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Yves Dimicoli : « La crise systémique du capitalisme : diagnostic et alternatives » - Saint-Maximin, 25 mars 2016

Vous n'avez pas pu assister à la passionnante conférence proposée par Espace Marx60 sur le thème « La crise systémique du capitalisme. Diagnostic et alternatives » avec Yves Dimicoli le 25 mars 2016 à Saint-Maximin ?

Rien n'est perdu : voici les séquences vidéos, numérotées de 01 à 11, selon le découpage suivant :

 

Diagnostic Alternatives
01/11 - Introduction : insécurité civile et insécurité sociale 08/11 - Un service public de l'emploi et de la formation
02/11 - Suraccumulation du capital contre qualité de vie des êtres humains 09/11 - Un contrat de travail sécurisé
03/11 - Dévalorisation conjoncturelle et dévalorisation structurelle 10/11 - Une appropriation sociale du pouvoir monétaire pour l'emploi
04/11 - Le capitalisme, un système à bout de souffle qui résiste 11/11 - Un fonds européen pour les services publics
05/11 - Des échanges marchands à une société de partage  
06/11 - Le crédit contre la dépression de la demande  
07/11 - De l'utilisation de l'argent public  

 

 

Résumé : Le système capitaliste est en crise. Depuis les années 1980, il tient par le pouvoir d’achat fictif créé par l’endettement des ménages. Les nouvelles technologies entraînent un chômage et une précarité massifs, déprimant la demande. Mais elles rendent possible une société basée sur le partage et la coopération, avec l’argent mis au service de la qualité de vie des êtres humains. C’est tout l’enjeu des luttes actuelles, des idées nouvelles et du projet de société qui peuvent en émerger. Les communistes proposent une sécurité de l’emploi et de la formation, comme il existe la sécurité sociale, avec un service public de l’emploi et de la formation, ainsi qu’un contrat de travail sécurisé. Ils portent également l’appropriation sociale du pouvoir monétaire, avec des fonds publics régionaux pour l’emploi et la formation et un Pôle financier public. Pour le développement des services publics, ils soutiennent l’idée d’un Fonds européen pour les services publics, financé par la Banque centrale européenne.

 

Compte-rendu

Yves Dimicoli a découpé son intervention en deux parties, la première faisant le diagnostic de la crise du capitalisme, la seconde sur les enjeux d’actualité, sur les rassemblements possibles pour des issues positives à cette crise.

Insécurité civile et insécurité sociale

En introduction, il présente deux facteurs d’insécurité avec lesquels nous vivons depuis janvier 2015. Le premier est l’insécurité civile, en lien avec le terrorisme et les attentats, qui engendre peurs, repli, stigmatisation et politique autoritaire, épargnant le capitalisme. Le second est l’insécurité sociale, avec le chômage, la précarité, l’exclusion : 6 millions de chômeurs en France, dont 723 000 en plus depuis 2012.  Elle entraîne peur et repli, mais aussi des mobilisations positives comme actuellement les actions pour le retrait du projet de loi El Khomri, unissant les jeunes et les syndicats sur le cœur du capitalisme, le marché du travail.  Une course de vitesse est donc engagée entre ces deux insécurités, avec deux visions de la société qui s’affrontent.

Il précise ensuite le contexte actuel de notre société : après la crise financière de 2007-2008, une crise financière encore pire se prépare. En effet, les solutions mises en place après 2008 avaient pour seul but de sauvegarder le système, et donc de poursuivre sur les mêmes bases, en créant toujours plus de chômage au nom de la modernisation nécessaire. Cela montre la hauteur des décisions qu’il faut prendre, avec une véritable bifurcation renvoyant à deux grandes questions : l’emploi et la formation ; l’utilisation de l’argent, pour le développement des êtres humains ou pour soutenir les marchés financiers. C’est là tout l’enjeu des luttes.

