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75e anniversaire des fusillés de Châteaubriant : intervention de Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État - Châteaubriant, 23 octobre 2016

M. Jean-Marc Todeschini,

Secrétaire d’État auprès du ministre de la Défense

chargé des Anciens combattants et de la Mémoire

 

Cérémonie d’hommage aux fusillés de Châteaubriant

À Châteaubriant, le 23 octobre 2016

 

– Seul le prononcé fait foi –

 

Monsieur le Préfet,

Monsieur le Secrétaire général du parti communiste français,

Monsieur le Secrétaire général de la CGT,

Madame la Présidente de l’Amicale de Châteaubriand-Voves-Rouillé-Aincourt,

Mesdames et messieurs,

Nous sommes réunis aujourd’hui autour du souvenir du 22 octobre 1941.

Ce jour-là, en représailles à l’assassinat d’un commandant allemand, 27 otages sont fusillés à Châteaubriant. Au même moment, 16 autres connaissent le même sort à Nantes, 5 encore au Mont Valérien.

Tous refusent d’avoir les yeux bandés, et entonnent La Marseillaise, ce chant qui a toujours su fédérer les esprits républicains et révolutionnaires.

Le bruit des trois salves de tirs à 15h50, 16h et 16h10 laisse place au silence. Celui de l’horreur. Celui de l’incompréhension. Celui enfin du recueillement tel que nous l’avons connu tout à l’heure au cœur de la carrière de La Sablière.

Bien sûr, le choix des otages fusillés à Châteaubriant ne relève pas du hasard. Ces hommes étaient résistants. Ces hommes étaient communistes. Ils étaient syndicalistes. Cette année-là, Gabriel Péri publie sa brochure « Non, le Nazisme n’est pas le Socialisme ». Il est fusillé en décembre.

Depuis plusieurs mois, ils étaient la France libre et insoumise. Ils étaient la France fraternelle.

Ils nous ont fait mesurer jusqu’où peut s’exprimer le courage des hommes.

75 ans après, le souvenir des fusillés de Châteaubriant résonne comme un appel à l’insoumission et à la liberté dans la mémoire nationale. Il est une célébration de la jeunesse. Celle qu’incarnait Guy Môquet.

Des otages avaient été fusillés avant le 22 octobre 1941. D’autres l’ont été après. Je pense notamment aux fusillés de Souge.

Mais ce jour annonça une série d’exécutions massives dont beaucoup trouvèrent comme décor le Mont Valérien, Haut-lieu de la mémoire nationale, où un hommage exceptionnel fut rendu à Missak Manouchian en février 2014 par le Président de la République.

Je souhaitais être avec vous cet après-midi pour m’inscrire dans la série d’hommages adressés aux victimes civiles, notamment celles de la répression nazie.

Je me suis rendu le 8 mai dernier à Falaise pour inaugurer le premier mémorial dédié aux victimes civiles. J’étais au mois de juin à Oradour-sur-Glane puis au mois d’août à Buchères et à Maillé.

J’étais en septembre aux côtés de l’association « Pour un maitron des fusillés », pour soutenir le projet de mise en ligne de 30 000 notices biographiques des victimes du nazisme.

Tous ces gestes entendent rappeler que le sacrifice de ces femmes et de ces hommes est aussi le terreau sur lequel ont refleuri la liberté et la République.

Mesdames et messieurs, chers camarades, aujourd’hui, ce n’est pas seulement une mémoire civile que nous saluons. Je le dis très clairement. C’est aussi une mémoire communiste.

Une mémoire du refus de la soumission. Une mémoire de la liberté de penser, de dire, d'agir.

Une mémoire qui se nourrit du souvenir des fusillés de 14-18 qui ont dit non à la guerre.

C’est avec responsabilité et dans le respect des familles que le Président de la République a appréhendé cette question, qui n’est pas seulement juridique mais qui est d’abord une question humaine.

C’est pourquoi, en demandant la numérisation des archives et qu’une place soit accordée aux fusillés au musée de l’Armée, il a souhaité travailler à une meilleure connaissance et reconnaissance de cette histoire.

Cette mémoire se nourrit aussi du pacifisme d’un homme comme Henri Barbusse qui recevait il y a 100 ans le prix Goncourt pour son ouvrage Le Feu. J’ai d’ailleurs l’intention de me rendre avant la fin de l’année à Aumont-en-Halatte, en témoignage du soutien et de l’accompagnement du ministère de la défense au projet de rénovation et de valorisation de la maison d’Henri Barbusse.

Cette mémoire du refus de la soumission se nourrit bien sûr de l’engagement des résistants communistes de la Seconde Guerre mondiale, qu’ils furent français ou étrangers. Qu’ils s’appellent Guy Môquet, Spartaco Fontanot, Georges Guingouin, Danièle Casanova ou Missak Manouchian, ils ont lié leur destin au sceau de la solidarité internationale.

Cette mémoire se nourrit de la lutte conduite par les mineurs grévistes de 1948 qui ont dit non à l’injustice dont ils ont été les victimes. Des hommes récemment réhabilités par le Président de la République à l’Elysée en présence de l’un d’eux, Norbert Gilmez.

Cette mémoire se nourrit de tant d’autres combats.

Nous devons veiller à ne pas laisser ces noms, ces figures, ces parcours, ces symboles s’abandonner à l’instrumentalisation.

L’histoire ne peut être objet d’instrumentalisation à des fins politiques.

Elle doit être l’objet d’un travail de mémoire axé sur la l’éducation citoyenne et la valorisation.

Car rendre hommage ne suffit pas et les cérémonies commémoratives ne sauraient constituer les fondements d’une politique mémorielle moderne et ambitieuse, juste et respectueuse.

C’est pourquoi j’ai souhaité que le ministère de la Défense s’engage dans une politique patrimoniale qui trouve sa légitimation dans la disparition des témoins et sa force dans les dimensions culturelle et pédagogique qui l’accompagnent.

Aussi, j’ai donné mon accord pour que le ministère de la Défense verse une subvention de 110 000 euros pour la rénovation et la valorisation de la carrière de la Sablière et du musée de la Résistance.

Mesdames et messieurs, 27 otages ont été assassinés ici à Châteaubriant. Mais leur esprit de Résistance, leurs engagements, leurs convictions, leurs idées, leurs combats demeurent. En cela, ils sont un exemple pour nous tous, pour notre jeunesse.

À travers eux, c'est une longue histoire que nous célébrons. Une histoire faite de contestation, d'insoumission, de refus, de Résistance, de liberté.

Mais une histoire faite de confiance. Confiance en l’humanité. Puisse cette confiance continuer de nous inspirer et de nous guider pour faire face aux défis d’aujourd’hui et demain.

Je vous remercie.

 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)