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Intervention d'Hélène Balitout lors du DOB - Conseil départemental de l'Oise, 13 novembre 2017

Débat sur les orientations budgétaires du Département - 13 novembre 2017

 

Intervention d’Hélène Balitout, présidente du groupe Communiste & Républicain

Madame la Présidente, mes chers collègues, j'aimerais que nous puissions réfléchir ensemble ce matin, sur le contexte dans lequel nous sommes appelés à nous prononcer sur les orientations budgétaires de notre collecti- vité. De fait, on ne peut pas débattre de l’avenir des finances et des projets d’une collectivité en abstraction de notre environnement, qu’il soit financier, politique, social, économique ou institutionnel. C’est pourquoi, je souhaite avant d’en venir à la situation particulière de l’Oise, éclairer les différents enjeux auxquels nous allons être confrontés à l’avenir. À cette fin, pour situer l’état du rapport de force dans notre société, permettez-moi d’en venir aux faits : la fortune totale des milliardaires français a bondi de 21 % par rapport à 2016, s’élevant désormais à 245 milliards de dollars, selon le magazine Forbes. Le journal Les Échos titrait d’ailleurs à ce sujet dans un article récent : « les ultra-riches toujours plus nombreux dans le monde ». Dans notre pays, la fortune cumulée des 10 Français les plus riches a progressé de 1 100 %, selon des chiffres publiés par Le Parisien en 2017 passant de 20 milliards en 1996 à 245 milliards en 2017. Nous possédons donc la preuve chiffrée que, dans notre pays, les « ultra-riches » prospèrent. Cette richesse insolente n’est pas suffisante comme en atteste le dernier scandale financier en date : les Paradise Papers. Après les scandales LuxLeaks, FootballLeaks, SwissLeaks, BahamaLeaks et Panama Papers, les dernières révélations du consortium international des journalistes d’investigation éclairent en effet, sur la base de 13,5 millions de documents, le recours à l’évasion fiscale pratiquée par des multinationales et des personnalités de la vie publique, qui n’en ont visiblement jamais assez. Ce sont des faits objectifs et incontestables qui prouvent bien que la culpabilisation des pauvres, des chômeurs et des précaires est non seulement infondée, mais surtout indigne. Quand les chômeurs sont soupçonnés d’être des vacanciers par le porte-parole du gouvernement, quand le Président de la République insinue que les Français sont « fainéants » ou que Laurent Wauquiez indique que les agents de Pôle emploi poussent les chômeurs à profiter de leurs droits pendant 2 ans ; à l’aune de ces faits et de ces chiffres, cela est insupportable. Pour ce qui concerne les collectivités, et d’une manière générale les politiques publiques, l’indécence de l’austérité imposée aux communes, départements, intercommunalités et régions apparaît, elle aussi, comme une énormité. Alors que la richesse insolente prospère, au détriment de l’intérêt général par le biais de montages financiers obscurs, le gouvernement demande aux collectivités de diminuer leurs dépenses de fonctionnement et d’investissement et finalement d’affaiblir le service public. C’est une honte. Les baisses de dotations sont une honte. À titre d’illustration, un rapport d’une commission d’enquête sénatoriale dont j’ai souvent parlé dans cette assemblée avance le chiffre de 60 milliards par an, pour évaluer le coût de l’évasion fiscale sur les finances publiques. Le journal Le Monde indiquait également à ses lecteurs au sujet du scandale des Paradise Papers, que la France pourrait perdre jusqu’à 20 milliards tous les ans. L’évitement fiscal se porte à merveille. Dans le même temps, les collectivités sont étouffées. Mon collègue Jean-Pierre Bosino a très récemment alerté la population de sa commune sur les risques et les conséquences de cette politique, qui pousse à terme les collectivités à diminuer les services rendus à la population. Les informations qu’il a communiquées sont alarmantes, il en dira un mot. Cette synthèse de l’état de notre monde que je viens de vous exposer rend compte d’une situation préoccupante, chacun peut en convenir. Les faits parlent d’eux-mêmes. Face à ce monde, à cette société, notre collectivité, le département de l’Oise n’est pas un territoire isolé, épargné par les conséquences des politiques publiques, bien au contraire. Les conséquences des politiques nationales ne s’arrêtent pas aux portes de l’Oise. Nous subissons les baisses de dotations comme toutes les collectivités de France. C’est la raison pour laquelle il faut faire face et résister, en relevant les défis qui se présentent à notre département. D’abord, celui de la métropolisation au sujet duquel j’ai alerté notre assemblée à plusieurs reprises, sans être véritablement suivie, ni prise au sérieux. Pourtant, ce danger existe et repose sur une base institutionnelle