Frédérique Landas, secrétaire régionale Picardie CGT et membre de la Commission exécutive de l'UGICT-CGT, était invitée le 30 novembre 2017 par Espace Marx60 pour réfléchir et échanger autour du thème « De quel travail avons-nous besoin ? Quels effets sur le travail et quelles analyses des ordonnances Macron ? »
Cette soirée qui se présentait comme essentielle pour appréhender le niveau de l'attaque de classe en cours, menée par un capitalisme triomphant surfant sur le « There is no alternative » de feue Thatcher, s'est bien avérée comme telle tant la méconnaissance des conséquences pour chacun des ordonnances Macron est importante et limite pour le moment la réponse nécessaire des salariés. Frédérique s'est d'ailleurs attachée à présenter à chaque fois des propositions de la CGT, porteuses de progrès social.
Ci-après, vous trouverez le texte de l'exposé de Frédérique Landas.
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Alors que les ordonnances réformant le code du travail viennent d’être ratifiées [le 28 novembre] à une large majorité à l’Assemblée nationale, à une très large majorité (LREM – Droite), 65 % des Français restent opposés à ces réformes du code du travail.
La loi Travail XXL tend à désigner des boucs émissaires que seraient les travailleurs. Les politiques libérales sont, quant à elles, exonérées de toutes critiques.
Je vous propose de revenir dans un premier temps sur le contexte et le contenu de ces ordonnances afin d’en mesurer ensemble la nocivité pour le monde du travail, et en parallèle les propositions de la CGT, en particulier de son UGICT.
5e réforme en 5 ans, sans évaluation ; +150 pages au Code du travail !
Depuis 2013, 4 réformes du Code du travail ont été menées – loi dite « sécurisation de l’emploi », loi Rebsamen, loi Macron, loi El Khomri – ayant toutes en commun de faire reculer les droits des salarié-es. Aucune d’entre elles n’a été évaluée. Elles devaient pourtant créer de l’emploi, dommage que l’on ne vérifie pas que les résultats sont atteints...Surtout, elles commencent à peine à s’appliquer, et causent sur le terrain une pagaille généralisée, notamment pour les RH qui sont souvent chargés de piloter le dialogue social. Quand on prétend simplifier, c’est quand même étonnant de multiplier les réformes non ?
Le Conseil d’Etat a lui-même relevé que cette instabilité créait de la complexité
C’est ce que relève le Conseil d’État dans son avis du 22 juin sur le projet de loi d’habilitation qui relève « qu’une succession rapide de jurisprudences, de normes législatives elles-mêmes potentiellement suivies de nouvelles décisions de justice est un facteur d'inflation législative et d’instabilité du droit du travail » alors que la loi a précisément pour ambition d’y remédier.
(Un collectif d’universitaires piloté par Emmanuel Dockès a rédigé un « Autre Code du Travail », plus simple et plus protecteur pour les salarié-es. Il est 4 fois moins épais que le Code du travail actuel, qui est alourdi par les multiples dérogations à la règle)
Depuis 30 ans, on a considérablement dégradé les droits des salariés pour créer de l’emploi, en France ou en Europe. Aucune étude économique, même des économistes patronaux, n’a jamais démontré le lien entre le Code du travail et l’emploi. Exemple : en 1986, Yvon Gattaz (le père de Pierre) a gagné la suppression de l’autorisation administrative de licenciement, promettant la création de 400 000 emplois. Les emplois n’ont jamais été créés...
Une enquête de l’INSEE montre que le Code du travail est seulement le 4e motif de non recrutement. (après l’incertitude économique, la difficulté à trouver de la main d’œuvre formée, le « coût du travail »).
Seule réforme qui permette de créer de l’emploi, la Réduction du Temps de Travail : les 35 h ont permis de créer 400 000 emplois, pour un coût de 4 Mds, soit 10 fois moins que le pacte de responsabilité (source : rapport parlementaire Romagnan sur les 35 h de 2016)
La loi El Khomri a réécrit la partie temps de travail du Code du travail en mettant fin au principe de faveur.
Désormais l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche voire sur la loi, même s’il est moins favorable.
Dans ses ordonnances, le gouvernement a généralisé ce principe à l’ensemble du Code du travail.
