relayées complaisamment dans toute une série de médias aux mains de milliardaires, et portées y compris par des candidats à la Présidence de la République réhabilitant Pétain et la collaboration, justifiant sa politique antisémite, et prônant ouvertement le racisme et la xénophobie, il est important que nous soyons ici ce matin.

Oui comme l’écrivait le dramaturge allemand, Bertold Brecht : « le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde ».

Et dans ce contexte si inquiétant où la guerre frappe de nouveau le sol européen, avec son cortège d’horreurs, avec des morts, des mutilés, des réfugiés, des destructions de maisons et d’équipements civils y compris des hôpitaux et des maternités, avec cette agression brutale et sanglante de Poutine contre l’Ukraine que nous condamnons évidemment totalement, il est aussi important que nous soyons là ce matin, pour nous souvenir des raisons qui conduisirent aux deux guerres mondiales au XXe siècle et pour dire haut et fort « non à la guerre, non à l’engrenage de la guerre ! ».

Pour dire aussi notre inquiétude extrême de voir à la manœuvre, sur le terrain, en Russie comme en Ukraine, des milices nationalistes, fascistes parfois ouvertement nazies et héritières d’organisations sanglantes qui massacrèrent là-bas, par centaines de milliers, juifs et communistes, pour le compte de l’occupant nazi entre 1941 et 1944.

Oui, dans ce contexte, il est vraiment indispensable que nous n’oublions pas nos seize camarades fusillés, il y a 80 ans, et toutes celles et tous ceux qui tombèrent alors, en luttant contre le fascisme, pour faire renaître un monde de paix et de liberté, pour une France libre, forte et heureuse comme le disait le Parti communiste à l’époque, et que nous fassions le lien entre leurs combats d’alors et nos combats d’aujourd’hui.

Et je voudrais vous livrer quelques réflexions à propos de nos 16 camarades, fusillés il y a 80 ans, dont je vais énumérer les noms maintenant :

Léon Durville, marchand forain,

Arthur Lefebvre, ouvrier mécanicien,

Émile Michaud, Commerçant,

Corentin Cariou, gazier,

Baptiste Rechossière, salarié de la Société des transports en commun de la région parisienne,

Pierre Rigaud, dessinateur industriel,

Roger L’Hévéder, marin,

Lucien Levavasseur, ouvrier du textile,

Jacques Samson, ouvrier du textile,

Chaïm Porecki, fourreur,

Gustave Delarue, ouvrier de la chimie ,

Maurice Boulet, ouvrier du textile,

Jean Delatre, ouvrier métallurgiste,

André Giraudon, ajusteur,

Gustave Lecomte, ouvrier,

Ursin Scheid, ouvrier métallurgiste.

Tous étaient des hommes du peuple, la plupart du temps ouvriers.

Ils illustrent bien la phrase célèbre de l’écrivain catholique, François Mauriac qui écrivait : « seule la classe ouvrière, dans sa masse, est restée fidèle à la patrie profanée ».

Oui, pendant qu’une partie importante des classes privilégiées, de la bourgeoisie (même si il y eut des exceptions notables), sombrait dans la collaboration, au nom de la poursuite des affaires, c’est du peuple, de la classe ouvrière que montèrent les grands bataillons de la Résistance, sous toutes ses formes.

On ne peut s’empêcher de penser, qu’aujourd’hui encore, dans d’autres conditions évidemment, on l’a vu à l’occasion de la pandémie qui frappe notre pays et le monde depuis deux ans, il y eut ceux qui sont les « premiers de corvée », qui affrontèrent le virus et assurèrent les fonctions vitales de la société, parfois en étant démunis des plus élémentaires protections et sans être aucunement récompensés de leur engagement, et il y eut les profiteurs de pandémie comme ces milliardaires qui s’enrichirent du vaccin et ces riches actionnaires du CAC 40 dont la fortune a explosé.

Et dans le contexte de guerre qui se développe, l’on voit déjà apparaître les profiteurs de guerre, marchands d’armes ou spéculateurs sur les matières premières, les carburants ou les produits alimentaires.

