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Imaginons maintenant que le mot « travail » ait une autre signification - Alain Boutroue - 60

Contribution pour le 37e Congrès

 

Imaginons maintenant que le mot « travail » ait une autre signification

 

L’étymologie de ce mot « travail » vient du bas latin tripalium, appareil formé de trois pieux, utilisé pour ferrer ou soigner les animaux, ou comme instrument de torture. 

 

Le travail

D’après le dictionnaire de la langue Française (point de vue libéral)

  • sens 1 : activité humaine organisée et utile, ensemble d’activités
  • sens 2 : activité, action de faire quelque chose. Exemple : le travail d’un ordinateur
  • sens 3 : activité économique, profession, lieu où se déroule une activité

 

Du point de vue marxiste

Dans la théorie des valeurs de Marx, la plus-value a une signification précise : c’est la différence entre la qualité de valeur ajoutée par le travailleur à la marchandise initiale et la valeur de la force de travail nécessaire (le travail étant lui même « incommensurable » au sens de la non-marchandise puisque le travail, c’est l’individu, un être vivant, pensant, et non une marchandise.

 

Quand est il aujourd’hui ?

Le travail doit-il servir au bien commun ou au contraire servir l’intérêt mercantile d’une minorité de ce monde ? 

Dans la civilisation judéo-chrétienne, il est un acte divin (Dieu se repose au septième jour de la Création, ce qui suppose qu’il ait travaillé les six jours précédents) et un acte humain rendu obligatoire par le départ forcé au paradis : « tu gagneras ton pain à la sueur de ton front », véritable punition…

En fait, « Dieu dit… Et cela fut ainsi ». 

L’homme doit s’accomplir dans l’effort et la peine : « le sol sera maudit à cause de toi et tu auras beaucoup de peine à en tirer ta nourriture ».

Notre société a réussi, dans nos racines judéo-chrétiennes, à faire aimer et désirer sa marchandisation et son asservissement. 

En effet, de plus en plus de produits du travail humain et de la nature sont devenus des marchandises. Le vivant lui-même n’échappe pas a la voracité de la marchandisation, et cela pour un marché mondial. 

Nous avons même revendiqué le droit au travail.

Le travail peut-il être un droit ou être un moyen pour satisfaire nos besoins ?

La doctrine du fatalisme nous oriente à considérer tous les événements comme irrévocablement fixés a l’avance par une cause unique ou surnaturelle.

La science, les techniques, la numérisation dans cette conception libérale me semblent remettre en cause l’idée que nous nous faisons de la société du travail.

Certains argumentent le risque que feraient peser les robots sur l’emploi : la robotisation créerait moins d’emplois qu’il n’en détruirait.

D’autres, partisans de la robotisation, font le constat inverse : le chomage n’est pas la conséquence de la robotisation, mais est dû au retard pris par l’industrie française.

Quoi qu’il en soit, il semble nécessaire de redéfinir les tâches que peuvent être réalisées par des robots, et celles qui doivent rester humaines.

Je veux dire un monde du travail au sein d’une société de biens, de bien-être, de tolérance ou les richesses de notre terre ne seraient plus dilapidées au nom de vils intérêts.

Société où le progrès sert avant tout à l’humanité.

Société où l’être humain pourrait s’exprimer autrement que par le travail tel que nous l’entendons.

 

Comment s’est développé le monde du travail

Pendant longtemps, le travail n’a pas été un bloc monolithique séparé des autres dimensions symbolique et religieuse, politique et culturelle, du monde social.

Il ne fondait pas l’ordre social.

La valeur « travail » était inconnue dans les sociétés primitives.

Leur travail se bornait à des besoins tels que la faim, la soif, la sécurité, la protection contre les intempéries.

À cette époque, l’idée de besoins illimités est inexistante, la logique d’accumulation et de production également.

 

L’invention de l’agriculture et de l’élevage va changer beaucoup de comportements. Le surplus de subsistance rend possible la sédentarisation.

Cette sédentarisation amène la délimitation du territoire, et la société privée.