Hier, la hiérarchie des normes et le principe de faveur prévoyaient que la règle était définie par la loi, et que l’accord de branche puis l’accord d’entreprise ne pouvaient qu’être plus favorables. Par exemple, le congé parental est de 1 an (6 mois par parent sauf famille monoparentale) rémunéré 390 € forfaitaires. Les accords de branche et d’entreprise ne pouvaient qu’améliorer cette disposition et c’est ce qu’ils ont souvent fait en améliorant la rémunération du congé parental. La négociation de branche et d’entreprise sont des conquêtes sociales, la suppression du principe de faveur par le gouvernement vise justement à transformer cet outil de conquête en moyen de chantage à l’emploi. Alors qu’hier on ne pouvait qu’obtenir du mieux par la négociation, on sera contraint demain de négocier les régressions et d’être dans le moins pire. Bonjour les perspectives de progrès !
L’inversion de la hiérarchie des normes met fin à ce principe, et fait primer, sauf exception l’accord d’entreprise. C’est ce qui a été fait avec la loi El Khomri sur la partie temps de travail.
Ceci complexifiera considérablement le Code du travail et le rendra illisible pour les salarié-es comme pour les RH. Ceci empêchera aussi la mobilité, très importante chez les ingénieurs, cadres et techniciens. Comment vouloir changer d’entreprise quand on peut y perdre tous ses droits ?
L’affaiblissement du rôle des branches
Le gouvernement a été contraint de fixer 11 thèmes indérogeables à la branche :
Sur ces 11 thèmes, le principe de faveur s’applique, et les accords d’entreprise ne pourront qu’être plus favorables.
Attention ! Pour les 3 derniers (CDD, CDI Chantier et période d'essai), il ne s'agit pas d'une avancée mais d'un recul ! En effet, toutes les règles sur les contrats de travail étaient jusque là fixées par la loi. Elles seront maintenant négociées dans chaque branche. C'est un grave recul. |
Par accord de branche, les acteurs sociaux peuvent empêcher les entreprises de déroger sur 4 sujets supplémentaires : Handicap, Primes pour travaux dangereux ou insalubres, Prévention des risques professionnels, Droit syndical. Ils sont toutefois très limités : par exemple, sur le droit syndical, il s’agit seulement de « l’effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leur parcours syndical ».
Le problème c’est que sur tous les autres sujets, c’est l’accord d’entreprise qui prévaudra, l’accord de branche ne sert plus à rien !
Manquent notamment :
Exemple : les congés familiaux exceptionnels. Un minimum figure dans la loi, qui est bien souvent amélioré dans les conventions collectives. Ex: la convention collective des missions locales prévoit 5 jours pour le mariage du salarié ou le PACS (contre 4 dans la loi), 1 jour pour le déménagement (aucun dans la loi), 2 jours pour le mariage d’un enfant (aucun dans la loi)
Le projet de loi d’habilitation à réformer par ordonnances ne fait mention d’aucune disposition d’ordre public. Si on imagine que le SMIC ou les 35 h resteront d’ordre public, l’ensemble des autres sujets, notamment ceux liés à la santé et à la sécurité, ou aux congés pourraient donc être renvoyés à la négociation de branche ou d’entreprise. Ceci pourrait permettre par exemple au Gouvernement de transférer à la négociation d'entreprise des éléments essentiels tels que :
Pour les salarié-es qui encadrent des équipes, la suppression de ces dispositions est particulièrement grave. Aujourd’hui, elles protègent les encadrants vis-à-vis de l’employeur qui est tenu de les respecter. Demain, elles peuvent être renvoyées à leur appréciation personnelle. Alors que la pression hiérarchique pour baisser les coûts au détriment du travail bien fait et de la sécurité est déjà énorme, y résister sans pouvoir s’appuyer sur des normes légales sera beaucoup plus compliqué. Rappelons qu’en cas d’accident, la responsabilité pénale de l’encadrant peut être invoquée et qu’il peut finir devant les tribunaux !
