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Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du dimanche 26 décembre 1920

L'Humanité, journal socialiste quotidien

À partir du site internet Gallica, de la Bibliothèque nationale de France

 

L'Humanité du dimanche 26 décembre 1920

 

 

La scission - par Varine

Il ne suffit pas d'intitulé un article : Parlons sérieusement, pour mériter d'être pris au sérieux. Mais puisque Sixte–Quenin nous interroge, nous n'aurons garde de manquer une occasion de préciser une fois de plus notre point de vue. Nous n'avons jamais esquivé la discussion, et sommes au contraire toujours aller au-devant.

Sixte-Quenin a cru discerner dans notre dernier article une « raison principale » qui lui semble « reposer sur une prophétie », et il prélève arbitrairement une phrase, qui ne signifie rien sans le contexte, pour la commenter. Est-ce là parler sérieusement ?

Nous n'avons pas prétendu donner toutes nos raisons dans un article d'une colonne. Ces raisons, nous les avons exposées successivement dans quelque deux cents articles entre Strasbourg et Tours. C'est le droit de Sixte–Quenin de ne pas les lire et de n'y pas répondre, mais ce n'est plus son droit de présenter comme une « raison » ce qui n'en est pas une.

Nous avons dit pourquoi, selon nous, une discussion sur l'unité en soi est stérile, et demandé aux interlocuteurs une définition des formes et du contenu de ce qu'ils appellent « unité ».

Si l'on entend par « unité » le rassemblement dans une même organisation de tout ceux qui se disent socialistes, Rozier, Hervé, Zévaës, etc., devraient en bonne logique, être compris dans l'unité. Nous pensons que Sixte–Quenin a pas cette conception et, dans ce cas, notre contradicteur assigne des limites à ce qu'il appelle (pourquoi ?) l'unité. Nous aussi, traçons des limites à ce que nous appelons - tout simplement - le Parti. Mais nos limites ne coïncident pas, et tout le différend est là.

Si le Parti doit associer seulement les socialistes qui s'accordent pour une même action guidée selon de mêmes principes, il n'y a plus d'unité en soi : il reste à formuler les principes, à définir l'action.

C'est ce que nous avons fait en publiant notre résolution, actuellement soumise au Congrès. C'est ce qu'on fait Sixte–Quenin et ses amis en publiant une autre résolution. Ces deux résolutions sont dissemblables en tous points ; les signataires de l'une sont adversaires des partisans de l'autre ; l'action de ceux-ci contrarie l'action de ceux-là ; ce n'est pas en invoquant nous ne savons quelle unité que l'antagonisme se transformera en collaboration féconde.

Sixte–Quenin prétend que ses réserves aux 21 conditions ne sont « guère différentes » de nos propres réserves, que nous « n'avons pas ». Cette mauvaise plaisanterie permettrait de mettre en cause sa bonne foi. Nous avons écrit à plusieurs reprises, et dans le dernier Bulletin Communiste une fois de plus, que nous approuvons sans réserve les 21 conditions ; que notre résolution, en modifiant trois des conditions, adaptait la thèse de Moscou à des conjectures passagères propres à ce pays ; que, sur la question syndicale, le souci d'une entente entre révolutionnaires syndicalistes et socialistes nous avait suggéré les dispositions transcrites ; que, sur la question des exclusions et sur celle du titre du Parti, la préoccupation d'une entente entre le Comité de la IIIe Internationale et la « fraction Cachin-Frossard », nous avait imposé un compromis insignifiant, n'atteignant en rien le fond même des conditions relatives à ces questions, et retardant seulement de peu la réalisation de ces deux conditions. Tout ceci étant clairement dit, écrit, imprimé, que nous demande encore Sixte–Quenin ? Peut-il sérieusement contester que notre résolution soit une transposition fidèle de l'ensemble des thèses et des conditions de Moscou ? Si son imputation était fondée, il aurait signé notre motion. 

Sixte–Quenin nous propose « un Parti permettant à Varine et Frossard de défendre clairement leur point de vue différence sans les frapper d'exclusion ni l'un ni l'autre ». Il ne s'agit ni de Varine ni de Frossard : il s'agit du socialisme, et le Parti a le devoir de frapper d'exclusion Varine ou Frossard si l'un ou l'autre sert l'intérêt bourgeois. Si le Parti tolère dans ses rangs des amis de l'ennemi, il n'est pas le parti du prolétariat mais un parti auxiliaire de la bourgeoisie.

