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Débat « Urgence Santé ! » - Espace Pays-du-Nord, Fête de l'Humanité, 15 septembre 2019

L'exposé d'Alain Bocquet pointait du doigt l'argent volé grâce à l'évasion fiscale au bénéfice de quelques-uns, argent manquant cruellement pour les services publics répondant aux besoins de tou·te·s. Un exemple flagrant était donné  quelques minutes plus tard avec le débat « Urgence Santé ! »

Alors qu'un mouvement totalement inédit avec près de la moitié des services des urgences sont en grève en France est en cours, le débat « Urgence santé ! » sur l'Espace Pays-du-Nord a permis de mieux comprendre la situation de nos hôpitaux et Ehpad et de leurs personnels, en compagnie du député (PCF) du Nord Alain Bruneel, de Cathy Apourceau-Poly, sénatrice (PCF) du Pas-de-Calais, membre de la Commission des Affaires sociales du Sénat, d'Évelyne Van der Hem, ancienne directrice d'hôpital, membre de la Commission nationale Santé du PCF et de Loïc Pen, ancien chef du service des urgences de l'hôpital de Creil.

 

Le Tour de France des hôpitaux publics par les parlementaires communistes

Les parlementaires communistes, sous l'impulsion notamment du député du Nord Alain Bruneel, ont entamé en février 2018 un Tour de France des hôpitaux publics, pour rencontrer les professionnels de santé et co-élaborer des propositions de loi. Après la visite de 150 établissements dans 55 départements, ce Tour de France a permis de déposer deux propositions de loi pour stopper le démantèlement du service public hospitalier : l’une exigeant un moratoire sur les fermetures d’établissements, de services et de lits, l’autre redéfinissant les missions des hôpitaux de proximité. Il a aussi permis d’élaborer de nombreuses propositions, en lien avec celles et ceux qui permettent à l’hôpital de rester debout, qui placent l’Humain au cœur des soins et non la rentabilité. Ces mesures d’urgence (voir le 4 pages des parlementaires communistes) vont être traduites en nouvelle proposition de loi.

 

La santé, un marché potentiel qui échappe (encore) à la finance

Alain Bruneel plantera tout de suite le décor en soulignant la continuité des politiques menées par les gouvernements depuis 20 ans, dans une logique de casse des hôpitaux publics et de privatisation, par la mise en place de la tarification à l'activité (T2A) de la ministre Bachelot ou encore des Groupements Hospitaliers de Territoire par la loi Touraine. Mme Buzyn annonce une somme supplémentaire de 750 millions d'euros en 3 ans, non seulement largement insuffisant mais en plus sans dire comment elle le budgète.

Loïc Pen, avant d'évoquer les perspectives, indiquera que le problème de l'hôpital ne se situe pas au niveau des urgences elles-mêmes – et donc pas à un défaut organisationnel de leur part – mais en amont et en aval, respectivement avec le manque de médecins généralistes et la fermeture de 100 000 lits en 20 ans dans nos hôpitaux. Le nombre annuel de consultations dans les services des urgences est ainsi passé de 8 millions à 22 millions sur ces mêmes 20 ans. Les retards de prise en charge des patients influent directement sur la mortalité. Pourquoi les derniers gouvernements font-ils cela ? Pas par pure méchanceté ou volonté directe de nuire, mais par simple raisonnement capitaliste : faire de la santé un marché à conquérir. Le budget de la sécurité sociale, c'est 500 milliards d'euros – à comparer au budget de l'État qui est de 390 milliards -, qui échappent actuellement au capital : insupportable pour le monde de la finance ! C'est donc de façon systématique qu'aujourd'hui les hôpitaux publics de proximité ferment, tandis que les seuls établissements de santé à investir et s'agrandir sont les cliniques privées à but lucratif – comme on peut le voir dans l'Oise, à Compiègne ou encore Beauvais. Alors que les patient·e·s vieillissant·e·s souffrent de polypathologies, il faut arrêter de fermer des lits – l'ambulatoire ne les concerne pas ! -, et il faut reformer des professionnels de santé en quantité suffisante. Les hôpitaux publics sont en déficit : comment ne le seraient-ils pas, avec par exemple la taxe représentant 4 milliards d'euros qu'ils doivent payer chaque année sur les salaires des agents hospitaliers – les seul·e·s salarié·e·s du public concerné·e·s comme le rappellera plus tard Alain Bruneel. Cette somme représente exactement le coût de la suppression de l'ISF : entre les hôpitaux et les plus riches, E. Macron a fait son choix, guère étonnant.