Exemples de dispositions qui vont disparaître :
Jours enfants malades avec maintien de la rémunération, indemnisation à 100 % des arrêts maladie et maternité, allongement du congé de maternité, protection de la femme enceinte, 13e mois, Prime d’ancienneté, congés payés supplémentaires, primes de licenciement, prime de départ à la retraite. Sur tous ces sujets, les entreprises sont libres d’appliquer, ou pas, ces dispositions. Pour les PME avec peu ou pas de présence syndicale, le résultat sera catastrophique, notamment du fait de la pression des donneurs d’ordre qui pourront profiter des effets de dumping pour imposer des baisses de salaires.
La procédure d’extension fragilisée
L’extension d’une convention collective par le ministre du travail permet que tous les salariés du champ en bénéficient ; hier, la quasi-totalité des conventions collectives étaient étendues, sauf quand elles ne respectaient pas la loi ; les ordonnances vont permettre de refuser d’étendre les conventions collectives si « elles sont de nature à porter une atteinte excessive à la libre concurrence ».
Les branches ont un rôle de régulation fondamental pour lutter contre le dumping. La France est un des pays européens dans lequel le pourcentage de salarié-es protégé-es par un accord de branche est le plus élevé. Pourquoi ? Grâce à la procédure d’extension, dans laquelle le ministère du travail étend les accords de branche de façon à ce qu’elles aient force de loi et s’appliquent à l’ensemble des salarié-es du secteur, y compris ceux dont les entreprises ne sont pas adhérentes aux branches, soient couverts. Créé grâce à la mobilisation de 1936, la procédure d’extension permettait d’utiliser l’accord collectif comme moyen d’uniformiser les conditions sociales de la concurrence et de rendre effectif ce rôle pour la branche.
Le gouvernement a voulu affaiblir la procédure d’extension en permettant de refuser d’étendre un accord qui porterait une atteinte excessive à la libre concurrence. C’est contradictoire avec le rôle des branches ! Par exemple, le ministre du travail pourra refuser d’étendre une convention collective sur les classifications rendant obligatoire la rémunération des qualifications, au prétexte que cela ne laisserait pas assez de marge de manœuvre aux entreprises !
Un comité d’expert dit « indépendants » sera chargé d’apprécier les effets économiques et sociaux résultant de l’extension des accords de branche ! Bizarrement, le gouvernement ici ne fait plus confiance aux négociateurs.
Et en Allemagne alors ? En Allemagne, seuls 49 % des salarié-es sont couverts par un accord de branche. Ce pour 2 raisons :
La conséquence : l’explosion du nombre de travailleurs pauvres et des inégalités Femmes/Hommes. C’est ce qui a forcé les conservateurs, sous la pression des syndicats, à mettre en place un salaire minimum légal en 2015. Alors que les libéraux expliquaient que cette augmentation des salaires conduirait les entreprises à la faillite, le bilan est très positif : le nombre de travailleurs pauvres a baissé et la consommation intérieure est relancée. À noter : en Allemagne, les salarié-es et leurs syndicats ont beaucoup plus de pouvoir dans les entreprises grâce au système de codétermination, avec des Comités d’Entreprise à partir de 5 salarié-es, et les conseils d’administration composés à 50 % de salarié-es. C’est ce qui a permis d’amortir le choc de la crise de 2008 en préférant les mesures de chômage partiel aux licenciements |
L’accord d’entreprise s’impose au contrat de travail, en cas de refus, le motif du licenciement est acquis.
Jusque là, les dispositions négociées dans l’entreprise ou la branche ne s’appliquaient que si elles étaient plus favorables pour les salariés. Par exemple, si une cadre dans son contrat de travail a exigé que figure une clause prévoyant qu’on ne pouvait pas lui imposer de mobilité à plus de 50 km de son domicile, l’employeur ne pouvait pas lui imposer de mobilité au-delà, même si un accord d’entreprise prévoit des mesures de mobilité dans tout le pays. Maintenant, l’accord d’entreprise s’impose. Cette disposition est particulièrement grave pour les cadres, qui négocient souvent des clauses spécifiques dans leur contrat de travail.
Ajoutons que les dispositions des conventions collectives encadrant la mobilité des cadres ne s’appliqueront plus. Par exemple, la CC de la métallurgie, donne droit au cadre de refuser sa mobilité dans un délai de 18 semaines et prévoit que ses déplacements, déménagements...sont à la charge de l’employeur.