Quant au droit de Longuet de se tromper, « comme il arriva à Rappoport de se tromper sur le plus grand commun diviseur Lénine », personne ne le conteste. Les communistes ne reconnaissent pas à Longuet simplement le droit de tromper sciemment, systématiquement, le prolétariat. Tous les socialistes français se sont trompés ; mais tous n'ont pas persisté dans l'erreur, et certains seulement font de leur erreur initiale une théorie, qu'ils ne peuvent soutenir qu'à grand renfort d'impostures, de faux, de mensonges, de calomnies. Voir les campagnes du Populaire contre les communistes des États-Unis, d'Allemagne, de Pologne, de Hongrie.

Enfin Sixte–Quenin nous pose une question absurde : le Parti, au lendemain de Tours, permettra-t-il les coalitions électorales avec des bourgeois ? Nous lui avons déjà répondu, quoi qu'il prétende (Bulletin Communiste, n° 32). Nous répétons : les compromissions signalées par Sixte-Quenin sont la conséquence d'une corruption dont Sixte-Quenin et ses amis ont seuls la responsabilité, en tant que directeurs de conscience du Parti jusqu'à ce jour. Dans l'avenir, la nouvelle majorité communiste pratiquera une politique de classe ou se discréditera à jamais. Nous aurons d'ailleurs à développer complètement notre point de vue sur les compromis ; La Maladie Infantile du Communisme, de Lénine, nous en procurera dans quelques jours l'occasion.

Pour nous en tenir à la question de l'unité, traitée par Sixte–Quenin, il nous reste à rappeler que le Parti n'est pas un but, mais un moyen. Le but est l'affranchissement du prolétariat ; le moyen est le groupement de ceux qui luttent, dans ce but. Nous devons donc nous demander : l'unité (non pas abstraite, théorique, idéale, mais telle que nous la voyons réellement) est-elle profitable au prolétariat ?

Nous disons qu'elle lui est nuisible. Elle permet à des serviteurs de la bourgeoisie de se réclamer du socialisme. Elle a permis à de faux socialistes de déshonorer le parti socialiste. Elle a laissé discréditer l'idée même du socialisme. Elle interdit aux éléments vraiment socialistes, c'est-à-dire communistes, par la promiscuité qu'elle leur impose, toute action socialiste et révolutionnaire.

La majorité du Parti, prenant enfin conscience de cet état de choses, décide d'en finir avec cette fausse unité-là en votant notre résolution qui reflète la doctrine de l'Internationale Communiste.

De leur côté, les socialistes du kaiser Millerand ont annoncé, par une lettre signée de cent d'entre eux, leur volonté de rompre avec un Parti qui entrerait dans l'Internationale Communiste.

À notre avis, tout est pour le mieux. Nous n'attachons pas d'importance aux jérémiades de ceux qui ne savent pas encore s'ils sont avec l'Internationale Communiste ou avec les socialistes du kaiser Millerand. Ceux-là ne comptent pas qui ne peuvent se décider.

La scission existe en fait. Depuis plusieurs mois, le mot est dans toutes les bouches. Mais on crie haro ! sur celui qui l'écrit. Hypocrisie. La scission existe en fait, vous disons-nous, elle est sous vos yeux. Il ne reste au Congrès de Tours qu'à la constater.

Varine.

 

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Le Congrès de Tours aborde immédiatement la question de l'Internationale

Il entend les délégués des Fédérations de province - par Marcel Cachin

Tours, 25 décembre. (Par téléphone)

La majorité du Congrès a décidé de demander aux délégués des Fédérations leur sentiment motivé sur la grave question qui angoisse notre Parti à l'heure présente. Elle a pris la sage résolution de faire entendre directement et, dès le seuil, la voix de tous les militants de province, et c'est ainsi que, simplement, brièvement, chaque délégué a pu rappeler devant l'assemblée attentive, l'état d'esprit des socialistes de son département.

Spectacle émouvant que ce rappel en raccourci de tout l'effort de nos camarades dans la région qu'ils sont chargés d'instruire et de conduire dans la voie de la Révolution nécessaire ; c'était la méthode la plus heureuse de faire connaître clairement à tous la véritable pensée du prolétariat français.

