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20220819-L'Huma-Dieppe-Seconde Guerre mondiale : des chars sur la plage de Dieppe

20220819-L'Huma-Dieppe-Seconde Guerre mondiale : des chars sur la plage de Dieppe
 
 

L'Humanité des vendredi 19, samedi 20 et dimanche 21 août 2022

Par Thierry Chion, historien

 

Retour sur le raid du 19 août 1942 où des troupes anglo-canadiennes mènent une opération en Normandie. Le bilan est lourd : 1 200 morts, 2 000 prisonniers et 150 blessés.

Dieppe, 19 août 1942, une opération commando alliée de grande envergure dite « Jubilee » mobilise une division canadienne, la 2e infanterie, son soutien blindé, le Calgary Regiment, de nombreux escadrons de chasse, quelques-uns de bombardement (chasseurs-­bombardiers et B-17), des navires de guerre en faible nombre, des commandos de Sa Majesté, des rangers américains (dont un monument va être ­dévoilé à la mémoire desquels cette année). Au final pour quoi ?

Capturer l’intrigante machine Enigma ? Saboter la station radar de Pourville ? Recueillir des infos sur les installations ­allemandes en bord de mer ? Pour tout cela ou pour satisfaire les attentes de Staline qui demande désespérément l’ouverture d’un second front à l’Ouest pour soulager ses troupes ?

En dehors de toutes considérations géopolitiques, le raid de Dieppe est une opération coup de poing – dont le but est de capturer une ville et la tenir le temps que des équipes de démolition sabotent tous les objectifs identifiés avant de repartir – et non un débarquement, ce qui relativise l’idée d’échec longtemps développée par la propagande nazie et collaborationniste de l’époque et comme certaines sources l’écrivent toujours aujourd’hui. Ce fut néanmoins une opération désastreuse en termes de pertes humaines : sur plus de 5 000 hommes engagés, il y eut 1 200 morts, 2 000 prisonniers et 150 blessés !

Nous venons d’évoquer l’idée de propagande, et celle-ci a vraiment la peau dure. Il est encore courant d’entendre dire que les chars canadiens débarqués ont été bloqués en bas de la plage car ils se seraient enlisés dans les galets spécifiques de la plage dieppoise.

Soit… mais lorsque des enquêtes sérieuses sont réalisées, on se rend compte qu’on est largement loin de la réalité et que les pannes de chars liées aux galets sont peu nombreuses. Il ne faut pas croire non plus quelques écrits d’après-guerre qui affirment qu’un tank est passé à travers les murs d’une maison du front de mer pour entrer en ville. Cela n’a jamais eu lieu. Les chars du Calgary Regiment ont évolué sur le front de mer et ses pelouses, mais ils ne sont jamais allés plus loin. Dieppe fut l’occasion de tester en réel de nouveaux équipements : les TLC (« tank landing craft », pour « barges de ­débarquement pour chars ») et les tout nouveaux chars Churchill au blindage assez épais. Il fallait leur trouver un endroit idéal pour les débarquer.

Impossible de les mettre à terre devant le quartier de Puys ou face aux falaises de Varengeville. La plage de Dieppe était l’endroit idéal et tous les stratèges pensaient que l’appui-feu des blindés provoquerait un mouvement de panique chez les défenseurs allemands. Les chars devaient pousser jusqu’à l’aérodrome de Dieppe, mais, pour cela, il leur fallait franchir les ruines des bâtiments du front de mer ou entrer dans les rues qui y débouchent. Seul problème, des barrages antichars barrent chaque voie arrivant sur la plage. Pour faciliter l’avance des tanks, des équipes de sapeurs sont débarquées. Les faits montrent qu’ils ont été taillés en pièces avant d’avoir pu franchir la plage. Ils auraient dû ­bénéficier d’un effet de surprise, mais celui-ci s’est dissipé suite à un accrochage en pleine mer opposant des commandos britanniques et des vedettes allemandes lorsque le convoi allié approchait les côtes françaises. L’alerte est ainsi donnée.

les premières résistances allemandes vont s’intensifier

L’opération amphibie débute à 4 h 50 sur les extrémités est et ouest de la zone retenue pour l’opération (Berneval et Varengeville). Sur la plage de Dieppe découpée en deux secteurs distincts (white et red beach), les chars doivent être mis à terre aux côtés de l’infanterie, mais, suite à une erreur de navigation, les six premiers arrivent sur la plage avec dix, quinze minutes de retard, soit entre 5 h 25 et 5 h 35. Dix minutes pendant lesquelles l’infanterie dépourvue de support n’a pu maîtriser les premières résistances allemandes qui vont s’intensifier et qu’il ne sera plus possible de déborder. À 6 h 5, six autres tanks ont été débarqués. En tout 29 Churchill vont être mis à terre, dont deux tombent à l’eau en quittant trop tôt leur barge. Face à l’impossibilité d’entrer en ville, 28 autres blindés vont rester en mer, sur leur transport, et ne seront pas amenés sur les galets dieppois.

Nous connaissons tous ces photos habilement prises par le service de la propagande allemande montrant des chars, chenilles cassées, plantés dans les galets avec une barge parfois fumante en fond. Hughes G. Henry, qui fait office de spécialiste incontesté sur l’histoire de ces chars à Dieppe, montre que seulement six blindés ont été mis en panne à cause des galets.

Après avoir sillonné le front de mer, faisant feu avec des canons dont les calibres s’avèrent être bien trop faibles contre les positions allemandes, les Churchill redescendent sur la plage dans le but de couvrir le rembarquement lorsque l’ordre est donné d’abandonner la plage. Il est alors 11 heures. Jusqu’à 12 h 25, heure à laquelle les tankistes reçoivent ordre de quitter leurs engins en les sabordant, les chars vont couvrir l’infanterie qui rembarque.

 

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le 22 August 2022

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