Ce que nous voulons
Assurer le droit pour tous les salarié-es à une heure mensuelle d’information syndicale, organisée sur le temps de travail sans perte de salaire Augmenter le crédit d’heure des élu-es du personnel et des délégué-es syndicaux, et la déclinaison légale sous forme de « crédits jours » pour salarié-es en forfait jours. Obliger l’employeur à diminuer la charge de travail des élu-es et à les remplacer de façon à ce que leurs heures de délégations soient effectives Faciliter l’accès des femmes aux mandats (horaires de réunions, prise en charge par l’employeur des frais de garde en cas de déplacements ou dépassements horaires des élu-es, mesures pour les salariées à temps partiel...) Lutter contre les discriminations (syndicales, sexistes, racistes...) Mettre en place d’un indicateur dans le bilan social permettant de mesurer les discriminations syndicales, sexistes ou racistes sur les carrières 25/ Mettre en place de mesures pour lutter contre les discriminations à l’embauche (registre d’embauche permettant de comparer les candidatures reçues et les recrutements effectués, notification des droits distribués aux salarié-es lors des entretiens d’embauche, testings) 26/ Mettre en place une formation de sensibilisation aux discriminations à l’embauche et dans les carrières (sur la base d’un contenu défini par l’État) pour tous les RH et recruteurs des entreprises de plus de 50 salarié-es Restaurer le principe de faveur et la hiérarchie des normes Renforcer considérablement les effectifs des DIRRECTE (inspection du travail). Alors que les effectifs ont baissé de 20 % depuis 2009, il convient d’adopter un plan pluriannuel de recrutements pour doubler le nombre d’inspecteurs et d’inspectrices du travail Positionner les RH comme garants du respect du droit dans l’entreprise |
On a vu que l’objectif du gouvernement était de renvoyer un maximum de nos droits à la négociation d’entreprise pour « favoriser le dialogue social ». Sauf que dans le même temps, il réforme les règles de « dialogue social » et augmente considérablement les pouvoirs de l’employeur qui a plus de facilités à faire adopter un accord. Rappelons que la négociation d’entreprise a déjà été réformée 3 fois depuis 4 ans (loi sécurisation de l’emploi, loi Rebsamen et loi El Khomri), sans aucune évaluation. Certaines de ces réformes commencent tout juste à s’appliquer. Quelle était l’urgence d’une réforme supplémentaire ?
Les règles de validité des accords ont été revues par la loi El Khomri, avec l’introduction du referendum, permettant de valider un accord minoritaire. Ce referendum doit être demandé par les syndicats représentant au moins 30 % des suffrages. Les quelques exemples de referendum démontrent leur nocivité pour le collectif de travail, comme par exemple à RTE, où les ICT devaient se prononcer sur une réforme des modalités de travail des agents de maintenance.
Les ordonnances prévoient notamment :
Les ordonnances prévoient que l’employeur pourra signer un accord avec :
La fusion des IRP est déjà possible depuis 2015 :
Cette possibilité a été très peu utilisée. Alors qu’il prétend favoriser le dialogue, le gouvernement va rendre obligatoire l’instance unique. Tout le monde sera obligé de l’appliquer.
La fusion des IRP prévue par le gouvernement vise donc à satisfaire les plus grosses entreprises et à les exonérer de négocier un accord avec les syndicats.
Elle pose 2 problèmes majeurs :
Le gouvernement a voulu aller encore plus loin, et permettre par accord, la fusion de ces 3 instances avec le délégué syndical. Ce qui signifie que le Comité Social et Economique exerce aussi le pouvoir de négociation, remettant ainsi en cause le monopole syndical de négociation (voir plus haut), et mettant la négociation sous contrôle de l’employeur.
Hier, les élu-es avaient le droit de recourir à un expert pour analyser la situation économique, les orientations stratégiques, l’égalité F/H, la santé (harcèlement, management, risques professionnels...) ou la sécurité des salarié-es. Ces expertises étaient financées par l’employeur, qui ne pouvait s’y opposer. Elles étaient déterminantes pour garantir l’égalité d’information entre les élu-es et l’employeur et leur permettre de faire des propositions alternatives. Par exemple, c’est une expertise économique qui a permis aux élu-es CGT de Mc Do de mettre à jour le système d’optimisation fiscale de l’entreprise et de porter un recours en justice pour abus de bien social. Cela fait des années que le MEDEF cherche à supprimer ces expertises.
