Fédération de l'Oise

Fédération de l'Oise
Accueil
 
 

Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du lundi 29 novembre 1920

L'Humanité, journal socialiste quotidien

À partir du site internet Gallica, de la Bibliothèque nationale de France

 

L'Humanité du lundi 29 novembre 1920

 

Danger écarté

En décidant de publier dans l'Humanité le texte complet des graves déclarations de notre camarade Frossard, le congrès de la Fédération de la Seine a accompli un acte de prévoyance et de sagesse qui sera pleinement apprécié, nous en avons la certitude, par les masses profondes du Parti socialiste.

Tant que les différentes « tendances » se bornent à la propagande loyale des principes et des méthodes auxquels vont ouvertement leurs préférences, elles ne font qu'user du droit le plus légitime et le moins contesté. Mais quand elles se laissent entraîner, par on ne sait quel dépit morbide, à des conciliabules ayant pour objet avéré non plus de gagner à elles la majorité des esprits socialiste, mais fomenter la scission alors il y a complot contre le socialisme, et c'est un devoir pour ceux qui l'ont événté d'avertir le Parti et de le mettre en garde. C'est ce qu'a fait hier Frossard, en plein accord au surplus, avec ses amis les plus intimes. Et la Fédération de la Seine a compris l'importance de ses révélations en décidant de les porter sans retard à la connaissance des fédérations départementales.

Celles-ci apercevront le danger et elles sauront y faire face.

L’Humanité

-

La déclaration de Frossard

Camarades,

Je monte à la tribune pour l'accomplissement d'un devoir qui m'est pénible et je le fais à une heure où mes déclarations ne peuvent pas apparaître comme une manœuvre de Congrès. Depuis trois mois, sans cheminements souterrains, par une propagande ouverte et loyale, je m'efforce d'orienter le Parti socialiste vers la IIIe Internationale. Mais cet effort de redressement de notre politique socialiste s'accompagne d'une préoccupation constante : celle de maintenir entre tous les socialistes sincères un maximum d'unité. Rejetant nettement, pour ma part, toute mesure de proscription, je continue de penser que l'adhésion du Parti à l'Internationale communiste peut et doit s'accomplir sans brimade contre ceux qui, minorité demain, accepteraient de se conformer dans l'action publique aux directions arrêtées par le Congrès lui-même dans sa pleine souveraineté. Un parti comme le nôtre, de mouvement et d'action, ne peut ni se figer dans l'immobilité du dogme, ni condamner ses militants à la rigueur des disciplines monastiques. Au reste, une expérience de cinq années témoigne que les majorité sont précaires dans un Parti capable d'assouplir ses moyens de lutte à la diversité des situations et des circonstances. Pour la sécurité de tous et de chacun, les droits des minorités ne sauraient donc ni disparaître de notre charte commune, ni être abandonnés à l'arbitraire des majorités changeantes. Nous sommes prêts à les déterminer exactement, à les inscrire dans le statut remis à jour du Parti et cela doit, je pense, rassurer ceux qui appréhendent pour leur tendance des représailles dont j'ai le droit de dire qu'elles ne sont d'ailleurs dans l'esprit d'aucun d'entre nous.