Suraccumulation du capital contre qualité de vie des êtres humains

Vient ensuite le diagnostic de la crise du capitalisme, après un détour historique. Yves représente le système capitaliste par un bonhomme dont les deux jambes sont les profits et le capital, qu’il faut accumuler, et le travail des êtres humains, qu’il faut économiser. La jambe « capital » doit s’allonger, la jambe « travail » doit s’atrophier, une crise du capitalisme étant représentée par un déséquilibre trop fort entraînant la chute du bonhomme, qui, jusqu’ici, s’est toujours relevé. Ce dimorphisme est créé par le remplacement des hommes et des femmes au travail par des machines, créant une hausse de la productivité et une hausse de l’accumulation du capital. L’économie sur le temps de travail se réalise en détruisant des emplois au lieu de réduire le temps de travail et permettre aux gens de développer des activités sociales autres pour se développer. La suraccumulation du capital se réalise donc contre la qualité de vie des êtres humains. 

Dévalorisation conjoncturelle et dévalorisation structurelle

Dans l’histoire, chaque cycle du capital est composé de deux grandes phases : une hausse de l’emploi et du nombre de salariés, contre le profit, suivie du remplacement des hommes par les machines. Les crises sont accompagnées d’une dévalorisation, de deux types. La première est conjoncturelle, la crise exacerbant la concurrence entre capitalistes, multipliant les faillites - 72 000 en 2009 en France -, afin de détruire de l’excès de capital, avec au bout du compte des drames humains. La seconde dévalorisation est structurelle, avec la conquête de pouvoirs et de positions nées des luttes des salariés et de conditions politiques favorables à des réformes structurelles. Ainsi des nationalisations de 1946, ayant pour but non pas la rentabilité mais l’offre d’un service public de qualité et l’aménagement du territoire. Autre exemple : la sécurité sociale, avec son principe de mutualisation (« je paye selon mes moyens et je reçois selon mes besoins ») au lieu du marché (« tu vaux tant, je te donne pas plus »). Rappelons ici la conquête extraordinaire qu’est la sécurité sociale. Les cotisations sociales salariales et patronales sont calculées à partir des salaires (et pas prélevées sur les salaires). Les cotisations patronales sont payées par les richesses produites par le travail des salariés (valeur ajoutée), en les prélevant sur la plus-value (valeur ajoutée moins les salaires), base du profit ! Les capitalistes ne l’ont jamais digéré et s’emploient depuis lors à casser la cotisation sociale patronale : exemple de la remise en cause de la politique familiale ; volonté de remplacer la cotisation sociale par l’impôt sur les salariés (et pas sur l’impôt sur le capital ou sur la fortune). Notons qu’actuellement la plus-value sert très majoritairement à la finance : dividendes, intérêts bancaires, placements financiers, spéculation…

Le capitalisme, un système à bout de souffle qui résiste

Les corrections par rapport à la suraccumulation du capital se font toujours en deux temps : économie des moyens matériels par la modernisation, augmentant la production et mettant les hommes au chômage ; lutte des gens conquérant des droits et pouvoirs dans des conditions politiques de réformes structurelles permettant la dévalorisation systémique. C’est une dynamique historique, représentée par les cycles de Kondratiev. Avec les nouvelles technologies, le capitalisme a fini sa mission propulsive historique, mais il résiste, aidé en cela par les luttes qui n’ont pas encore trouvé les voies d’une alternative.

Des échanges marchands à une société de partage et de coopération

Le quatrième cycle de Kondratiev a son point de retournement situé entre 1967-1973 (travaux de Paul Boccara), et non pas 1973, avec la crise du pétrole. Les capitalistes ont mis en place les nouvelles technologies à la fin des années 1970, liées à des activités informationnelles, qui n’ont plus rien à voir avec le remplacement des hommes par les machines-outils. Ces nouvelles technologies appellent un remplacement des échanges marchands par une société de partage et de coopération. Le capitalisme, mis à mal, y répond par une domination mondiale monopolistique, à coups d’OPA, sur base privée. Ils mettent ainsi en concurrence les salariés du monde entier, avec l’argent tiré des marchés financiers.

