Fédération de l'Oise

Fédération de l'Oise
Accueil
 
 
 
 

Bernard Lamirand-L'industrie française : déclin ou relance, débattons-en ! - 21 novembre 2012

 

L'INDUSTRIE EN DÉBAT À LILLE AVEC LE PCF (lien vers le blog de Bernard)

 

L’INDUSTRIE FRANÇAISE : DECLIN OU RELANCE, DÉBATTONS-EN !

                          Par Bernard LAMIRAND

 

Un des principaux facteurs du recul de l’industrie française est bien le culte de l’argent roi par la financiarisation de l’économie.

C’est par cette financiarisation de l’économie et la recherche de la rente la plus élevée possible que l’outil de travail industriel a été démoli en France et plus largement en Europe.

Dans quelques jours va se tenir à Lille un grand débat du Parti communiste français sur le devenir de notre industrie.

Je veux y apporter ma contribution.

Jeune militant syndicaliste à la CGT et communiste à Usinor Dunkerque dans les années 1960, j’ai vu se développer l’industrie française, le développement de l’emploi y était la principale composante et le chômage était peu élevé ; la jeunesse des années d’après guerre rentrait dans ce monde du travail et affichait ses besoins d’une autre vie que celle de la restriction des années de la guerre et de l’après guerre.

Le boum démographique venait à maturité et produisait des besoins nouveaux notamment d’avoir un logement décent, que l’on soit propriétaire ou locataire, d’avoir droit à des choses que seuls auparavant les riches possédaient : machine à laver, télévision, frigidaire etc. et chacun voulait un salaire qui s’élève en fonction de ses besoins à satisfaire pour mieux vivre avec sa famille jusqu’à l’automobile populaire devenue une exigence pour se déplacer et travailler dans ces grandes usines.

J’ai vu mon usine surgir de cette plaine du littoral dunkerquois et des milliers d’hommes et de femmes y être embauchés venant de tous les horizons et pays.

Il fallait de l’acier pour construire des bateaux, des avions, des automobiles, des ponts, des chemins de fer et d’autres industries pour répondre à tous ces besoins qui s’exprimaient vivement.

Il fallait aussi de nouvelles machines plus puissantes : des machines outils, des ordinateurs, des machines nouvelles pour produire de l’acier, pour tisser, pour l’agriculture etc.

L’économie tendait, par la force de l’arrivée de ces nouvelles générations, à devoir satisfaire ces besoins et les luttes allaient crescendo dans toutes les entreprises et j’en sais quelque chose à Usinor Dunkerque où cette jeunesse entrait plusieurs fois par an dans des luttes dures pour conquérir de nouveaux droits sociaux, des salaires décents, un temps de travail inférieur pour le travail en continu, et pour que soient reconnues les compétences professionnelles et que le salaire corresponde à celles-ci.

Il était évident que ces luttes niaient le taux de profit et exaspéraient les maîtres des forges comme elles devaient aussi exaspérer ces patrons du Nord du textile devant les revendications ouvrières.

Nous avons atteint le maximum avec ce que l’on a appelé les événements de mai-juin 1968, l’occupation des usines et notamment celles de la métallurgie a été forte et le patronat a dû céder et augmenter considérablement les salaires et reconnaître aux travailleurs de nouveaux droits qui mettaient en cause incontestablement le taux de profit tel qu’il était à l’époque : insuffisant aux dires des maitres des forges et des puissants patrons du textile qui mettaient en avant déjà le coût du travail et les charges de la Sécurité sociale.

Nous avions aussi acquis de nouvelles conventions collectives après 1968 et je me souviens que dans  mon usine, malgré les grèves longues, les records de production d’acier étaient battus chaque année et les maîtres des forges retiraient quand même des dividendes conséquents.

Oui, le rapport de force était pour le travail et le capital était sur la défensive.

Cela a commencé à changer dans les années 1975 où les premiers signes apparaissent de la part des patrons de casser ce modèle de croissance et de casser le prix de la force de travail.