Mais nous ne saurions accepter que le Parti continuât de préparer dans la nuit ses prochaines assises nationales. Il est à une heure trop grave de son histoire pour qu'on puisse lui dissimuler les conséquences des décisions qu'il est appelé à prendre, et, derrière la lettre des motions, il faut lui dire les intentions qui se manifestent et les projets qui s'élaborent. Un ample débat vient de se dérouler devant la Fédération de la Seine. Il n'a jeté là-dessus aucune clarté. Parmi les représentants qualifiés des diverses tendances - la troisième exceptée - il n'en est pas un seul qui nous ait averti nettement, du haut de la tribune, que le vote de l'adhésion la délierait de ses engagements vis-à-vis du Parti. Ni les signataires de la motion dite « Pour l'Unité nationale et internationale », ni les partisans de l'adhésion avec réserves ne nous l'ont signifié. Aucun d'eux, d'une façon publique, n'a pris une attitude de ce genre. De sorte que les militants sont fondés à croire qu'en apportant leur suffrage à telle ou telle motion ils ne mettent pas en péril l'organisation socialiste. Or, ils se trompent. La scission se prépare activement. Des réunions se tiennent depuis plusieurs semaines, où les modalités en sont examinés. Des élus au Parlement en grand nombre, des conseillers municipaux de Paris, des militants y participent. Ils n'appartiennent pas seulement à la fraction de la Vie socialiste - dont l'attitude ne nous étonne, ni ne nous émeut - mais au groupe des signataires de la motion dit d'Unité et même au Comité de la Reconstruction. À la dernière de leurs réunions - jeudi - la question s'est posée, non de savoir si l'on ferait la scission, mais à quel moment il serait opportun de la faire, avant ou pendant le Congrès national, avant ou après le vote sur l'Internationale. Une Commission a été nommée pour rédiger le manifeste des scissionnaires. Contre l'immense majorité qui se prépare dans le Parti, les coalisés du restaurant Bonvalet se disposent à reprendre la manœuvre habile de Crispien et de Dittmann. Leur manifeste constatera tout modestement que les partisans de l'adhésion - en l'espèce les trois-quarts sans doute des effectifs socialistes - se sont exclus du socialisme et ils revendiqueront à leur bénéfice exclusif cette tradition socialiste française dont nous ne sommes pas disposés à abandonner le patrimoine.

C'est sans doute le droit des hommes que je mets en cause de se séparer du Parti le jour où ils cessent d'être en accord avec lui, comme c'est leur droit de se réunir pour concerter leur action. Je n'apporte à leur égard aucune parole blessante ou amère. Mais ils reconnaîtront que c'est notre droit d'avertir le Parti de leurs desseins. S'ils l'avaient fait eux-mêmes, de Renaudel à Blum, et de Bracke à Maurin, ils m'eussent épargné l'accomplissement d'une tâche à laquelle, bien qu'il m'en coutât, je n'ai pas cru pouvoir me soustraire.

Le Parti saura désormais qu'Unité et scission ne sont des mots parfois contradictoires que d'apparence. Il saura qu'un nouveau Parti se constitue en lui, contre lui, avant même ses délibérations de Tours. Si son Unité vient à se rompre, il saura faire le départ des responsabilités.

Pour nous, fidèles à notre politique de toujours, nous ne prononcerons pas un mot, nous n'accomplirons pas un geste qui crée l'irréparable. Mais nous en appelons, dès aujourd'hui, au pays socialistes. Nous attendrons son jugement en toute sérénité.

 

 

---

 

La fédération de la Seine décide l'adhésion

Par 13 488 voix sur 17 146 le congrès se prononce

en faveur de la motion du Comité de la IIIe Internationale

Motion Longuet-Paul Faure : 2 114 voix ; motion Paoli-Blum : 1 061 voix

 

Le vote de la Fédération de la Seine qui s'est prononcée hier, à une majorité littéralement écrasante pour la IIIe Internationale, ne saurait, tant il était prévu, surprendre personne. L'union de la gauche dissidente du Comité de la Reconstruction et de la fraction d'extrême gauche a produit dans la Seine ses inévitables effets. En province, la journée n'a pas été moins bonne pour les partisans de l'Internationale communiste. La Loire, à l'unanimité, s'est prononcée pour Moscou elle aussi ; la Dordogne lui a donné la quasi-totalité de ses suffrages.

C'est une acclamation irréversible qui, de partout, s'élève vers l'Internationale issue de la Révolution russe et qui contient en elle toute la foi, toute l'espérance prolétariennes ; c'est une aspiration véhémente vers un socialisme de combat.

