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Mobilisation pour la relaxe des Goodyear : prise de parole de Laura Pfeiffer - Paris, 4 février 2016

Soutien et prise de parole de Laura Pfeiffer, inspectrice du travail, condamné en décembre 2015 pour avoir divulgué des documents mettant en cause Tefal. (voir l'article de l'Humanité ci-dessous)

 

 

 

L'Humanité du lundi 7 décembre 2015 • Affaire Tefal : violent retour de bâton pour les lanceurs d’alerte

Le tribunal correctionnel d’Annecy a condamné l’inspectrice du travail et un salarié, poursuivis pour avoir divulgué des documents attestant de manœuvres de Tefal pour écarter la fonctionnaire gênante. L’affaire touche indirectement à la liberté syndicale et à la liberté de la presse.

L’impensable s’est produit, vendredi à Annecy (Haute-Savoie) dans l’affaire Tefal. L’inspectrice du travail Laura Pfeiffer, et Christophe M., ancien informaticien de la société, ont été condamnés chacun à 3 500 euros d’amende avec sursis par le tribunal correctionnel de la ville, avec inscription au casier judiciaire. Ils devront également verser solidairement 1 euro de dommages et intérêts à chacune des cinq parties civiles, la société Tefal et quatre de ses dirigeants, ainsi que 2 500 euros au titre des frais de justice. L’acharnement hors normes du procureur Éric Maillaud, qui avait déclaré à l’Humanité vouloir « faire le ménage » à l’inspection du travail, a porté ses fruits même si l’affaire est loin d’être terminée. Laura Pfeiffer attend les motivations du jugement, mais devrait faire appel.

Reconnue « coupable de recel »

Si la protection des lanceurs d’alerte a fait l’objet de plusieurs lois, cette décision du tribunal montre que son effectivité est loin d’être assurée. C’est pour avoir communiqué à l’inspectrice des documents internes de la société Tefal, montrant les manœuvres de la direction pour écarter la fonctionnaire gênante, que Christophe M. est jugé coupable d’« atteinte au secret des correspondances » et d’« accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données ». De son côté, c’est pour avoir transmis ces documents aux organisations syndicales de son ministère, au moment où elle saisissait le Conseil national de l’inspection du travail (Cnit) pour dénoncer les pressions exercées sur elle par Tefal par l’entremise de son supérieur, que Laura Pfeiffer est reconnue coupable de « recel » et de « violation du secret professionnel ». La liberté syndicale est mise à mal, mais aussi la liberté de la presse, puisque indirectement, c’est la révélation de ces documents dans l’Humanité, le 12 décembre 2013, qui est reprochée aux deux condamnés. Lors de l’audience à Annecy, le 16 octobre, le procureur avait réclamé à l’encontre de la fonctionnaire une amende de 5 000 euros, éventuellement assortie d’un sursis et d’une dispense d’inscription au casier, et une « amende symbolique » pour l’informaticien, au motif qu’il avait déjà « payé » puisque licencié par Tefal. Le tribunal a préféré leur infliger les mêmes peines.

Un signal délétère

Choquant pour les deux lanceurs d’alerte, le jugement a suscité vendredi une vague d’indignation dans les rangs syndicaux. L’intersyndicale CGT-CNT-FO-SNU-SUD du ministère du Travail a dénoncé un « jugement honteux » condamnant « une inspectrice du travail pour n’avoir fait que son travail » et « un lanceur d’alerte pour avoir joué le rôle essentiel d’aiguillon ». La confédération CGT ainsi que Solidaires ont fustigé une « condamnation scandaleuse ». Au-delà de la situation des deux condamnés, le jugement envoie un signal délétère pour toute l’inspection du travail, institution chargée de faire appliquer un Code du travail attaqué de toutes parts : « Cette affaire montre aux employeurs que s’ils font pression contre un inspecteur, avec tous les leviers possibles y compris celui de la hiérarchie, au final ils gagnent, déplore Gilles Gourc, inspecteur du travail CNT. Cela aura forcément aussi un effet d’autocensure sur les collègues dans leurs interventions. » Signal, aussi, aux salariés et aux syndicalistes. À l’usine Tefal de Rumilly, près d’Annecy, d’où est partie toute l’affaire, le délégué syndical FO Jean-Claude Petit accuse le coup : « Cette condamnation signifie qu’on veut nous réduire au silence, que même les inspecteurs du travail ne peuvent plus rien faire pour nous. On remet tout le monde “dans le droit chemin”. »

 

L’inscription au casier judiciaire peut entraîner une procédure disciplinaire pour Laura Pfeiffer, mais dès vendredi, la ministre du Travail, Myriam El Khomri, a assuré aux syndicats que la fonctionnaire ne serait pas inquiétée, et que les sommes à payer seraient prises en charge par l’administration au titre de la « protection fonctionnelle ». Une volonté d’apaisement, qui se traduit aussi par une rencontre prévue le 16 décembre entre le directeur général du travail Yves Struillou et l’inspectrice du travail, à Lyon. La situation est complexe puisque outre le procès-verbal pour « obstacle » dressé contre Tefal – sur lequel on attend la décision du procureur Éric Maillaud –, Laura Pfeiffer a porté plainte pour harcèlement contre son supérieur hiérarchique, et demandé la reconnaissance de ses arrêts de travail en accident de service, ce qui lui a été refusé par le ministère, d’où une procédure devant le tribunal administratif.

 

Laura Pfeiffer, inspectrice du travail

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