À un mois du Congrès du Parti de la Gauche Européenne (PGE-European Left) du 16 au 18 décembre 2016 à Berlin, la fédération de l’Oise a organisé une soirée-débat avec Anne Sabourin, membre du CEN du PCF en charge des questions européennes. Elle est aussi représentante du PCF au bureau exécutif du PGE, avec ses deux autres camarades Pierre Laurent, président du PGE depuis 2010, et Vincent Boulet.
Les questions européennes peuvent paraître éloignées mais elles sont en fait au cœur de débats nationaux et citoyens : en 2015 avec l’arrivée au pouvoir de Syriza en Grèce et du coup d’État financier qui s’en est suivi ; le référendum au Royaume-Uni et le Brexit en juin 2016 ; la crise des migrants et la sous-traitance à la Turquie d’Erdogan ; le poids de la finance ; la collusion entre les politiques et les banques, comme dernièrement le recrutement de l’ancien président de la Commission européenne Barroso chez Goldman-Sachs… (voir la vidéo de L'Humanité L'Europe plombée par le scandale Barroso). Sans oublier la responsabilité des chefs d'État et de gouvernement qui donnent l'orientation de la politique de l'Union européenne et qui ont beau jeu ensuite, dans leurs pays respectifs, d'incriminer l'Union européenne qui applique leurs décisions !
Après avoir fait un point sur l’état de la construction européenne et les trois grands courants politiques s’affrontant au sein de l’Union européenne ainsi que sur leurs interactions, Anne Sabourin a présenté les axes d’actions de la gauche européenne pour sortir de l’austérité et des logiques libérales des traités européens, puis les enjeux associés au Ve Congrès du PGE. Elle a conclu sur l’ambition du PCF à porter toujours plus haut des propositions progressistes en France et en Europe, pour les échéances électorales 2017 et les suivantes, les Européennes 2019 : elle met sur la table l’idée de mener une grande campagne positive et populaire pour écrire un nouveau traité européen.
Documents à disposition (ci-contre) :
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Anne Sabourin aborde trois caractéristiques de la situation actuelle de l’Union européenne.
S'y ajoute un large discrédit des classes politiques dirigeantes, minées par des conflits d’intérêts ou des collusions avec les banques et la finance mais aussi par des alternances droite-social-démocratie au niveau national, voire la formation de grandes coalitions comme en Allemagne, dont l'action politique, similaire, ne change rien.
Tout d’abord, Anne présente les promoteurs de la construction actuelle de l’Union, les « promoteurs du consensus libéral » (vidéo 2). Ils sont constitués de la droite libérale, des centristes et d’une partie de la social-démocratie. Ils sont en crise, en mal de projets et de réponses à apporter aux peuples, à l’exemple du dernier sommet européen à Bratislava qui avait pour objectif de relancer le projet européen après le Brexit et qui n’a abouti qu’à consolider l’Europe de la Défense : rien sur l’économie, le social, la démocratie.
Le deuxième courant est celui de l’extrême droite et des forces populistes (vidéo 2), très diverses, nécessitant une analyse approfondie. Nouvelles formes de nationalisme et de xénophobie, elles se nourrissent du désespoir social et du rejet des « élites » et sont à l’offensive politiquement, se présentant comme la principale alternative à l’Union européenne. Elles s’organisent, comme avec le groupe de Visegrád (Pologne, République tchèque, Slovaquie et Hongrie). Elles veulent la fermeture des frontières aux hommes et aux marchandises, le rapprochement avec les Etats-Unis et le maintien « concurrentiel » des faibles salaires de leur pays.
Le troisième courant est celui de la gauche européenne (vidéo 3), en opposition radicale aux deux précédents. Né en 2004, le PGE promeut une construction régionale différente et veut être un levier au combat global pour une autre mondialisation. D’abord un espace permettant d’échanger entre forces progressistes, il s’est mué sous la présidence de Pierre Laurent en outil utile à mener des actions communes. Son influence, en hausse, est encore faible. Il est sous-représenté dans les anciens pays de l’Est, mais des groupes naissants sont à noter dans les Balkans, notamment la Slovénie. Tous les partis communistes n’en font pas partie, sur des bases idéologiques, ou bien sont présents en tant qu’« observateurs ». Le PCF y a adhéré après consultation de ses militants. Sa composition est variée, avec des partis et des pays ayant chacun leur propre histoire. Il propose sept axes pour refonder l’Union européenne dans son « contrat social entre des peuples souverains et solidaires en Europe ».
Ces trois courants politiques ne sont pas sans interactions. Les deux premiers, les libéraux et l’extrême droite, sont en recherche de compromis politique. Ainsi, au dernier sommet à Bratislava, les libéraux, représentés par Hollande et Merckel, ont préféré le compromis sur les travailleurs et les frontières avec le groupe de Visegrád, plutôt que de s’entendre sur des propositions avancées par Tsipras et ses collègues. Le référendum sur le Brexit est né de la volonté de Cameron de trancher dans son propre parti entre les deux options, fermées, rester ou sortir, portées l’une par les euro-libéraux, l’autre par les nationaux-libéraux.
La social-démocratie est traversée de débats profonds, sur les questions des politiques d’austérité et des alliances. Les réponses apportées sont différentes selon les pays, et donc la possibilité ou non d'y construire des rapports de force anti-austérité. En Espagne, le PSOE a choisi de soutenir une droite minoritaire plutôt que Podemos et nos camarades d’Izquierda Unita. Ce n’est pas le cas au Portugal.