De ce public examen de conscience, l'idée dominante est que le Parti français veux donner, par une imposante majorité, son adhésion à la IIIe Internationale. On le savait, du reste, mais ce qui est apparu avec force - c'est la constatation, on peut le dire, essentielle de ce large exposé - c'est que, dans l'ensemble de la nation, les paysans se sont montrés plus décidés et plus enthousiastes encore, en général, que les ouvriers industriels, à pousser le Parti vers Moscou.

Chaque militant se réjouira grandement de cet état d'esprit. La politique de la bourgeoisie française, comme de toutes les bourgeoisies du monde, consiste à opposer les travailleurs de la terre à ceux de la grande industrie. Elle a dirigé, dans ce sens durant ces dernières années, son effort particulier.

Aussi éprouvons-nous une joie profonde à enregistrer, de l'aveu même de ceux de nos camarades qui sont en contact permanent avec les ruraux, l'inanité de cette tentative suprême des dirigeants et des capitalistes contre le socialisme.

En même temps, les délégués exigeaient de la part des militants et des élus une discipline plus sévère, une plus stricte observation des principes du Parti, un soucis plus pressant d'une action aussi vigoureuse que possible.

L'impression produite par ce défilé rapide des représentants de toutes les parties du pays a été celle de la puissance, de la maîtrise de soi et de l'ardente volonté de combat de toutes les Fédérations socialistes françaises.

Marcel Cachin.

 

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L'ouverture du Cong​rès

(Par téléphone de nos envoyés spéciaux)

Dès 9 heures du matin, les délégués se pressent nombreux à l'entrée de la salle du Congrès où ils viennent retirer leur mandat.

Cette formalité dure près de deux heures. Par une délicate attention de nos camarades de Tours la philharmonique l'« Avenir du Peuple » se masse pendant ce temps sur la tribune et joue l'Internationale que le Congrès écoute debout. La « Chorale du patronage laïque Paul-Bert » chante deux hymnes révolutionnaires. Pendant ce temps les délégués ont pris place, groupés comme à l'habitude, par tendances.

Il est onze heures lorsque Frossard fait adopter sans discussion la désignation des divers présidents de séance qui seront : Marcel Cachin, Boyet, Jules Blanc, Goude, Sembat, Mistral, Ferdinand Faure et Ferdinand Morin.

Ferdinand Morin, député d'Indre-et-Loire, prend donc place au bureau, assisté de Brigault, secrétaire de la Fédération d'Indre-et-Loire et Roncin, secrétaire de la section de Tours.

Il est décidé à l'unanimité que cette première séance sera placée sous la présidence morale des emprisonnés du Complot, des marins de la Mer Noire et de nos regrettés camarades Raymond Lefebvre, Vergeat et Lepetit, victimes du blocus dressé par l'Entente contre la Russie soviétique.

Ferdinand Morin, en quelques mots vibrants, ouvre alors le Congrès.

La discussion qui va s'entamer, dit-il, passionne et angoisse toute la France socialiste.

Au-dessus de toutes les tendances je demande aux délégués de ne pas oublier la mémoire de notre grand disparu, de Jean Jaurès dont l'effigie est au-dessus de cette tribune et dont la pensée plane sur ce Congrès. Vous n'oublierez pas tous ses efforts pour réaliser l'unité, son attachement pour elle et les sacrifices qu'il sut consentir pour la maintenir. (Applaudissements).

Le Congrès nomme ensuite la Commission de vérification des mandats (Henry, Perceau, Maillaz, Froissard, Pécher, Piétri, Quesnels[)] et la Commission des conflits (Klemczynski, Mouret, Méric, Castanier, Garde, Le Troquer, Jules Blanc, Coën, Bouthonnier).

On fixe l'ordre du jour

Une assez longue discussion s'engage alors sur l'ordre dans lequel le débat se déroulera.

Discutera-t-on d'abord la question de la IIIe Internationale comme le propose Treint (Seine) qui observe que si on ne modifie pas en ce sens l'ordre du jour, la discussion sur les rapports deviera fatalement en discussion générale ? Ou comme le demande Blum, maintiendra-t-on l'ordre du jour fixé par la C.A.P. avec cette clause de Goude que la discussion sur les rapports devra être close dimanche soir ?

Manier, Motte, Coën, Rappoport, Le Troquer, Bracke interviennent. Et finalement on vote par mandats.