Aujourd’hui, l’ensemble des expertises (sauf en cas de plan social) devront être cofinancées par le budget du Comité d’Entreprise. Cela signifie que les élu-es devront choisir entre financer des activités sociales et culturelles pour les salarié-es ou avoir recours à l’expertise. Leur nombre sera donc diminué de façon drastique, et elles disparaitront dans les petites entreprises ou sur les sujets jugés secondaires (santé, égalité F/H...)
Hier : La loi imposait dans l’entreprise l’ouverture chaque année de négociations sur les salaires et les écarts de rémunération F/H. Ce sont ces négociations qui ont permis de gagner des mesures d’augmentation salariales et de suppression des écarts de rémunération.
Aujourd’hui : les ordonnances permettent, par accord d’entreprise de modifier le thème, le contenu et la périodicité des négociations, dans une limite de 4 ans. La négociation sur les salaires pourra être organisée une fois tous les 4 ans... voire pas du tout... L’objectif ce n’était pas de favoriser la négociation ?
Hier, la loi imposait la conclusion d’un accord ou d’un plan d’action unilatéral de l’employeur sur l’égalité F/H. La loi définissait également les thèmes que devait contenir l’accord et le plan d’action, ainsi que les données chiffrées sur lesquels il devait s’appuyer. Lorsque ces dispositions n’étaient pas respectées, l’entreprise pouvait être sanctionnée d’une amende par l’inspection du travail. Cette sanction, bien que trop peu appliquée, a permis à ce que 40 % des entreprises mettent en place un accord ou un plan d’action pour l’égalité F/H.
Aujourd’hui, les ordonnances permettent par accord d’entreprise de modifier le thème, le contenu et la périodicité des négociations, dans une limite de 4 ans. La négociation sur l’égalité F/H pourra être organisée avec un contenu à la carte une fois tous les 4 ans...voire pas du tout, sans que les entreprises ne soient sanctionnées... Alors que les écarts de salaires représentent toujours 26 %, avec une telle disposition, ce n’est pas près de s’améliorer !
Hier, les syndicats se sont battus pour obtenir des obligations de transmission d’informations et d’indicateurs sur la situation des salarié-es et de l’entreprise. Ceci pour garantir une égalité d’accès à l’information, et la possibilité pour les salarié-es de peser sur les orientations stratégiques de l’entreprises, trop souvent monopolisées par les actionnaires. Ces informations sont contenues dans la Base de Données Economiques et Sociales. La loi imposait des informations/consultations régulières du Comité d’Entreprise sur le sujet. Les accords d’entreprises ne pouvaient qu’améliorer et préciser les dispositions légales.
Aujourd’hui, le contenu de la Base de Données Economiques et Sociales, son accès et la périodicité des informations/consultations sont renvoyées à un accord d’entreprise dans la limite de... 4 ans...LOL !
Ce que nous voulons :Pour définanciariser l’entreprise et le management, 35 propositions : l’objectif est de ne pas laisser le monopole des orientations stratégiques aux actionnaires.