(Voir la vidéo de L'Humanité Nouvelles gauches, nouvelles perspectives en Europe)
Le Ve Congrès du PGE se tiendra en décembre 2016 à Berlin. Plus que jamais, accentuée encore par l’élection de Trump, la nécessité de trouver des voies nouvelles de l’unité pour la gauche européenne, des convergences, des outils de dialogue, des espaces de rassemblement, se fait ressentir. Le PCF est une force reconnue pour faciliter ce travail de convergence et a donc une responsabilité toute particulière pour que ce congrès se passe bien et que soit mis en œuvre les décisions et le rassemblement. Cinq grands enjeux seront en particulier présents :
Anne Sabourin montre que le PCF est à l’offensive sur les questions européennes. La réflexion du Parti nourrit et se nourrit de celle du PGE. Une volonté de « muscler » le secteur Europe du PCF est en cours, avec au niveau organisationnel, la présence d’Anne au sein du CEN du PCF comme l’a voulu le dernier Congrès du PCF, et le développement du travail en réseau au sein du Parti, avec ses forces militantes. Pour les échéances électorales 2017, la question européenne est primordiale et le programme doit comporter la question du plan de bataille pour la France en Europe pour la changer, comme le fait Pour un pacte d'engagements communs pour la France. La prochaine séquence électorale sera les Européennes 2019. Anne porte l’idée d’une campagne populaire, à la hauteur de celle de 2005 sur le référendum au traité européen, mais cette fois positive de l’écriture d’un nouveau traité européen après deux ans de rencontres, de débats… Pour éviter le piège de la seule alternative sortie ou pas de l’Union européenne ; pour ne pas se retrouver dans la situation de 2014 avec une campagne des Européennes qui aura duré… un mois seulement ; pour être à l’offensive, en partant des besoins de la population.
La vingtaine de participants a été passionnée par le sujet, et plusieurs sont intervenus. Quelques grands thèmes peuvent être dégagés.
Le premier concerne la visibilité du Parti de la Gauche Européenne. Dorothé, militant communiste intéressé par les questions internationales, trouve qu’il est peu informé sur le PGE, son organisation, ses membres, son influence… Hélène se souvient de manifestations européennes, où des cars étaient organisés, donnant à voir de notre ambition, de notre contenu politique. Thierry donne quelques exemples possibles d’initiatives communes, lisibles : fraude fiscale, travailleurs détachés, transports collectifs, notamment le ferroviaire. Sans oublier le Tafta.
La convergence avec les forces sociales et citoyennes est interrogée. Hélène demande s’il existe « une stratégie équivalente à celle du Front des luttes en France ? » Marie-France s'interroge sur les rapports pouvant être construits avec la Confédération européenne des Syndicats (CES) : un de ses dirigeants a déclaré lors de son dernier Congrès que tout ne pouvait pas être fait dans les entreprises, notamment les lois. Anne a pointé la nécessité de porter des propositions politiques pour le monde du travail, par exemple sur une harmonisation des droits des travailleurs pour mettre fin à la concurrence des uns contre les autres et au désespoir social, qui nourrit aussi l’extrême droite. Loïc mentionne le Plan B et la stratégie clivante du PG. Thierry propose de valoriser les convergences existantes, qui permettent de montrer que l’on n’est pas tout seul dans son pays, à l’occasion d’initiatives comme la Fête de la Paix pour l’Oise, et pourquoi ne pas relancer des échanges entre militants sur des luttes communes, comme cela a pu se faire lors de campagnes sur la Paix et le désarmement dans le passé ?
La convergence des forces progressistes est à nouveau interrogée dans la proposition du PCF d’écrire un nouveau traité européen pour les Européennes 2019. Au niveau français, mais aussi au niveau européen comme le conçoit Frédérique, motivée par cette idée tout comme Jackie, qui en a « besoin ». Loïc y voit une façon de lancer la campagne très tôt, de porter et d’expliquer cette notion de « refondation », de redire que la bataille sur l’euro n’est pas autour de sa sortie ou pas, mais de l’utilisation et de l’orientation de cet outil qu’est la monnaie. Marie-France, sans vouloir transformer cette écriture en un débat d’experts, pense qu’il est nécessaire de passer par une première phase de compréhension du fonctionnement et des règles du jeu de l’Union européenne. Elle est disponible pour partager son expérience de syndicaliste au niveau européen. L’écriture de ce nouveau traité serait un défi, mais comme le dit Frédérique, dans la période actuelle, « nous n’avons pas d'autres choix que d’être extrêmement ambitieux ». Anne a rappelé que notre pays s’était déjà emparé en 2005 de la question européenne, que les gens n’avaient pas oublié, que notre peuple était « politique », plus au courant que bien d’autres et qu’au sein du Parti, les camarades sous-estimaient souvent leur connaissance de l’Union européenne.
Enfin, le thème de notre identité dans la mondialisation abordé par Ghislaine, qui voit les richesses de la France, un pays ouvert, mélangé, multi-culturel, à l’aise en Europe et dans le monde. Anne, sensible à ces paroles, pense que la mondialisation et les mélanges sont irréversibles et qu'est c'est bien pour ça que la « réaction » est très forte. Le seul sujet valable est de changer le cours de cette mondialisation, qu'elle aille vers les communs et pas vers la régression généralisée. C'est pour cela que nous avons besoin d'un projet positif, offensif. Avec toute confiance dans les possibilités de la France.
À noter (mais cela reste à valider !)