Mais il est midi passé et la séance est levée.

La séance est reprise à 14h30, sous la présidence de Ferdinand Faure (Loire), assisté de Gaume (Allier) et Delannoy (Loir-et-Cher).

Frossard annonce le résultat du scrutin sur l'ajournement de la discussion des rapports :

Pour : 2 916

Contre : 1 228

Abstentions : 44

Absences : 659

Une déclaration de Goude

Goude fait au sujet de ce vote la déclaration suivante :

Une majorité préétablie vient, dès la première séance du matin traditionnellement consacrée dans nos Congrès à des formalités de caractère administratif, de bouleverser l'ordre du jour arrêté par la C.A.P. Les prétextes donnés à l'appui de cette décision ne tiennent pas un instant devant ce double fait que la C.A.P. avait décidé d'avance, sur la proposition du secrétaire Frossard, de limiter le nombre de séances consacrées à la discussion des rapports et que cette limitation avait été à nouveau offerte à tous. Il est donc certain que l'acte de la majorité n'a d'autre but que d'écarter ou même de supprimer les discussions, et peut-être les votes, sur des questions telles que la participation à la conférence de Vienne et l'examen de l'activité parlementaire depuis un an, questions qui, par leur relation avec le problème principal posé devant le Congrès, auraient été de nature à éclairer un grand nombre de délégués.

Nous prenons acte devant le Congrès et devant le pays socialiste tout entier de ce refus de discussion qui marque le parti-pris et l'intolérance. Mais nous constatons aussi avec une satisfaction réelle, qu'un nombre relativement important de voix se son groupées pour s'élever avec nous contre ce coup de force.

Cette lecture amène Raoul Verfeuil à dire que ni lui ni ses amis ne s'associent à la déclaration de Goude. Il lui semble fort exagéré de parler de coup de force, et il est convaincu que la majorité ne prétend pas esquiver le débat sur les rapports. Le scrutin du matin lui a paru une manœuvre de la « résistance socialiste » pour joindre à ses propres voix celles des partisans de l'adhésion avec réserves.

Le grand débat est ouvert

Le président annonce que le débat sur la question de l'Internationale est ouvert. On échange diverses explications afin d'organiser la discussion.

La C.A.P. avait suggéré que des rapporteurs pourraient être désignés par les trois ou quatre tendances et ouvrir le débat, mais Frossard préférerait que l'on donne la parole aux Fédérations, comme on le fit au premier congrès qui suivit la guerre. Il lui apparaît essentiel que les délégués indiquent dans quel esprit les Fédérations ont voté et comment elles conçoivent la politique socialiste de demain.

Alexandre Varenne observe qu'il faudra entendre 180 orateurs, et Bracke, que le débat durera 22 heures. Renaudel indique que les diverses tendances de chaque fédération devraient pouvoir s'exprimer.

Tous ces camarades ne cachent pas qu'ils craignent que la majorité ne veuille limiter la discussion et Léon Blum traduit leur sentiment. Il trouve la proposition Frossard, bonne en principe, mais demande qu'on garantisse aux tendances le droit de s'exprimer.

Jean Longuet s'était, dès le début, associé à la proposition Frossard.

On tombe enfin unanimement d'accord que les délégués de province parleront brièvement, étant bien entendu qu'après cette série d'auditions qui cessera dimanche soir au plus tard, les tendances auront les jours suivants leur entière liberté d'expression.

Les fédérations font entendre leur voix

L'audition des délégués de province commence aussitôt. Celui de l'Ain monte le premier à la tribune. Sa Fédération, presque essentiellement paysanne et dont les progrès sont constants (elle est passée de 750 cartes en 1919 à 1 250), a voté à une grosse majorité, la notion d'adhésion sans réserve, parce que les travailleurs de l'Ain veulent l'unité de combat des forces ouvrières et entendent rapprocher l'heure de la Révolution.

Le délégué de l'Allier, Marx Dormoy, indique que la minorité dont il fait partie a voté la motion Bracke–Paoli pour sauvegarder l'unité indispensable. La majorité elle-même, déclare-t-il, s'est du reste prononcée contre les exclusions, mais le délégué de cette majorité, Gaby conteste cette déclaration et dit :

Nous avons accepté sans restriction les thèses et les méthodes de la IIIe Internationale.