Ils ont commencé à détruire les industries majeures de notre pays sous prétexte que les outils de production étaient en surcapacité et en même temps se développaient des politiques de plus en plus autoritaires dans les entreprises pour mettre en difficulté le syndicalisme. Les installations dites en surcapacité se démolissaient subrepticement par une idéologie libérale, du marché de l’acier saturé, du chacun pour soi ;  et nous n’avions certainement pas pris avec suffisamment d’attention le travail de sape idéologique d’intégration que faisaient ces nouvelles directions qui travaillaient les concepts d’objectifs à tenir et qui amenaient les travailleurs à définir leur propre exploitation et au bout leur licenciement et la fermeture d’installations.

L’arrivée de nouvelles technologies de la révolution informationnelle posait aussi des questions sur l’organisation du travail et les effectifs et nous avons vu dans ma propre entreprise se multiplier la sous-traitance et des secteurs entiers disparaître de l’effectif de l’usine mais être repris par des négriers des temps modernes avec la disparition du syndicalisme car l’entreprise s’arrangeait pour créer des petites entreprises avec une sélection du personnel  en évitant la présence du mouvement syndical.

En cela, elle détruisait les racines du rapport de force de ces 2 500 syndiqués en cassant les collectifs de travail existants.

L’autre idée développée était la concurrence internationale et nous n’avons pas toujours vu et su que derrière ces mots se cachait l’objectif d’abaisser ce qu’ils appellent toujours le coût du travail soit en imposant des travailleurs en précarité, venant parfois d’ailleurs et je me souviens toujours de ces travailleurs turcs débarquant la nuit dans l’usine pour aller nettoyer les endroits les plus dangereux des hauts fourneaux et des aciéries et repartir avec une enveloppe dés les travaux finis.

Il y avait aussi l’idée de transfert des installations là où le travailleur produirait au moindre coût dans des pays étrangers et c’est ce qu’ont fait ces patrons du textile et d’autres par la suite.

Oui ce déclin de l’industrie a été patiemment réalisé par ceux qui, hier comme aujourd’hui, nous abreuvent de leur littérature de la productivité et de l’abaissement des charges.

Le sinistre de l’industrie française s’est construit sous ces discours du libéralisme et de la recherche du profit maximum et donc de trouver celui-ci « en dormant » comme le disait l’ancien président de la République Mitterrand qui, d’ailleurs, a lui aussi prêté la main aux déménagements des productions et à la destruction de notre potentiel industriel.

La seule voix qui s’élevait était celle de la CGT et sur le plan politique le Parti communiste qui défendait à juste raison le devenir de l’industrie française par « le produire français » qui s’établissait avec l’idée de coopération avec d’autres pays pour le développement et la réponse aux besoins.

Notre industrie a été détruite (même si elle conserve encore quelques fleurons comme l’aéronautique, la matériel ferroviaire) par ce capital avide d’avoir des profits juteux et nous pourrions dresser une longue liste de ses méfaits.

Ce n’est pas le but de cette article.

Le déclin aujourd’hui peut-être battu en brèche : il s’agit de réinventer une vraie politique industrielle et de satisfaire les besoins d’aujourd’hui et ils sont nombreux dans une population en voie d’appauvrissement et une jeunesse beaucoup plus formée que celle d’hier et qui possède un potentiel inutilisé et en chômage.

Je prends l’exemple de la sidérurgie : elle a été laissée pour compte comme une industrie dépassée, elle a été abandonnée par les maîtres des forges qui ont placé leurs capitaux dans la finance comme l’a fait Sellière, ancien président du Medef et patron de Marine de Wendel. Elle a été ensuite vendue à un aventurier hindou Mittal qui s’est servi dans les caisses en s’octroyant des profits immenses pour lui et sa famille ; elle a été abandonnée par l’Europe dont c’est pourtant l’acte de naissance avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier ; elle a été laissée pour compte par l’état qu’il soit socialiste sous Mitterrand et puis sous Chirac et Sarkozy qui ont détruit ce qui restait de la sidérurgie lorraine.

