J’ai beaucoup partagé avec Gilles
D’abord des valeurs et des idées
Qu’il est bon aujourd’hui de dire « de gauche »
Car c’est ce qui pour lui faisait leur prix et sa fierté
Et c’est ce qui a nourri tout son indéfectible engagement.
Mais partager c’est aussi débattre
Dans le respect de la différence d’opinion ou de position
Et c’est aussi en ce sens que nous avons partagé lui et moi.
Mais ce n’est pas un hommage politique que je veux rendre à Gilles Masure
Parce que je ne suis pas un homme politique
N’ayant pas eu le courage qui était le sien
D’affronter les coups et les désillusions
Ni de me consacrer aux autres, comme il a su le faire sans relâche,
avec une droiture et une générosité sans faille.
Ce que nous avons le plus profondément partagé ensemble
C’est notre engagement commun pour l’enseignement de la philosophie
Dans les différents lycées où le hasard nous avait réunis.
Et c’est moins des idées ou même des valeurs qu’il s’est employé à transmettre
aux jeunes générations
Qu’une exigence de vie et d’esprit
Qui permet, par la réflexion et le recul critique, d’être libre, même dans l’adversité.
Il a su vivre cette exigence jusqu’au bout
Avec une grande élégance qui lui donnait encore parfois
La distance de l’humour
Tant que ses forces le lui permirent.
Je suis triste de l’injustice et de la cruauté
De la maladie qui l’a frappé
Et qui a atteint aussi les siens.
Mon affectueuse admiration
Va à Hélène, sa femme
Dont l’amour l’a soutenu jusqu’au bout
Et à ses fils, Benjamin et Frédéric
Et ses petits enfants
Qui étaient tous sa richesse intime la plus précieuse.
Je terminerai, logiquement, par ces vers d’Aragon :
« Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger. »
le 11 mars 2014