C’est le terreau où vont se développer les métiers, le commerce, l’invention de l’écriture, le calcul, en clair la civilisation, qui dans un premier temps passe par le troc.

 

Apparaît alors le médium d’échange, de tout ce qui est rare et facilement transportable. 

Plus tard, « les papiers avec la précieuse signatures » sont le début de l’illusion, le médium devenant une richesse en soi alors que c’est le travail qui est source de richesse.

Avec l’invention du chef, ainsi que la division des tâches, l’autorité se réserve le rôle de la « tête », elle s’approprie la conception et de conception et de décisions. Les subordonnés sont réduits aux rôles d’exécution. 

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la durée du travail a baissé d’un quart, soit 480 heures ou l’équivalent de 60 journées  de huit heures.

De l’après-guerre au milieu des années 1960, la durée annuelle du temps de travail est restée stable. Il a diminué ensuite fortement jusqu’au début 2000, avec une pause fin des années 1980. Depuis 10 ans, le mouvement s’est arrêté.

 

Le passage à 39 heures en 1982 et à 35 heures en 2000 a constitué deux moments clé.

L’Insee estime que les lois de Robien et Aubry (1988 et 2000) ont réduit le temps de travail d’une centaine d’heures en moyenne. De 1950 à 2006, la durée hebdomadaire est passée de 45 heures à 36 heures selon l’Insee, ce qui représente bon an mal an une journée en moins.

Il nous faut prendre en compte le temps partiel, qui constitue une forme de réduction du temps de travail.

Donc cette question qui me taraude : « À quoi a servi notre intelligence, celle de nos générations passée ? »

Qu’est-ce que l’intelligence ?

Je me conterai de citer le Dr Howard Gardner de l’université Harvard qui développe un autre concept de l’intelligence.

Au lieu de voir « l’intelligence humaine » en terme de score à un test standardisé, le Dr Gadner  développe la théorie d’intelligences multiples définies comme suit :

  • la capacité de résoudre les problèmes que chacun rencontre dans la vraie vie
  • la capacité de générer de nouveaux problèmes et de les résoudre
  • la capacité de réaliser quelque chose ou d’offrir un service qui en vaut la peine dans la culture de celui qui le fait

En 1920, le tchèque Karel Čapek écrit une pièce, mise en scène à Prague en 1921 et jouée à New York en 1922.

C’est dans cette pièce que l’auteur utilisa pour la première fois le mot « Robot », bien que ce soit sont frère Josef qui l’ait inventé à partir du tchèque « robota » qui signifie « corvée », « rob » veut dire « esclave » en slave ancien, aujourd’hui encore « robotat » veut dire « travailler » en russe et « robotnik » signifie « ouvrier » en slovaque et en polonais.

Il semble qu’à partir de cette œuvre et de ces définitions, deux idées forces se soient formées.

  • le robot est un humanoïde et va prendre la place de l’homme.
  • les romans de science-fiction présentent des robots, comme les « transformers », aux pouvoirs surhumains.

La fascination/répulsion des robots semble donc venir du respect qu’ils inspirent pour exécuter des tâches pénibles, où se mêle de la crainte de les voir prendre le contrôle de nos vies.

Plusieurs idées peuvent alors prendre corps :

  • la crainte instinctive du métal contre la chair (l’homme), culture judéo-chrétienne.
  • la crainte sociétale : le robot va voler le travail de l’homme.
  • la crainte identitaire : le robot va dépasser nos capacités intellectuelles.

 

L’intelligence humaine développe la robotisation dans l’industrie

Notre pays est en retard, selon l’étude de monsieur Jean-Claude Heudin, directeur de l’Institut de l’internet et du multimédia, par rapport à la majorité des pays européens : avec 37 000 robots la France, est trois fois moins équipée que l’Italie (100 000) ou l’Allemagne (167 000). Il n’en reste pas moins vrai que se dresser contre la modernisation de nos industries serait absurde.

C’est en 1961 que General Motors installe le tout premier robot industriel. Il est utilisé pour extraire des pièces d’une cellule de fonderie sous pression.