La Fédération des Ardennes souhaite un rapprochement entre la tendance Longuet-Paul Faure et la tendance de la IIIe Internationale Cachin-Frossard.

Quant aux autres, ceux qui ne voudront pas rester s'en iront !

L'Ariège a surtout voulu marquer la volonté de voir un Parti plus discipliné et particulièrement le groupe parlementaire.

L'Aube est unanime contre les exclusions.

L'Aude a voté une motion spéciale d'adhésion de principe sous réserve de discussion.

L'Aveyron souhaite qu'il n'y ait pas de scission.

Dans les Bouches-du-Rhône, explique Veyren, la majorité de la IIIe Internationale s'est considérablement accrue pour diverses raisons dans la principale est la réaction qui s'est produite contre la dictature des élus et la trop grande place que prenaient les préoccupations électorales.

Le Calvados, dit Lucie Colliard, va à la IIIe Internationale parce qu'il faut plus de discipline dans le Parti et une discipline vraiment observée par tous.

Les partisans de la motion Longuet ont du reste déclaré qu'ils se soumettraient aux décisions de la majorité du Parti.

La même attitude a été prise dans le Cantal où les mandats se sont partagés, mais où ce sont surtout les ruraux qui ont voté pour la IIIe Internationale.

Même observation pour la Charente dont le délégué souligne l'importance qu'il y a d'intensifier la propagande doctrinale dans les campagnes.

Ce sont les campagnes qui votent surtout pour l'adhésion sans réserve, confirme le délégué du Cher.

Nous ne sommes pas pour les exclusions, ajoute-t-il, mais nous ne ferons rien pour retenir ceux qui ne sont plus d'accord avec nous.

Roumajon explique comment la Corrèze, fédération paysanne qui groupe plus de 3 000 adhérents, a voté à l'unanimité la notion d'adhésion.

Aujourd'hui, les véritables révolutionnaires sont là-bas, au fond des campagnes (Applaudissements). Les paysans sont révolutionnaires ; ils sont antimilitaristes ; ils sont anticapitalistes et ils n'ont plus confiance dans le parlementarisme.

Il faut dans le Parti, une discipline plus serrée et une véritable direction.

Roumajon termine par un vibrant appel à Longuet, Paul Faure et aux camarades de la Haute-Vienne à qui il demande de se rendre compte qu'il n'y a pas que dans la IIIe Internationale que le Parti socialiste trouvera vraiment des directives d'action.

Qu'ils restent donc avec nous et […] évitent des déchirements qui retentiraient douloureusement dans nos cœurs et dans les leurs.

Un délégué de la Creuse déclare que la Fédération ne s'effraie pas du « chantage à l'unité ». Lorsque le Parti aura adhéré à la IIIe Internationale et sera devenu le Parti révolutionnaire, quelques individus s'en iront peut-être, mais aucune Fédération ne les suivra.

La Dordogne a voté l'adhésion à la IIIe Internationale à la quasi-unanimité parce qu'elle est contre le socialisme de guerre. Elle n'a pas le préjugé de l'unité. C'est « l'unité dans l'action » qu'elle veut réaliser. Il faut l'unité du front révolutionnaire avec une direction unique qui saura bien d'ailleurs diriger ses armées selon les conditions particulières du terrain où elles évoluent.

Le Doubs aussi a voté à une grosse majorité la motion Cachin–Frossard, mais s'il survenait une motion mixte susceptible de rallier Longuet, le Doubs la voterait pourvu qu'elle comportât nettement l'adhésion à la IIIe Internationale.

La Fédération de la Drôme est pour l'adhésion. Elle a fait une petite [part] à Longuet par amitié. Cette Fédération rurale fait sa propagande avec ses propres moyens. Elle ne cache rien du […] communiste. Elle préconise la socialisation de la terre et elle fait de nombreuses recrues parmi les paysans.

Le délégué de la Drôme considère qu'il y a beaucoup d'égarés parmi les adversaires de l'adhésion. Il ne pense pas qu'on doive agiter des brandon de discorde.

D'ailleurs, il rappelle que la minorité actuelle a voulu, lorsqu'elle était la majorité, exclure les zimmervaldiens.

Deux délégués parlent pour la Fédération de l'Eure. Celle-ci est une Fédération jeune. Son Congrès s'est prononcé pour l'adhésion à la IIIe internationale, mais a décidé, de plus, d'adresser un appel à Longuet pour que l'on fasse l'unité des deux principales fractions.

