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Mouvement social et mémoire ouvrière : le Maitron et Jean-Pierre Besse - Creil, 14 décembre 2013

Claude Pennetier, chercheur au CNRS et directeur du Maitron, était présent le samedi 14 décembre 2013 à Creil pour présenter la conférence « Jean-Pierre Besse et le Maitron ». Cette initiative se faisait en partenariat avec l’Association pour la mémoire ouvrière et industrielle (AMOI) du Bassin creillois.

Étaient présents plusieurs communistes de l’Oise, dont Caroline Besse-Priem, nièce de Jean-Pierre ; Jean Pitkévitch, membre de l’AMOI ; Alain Blanchard, vice-président du conseil général et tête de liste à Saint-Leu-d'Esserent pour les Municipales 2014 ; Yvette Cesbron, tête de liste à Creil pour les Municipales 2014 (liste Creil, solidaire et rebelle) ; Martine, Françoise, Claude. Sans oublier Maurice Bambier dont la biographie issue du Maitron a été projetée de longues minutes.

 

Claude Pennetier nous a présenté l’histoire et les particularités du Maitron, ensemble de dictionnaires biographiques du mouvement ouvrier et mouvement social.

 

Le mouvement ouvrier est le grand mouvement social des sociétés industrielles

 

L’histoire de ce mouvement social fait appel aux mémoires des lieux, des événements et des hommes et des femmes. Les différences selon les lieux et les métiers concernés par l’implantation de ces mouvements sociaux entraînent une grande variété de situations.

 

Le Maitron, ensemble de dictionnaires de biographies, a dû se faire une place

 

Le Maitron a plusieurs dimensions : culturelle et scientifique mais aussi militante. Jean Maitron, fondateur du trimestriel Le Mouvement social, a envisagé ce qui allait devenir le Maitron comme un dictionnaire où l’on trouverait les biographies des militants connus mais aussi surtout des obscurs, de ceux qui ont lutté dans l’ombre. Il fallait faire sa place entre les « grandes figures » mises en avant par le PCF (Maurice Thorez, Gabriel Péri, Pierre Semard…) et l’École des Annales qui réfléchissaient en termes d’évolution des idées, de progrès, de catégories sociales, mais pas d’individus.

 

Le Maitron recense tous les hommes et les femmes qui, à un moment de leur vie, ont participé au mouvement ouvrier en France. Peu importent leur parcours de vie, les reniements ou trahisons de certains. Peu importe également la nationalité : leur activité sur le territoire français suffit à les intégrer dans l’histoire du mouvement social français. Par contre, ceux qui n’ont pas eu d’activités en France ne sont pas retenus (exemple de certains anarchistes espagnols présents sur notre territoire).

 

Le Maitron est le résultat d'un travail d'historiens

 

Le style est sobre (pas d’hagiographie), le temps est au passé. Cette rigueur d’écriture n’empêche pas la capacité d’imagination qui émane de ces pages, comme le montre l’utilisation qu’en font des écrivains comme Didier Daeninckx.

 

Chaque biographie est perçue comme faisant partie d’un écosystème, avec la présence des idées réformistes, révolutionnaires, libertaires, catholiques…

 

Le Maitron (93 tomes à ce jour) se présente selon cinq périodes :

  • 1789-1863 (veille de la création de la Première International)
  • 1864-1870 (proclamation de la IIIe République)
  • 1871-1914
  • 1914-1939
  • 1940-1968

et d’autres dictionnaires sont disponibles :

  • Anarchistes
  • Belgique
  • Cheminots
  • Enseignants
  • Fusillés et exécutés
  • Gaziers-électriciens
  • Grande-Bretagne et Irlande
  • Komintern
    • des dictionnaires sur les autres Internationales seraient intéressants, mais difficiles à réaliser car ne bénéficiant pas des ressources des archives de Moscou.
  • Val-de-Marne

Voir la page du Maitron sur le site Dailymotion (vidéos)

Le Maitro​n, unique ?

 

Le Maitron n’a pas d’équivalent en Europe. En Italie, il existe un dictionnaire biographique mettant en avant les communistes. Aux Pays-Bas, il est connoté syndicat. En Allemagne, la séparation Est-Ouest a sans doute empêché la réalisation d’un ouvrage de ce type, comme les différences régionales (catalan, andalou, castillan…) en Espagne. La Pologne avait initié un tel ouvrage, mais il n’y a pas aujourd’hui de relève. L’Amérique latine est actuellement très intéressée, comme l’atteste la présence de thésards issus de cette zone géographique dans les équipes françaises mais cela ne s’est pas encore concrétisé par la parution d’un dictionnaire.

 

L'esprit du Maitron

 

Les historiens du Maitron doivent avoir l’esprit du Maitron, ils sont universitaires mais pas seulement : pour le Dictionnaire des cheminots, trois personnes issues de la CGT, FO, CFDT se sont attelées avec bonheur à la tâche.

 

Les femmes

 

Dans le Maitron, les femmes ne représentent que 6 % des biographies recensées : pourcentage révélateur d’un mouvement social fortement masculinisé mais, aujourd’hui encore, d'une mise en retrait de leur fait. Ainsi, les femmes pourtant actives disent souvent « Moi, je ne fais rien d’extraordinaire, voyez plutôt avec mon mari. » Les responsables du Maitron sont attentifs à ces réactions et essayent de les enrayer en relançant spécifiquement les femmes comme cela a été fait pour le Dictionnaire sur les PTT.

 

Scolarité et structure du mouvement social

 

Une autre constatation porte sur la scolarité : les militants dans l’encadrement syndical ou politique avaient souvent leur certificat d’études, avec une ou deux années complémentaires parfois. Ce sont des ouvriers qui ont refusé de « franchir la frontière ». Généralement pour des raisons de comportement (ne pas être obligé d’adopter les « bonnes manières », pouvoir garder sa liberté de ton) ou de représentation personnelle (l’ouvrier, c’est le « vrai homme », l’« homme fort », contrairement à l’homme en costume). Les femmes, avec un niveau technique un peu supérieur aux hommes, typiquement secrétaires, s’occupaient de l’écrit. 

 

Des Creillois dans le Maitron

 

Des Creillois ont été cités, comme Klemczynski qui a créé la Bourse du travail à Creil ou bien Berthe Fouchère sur dontl’historienne Colette Avrane fait la biographie, travail qui débouchera sur l’édition d’un livre l’année prochaine.

 

Jean-Pierre Besse

 

Cette conférence n’était pas dédiée à Jean-Pierre Besse, avec qui Claude Pennetier a travaillé une vingtaine d’années, co-signant notamment l'ouvrage Juin 1940, la négociation secrète sur les tractations entre les communistes et l’occupant nazi, mais son travail a servi de fil conducteur à la conférence. Jean-Pierre Besse a travaillé à l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP) où il a établi notamment 1 000 biographies, qui allaient devenir le Dictionnaire des fusillés et exécutés. Il était un historien social. Engagé politiquement, il n’était pas au service d’une mémoire (gaulliste, communiste…). Il se méfiait de la mémoire qui arrange la réalité, sans toutefois tomber dans les travers de l’IHTP qui peut transformer ses enquêtes en véritables interrogatoires, mettant en cause par exemple Raymond Aubrac. L’historien doit faire preuve de rigueur mais aussi d’humanité.

 

Voir la page internet réalisée à l'annonce du décès prématuré de Jean-Pierre Besse

 

Introduction au Maitron (intervention faite lors d'une autre initiative)

 

Mouvement social et mémoire ouvrière : le Maitron et Jean-Pierre Besse - Creil, 14 décembre 2013

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« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)