Il faut que cette industrie se reconstitue sur tout le territoire français mais aussi européen car nous avons besoin des aciers nouveaux qui seront nécessaires par exemple pour la transition écologique mais aussi pour toutes les nouvelles installations que nous aurons à faire si nous voulons réindustrialiser la France.

La remise de cette industrie aux mains des travailleurs s’avère indispensable.

On a aussi des productions qui sont disparues dans des industries comme l’électronique devenue chasse gardée des pays asiatiques où encore de la main-mise américaine sur le plan de la communication qu’elle soit par ordinateur ou autres.

Définissons un plan de reconquête.

Ce qui se passe actuellement pour l’automobile est plus qu’inquiétant : les groupes Renault et Peugeot délocalisent les productions automobiles par la mise en concurrence des travailleurs en profitant de pays où le coût de la main d’œuvre est très bas.

Arrêtons la casse de nos productions automobiles en France : faisons en sorte que les pouvoirs publics, qu’ils soient nationaux ou régionaux, aient le droit de veto sur tous départs de production pour cause de main d’œuvre moins chère.

Cela montre aussi que l’on ne pourra redresser notre industrie sans obliger l’Europe à pratiquer une politique sociale de progrès et surtout pas par l’alignement par le bas des droits actuels des salariés européens et cela vaut aussi pour les coopérations avec les pays en voie de développement ou émergents.

Cela marque d’ailleurs l’idée d’un tous ensemble social des salariés du monde «  travailleurs de tous pays, unissons-nous » face à la tentation de s’enfermer dans les frontières nationales et de mettre de la haine entre travailleurs comme le fait le Front national dans sa stratégie d’un produire français en vase clos raciste et xénophobe.

Oui, notre industrie doit reprendre de la vigueur, pour cela il faut mettre fin à ces coûts du capital qui la sape et la détruise depuis plus d’une trentaine d’années.

Il faudra que la pression des travailleurs se révèle pour changer le cours des choses mal engagé par ce gouvernement actuel qui cède devant les forces de l’argent et son acquiescement que le travail est un coût qu’il faut réduire ne peut qu’entraîner qu’à une nouvelle saignée de notre industrie.

Oui, on peut sortir du déclin mais la reprise industrielle ne sera possible que par la mobilisation de tous ceux qui souffrent de l’exploitation capitaliste, actuellement, qu’elle soit par l’entremise des délocalisations pour faire davantage de profits, qu’elle soit par la mise en concurrence effrénée des salariés du monde entier, qu’elle soit par une financiarisation qui asphyxie toute possibilité de relance et de croissance.

L’heure n’est plus, non plus, à chercher la solution du moindre mal par l’accompagnement social des plans de licenciements mais bien par des luttes partout pour s’y opposer et par des reconquêtes de production.

En 1945, Ambroise Croizat, ministre du travail communiste a eu le courage de proposer une première incursion dans l’économie par la mise en place des comités d’entreprises et le droit de consultation sur ce qui était une chasse gardée patronale : le droit d’expertise et le droit d’être consulté sur les décisions économiques et industrielles de l’entreprise.

Aujourd’hui, il faut pousser plus loin les choses et faire en sorte que le Comité d’entreprise ait le droit de décision sur l’avenir des productions et des installations et de s’opposer à tout licenciement boursier ou pour cause de mise en concurrence de salariés par le dumping social.

Le débat sur le devenir industriel organisé par le Parti communiste français sera certainement un acte important pour la reconquête industrielle et pour des coopérations avantageuses entre les pays et les travailleurs.

Travailleurs de tous pays, unissons-nous pour le bien être ; il y a de la place pour tout le monde mais surtout pas pour le profit de quelques multinationales industrielles et financières.

Alors dans chaque lieu de travail, discutons de notre devenir et du devenir de nos entreprises : ne laissons pas cela à quelques financiers d’où qu’ils viennent.

L’action du Parti communiste français dans les entreprises doit redevenir une des composantes essentielles du travail politique pour retrouver une industrie d’avenir créant des richesses et des emplois.

 

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.

 

le 23 novembre 2012

A voir aussi



 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)