Le délégué de l'Eure-et-Loir votera la motion Cachin–Frossard, mais au cas où une atténuation serait apportée à ce texte, il a mandat de voter l'amendement Heine.

L'adhésion acquise, ceux qui ne voudront pas suivre s'en iront.

La Fédération du Finistère provoque un débat mouvementée.

Dibon se plaint de procédés dictatoriaux employés par l'ancienne majorité.

Goude et Nordon lui répondent qu'on s'est livré contre eux à des polémiques excessives.

Quant à l'état d'esprit de la Fédération, la majorité est pour l'adhésion sans réserve. La minorité adhérerait volontiers, mais elle pose comme condition qu'on ne lui impose aucun caporalisme.

Compère-Morel, au nom du Gard, qui a donné la majorité à la motion Cachin–Frossard, lit une motion votée par l'unanimité de la Fédération en faveur de l'unité internationale.

Le délégué de la Haute-Garonne se contente d'indiquer que sa Fédération qui était en majorité pour l'adhésion à la IIIe Internationale lors du Congrès de Strasbourg, a voté par 15 mandats contre 11, la motion Longuet–Paul Faure, avec adhésion à la Conférence internationale de Vienne.

Le Gers est pour le maintien de l'unité du parti.

Dans la Gironde, expose Castanier, les extrémistes sont prêts à tout pour le rapprochement des tendances.

Olivier, au nom de la majorité, apporte quelques explications complémentaires sur les raisons qui ont amené le changement d'opinion en faveur de la IIIe Internationale.

L'Indre et l'Indre-et-Loire sont contre toute idée de scission, étant entendu que les partisans de la motion Longuet se montreront disciplinés.

C'est la même affirmation qu'apporte le Jura et le Loir-et-Cher.

Besnard, délégué de cette dernière Fédération, craint que certaines conditions soient susceptibles de briser l'unité socialiste. Il voudrait que Frossard s'explique sur certains points critiques, notamment sur la représentation proportionnelle.

- Mais c'est tout le débat ! crient plusieurs délégués.

C'est au tour de la Loire. Ferdinand Faure rappelle qu'elle a voté l'adhésion sans réserve à l'unanimité.

L'idée de la scission nous a préoccupés surtout à Strasbourg où on pouvait craindre la scission à gauche. Aujourd'hui cette inquiétude, nous ne l'avons plus. Quant à la scission de la droite, nous ne la souhaitons pas, nous ne l'appelons pas, nous ne la redoutons pas. Aujourd'hui, certains camarades craignent pour leur dignité, mais sont-ils bien qualifiés pour cette attitude, ceux qui, pendant la guerre, ont fait la besogne du capitalisme.

Ferdinand Faure se prononce nettement en faveur des noyaux et contre la représentation proportionnelle ; il faut mettre fin aux parlotes stériles.

La Loire-Inférieure, - très inférieure - dit son délégué, parce qu'elle a le triste honneur d'avoir Briand pour représentant au Parlement, pense que le parti a besoin d'être purgé.

Le délégué de la minorité de la Loire-Inférieure dit comment on rendra les masses révolutionnaires. Il faut éviter tout ce qui peut provoquer ou accentuer les divisions.

Un salut au Lot-et-Garonne

On se souvient du succès récent de la Fédération du Lot-et-Garonne. Le délégué de celle-ci explique que la campagne du premier tour fut purement « bolchevik ».

Le président Ferdinand Faure salue, au nom du Congrès, qui applaudit, la victoire socialiste remportée par la Fédération du Lot-et-Garonne et son porte-drapeau Renaud Jean.

La Manche a donné la majorité à la IIIe Internationale. Les militants ont assez de la collaboration des classes qui rend le recrutement difficile. Cette Fédération est d'ailleurs pour l'unité dans la discipline.

Le délégué de la Marne considère que le Parti n'a pas à recevoir de directives étrangères.

La Haute-Marne est contre la scission. Les paysans ont adopté la motion Longuet.

La propagande est difficile dans la Mayenne, particulièrement dans les campagnes. Le délégué note qu'un groupe de villages de 20 paysans a donné son suffrage à la IIIe Internationale.

La Meuse est une fédération récente. La majorité y est pour la motion Cachin–Frossard, mais elle considère qu'il est possible de collaborer avec les amis de Longuet pour faire la Révolution.