Le crédit contre la dépression de la demande

Ces nouvelles technologies génèrent une économie du travail comme jamais dans l’humanité : 200 millions de personnes sont officiellement au chômage dans le monde, jetant dans la précarité et la pauvreté les jeunes, les femmes, les personnes âgées, les émigrés. Ce chômage pèse sur les possibilités de lutte, mettant en concurrence les salariés et les chômeurs. Cette situation a pour effet une déprime de la demande, du débouché de la production. Le capitalisme tient depuis les années 1980 grâce au crédit et à l’endettement des ménages, créant un pouvoir d’achat fictif. Mais ces dettes, localisées dans le système bancaire, ne servent en rien au développement de la population et des débouchés, seulement à nourrir le chômage et la dépression de la demande. Jusqu’à la crise financière de 2007-2008. L’argent public qu’il n’y avait pas pour les services publics a alors coulé à flot (4 700 milliards d’euros de 2009 à 2011 dans la zone euro) pour renflouer les banques.

Une service public de l’emploi et de la formation

Yves Dimicoli passe alors aux luttes et au projet de société porté par les communistes. Ce projet s’intitule « zéro chômage, pour une société de partage ». Il s’agit de partager les pouvoirs, les richesses et les savoirs. Et de mettre en place une « sécurité d’emploi et de formation (SEF) », comme il existe une sécurité sociale, avec un grand service public de l’emploi et de la formation (SPEF). Les temps d’emploi (revenus marchands) s’articuleraient avec des temps de formation (mutualisation), avec un même niveau de revenu que lors des temps d ‘emploi. Le passage par la case chômage serait ainsi évité et les modernisations nécessaires se feraient sans drames humains. Cette revendication aurait pu être portée lors de la lutte des PSA-Aulnay.

Un contrat de travail sécurisé

Pour les jeunes entrant sur le marché du travail, une immatriculation automatique au SPEF se ferait, donnant droit à chacun à l’emploi et à la formation, ainsi qu’à un contrat de travail sécurisé, avec une rémunération au même niveau que les personnes effectuant le même travail. Ce contrat de travail sécurisé, pour tous, aurait la double entrée emploi et formation, totalement indissociables tant les besoins de formation tout au long de la vie iront grandissant avec l’accélération des connaissances.

 

Une bagarre sur l’argent est inévitable, sur deux thèmes : l’emploi et la formation ; les services publics.

Une appropriation sociale du pouvoir monétaire pour l’emploi

Il faut responsabiliser les entreprises et les banques aux besoins d’emploi et de formation. En 2012, les cotisations sociales patronales représentaient 157 milliards d’euros en France, stables par rapport aux richesses produites depuis 1945 : le « coût du travail » - le travail crée les richesses - n’explose pas ! Par contre, le coût du capital, avec ses 309 milliards d’euros, ne fait qu’augmenter. N’oublions pas non plus que les banques assoient leurs paris sur l’avenir que sont les crédits sur la sécurité apportée par nos dépôts (salaires, pensions…), versés automatiquement. Il faut dont une appropriation sociale du pouvoir monétaire, permettant de donner notre avis sur l’orientation des crédits : en faveur de l’emploi, des productions utiles, écologiques… Le Parti communiste français proposent la création de Fonds publics régionaux pour l’emploi et la formation (FPREF), dirigés par les conseils régionaux, avec l’intervention de salariés, syndicats, patrons… Ils pourraient notamment être les partenaires financiers des salariés en lutte, porteurs de projets alternatifs pour sauver leurs entreprises. Les taux d’intérêts de ces FPREF seraient variables selon les politiques sociales, environnementales… développées au sein des entreprises. Au niveau national, un pôle financier public serait mis en place, avec un nouveau crédit, responsable. La Banque centrale européenne (BCE) lui prêterait l’argent, comme aux autres banques.

Un fonds européen pour les services publics

De l’argent public pour sauver les banques, il y en a eu, beaucoup. Les communistes proposent que la BCE crée de la monnaie pour un Fonds européen pour les services publics, comme le lui permet l’article 123.2 du Traité de Lisbonne (la BCE peut créer de la monnaie pour une institution financière publique). Cette mutualisation du pouvoir monétaire de la BCE permettrait de financer le développement des services publics dans les pays européens où ils sont moins développés.

 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)