factuelle. La prospective des lois territoriales en France en atteste. Le cadre législatif facilite en effet l’émergence d’intercommunalités « XXL », partenaires de régions désormais fondées sur des normes géographiques discutables et hors de proportions. Le risque pour notre collectivité est d’être pris entre le marteau régional et l’enclume intercommunale. À ce titre, sans dénigrer l’analyse des élus qui l’ont promu, nous regardons la poussée du pôle métropolitain dans notre département avec une grande circonspection, si ce n’est avec une certaine inquiétude pour l’avenir. Pourquoi ? Car dans les faits, le pôle métropolitain, au cas où son élargissement serait autorisé, viendrait bousculer notre département. C’est un risque. Pas forcément immédiat, mais existant. Un risque car cela dessinerait un territoire où les seules agglomérations, avec les nouvelles régions, font la loi et décident seules des politiques à mener, au détriment d’une diversité territoriale et géographique représentée actuellement par le département. Tout n’est pourtant pas réductible aux agglomérations ; il y a une vie en dehors de Creil, Beauvais et Compiègne, rappelons-le. J’aimerais d’ailleurs constater à cet égard, sans opposer l’urbain et le rural, que notre France apparemment très urbanisée, avec plus des trois quarts de ses habitants qui vivent en ville, connaît une stagnation de l’urbanisation qui masque, sans doute, une régression, comme le prouvent des textes récents de l’Insee datés de mars 2015, qui reconnaissent la surestimation de la population urbaine. Raison pour laquelle les lois territoriales fondées sur l’idée d’une urbanisation écrasante doivent être combattues. Par conséquent, si nous exprimons notre inquiétude quant aux évolutions territoriales à venir, c’est parce qu’il existe un contexte politique où la tendance est celle du « big is beautiful », c’est-à-dire, tout ce qui est grand est magnifique, avec, comme nous l’avons dit, des grandes régions et des grandes intercommunalités, probablement élus, un jour, au suffrage universel direct. Nous voyons donc bien que la commune et que le département, donc l’Oise et ses cantons, sont menacés par ce dogme du « big is beautiful », comme le nez au milieu de la figure. Il faut tout faire pour l’éviter. En premier lieu parce qu’il n’a jamais été prouvé que l’efficacité de l’action publique augmente à mesure que la taille d’une collectivité augmente. À titre d’illustration personne n’a jamais montré en quoi les départements auraient été défaillants sur la compétence « transports scolaires » et en quoi le transfert à la région était pertinent. Au contraire, les transports scolaires étant un service de proximité supposant une gestion quotidienne, ils ne devraient donc pas relever de régions dont le rôle essentiel doit être stratégique. En somme, il va falloir combattre pour défendre et promouvoir l’action publique départementale, mais plus largement la pertinence du couple commune-département. Dans l’intérêt des populations qui ont besoin d’une action publique puissante, mais de proximité. D’autant que mon introduction en atteste, notre pays dispose de moyens financiers pour mettre fin à l’austérité. Si nous défendons notre département sans méconnaître les menaces qui pèsent sur lui, ni négliger d’informer et de mobiliser les populations alors l’action publique pourra se déployer et répondre à deux défis principaux et majeurs en lien avec ses compétences. Je pense d’abord au défi du vieillissement de la population qui est un fait incontestable, puisque la pro- portion des personnes âgées dans la population totale y augmente au fil des années. En France et par conséquent dans notre département les années qui viennent s’annoncent comme celle d’un vieillissement inédit, par ailleurs toujours plus intense que la moyenne nationale dans les territoires ruraux. La dynamique particulière de notre département s'apparente à un phénomène dit de « gérontocroissance », pour indiquer l’augmentation du nombre des personnes âgées dans notre population et dans le même temps l’augmentation du vieillissement. Notre département présentera donc probablement à l’horizon 2030 des compositions par âge sous des formes jamais rencontrées dans le passé qui impliquent dès aujourd’hui, une structure nouvelle des besoins sociaux. C’est de cette structure nouvelle des besoins sociaux dont il faut débattre, en toute priorité, nous qui sommes d’abord et avant tout compétents en matière de solidarités. Une fois encore, notre collectivité est qualifiée plus que n’importe quelle autre, pour mettre en œuvre une politique publique du vieillissement, adaptée à cette nouvelle réalité locale. Ni la région, ni le pôle métropolitain, ni les intercommunalités XXL ne possèdent les compétences à cette fin. Cette politique publique du vieillissement, elle doit être