Oui, en 2022 comme en 1942, ce n’est pas de la grande bourgeoisie affairiste et financière que viendront les solutions et l’espoir, mais c’est du peuple, du monde du travail, source de toutes les richesses dont il est grand temps qu’il reprenne le contrôle.

Nos seize camarades étaient des gens du peuple, ils étaient aussi tous militants ou sympathisants communistes et syndicalistes, ils avaient tous participé aux luttes contre la montée du fascisme dans les années 30, et tous participé aux grandes grèves de 1936 qui apportèrent les plus importantes conquêtes sociales jamais obtenues alors. Leur engagement dans la Résistance fut le prolongement naturel de cet engagement politique et syndical, souvent dès 1940, et plusieurs d’entre eux furent d’ailleurs arrêtés dès cette première année de la guerre.

Rappeler cela c’est redire le rôle essentiel, incontournable, du Parti communiste français dans la Résistance et qui lui valut à la Libération, le titre de « Parti des fusillés » selon la formule d’Elsa Triolet.

C’est aussi dire combien serait justifié, qu’enfin, un ouvrier ou une ouvrière, un ou une communiste et syndicaliste, rentre, symboliquement, au Panthéon : par exemple, Martha Desrumaux, la dirigeante ouvrière, communiste et syndicaliste, organisatrice de la plus grande grève sous l’occupation nazie à travers l’Europe, je veux parler de la grève des 100 000 mineurs du Nord Pas de Calais de mai 1941, déportée, et devenue l’une des premières femmes députées en 1945 ; ou encore Ambroise Croizat, l’ouvrier devenu dirigeant syndical et député, interné durant l’occupation, nommé ministre du Travail à la Libération, créateur de la Sécurité sociale, des CE, de la retraite par répartition que M. Macron et d’autres voudraient liquider aujourd’hui.

Grande leçon enfin de ces seize fusillés qui s’engagèrent au plus noir de la nuit nazie, en ayant la certitude que leur combat ne serait pas vain, en conservant l’espoir alors même qu’ils ne virent pas la Libération à laquelle ils contribuèrent pourtant.

Les seize sont morts en ce début 1942 alors que toute l’Europe était sous le joug nazi et que les motifs d’espoir étaient infimes. Et pourtant, deux ans plus tard, le 15 mars 1944, est adopté par toutes les forces politiques et sociales de la Résistance française, unies dans le Conseil National de la Résistance, le programme intitulé « les Jours heureux » qui sera la base, quelques mois plus tard, des immenses conquis sociaux, économiques et démocratiques des gouvernements de la Libération, avec une forte influence du Parti communiste devenu le premier parti de France.

Oui, les choses ne sont jamais écrites une fois pour toutes.

Oui, comme disait Aragon, il est important de « croire au soleil quand tombe l’eau » !

Le Parti communiste français peut s’honorer d’avoir contribuer alors, concrètement, activement à l’organisation de la Résistance, sous toutes ses formes, et d’avoir travaillé au plus large rassemblement, en ayant confiance dans les capacités du peuple et du monde du travail comme l’écrivaient, dès juillet 1940, Maurice Thorez et Jacques Duclos : « c’est dans le peuple que résident les grands espoirs de la libération nationale et sociale... Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves ».

Le combat et le sacrifice de nos 16 camarades ne fut pas vain et contribua à la Libération du pays.

Aujourd’hui, plus que jamais, il est important « d’être digne d’eux » pour reprendre la phrase du jeune Guy Môquet, fusillé à 17 ans, à Châteaubriand. Face à tous les dangers de la période, face aux immenses défis de notre époque, il est nécessaire de se lever, de se mobiliser, de se dire qu’il est temps que le malheur succombe, d’agir de nouveau pour le Pain, la Paix et la Liberté comme y appelait Fabien Roussel, il y a quelques jours à Paris.

Pour bâtir ces Jours heureux auxquels aspiraient nos seize camarades fusillés.

 

 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)