Saluons le vote de la Seine. Il y aura dans le pays socialistes un retentissement prolongé. C'est en vain qu'on voudrait opposer la province paysanne avec sa sagesse calculatrice à l'emportement irréfléchi du Paris ouvrier, le vote de la Corrèze est là pour dire qu'une même âme anime les villes et les campagnes qui sont les unes et les autres gagnées à l'idée socialiste. Le vote de la Seine sera ratifié à Noël par la grande majorité du Parti, ainsi que l'a dit Frossard dans l'impressionnante déclaration que nous reproduisons d'autre part.

Douter de la vérité d'une cause qui a pu grouper autour d'elle des masses aussi imposantes, c'est douter du prolétariat et de la conscience impérieuse qu'il a de son rôle historique. Tant pis pour ceux qui doutent ! C'est à ceux qui ont confiance et dont nous sommes, que l'avenir donnera raison.

Amédée Dunois.

-

Les débats

Le Congrès avait tenu le dimanches 15 et 22 novembre quatre séances. Il en a tenu deux hier, sans avoir achevé ses travaux.

La séance du matin, présidée par l'ami Cartier, fut dédié par Georges Pioch, avec l'unanime approbation du Congrès, à la mémoire de Frédéric Engels. Puis, le secrétaire fédéral indique que la commission exécutive de la Seine est d'avis que le Congrès national ait lieu, non à Tours mais à Paris, - et qu'il dure seulement cinq jours. Une discussion s'engage entre Pioch, Boyet, Ribaut d'une part, et Manier et Grandvallet d'autre part, - qui aboutit au vote quasi unanime de la proposition suivante :

Le Congrès fédéral ratifie la protestation élevée par la Commission exécutive contre la décision de la C.A.P. fixant à Tours le lieu du prochain Congrès national et étendant à huit jours la durée de ce congrès.

Il demande que le Congrès national ait lieu à Paris et que sa durée soit seulement de cinq jours.

Les deux arguments essentiels produits en faveur de cette décision sont que le Congrès national sera plus nombreux s'il se tient à Paris, et qu'il sera plus aisé aux délégués ouvriers d'assister à un congrès durant moins longtemps.

Le Congrès étant ainsi entré en matière, aborde son ordre du jour qui est de discuter les rapports. Cependant, comme à l'ordinaire en ces occasions, on discute afin de décider si l'on discutera. Les rapports ont été imprimés tardivement et les sections n'ont pu en prendre connaissance. Une motion de regrets est votée, puis on aborde le rapport de l’Humanité.

-

Le rapport de L’« Humanité »

Lafont regrette que nous ne publiions pas les ordres du jour votés dans les réunions. Il signale que le numéro du 26 novembre contient une annonce du « Printemps » tendant à amener des souscription indirectes à l'emprunt. Enfin il regrette que Mayéras et Renaudel écrivent dans l'Humanité : « les comptes rendus parlementaires de Mayéras, quoique hilarants parfois, font tache noire ».

Carpentier critique l'organisation du service des départs, confié, dit-il, à un tâcheron ; puis il signale que tel employé de notre administration n'est pas à jour de ses cotisations au Parti.

Palicot, membre du Conseil d'administration de l’Humanité, fournit quelques détails sur les séances du Conseil, dont un compte rendu analytique est donné dans le rapport. Cet analytique est incomplet et inexact.

Ainsi on a oublié de noter que Blum afin de faire pression sur nous conclut ses critiques par la remise de sa démission de membre du conseil.

D'autres part, c'est une proposition de Boyet, et non de Blum, qui termina le débat.

Il y avait une conjuration. On voulait usurper la direction à Cachin et écarter Dunois et Renoult.

Palicot estime qu'il faut prévoir encore des tiraillements au Conseil d'ici le Congrès.

Mais ensuite il faudra prendre des décisions énergiques si on veut que le journal réponde aux besoins de la classe ouvrière.

Boyet, également délégué du Parti au Conseil, confirme les explications de Palicot.

