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Francis Wurtz « Un combat pour une nouvelle civilisation » - Saint-Maximin, 16 mai 2013

Après la visite le mois précédent du porte-parole du PCF Olivier Dartigolles, c'est au tour du député européen honoraire Francis Wurtz d'être accueilli par la ville de Saint-Maximin et son maire Serge Macudzinski. Francis a présenté devant une salle comble (60 personnes), les pistes, au niveau de la France et de l'Europe, pour sortir du statu quo actuel qui n'est plus tenable, ce dernier faisant passer la finance d'abord et l'humain par la fenêtre ou par la porte, selon l'expression de l'ancien PDG d'Orange.

Lien vers le blog de Francis Wurtz

 

Fin connaisseur des rouages des institutions européennes mais aussi des questions internationales, secteur dont il a été responsable au PCF, il salue tout d'abord les camarades qui étaient présents avec lui à la Conférence internationale pour la libération et la dignité des prisonniers politiques palestiniens fin avril à Ramallah. Il rappele aussi la volonté de lancer une grande campagne internationale en faveur de la libération du député Marwan Bargouthi, enfermé dans les geôles israéliennes depuis 2002, comme celle qui avait pesé pour la libération de Nelson Mandela en son temps.

 

Après avoir présenté quelques exemples de « réalités inacceptables » - les 1 127 ouvriers du textile tués dans l'effondrement de l'immeuble abritant leurs ateliers au Banglasdesh ; le rapport de l'OMS chiffrant à 2,4 milliards les personnes qui n'auront toujours pas à l'eau potable en 2015, soit un tiers des humains ; les un million d'hectares de terres agricoles en Roumanie accaparées par les multinationales touchant des aides de la PAC, qui favorise les grandes exploitations - Francis rappelle notre rôle : « le combat pour une nouvelle civilisation ».

 

 

Quel bilan faire après une année de présidence Hollande ?

 

Concernant l'Europe, il tire  « un bilan extrêmement négatif »

Il y a tout d'abord eu la ratification du traité budgétaire que le président s'était engagé à renégocier. En dépit d'une situation favorable pour remettre en cause ce traité - la défaite de Sarkozy qui le portait, la sensibilité des citoyens français aux questions européennes comme l'a montré la campagne de 2005 sur la Constitution européenne - et d'une possibilité de « laisser le débat se faire » au sein de la société, Hollande a la responsabilité d'avoir laissé échapper la possibilité « d'ouvrir une dynamique démocratique », partant de notre pays et s'adressant aux peuples européens, à la Confédération européenne des syndicats etc. : « Quel traité voulez-vous ? » Il a préféré « convaincre Bruxelles que nous sommes sérieux », validant notamment le « chiffre magique » du 3 %, seuil que ne doit pas dépasser le déficit budgétaire de l'État, par rapport à son PIB. Francis note aussi que les députés européens PS votent les directives de la Commission européenne allant dans le sens du traité : les socialistes montrent une cohérence à tous les niveaux.

Il dénonce le manque de solidarité de notre pays avec les pays européens victimes de la Troika (FMI, Commission européenne, Banque centrale européenne) et s'offusque du comportement « pas très digne, plutôt honteux » du soutien apporté par le gouvernement français actuel à la première version du plan imposé à Chypre, spoliant les petits épargnants chypriotes, plan qui fut rejeté à l'unanimité par le parlement chypriote !

 

Et que dire du comportement de l'État français par rapport à la finance ? Il s'agit simplement de « rassurer les marchés financiers », de les amadouer quand on a déclaré vouloir les combattre un soir pas si lointain de campagne présidentielle au Bourget. Les cadeaux à la finance pleuvent : en plus des 40 milliards d'euros d'exonération de cotisations sociales inscrites au budget, 20 milliards ont été ajoutés par l'intermédiaire du crédit d'impôt, dans la logique mortifère de la compétitivité. Moscovici parle de « révolution copernicienne pour la gauche ».

La logique est la baisse du « coût » du travail, la compétitivité, la fluidité du marche du travail : l'ANI écrit par le Medef est porté par le gouvernement, l'amnistie des syndicalistes n'est pas à l'ordre du jour… Pour compenser ces cadeaux à la finance, l'État fait des économies sur ses dépenses publiques et donc sur les services publics au service de toute la population, décide de vendre une partie des participations qu'il détient dans les entreprises - refusant ainsi toute action de peser sur l'orientation de la production. Le peuple trinque : hausse des impôts, dont le plus injuste qui est la TVA, nouvelle réforme des retraites en vue…

 

Et tout ça pour quel résultat ? Des records, oui, mais en termes de chômage, de baisse du pouvoir d'achat, de récession !

« Que faire et comment faire pour construire un rapport de force et peser ? », demande Francis. Il propose d'agir selon trois dimensions, indissociables et simultanées, une méthode des « 3 R ».

