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Bernard Lamirand-Salaires ou dividendes ? - 28 novembre 2011

Réflexions de Bernard Lamirand, section de Montataire

Cet article se veut dans le droit fil des répliques à apporter face à l’offensive du capital visant à mettre partout en place l’austérité totale.

Le capital (il faut dire son nom et en finir avec les expressions comme les marchés, les agences de notation qui ne sont que certains de ses outils) abaisse le prix de la force de travail afin de redonner de la vitalité à ses profits.

Peu lui importe, si derrière lui, un champ de ruine sociale s’établit.

C’est ce qui se passe en Grèce et maintenant dans la plupart des pays européens où le prix de la force de travail se réduit comme une peau de chagrin.

Les constructions sociales de la Libération sont démolies systématiquement pour faire place nette à la gabegie financière.

Les politiques d’austérité qui se succèdent depuis les années 70, accélérées par les plans de rigueur, notamment en 1982 avec le Parti socialiste et Mitterrand, puis toutes les crises financières jusqu’à cette crise systémique de 2009, durable, qui montre l’inutilité criante du capitalisme comme solution sociétale contemporaine, on peut se rendre compte que le capital a considérablement touché au prix de la force de travail, au salaire direct comme au salaire socialisé pour accumuler toujours plus de capitaux et les plonger dans le trou noir de la spéculation et de la dévalorisation.

Je ne balancerai pas de chiffres à ce sujet mais simplement de montrer cet abaissement du prix de la force de travail auquel le capital a procédé sans recueillir les ripostes de masses nécessaires à cause d’un monde syndical divisé et en partie à sa botte (voir alliance social-libéral et syndicalisme de collaboration de classe).

Il nous faudrait, en ce moment, une unité syndicale à la hauteur de la bataille à mener, salaires contre dividendes.

Un combat de classes, ne dissimulons pas cette nécessité incontournable.

Les premières grandes atteintes se sont déroulées lors de la mise en place de la précarité de l’emploi dans les entreprises et le temps de travail parcellisé du fait des nouveaux moyens mis à la disposition du capital, notamment l’utilisation négative de la révolution informationnelle pour organiser le travail à une autre échelle et économiser de la main-d’œuvre renvoyée dans l’armée de réserve qu’a si bien décrit Karl Marx.

Dans le même temps disparaissait l’autorisation administrative de licenciement de l’inspection du travail et donc l’arrivée des licenciements boursiers.

Nous avons assisté à une substitution d’emplois à contrat à durée indéterminée par la venue de salariés embauchés dans des contrats à durée déterminée.

Une sorte d’armée de précaires que les patrons recrutent selon leurs besoins, besoins qui fluctuent selon les accès de fièvre et de crise du capital (voir les débauchages massifs de MO salariée précaire dans cette crise).

Tous ces contrats incertains entrent en concurrence avec ceux des salariés conventionnés, avec grille de salaires, reconnaissance de la qualification, ancienneté manquante etc.

Les salariés sont alors embauchés avec des rémunérations minimales et la durée de leur contrat fait en sorte qu’ils ne peuvent plus avoir un parcours salarial avec évolution au fur et à mesure de leur ancienneté et de leur expérience.

Regardons autour de nous ces jeunes précaires, ils ont des salaires de misère.

Ces contrats, naguère tenus par des salariés non qualifiés, le sont aujourd’hui en très grand nombre par des salariés intérimaires formés et non reconnus.

Dans cet attirail, pour réduire le prix de la force de travail, d’autres outils sont développés comme par exemple les exonérations de cotisations sociales jusqu’à 1,6 smic et du même coup cette mesure devient une sorte d’aimant pour attirer dans le gouffre des bas salaires les catégories plus élevées que l’on embauchera au minimum pour être dans les clous du 1,6 SMIC.

Le calcul du salaire ne se fait donc plus par rapport à la croissance, par rapport à des luttes revendicatives et il est mis en berne par rapport à des dividendes à relever prioritairement.

C’est l’assemblée générale des actionnaires, les fonds communs de placements, la marge de profits à deux chiffres qui doit l’emporter, bref les revendications des financiers de Wall Street, de Goldman Sachs etc.

Le prix de la force de travail en souffre et passe après les extases et la jouissance du capital.

Les retraites et pensions qui ne sont qu’un salaire socialisé (et non différé) - une partie du prix de la force de travail mis au pot commun et partagée et socialisée par les générations solidaires - subissent les mêmes contraintes de dévalorisation quand le calcul est fait sur les prix et non sur l’évolution des salaires et de la croissance.

