L'association Espace Marx60 tenait son assemblée générale le 1er février 2025 à Saint-Maximin, où les membres ont salué le bon accueil depuis des années par la municipalité et son maire Serge Macudzinski, et ils ne doutent pas de la poursuite de cette relation fructueuse avec la nouvelle maire Chahinaise Azouza.
Après les échanges et décisions sur le fonctionnement de l'association et avant le pot de l'amitié, Bruno Odent, journaliste à L'Humanité et invité récurrent d'Espace Marx60, a fait un point sur la situation en Allemagne à la veille des élections anticipées au Bundestag du 23 février prochain - intervention à retrouver en intégralité dans la vidéo ci-contre.
Bruno a également adressé un texte « Aux racines de la crise de la politique allemande » à l'association. Nous l'avons reproduit dans le numéro 1399 de notre magazine fédéral mensuel Oise Avenir du 12 février et vous pouvez le lire ci-dessous.
Bruno Odent - Aux racines de la crise de la politique allemande
Les élections anticipées allemandes qui se profilent le 23 février 2025, provoquées par l’éclatement de la coalition tripartite SPD/Parti libéral/Verts du chancelier social-démocrate Olaf Scholz, se déroulent sur fond d’ébranlement profond du modèle économique et social ouest-allemand devenu seule référence pour le pays « réunifié » en 1990.
L’érosion progressive des vieux réglements sociaux, entamée au tournant des années 2000 sous l’impulsion des réformes de l’ex-chancelier Schröder à la tête d’un gouvernement SPD/Verts, n’a cessé de s’amplifier. C’est elle qui contribue à la montée en puissance de l’AfD (extrême droite) et à la tentation de Friedrich Merz, le favori chrétien démocrate du scrutin, de briser, trois semaines avant le vote, le cordon sanitaire pour passer des accords législatifs, au moins ponctuels, avec ce parti.
Cet ébranlement du « modèle allemand » n'a cessé de s’amplifier au cours des dernières années sous l’effet des réformes néolibérales des gouvernements successifs. Et on en est arrivé à un tournant aujourd’hui puisque désormais moins d’un salarié allemand sur deux est encore couvert par un accord tarifaire (l’équivalent de nos conventions collectives).
La grande vague de précarité et de pauvreté qui s’en déduit est directement à l’origine des performances de l’AfD qui réalise ses meilleurs scores dans les endroits où les souffrances sociales sont devenues les plus prégnantes.
En vertu de la récession qui touche l’Allemagne depuis deux ans, une bonne partie du patronat exige ouvertement de nouvelles dérégulations pour « diminuer ses coûts afin de retrouver de la compétitivité ». Les restes du vieux modèle ouest-allemand sont visés.
À l’usine Thyssen Krupp de Duisburg dans la Ruhr qui menace de supprimer au moins 11 000 emplois, les règles sociales toujours en vigueur dans le bassin industriel sidérurgique, sont dans le collimateur. La cogestion, comme le besoin de conclure un compromis tarifaire avec la partie syndicale, est présentée comme une entrave pour affronter la situation de crise.
Les principaux partis, imprégnés de néolibéralisme, sont très sensibles aux arguments du capital. Friedrich Merz, le candidat de la CDU à la chancellerie, auteur de Oser plus de capitalisme qui flirte donc avec l’idée d’un rapprochement avec l’AfD au programme économique si voisin, s’est interrogé ouvertement sur le coût d’un processus de transition, soutenu publiquement, visant à diminuer les formidables émissions de CO2 de la production. « L’acier vert » et les niveaux des salaires et des cotisations sociales allemands seraient trop élevés, incapables de garantir le degré de rentabilité financière exigée par les marchés.
Le candidat libéral (FDP) à la chancellerie plaide la même nécessité de déréguler quand il s’exclame : « Il faut un peu de Milei (le président argentin d’extrême droite) et de Musk pour remettre de l’huile dans nos rouages économiques. » Le candidat vert et actuel ministre de l’économie, Robert Habeck, défend, lui, un projet de transformation radicale du système de retraite pour substituer totalement la capitalisation à la répartition.
Quant au SPD d’Olaf Scholz, il plaide certes pour un maintien de la cogestion. Mais il n’entend pas, en conformité avec la logique du modèle de « partenariat social » exiger autre chose que le moins mauvais compromis possible.
Comme le fit le syndicat IG Metall du groupe Volkswagen, en décembre dernier, échangeant un plan social avec 35 000 suppressions d’emplois d’ici 2030, assorti d’un gel des salaires contre un engagement peu fiable à ne pas procéder à des licenciements secs ou à des fermetures d’usine.
Seul le candidat Die Linke et conseiller syndical chez Thyssen Krupp Duisburg, Mirse Edis, plaide pour l’instauration d’un vrai rapport de force « avec, au besoin, de forts mouvements de grève à la clé ». Car sinon, dit-il, « l’engagement dans un véritable processus de démolition de la sidérurgie suivie de désindustrialisation deviendra inéluctable ».
Le politiste de l’université de Cologne, Christoph Butterwege, tire la sonnette d’alarme. Il craint du futur gouvernement une « attaque frontale » contre les ultimes garanties du modèle rhénan jusqu’au torpillage même, dit-il, de l'« économie sociale de marché ».
le 18 février 2025
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