Dans les conseils d’administration, l’entrée récente des salarié-es doit être confortée pour leur permettre de représenter immédiatement un tiers des membres et à terme la moitié du conseil dans les entreprises privées. Dans les entreprises détenues par l’État et les établissements publics, les salarié-es doivent détenir un tiers des droits de vote, la société civile et de l’État occupant les 2/3 restants. La présence obligatoire d’un administrateur salarié dans chaque comité du conseil (rémunérations, stratégique, audit...) Mettre en place la transparence et le contrôle sur les critères de rémunération des cadres dirigeants devant les salarié-es avec une présentation et un avis du CE. Ces règles doivent s’appliquer selon un principe d’universalité à toutes les entreprises quelle que soit leur forme sociale (comme à l’étranger) Les Comités d’Entreprises doivent disposer de droits décisionnels sur la stratégie d’entreprise. Celui de contrôler l’usage des aides publiques et de saisir une instance qui pourrait les suspendre lorsqu’elles ne bénéficient ni à la recherche, ni à l’investissement, ni à l’emploi. De même, les Comités d’entreprise doivent disposer d’un droit suspensif sur les licenciements économiques, permettant à la justice de vérifier la réalité du motif économique et aux salarié-es de proposer des alternatives. Il faut aussi qu’ils aient des droits d’informations renforcés et élargis et des moyens supplémentaires, leur permettant de connaître la situation et la stratégie des investisseurs, y compris leur endettement et la situation de l’ensemble de la chaîne de production à laquelle ils sont intégrés, du groupe donneur d’ordre, aux filiales et sous-traitants. Une instance territoriale de représentation des salarié-es des entreprises de moins de 50. Lorsqu’il n’y a pas de candidat au 1er tour des élections de délégué du personnel, la CGT propose que les salarié-es soient représenté-es par une instance territoriale, qui exercerait toutes les prérogatives des DP et aurait la possibilité de les accompagner face à l’employeur. |
La légalisation des licenciements abusifs
Plafonnement des condamnations prud’hommes en cas de licenciement abusif, plancher minimum de condamnation divisé par 2, notamment pour les licenciements discriminatoires, plus d’obligation de motiver la lettre de licenciement, limitation des délais de recours à 1 an contre 3 jusqu’à aujourd’hui et 30 ans avant 2008)
Le 3e gros volet de la réforme du gouvernement, et sans doute le plus grave, c’est la casse de toutes les protections existantes contre le licenciement, ce qui ferait que le CDI n’aura plus rien d’un CDI...
La protection contre le licenciement est pourtant la clé de voûte du Code du travail. Comment remettre en cause une directive contraire à son éthique professionnelle, user de sa liberté d’expression ou tout simplement réclamer le paiement de ses heures supplémentaires quand on peut être licencié sans motif ? Cette disposition revient à museler les salarié-es.
Ces dispositions, à l’exception de la première, n’étaient pas annoncées dans le programme d’Emmanuel Macron.
Ces 3 dispositions cumulées vont considérablement limiter les possibilités de condamnation des employeurs en cas de licenciements abusifs !
Extension du CDI de chantier à toutes les branches, négociation dans chaque branche des durées maximum, délai de carence et nombre de renouvellement ... des CDD et contrats d’intérim qui pourront durer jusqu’à 5 ans, négociation dans la branche de la durée de la période d’essai, sans limitation de durée
Aujourd’hui, les ordonnances laissent aux branches le soin de fixer la durée de la période d’essai sans aucune limitation. Vous vous souvenez du CPE, le Contrat Première Embauche qui prévoyait 2 ans de période d’essai pour les jeunes de moins de 26 ans, et que le gouvernement avait été obligé de retirer au bout de 4 mois de mobilisation ? Cette fois, la période d’essai sans limite concerne tout le monde, sans limitation d’âge (même si elle affectera d’abord les nouveaux embauchés). On n’arrête pas le progrès !
4e réforme des plans sociaux en 5 ans : périmètre national pour évaluer les difficultés économiques, allègement des obligations de reclassement
Hier, pour faire un plan social, il fallait justifier de difficultés économiques. Ces difficultés étaient évaluées à l’échelle du groupe, y compris s’il s’agissait d’une multinationale. Le gouvernement réintroduit ici une disposition qu’il a été obligé de retirer l’année dernière suite à la mobilisation. Les difficultés économiques seront évaluées à l’échelle nationale, ce qui permettra à une multinationale qui fait des bénéfices de licencier en France, par exemple en mettant artificiellement en faillite une filiale. La France serait le seul pays à avoir ce type de disposition, ce qui nous défavoriserait considérablement par rapport à nos voisins! C’est clairement inciter les groupes multinationaux à effectuer leurs licenciements en France.
Hier un employeur souhaitant licencier pour motif économique ou inaptitude devait rechercher des possibilités de reclassement pour les salariés et leur proposer à chacun des postes correspondant à leurs compétences. L’absence de plan de reclassement était le premier motif d’annulation des plans sociaux par la justice. Le projet allège donc considérablement les obligations et prévoit que l’employeur pourra se contenter de mettre en ligne la liste des postes disponibles. Au salarié de chercher parmi tous les postes disponibles si l’un d’entre eux peut lui correspondre ... en espérant que l’employeur ne lui dise pas qu’il n’a pas les compétences !