mise en œuvre dès maintenant, sans être isolée des autres politiques, car dans les faits, les politiques départementales devront à l’avenir tenir compte du vieillissement comme je viens de le dire, mais dans le même temps des évolutions de la sociologie de la famille, notamment des aidants familiaux. Autre défi, qui n’est pas sans lien, celui de l’accès aux soins. La C.P.A.M. a récemment engagé une campagne pour connaître les difficultés des habitants de l’Oise à accéder aux soins. Nous savons tous, dans les cantons, que la situation est extrêmement tendue, du fait du départ à la retraite de nombreux médecins. Quels que soient les cantons, l’accès aux soins est un sujet fondamental pour les populations. Il constitue avec le vieillissement, un défi à relever en toute urgence. Cela passe de notre point de vue, bien entendu par la création de maisons médicales et de maisons de santé, et par la construction d’E.H.P.A.D. publics. Il pourrait être utile d’ailleurs que notre département établisse à destination de la C.P.A.M. une synthèse détaillée, canton par canton, des besoins connus de nous en matière sanitaire. De même, l’A.R.S. doit être alertée, relancée et responsabilisée sur les nécessaires E.H.P.A.D. publics à construire. Si l'on ne fait rien tout de suite, notre département perdra son attractivité en devenant un désert médical. Nous pensons en outre qu'il est absolument nécessaire que le département fasse rempart contre les attaques envers les hôpitaux, les urgences et les maternités de proximité. Évidemment, la métropolisation, le vieillissement et l'accès aux soins constituent trois défis majeurs à relever, mais cela ne fait pas tout. La jeunesse, l'éducation, le réseau routier, la culture, l'aide aux communes sont des politiques qui soulèvent d'importants enjeux. Je ne souhaite pas être exhaustive et trop longue, mais je veux toutefois souligner ce qui conditionne la réussite de ces politiques : les moyens du service public. Un service public sans moyens ou amoindrie ne peut rendre un niveau de service satisfaisant. Tout l'enjeu consiste à évaluer les conséquences des restrictions financières sur le service public. Je note à ce sujet que la Cgt a récemment alerté les élus départementaux, sur la situation des agents des routes. J'aimerais que nous puissions toutes et tous réfléchir à cette situation en tenant compte des arguments des agents concernés qui éclairent des restrictions pénalisantes pour leur sécurité et l'entretien du réseau routier, notamment pendant la période hivernale, en instaurant notamment la règle du « un agent par camion ». Il s'agit d'un exemple particulier, mais il illustre selon nous les conséquences que peuvent avoir des coupes budgétaires sur le niveau du service public. Nous proposons d'ailleurs qu'une information exhaustive et complète soit communiquée aux élus de l'assemblée pour mesurer la portée et les conséquences des politiques que dénoncent les agents concernés et la Cgt. Une politique comporte souvent une part de bénéfice et de risque. Tout l'enjeu est de permettre aux conseillers départementaux d'apprécier la balance générale et de mesurer si les bénéfices l'emportent ou non sur les risques. C'est la démarche qu'il serait utile de mettre en œuvre pour toutes les décisions budgétaires. En matière de risque, je souhaite conclure mon intervention par une actualité brûlante qui concerne particulièrement notre département. Un article du journal Mediapart en date du 9 novembre dernier indiquait, je cite : « L’usage intensif des pesticides a beau faire l’objet de larges débats, il ne faiblit pas pour autant. » Dans cet article, figure une carte des départements où les pesticides se vendent le plus. Nous apprenons en lisant cette carte, que l'Oise figure parmi les 15 départements où l'on vend le plus de pesticides. Le journaliste Benjamin Peyrel précise à cet égard que derrière les termes génériques de « pesticides » ou de « produits phytosanitaires » se cache une extraordinaire diversité de produits, aux noms tous aussi abscons, mais aux effets plus ou moins nocifs sur l’environnement et la santé humaine. À titre d’illustration 8 252 tonnes de glyphosate ont été vendues par an, de 2009 à 2016, dans notre département. Nous estimons que cette situation est préoccupante et qu’il y un intérêt départemental à intervenir à deux titres : d’abord au titre de nos politiques liées au développement durable, mais également au titre de nos relations avec le monde agricole, avec lequel il faut ouvrir une discussion. Il en va de notre environnement et de la santé des populations. Nous saisissons donc le moment de ce D.O.B. pour lancer l’alerte et solliciter la mise en œuvre d’une réflexion collective sur l’usage des pesticides et sur leur impact dans l’Oise.

Je vous remercie.

 

 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)