 

 

Refuser, rassembler, reconstruire

 

La première dimension, « refuser », se décline sous la formule scandée dans les meetings ou les manifestations « Résistance ». Elle s'est traduite le 5 mai dernier lors du succès de la marche citoyenne pour une VIe République à Paris. La marche citoyenne et populaire à Amiens le 1er juin est dans cette logique et sa réussite est importante. Francis note que nous sommes la seule force politique en France capable de rassembler « sur un objectif global » de société, et pas en réaction sur tel ou tel sujet particulier.

 

« Rassembler », c'est la stratégie du PCF qui « travaille à des convergences, des rapprochements » sur des thèmes particuliers avec d'autres forces - politique, sociales… - pour créer « un rapport de force populaire ». Les Assises de la rénovation sociale et démocratique, dont la première étape se déroulera le 16 juin prochain, vont dans ce sens, avec une participation large de partis politiques, d'associations… Pierre Laurent propose d'y coélaborer un « nouveau contrat politique ».

Il faut « trouver la façon de s'adresser à ce peuple de gauche qui aspirait au changement il y a un an et qui le souhaite aujourd'hui encore, pour être entendu par lui ».

 

Enfin, nous voulons « reconstruire ». Voici quelques idées forces, « banales mais essentielles ».

 

  • Non à l'austérité, priorité au développement social et à la transition écologiqu​e

​Il faut choisir : passer sous les fourches caudines de la finance ou faire le choix des salaires, de la sécurisation de l'emploi… 12 % de chômage dans la zone euro, 1 Européen sur 4 en situation de pauvreté : on continue ?

 

  • l'économie et la finance au service du développement so​cial et économique

La gestion des entreprises doit s'orienter vers la création de richesses répondant aux besoins sociaux durables. Le secrétaire général de l'OCDE a déclaré que dans le contexte actuel, les entreprises privilégiaient le versement de dividendes à l'investissement. De même, le stock de prêts des banques françaises concerne pour 78 % des opérations sur les marchés financiers, et seulement 22 % vont à l'économie réelle, « ce n'est plus possible ».

Face à ce constat, il faut mettre en œuvre une vraie réforme fiscale, créer un pôle public financier et Francis insiste sur « la » mesure à porter : changer la mission et les statuts de la Banque centrale européenne (BCE), qui a « le pouvoir magique de créer de l'argent ». Ainsi, entre novembre 2011 et février 2012, 1 000 milliards ont été prêtés aux banques européennes au taux de 1 % seulement, mais sans aucune condition ! La BCE, avec un contrôle démocratique, pourrait pour financer le  développement social, économique et environnemental. Pour le moment, les traités ne le permettent pas et l'Allemagne refuse : une bataille à mener !

Plusieurs leviers sur les directions d'entreprises peuvent être actionnés : modulation de la fiscalité selon la politique suivie en termes de création d'emploi, de formation, d'activités utiles ; accès au crédit par l'intermédiaire du pôle financier public à des taux d'intérêt favorables ; fin des exonérations sociales ; critères d'attribution des marchés publics non plus selon la libre concurrence, mais avec des critères de priorité sociale etc.

 

La finance n'est pas incontrôlable : la taxation des transactions financières était irréaliste, aujourd'hui 11 pays de l'UE en acceptent le principe et la Commission européenne a rédigé un texte en ce sens ; les produits financiers spéculatifs peuvent être interdits, comme l'a montré l'interdiction par l'UE en novembre 2012 des « CDS à nu » portant sur la dette des États. La chasse aux paradis fiscaux pourrait aussi être effective. Éric Bocquet, sénateur communiste rapporteur d'une commission d'enquête sur le sujet, estime l'évasion fiscale entre 60 et 80 milliards par an, fourchette basse : à rapprocher du fameux et fumeux trou de la Sécurité sociale, avec un déficit entre 10 et 15 milliards ou bien avec la somme de 52,6 milliards versée par l'État au titre de l'ensemble des prestations familiales !

Voir la source de l'Humanité du 9 avril 2013 - Évasion fiscale : « en quelques années, on pourrait résorber le déficit », nous dit Éric Bocquet

 

  • la démoc​ratie

Il faut donner du pouvoir à la démocratie représentative, avec des assemblées élues souveraines, dont les parlements, alors qu'on les déshabille (exemple du budget national devant recevoir l'aval de la Commission européenne) mais aussi à la démocratie citoyenne, par exemple avec des droits nouveaux pour les salariés dans les lieux de travail.

 

  • la paix

Il faut sortir de l'austérité, mettre fin à l'allégeance aux marchés financiers et à la centralisation des pouvoirs au sein de l'Union européenne, avec Merkel et le président de la BCE Draghi (ancien de Goldman Sachs) aux manettes. Même la droite de pays comme la Grèce ou l'Espagne veulent que ce fonctionnement change. Il faut développer l'Europe de la coopération, qui a permis le succès de projets comme Airbus ou Ariane.