De même sur les catégories professionnelles (ouvriers, employés, techniciens, cadres). Les obligations de reclassement tenaient compte de ces catégories, pour empêcher le déclassement des salarié-es. Il s’agit d’un motif fréquent d’annulation des plans sociaux par la justice, raison pour laquelle le gouvernement veut « sécuriser la définition des catégories professionnelles ». L’objectif : limiter les recours, mais aussi permettre à l’employeur de déclasser les salarié-es en leur proposant des postes inférieurs à ceux qu’ils occupent.
Création d’une rupture conventionnelle collective pour se débarrasser de ses salarié-es sans payer les licenciements
Hier, pour éviter de faire un plan social, les entreprises peuvent mettre en place un plan de départ volontaire. Ce plan est toutefois encadré par de nombreuses règles pour éviter qu’il ne serve à contourner le plan social : l’employeur est tenu de mettre en place un plan de reclassement, de réembaucher prioritairement les salarié-es partis avec le plan en cas d’amélioration de la santé de l’entreprise, d’accorder des indemnités au moins équivalentes à celles existantes dans le plan social, de mettre en place des mesures sociales, de formation et d’accompagnement proportionnelles aux moyens du groupe...Les ruptures conventionnelles individuelles, qui permettent de contourner la règlementation du licenciement, ne cessent d’augmenter (il y en a 400 000 chaque année). Elles devaient toutefois être validées par l’inspection du travail, qui en refuse 40 %.
Aujourd’hui, les ordonnances prévoient qu’il suffira d’un accord d’entreprise pour mettre en place un plan de départ volontaire, renommé « Rupture conventionnelle collective ». Fini la priorité de réembauche, les indemnités au moins équivalentes à celles existantes dans le plan social, les mesures sociales, de formation et d’accompagnement proportionnelles aux moyens du groupe, les obligations de reclassements... Cette disposition est très grave car elle permet de contourner la réglementation qui encadre les licenciements économiques et le contrôle de l’inspection du travail sur les ruptures conventionnelles.
Ce que nous voulons
L’UGICT-CGT exige l’ouverture d’une négociation pour conforter et renforcer le statut cadre, actuellement remis en cause par le patronat. Aujourd’hui, c’est l’affiliation à l’AGIRC, la retraite complémentaire des cadres, qui définit au niveau de chaque branche professionnelle, l’appartenance au statut cadre. L’AGIRC a été supprimée l’année dernière – ce qu’a dénoncé la CGT – la reconnaissance du statut cadre est à reconstruire. Pour la CGT, l’enjeu est que cette reconnaissance ne soit pas définie entreprise par entreprise, en fonction du bon vouloir de l’employeur, mais soit acquise à la branche, en fonction de la qualification et des responsabilités exercées. Nous voulons surtout obtenir des droits pour pouvoir exercer pleinement nos responsabilités professionnelles. Par exemple l’accès aux informations et orientations stratégiques de l’entreprise. Ou encore un droit de refus, d’alerte et d’alternative, permettant de faire primer notre éthique professionnelle sur le diktat des actionnaires. |
Comme vous le voyez, les attaques sont frontales. Il s’agit bien d’une lutte de classe. La parution des premiers décrets font la démonstration s’il en était besoin, de l’ampleur et de la nocivité de la loi Travail XXL.
La CGT n’en a pas fini avec la loi Travail XXL.
La CGT a déposé plusieurs recours contre les ordonnances devant le Conseil d’État. Ces dernières violent aussi des conventions de l’OIT.
La loi Travail XXL doit encore passer par le Sénat en début d’année 2018.
D’ores et déjà, La CGT a décidé d’une semaine de déploiement du 11 au 15 décembre pour continuer d’aller à la rencontre des salariés avec un 8 pages tiré à 500 000 exemplaires afin de porter au débat ses propositions sociales et économiques avec les salariés bien sûr, mais aussi avec l’ensemble des citoyens.
De nombreuses luttes se font jour dans les entreprises et les administrations. L’heure n’est pas à la résignation. La CGT reste mobilisée et disponible dans les semaines à venir pour créer les conditions de l’action la plus large. Elle continuera à prendre ses responsabilités.