Nos adversaires ont critiqué la direction de l’Humanité avec une très grande violence. Blum a accusé Cachin d'avoir « confisqué » le journal au profit de la IIIe Internationale. On a prétendu que l’Humanité devait insérer les articles des syndicalistes dans leur intégralité.

Enfin, on a mené dans le Conseil, la même bataille que l'on mène partout contre la cause de la révolution.

Et Boyet cite d'autres faits :

Songez que l'on demandait que ni Dunois, ni Renoult ne puissent plus signer d'articles politiques.

Ils pouvaient pourtant en écrire à l'occasion, - mais sans les signer. Et, dans ce cas, c'est Cachin qui serait censé les avoir signés !

Un délégué de la 8e section s'inquiète de notre librairie. À qui appartient-elle ? Qui doit la contrôler ? Ne pourrait-elle faire une remise à tous les membres du Parti ?

Un délégué de la 11e section signale l'écart entre le nombre des membres du Parti et celui des lecteurs de l'Humanité. Il pense que la cause de ce fait déplorable est l'insuffisance des informations. Il conseille l'édition d'un supplément hebdomadaire consacré aux affaires intérieures du Parti. - Quant à La librairie, ce délégué la trouve trop petite, mal installée. Il la voudrait dans une boutique.

Un délégué de la 6e section regrette que l’Humanité n'ait pas donné des renseignements exacts sur la défaite de nos amis bolcheviks par les Polonais. Il considère que nos informations, trop discrètes à cette époque, constituaient un « bourrage de crâne ».

Un délégué de Montreuil souhaite, afin d' intéresser la masse, que le journal soit mieux informé et plus vivant.

Georges Pioch prie alors le Congrès « de permettre à un vieux journaliste de parler d'un journal ».

L’Humanité ne vous satisfait pas comme journal d'informations ! Songez que lorsque Xau a fondé le Journal il a dépensé 8 millions en deux ans. Vous voyez que ça coûte quelque chose ! Vous n'aurez donc jamais ce journal à moins que, demandant quelque chose, vous consentiez à donner quelque chose. Il est évident que si les 175 000 membres du Parti consentaient à s'abonner au journal, celui-ci serait plus satisfaisant.

Tant qu'à la base du socialisme il y aura le petit épargnant, le petit bourgeois français, vous n'aurait pas de journal socialiste !

Pioch montre ensuite que l'impartialité est bien difficile à pratiquer, et que parfois elle n'est pas souhaitable. « Car il faut être soi-même partial pour équilibrer les autres partialités ! » puis notre camarade regrette qu'on ne puisse pas payer davantage les journalistes socialistes « qui sont les moins payés de Paris ».

Vandomme parle après Pioch et souhaite que l’Humanité réserve une place à la vie politique des Jeunesses comme elle en donne une à leur vie sportive.

-

Le débat sur la déclaration de Frossard

Frossard demande alors la parole pour faire une déclaration. On croit qu'il s'agit de l’Humanité, il n'en est rien. C'est le début d'un nouveau débat sur la question de la IIIe Internationale.

On a vu, d'autre part, le texte de la déclaration de Frossard. Dès qu'elle eût été lue (et avant que la séance du matin soit levée), Ribaut propose au Congrès d'en décider la publication en première page de l’Humanité. Cette proposition est votée par acclamations.

La séance est reprise à 14h30 sous la présidence de Ribaut. Il est décidé que divers camarades auront la parole pour faire des déclarations au sujet du texte lu par Frossard.

 

Déclaration de Dominique Paoli

Dominique Paoli fait la déclaration suivante :

Il est parfaitement exact que des réunions ont été tenues au restaurant Bonvalet. Elles étaient tellement ouvertes, et si peu mystérieuses, que tous les membres du Groupe parlementaire, par exemple, y avaient été convoqués sans aucune exception et que toutes les nuances de l'opposition à l'adhésion à la IIIe Internationale s'y sont vues représentées. Celles de ces réunions qui se sont déjà tenues, - celles qui se tiendront encore, - ont pour but d'organiser la résistance socialiste à l'entreprise de scission ouvrière menée nationalement et internationalement.