 

Une dégradation quantitative et qualitative de l'offre de soins

Cathy Poly-Apourceau a ensuite présenté l'offre de soins dans le Pas-de-Calais, présentant bien des similitudes avec la situation nationale : dégradation de la prise en charge des personnes âgées, des patient·e·s en psychiatrie, pouvant aller jusqu'à la maltraitance, la médecine de ville absente. La santé est devenue « la première préoccupation des gens car ils n'arrivent plus à se faire soigner. » Et la nouvelle baisse de financement des hôpitaux contenue dans la loi de financement en débat parlementaire ne montre aucune inflexion de la politique de santé en France.

 

L'enjeu de la cotisation sociale. De l'argent, il y en a

Une femme posera la question du financement, par l'impôt ou la cotisation. Évelyne Van der Hem expliquera qu'aujourd'hui, le financement de la sécurité sociale se fait quasiment à part égale entre les impôts et taxes d'un côté et les cotisations sociales de l'autre. Le but de l'État est d'augmenter la part des impôts et taxes, pour poursuivre la prise de contrôle sur la sécurité sociale et in fine l'ouvrir au privé, comme il veut le faire avec la réforme des retraites, en privilégiant les mutuelles et autres fonds de pension. Les intervenant·e·s présent·e·s partagent la volonté, minoritaire, que le financement sur le travail, par les cotisations, doit être « au cœur de la sécurité sociale » pour Évelyne, « est déterminant » pour Loïc. 

Alain Bruneel reprendra la parole pour rappeler que la sécurité sociale est sous-financée : 63 milliards d'exonérations patronales – dont 20 milliards pour l'inefficace CICE. Autant d'argent au profit du patronat, volé à la sécurité sociale. Par ailleurs, l'égalité salariale femmes-hommes permettrait la rentrée de 30 milliards dans les caisses de la sécu. La santé est un enjeu sociétal, concernant tout le monde.

 

Du contenu et des convergences pour nourrir les mobilisations

D'autres questions posées dans l'assistance porteront sur l'articulation entre les propositions, notamment du PCF, et les luttes. Michèle Leflon, présidente de la Coordination nationale des Comités de défense des Hôpitaux et Maternités de proximité, dira l'importance de donner des outils partout et pour tou·te·s pour que se multiplient les actions et les débats, l'importance d'être sur le terrain. Elle soulignera les convergences nécessaires, comme par exemple avec l'appel de la Ligue des Droits de l'Homme « Urgence pour l’hôpital et pour un accès effectif à des soins de qualité, partout et pour tous ! »

La mobilisation citoyenne reste toutefois difficile, comme le montre l'objectif pas encore atteint de 1 million de signatures pour la pétition « Urgence santé » lancée par lui-même – 1 million car le président Macron, lors du Grand débat, a dit qu'à partir de ce seuil, le Parlement se saisirait du contenu d'une pétition. « Il faut redonner du contenu pour permettre des déclics dans la tête des gens » finira Alain. Loïc Pen dira que le mouvement des personnels des urgences est un grand moment d'éducation politique accélérée. Très longtemps, les agents ont eu le nez dans le guidon, absorbant les impératifs de retour à l'équilibre pour les budgets des hôpitaux etc. C'est le moment, avec les personnels en lutte, de dire que les moyens financiers existent, de créer des plateformes avec les syndicats, les partis politiques, de multiplier les contacts avec la population et les patient·e·s car la victoire ne peut pas se faire seul·e·s ! Tout le circuit de santé est à reconstruire. Évelyne dira qu'il y a « une urgence » si l'on ne veut pas d'une « individualisation à marche forcée » de notre système de santé pour lequel il n'y aurait « pas d'argent » et qu'on mettrait nous-mêmes en péril car « on dépenserait trop, on ne se soignerait pas comme il faut. » Elle conclura positivement : « rien de mieux que la mobilisation pour que les idées deviennent vivantes et soient aujourd'hui forces de loi ! »

 

Plus d'informations sur :

  • la commission Santé et Protection sociale du PCF : page internet
  • la Coordination nationale des Comités de défense des hôpitaux et maternités de protection : page internet

 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)