Les robots sont à l’origine d’une amélioration considérable en matière de rendement et de processus.

D’autre part, ils sont très rentables pour les industriels car ils permettent de réaliser une importante économie de main-d’œuvre. Dans le contexte de production industrielle où la concurrence est très forte, ils sont devenus indispensables.

L’invasion des robots va alors soulever de sérieux problèmes. Les tâches qui sont aujourd’hui  automatisées étaient autrefois à la charge de l’homme, les robots ont donc fait disparaître certains emplois.

Même ci certaines tâches étaient pénibles et dangereuses.

Les salariés comprennent que, tôt ou tard, les robots vont finir par occuper leurs postes, et d’une certaine façon ils ont raisons.

Mais comme toute avancée technologique, la robotisation demande beaucoup d’ingénieurs qualifiés pour concevoir, maintenir, installer et renouveler les parcs robotiques. 

Dans le même temps, l’évolution, l’automatisation de la robotique ont permis l’émergence d’autres métiers, comme l’activité de surveillance, d’entretien et de conception dans le domaine industriel. 

Une question se pose alors : comment élever le niveau de qualification des salariés qui vont voir leurs emplois disparaître ?

 

Et comment enrayer cette intelligence qui pourrait remettre en cause ce système ?

L’évolution de la robotisation est fulgurante : aujourd’hui, les robots sont construits pour interagir « humainement ». Susan Aderson et son mari sont même parvenus à programmer un robot capable de prendre une décision « éthique ». 

Paul Jorion, chercheur en sciences sociales, explique comment « l’ordinatisation » des métiers va tuer — et tue déjà — l’emploi à petit feu. 

Selon une étude réalisée par deux chercheurs d’Harvard, 47 % des emplois pourront être confiés à des ordinateurs, ce taux pourrait être encore plus élevé.

Nous devons alors nous poser cette question :

À quoi servent toutes ces intelligences ?

À certains individus ou à la société toute entière ?

Doivent-elles servir à continuer à travailler plus, et avoir de plus en plus de chômeurs ou de travailleurs précaires ? Ou doivent-elles être mises au service de la société pour permettre de travailler moins, et de reconsidérer le mot « travail » comme nous l’entendons aujourd’hui ?

Ce qui distingue une époque à une autre, ce ne sont pas seulement ses technologies, mais surtout les rapports sociaux, et de ce point de vue, il me semble être à peu près dans la même situation qu’au XIXe siècle.

Je m’explique : aujourd’hui comme hier, quel que soit le poste de travail occupé par le salarié, celui-ci vend sa force de travail.

Chaque travail, indépendamment de son contenu, a un côté abstrait, il constitue une dépense  de simple énergie humaine mesurée par le temps.

La valeur d’une marchandise ne dépend pas de son utilité, ni du désir qu’elle suscite, mais de la quantité de travail indifférencié, de travail abstrait qu’elle représente. 

Que désigne « la valeur travail » ?

Le travail humain se distingue de celui de l’animal ou de la machine.

L’Homme s’investit intellectuellement, mentalement, dans la réalisation d’un produit, que ce soit pour créer des robots, une pièce de théâtre, une peinture ou toute autre chose qui sert utilement à son semblable.

Ne devons-nous pas réfléchir de l’importance que l’individu, dans la société, accorde au travail, de la façon dont celui-ci est traité et de la part que l’on accorde au travail ?

Si nous sommes remplacés par les robots, les imprimantes 3D, la numérisation, qu’allons-nous faire ?

 

Cette question posée, il nous faut tenter d’y répondre.

Travailler moins.

Il nous faut être lucides, la domination de la machine est impossible à éviter.

L’emploi tel que nous le connaissons est appelé à moins ou plus long terme à disparaître.

Se pose alors la question du revenu aux gens qui ne soit plus lié au travail.

Comment occuper ces mêmes gens ?

Un philosophe du XIXe siècle a émis l’idée que la moitié des gains engendrés par la machine soit redistribués à l’Homme.

 

Alain Boutroue, PCF 60

 

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« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)