 

En conclusion de son intervention,

Francis Wurtz nous dit que oui, il faudra « mener de rudes batailles, avec des ruptures et des crises ». Mais que non, « ce n'est pas une simple utopie ». En effet, la construction libérale de l'Europe est un « fiasco », et l'adhésion aveugle à l'UE de toute la classe politique de certains pays éclate : la remise en cause de sa construction est maintenant audible. Ainsi, la Confédération européenne des syndicats (CES) s'est-elle positionnée contre le traité budgétaire et elle a rencontré dernièrement Pierre Laurent, le président de la Gauche unitaire européenne (GUE). Le statu quo n'est pas possible et le risque du populisme, des idées de rejet est grand dans nos sociétés européennes - ce qui ne gênera pas la finance.

À nous de montrer les pistes alternatives pour que renaisse l'espoir au sein du peuple et que les idées universalistes s'imposent.

 

 

 

À partir des questions, ont été abordés les thèmes suivants :

  • le rassemblement et la difficulté de sa réalisation, dans une société qui fait éclater les solidarités, notamment sur les lieux de travail où les salariés se trouvent isolés face à la précarité : les cellules du PCF ont disparu et se syndiquer est compliqué. Francis dit que c'est bien pour cela que le PCF insiste sur la stratégie du rassemblement, que c'est une nécessité.
  • la sidérurgie et Florange. Francis dit que ce n'est pas une branche morte et que si on veut mener une politique de réindustrialisation il faut « se donner les moyens » et pour cela, « ne pas dépendre de la stratégie financière de Mittal ». Ce secteur industriel devrait être traité à l'échelle européenne, dans une logique de coopération, comme l'a été un projet comme Airbus, où plusieurs pays ont pu créer de l'emploi, des qualifications, un aménagement du territoire… Ceci est possible, les 2/3 des échanges des pays européens se faisant entre eux ! Il cite le rapport parlementaire d'Alain Bocquet sur l'Airbus du ferroviaire, un train développé à l'échelle européenne

Concernant Florange, il cite le qualificatif de « canard boiteux » utilisé par le président de la Banque publique d'investissement. Contrairement à ce dernier, nous pensons qu'il faut aider les salariés menacés de licenciement et trouver des solutions, pas les laisser se débrouiller seuls ! 

 

  • l'évolution du discours dans les institutions européennes concernant l'austérité et le besoin de social, comme a pu en témoigner Marie-France Boutroue, présente la veille lors d'une réunion au Parlement européen avec la Fédération européenne des retraités et des personnes âgées (Ferpa), concernant l'autonomie. Des parlementaires européens ont demandé une Europe plus sociale et le commissaire chargé de l'emploi, des affaires sociales et de l'intégration Andor a dit qu'il apporterait son aide. Francis Wurtz a des doutes sur la sincérité de toutes ces paroles, mais il est positif de constater que le discours de l'austérité n'est plus tenable. À quand les actes ?
  • la CES programme une série d'initiatives à l'échelle européenne contre l'austérité dans la semaine du 7 au 14 juin. Francis y voit un signe « très positif », car cette confédération rassemble des syndicats de sensibilités diverses : un grand mouvement ouvrier à l'échelle européenne se met en place, premier stade indispensable pour le changement.

Voir la page internet de la CES - Les citoyens et les travailleurs européens ont besoin d'une dimension sociale forte

 

  • la sortie de l'Europe a également été posée. Francis Wurtz y voit une fausse solution : les marchés financiers se délecteraient de la guerre économique entre les États, avec la possibilité de nouvelles spéculations. Il faut de la coopération ! Le problème n'est pas l'Europe, mais sa construction libérale et la main-mise de la finance.
  • le délitement des familles face au chômage d'un des parents.
  • les politiques « tous pourris », avec l'abstention ou le vote FN qui peuvent en découler.
  • le référendum municipal, soit l'utilisation du bulletin de vote pour dire que le citoyen existe et qu'il veut se faire entendre.

 

Nouvelle belle soirée de réflexions qui, en dépit du chemin à parcourir, a montré que des opportunités se font jour devant l'échec des politiques austéritaires menées, à condition de créer les conditions du rassemblement et de l'écoute des solutions alternatives que nous portons, les seules qui s'attaquent au fond du problème : la toute-puissance laissée à la finance.

 

Nous vous donnons rendez-vous dès le samedi 1er juin à Amiens pour une marche citoyenne dont le mot d'ordre est « La finance dehors, l'humain d'abord ! » et un meeting. Suivra le week-end suivant la Fête de la Paix avec ses deux débats politiques, un sur les expériences politiques en Amérique latine, le second sur le changement de cap nécessaire à la politique menée en France. Et également, la marche des femmes contre l'austérité le 9 juin : elles sont en effet en première ligne, notamment par les conditions de travail subies. Puis le 16 juin, les Assises de la rénovation sociale et démocratique.

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« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)