Les décisions prises en 1993 par Balladur concernant le calcul des retraites sur les 25 meilleures années au lieu de 10 réduisent par exemple considérablement le niveau des retraites à servir, ces mesures ont rabaissé les retraites au fur et à mesure du passage de 10 à 25 ans d’années meilleures qui deviennent par la force des choses un méli-mélo d’années bonnes et d’autres mauvaises qui pèsent et pèseront encore davantage pour les générations à venir en retraite à cause d’années de plus en plus nombreuses en salaires précaires et aléatoires.

De même l’opération sans cesse renouvelée par les caisses de retraites complémentaires qui, par un savant subterfuge, font grimper le prix d’achat de point retraite pour en distribuer le moins possible et ne revalorisent que peu le prix du point de la retraite servie.

Je pourrai citer encore d’autres mesures qui ont touché les salaires et qui font que tout au long de ces années de crises, sans cesse le capital a pris des mesures pour réduire le prix de la force de travail et il le réussit d’autant plus qu’il met aujourd’hui, encore plus qu’hier, les travailleurs en concurrence à partir de l’élévation du chômage et aussi de la délocalisation d’emplois avec des mutations dans des pays sans Smic, à bas salaires.

Des entreprises exercent un chantage en mettant au choix des salariés l’emploi contre la baisse des salaires et donc de faire converger les salaires pratiqués en France en les alignant sur des salaires pratiqués dans leurs entreprises qu’ils ont délocalisées dans des endroits où ils ont la maîtrise totale de la fixation des salaires.

L’heure n’est-il pas aujourd’hui de lancer en grand la bataille des salaires et des retraites ?

C’est une question et c’est aussi un avis.

La bataille de salaires est la réponse de fond à l’austérité et les plans de rigueur qui se manifesteront de plus en plus dans notre pays si on ne passe pas à l’offensive.

Dans la partie capitaliste la plus développée (Europe), les salariés ont vu s’effondrer leur niveau de vie, un niveau de vie qui s’était construit avec les conquêtes sociales de la Libération, il est donc temps de réagir d’autant plus que toutes les mesures décidées par le duo Merkel-Sarkozy visent à détrousser encore plus les salariés et les retraités pour renflouer les banques, les spéculateurs, le capital.

L’arrivée des banquiers et financiers au sein des gouvernements européens est un signe d’une nouvelle étape pour réduire encore plus la masse salariale.

Il s’agit donc de rétablir les normes salariales vers le progrès social et bannir cette mise en concurrence des salariés du monde.

Mais commençons d’abord chez nous.

Le prix de la force de travail doit être au cœur du débat pour redonner de la croissance et de l’emploi.

Il faut débattre dans tous les lieux de travail.

De l’emploi vrai.

De l’emploi qualifié et reconnu.

De l’emploi bien payé et avec des contrats à durée indéterminée.

D’un prix de la force de travail relançant croissance et développement humain.

Il faut en finir avec ces contrats qui rendent les salariés contraints de vendre leur force de travail le plus bas possible pour décrocher un malheureux contrat à duré déterminée.

On nous rabat les oreilles avec une dette à combler et la nécessité de remettre en cause des acquis sociaux mais le seul moyen de redresser l’économie c’est de passer à la croissance par les salaires et des retraites.

On nous dit que c’est impossible, mais si c’est possible ! C’est possible parce qu’il y a de l’argent à satiété et il vaut mieux le prendre là où il est avant qu’il ne finisse dans les gabegies financières et dans les dividendes attribués, les stocks options, les cadeaux fiscaux aux riches etc.

Ce gouvernement français ne trouve comme solution unique que de s’en prendre aux salaires, aux acquis sociaux et jamais à cette partie de la richesse créée qui va au capital.

C’est bien une gouvernance pour les dividendes qui accable le monde du travail.

Le débat est là : revenir à nos fondamentaux. Le prix de la force de travail doit être la principale préoccupation.

C’est le salaire qui permettra l’emploi et les meilleures prestations sociales et non l’inverse par le vol de la richesse par les actionnaires.

Une phrase de Marx disait : la division du travail est imposée à la classe ouvrière par la contrainte. N’ayant que sa force de travail à vendre, l’ouvrier ne peut que se soumettre aux rapports de production capitaliste ou se révolter.

Alors, révoltons-nous contre cette appropriation par les actionnaires : agissons et revendiquons des augmentations de salaires et de retraites immédiatement.

C’est le meilleur moyen de court-circuiter toutes les déconstructions sociales actuelles.

Remettons à l’ordre du jour dans les lieux de travail ces questions et n’hésitons pas à qualifier par leur vraie appellation ceux qui tirent les ficelles actuellement dans cette crise systèmique : les capitalistes.

Le prix de la force de travail est au cœur de l’enjeu de classe actuellement.

Bernard Lamirand

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le 12 December 2011

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