Un délégué de la Moselle obtient un grand succès. Sa Fédération a été constituée depuis la guerre avec des effectifs nouveaux puisque les effectifs anciens étaient allemands. Elle s'est prononcée à l'unanimité pour la motion Cachin-Frossard. Elle pense que l'adhésion à la IIIe Internationale fondera l'unité d'action.

Le délégué de la Moselle est applaudi sur tous les bancs du Congrès.

La Nièvre, expose ensuite le délégué de cette Fédération, a voté en majorité la motion d'adhésion sans réserve parce que les paysans morvandiaux, soumis aux féodaux de la guerre, n'ont pas peur de la socialisation. Ils font confiance à la IIIe Internationale pour qu'elle n'entraîne pas ses partisans dans un mouvement de révolution prématuré. Ils veulent préparer la révolution.

Quant à ceux qui ont voté la motion Longuet, ils ont déclaré qu'ils seront respectueux des décisions prises, mais ne veulent pas être des otages. Même ceux qui ont voté la motion Blum semblent loin de toute idée de scission.

Salengro apporte quelques remarques au nom du Nord :

Nous n'interviendrons que sur le fond, dit-il, mais nous voulons dire que parmi les 18 mandat qui sont allés à la motion Blum se trouve l'unanimité de la section de Dunkerque dont les dockers ont fait grève pendant six semaines pour empêcher l'envoi de munitions en Russie. Ceci pour souligner qu'on n'a pas le droit de confondre la question de la IIIe Internationale et la défense de la révolution russe.

De nombreux applaudissements saluent cette déclaration.

Mais Gérard, au nom de la majorité du Nord, apporte quelques précisions. La région de Dunkerque est aussi celle où il y a le moins de cartes et la fédération du Nord s'oriente nettement et rapidement vers une nouvelle politique, aussi bien sur le terrain socialiste que sur le terrain syndical, car les délégués du Nord, au Congrès de la C.G.T. à Orléans, précise-t-il, […] leurs mandats que d'eux-mêmes.

Si l'Algérie a voté la motion Cachin–Frossard, explique ensuite André Julien, d'Oran, c'est surtout en raison des thèses de la IIIe Internationale sur le colonialisme, thèses dans lesquelles le prolétariat indigène a retrouvé l'expression de ses propres revendications, le prolétariat indigène actuellement décimé par la famine, a été trop longtemps considéré par le Parti comme un parent pauvre.

L'Oise est pour l'unité révolutionnaire dans la IIIe Internationale et pour la motion d'adhésion sans réserve, écartant toute addition qui ne pourrait qu'en amoindrir la portée.

Dans le Pas-de-Calais, expose Raoul Evrard, on a procédé à un référendum auquel ont pris part 5 500 adhérents sur 14 000 inscrits. 3 000 voix environ sont allés à la motion Cachin-Frossard, 1 600 à la motion Longuet, 88 à la motion Blum, mais toutes les tendances ayant la volonté de maintenir l'unité sur les bases de 1905.

Le délégué du Puy-de-Dôme indique que des tentatives ont été faites dans sa Fédération par les partisans des motions Longuet et Blum pour réaliser l'unité sur la motion du groupe Longuet, mais les partisans de l'adhésion sans réserve on refusé de participer à cette concentration.

On continuera ce matin à entendre les exposés des diverses fédérations.

La séance a été levée à 19 heures.

 

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- « la scission », par Varine, en réponse à l’article de Sixte-Quenin [Hypocrisie. La scission existe en fait, vous disons-nous, elle est sous vos yeux. Il ne reste au Congrès de Tours qu'à la constater.]

- « le Congrès de Tours aborde immédiatement la question de l’Internationale - il entend les délégués des Fédérations de province », par Marcel Cachin [les paysans se sont montrés plus décidés et plus enthousiastes encore, en général, que les ouvriers industriels, à pousser le Parti vers Moscou.]

- « l’ouverture du Congrès » : figure de Jaurès ; on fixe l’ordre du jour, suivi d’une déclaration polémique de Goude ; le grand débat est ouvert ; les Fédérations font entendre leur voix ; un salut au Lot-et-Garonne ; séance levée à 19 heures

 

le 24 December 2020

 
 

Il y a cent ans : L'Humanité au jour le jour

 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)