Pas plus que nous ne demandons à Frossard de nous rendre compte des réunions clandestines qu'il tient avec le Comité de la IIIe Internationale, nous ne consentons à nous expliquer devant la Fédération de la Seine, sur ce qui s'est passé à nos réunions, ni même simplement à faire la part de ce qui peut être exact, ou inexact, dans les révélations de Frossard.

Il nous restait cependant une inquiétude. Nous nous demandions comment faire connaître notre organisation de « résistance socialiste ». Grâce à Frossard, elle est maintenant connue. Nous l'en remercions.

 

Les opinions des trois « reconstructeurs »

Pierre Lainé parle comme secrétaire adjoint du Comité de la Reconstruction, et au nom de ce Comité. Il affirme que celui-ci n'a pas été officiellement représenté aux réunions du restaurant Bonvalet. Les reconstructeurs qui ont participé à ces assemblées ont parlé en leur nom personnel.

Le Comité de la Reconstruction a fixé son attitude dans une récente réunion. Cette attitude est exactement définie par les déclarations de Longuet à la séance du dimanche 22.

Monier, autre partisan de la motion Longuet-Faure, déclare alors ce qui suit :

 

Les délégués au Congrès ayant pour mandat le vote de la « motion d'adhésion avec réserves » à l'Internationalz communiste, et les membres du Comité de la Reconstruction présents au Congrès :

Prennent acte des déclarations rassurantes contenues dans la première partie de la « déclaration de Frossard » ;

Demandent au Congrès le vote de la motion suivante :

Le Congrès de la Fédération de la Seine, ému des bruits et des velléité de scission relatés par Frossard, décide de faire siens les engagements contenus dans sa déclaration, concernant les garanties dues aux minorités en toute circonstance, et charge ses délégués de proposer et de soutenir au Congrès de Tours l'adoption préalable de ces déclarations.

Nous laissons aux scissionistes la responsabilité de leur manœuvre ; que ces manœuvres viennent de la droite, du centre, ou de la gauche du Parti.

Si le Congrès de la Seine adopte cette motion il rendra au Parti l'immense service de placer chacun devant ses propres responsabilités.

Il couperait ainsi l'herbe sous les pieds à ceux qui, à l'abri d'une adhésion sans réserves, caressent l'espoir de réaliser des coupes sombres parmi nous, - et à ceux pour qui les 21 conditions ne sont que le prétexte pour une sortie tapageuse, fructueuse et méditée du Parti. (Applaudissements).

Plus convaincus que jamais que la position prise par nous dans ce débat est la seule compatible avec les possibilités du Parti, c'est parce que nous n'avons jamais envisagé la possibilité de rompre avec lui que nous apportons tant d'ardeur dans ce débat.

Puissent les déclarations de Frossard aider à dissiper notre angoisse et permettre au Parti, - dans une atmosphère de confiance - de remplir la grande tâche que les événements d'aujourd'hui et de demain exigeront de lui.

Après Pierre Lainé, après Manier, un autre « reconstructeur » : Gouttenoire de Toury, donne ces précisions sur la politique de ses amis :

Gouttenoire. - J'ai assisté aux trois dernières séances du Comité de la Reconstruction. Tous ceux qui y ont pris la parole on dit que, quel que soit le vote du Congrès, notre intention est de rester dans le Parti… (Applaudissements).

Mauranges. - C'est pas vrai ! (Huées).

Gouttenoire. - Je mets quiconque au défi de démentir ce que je vais dire.

Quelle que soit la décision, nous restaurons au Parti, sous cette seule réserve, qu'on ne nous ferme pas la bouche, - et qu'on exclue aucun camarade qui resterait, comme nous, discipliné.

Frossard nous a donné, dans une large mesure, satisfaction ce matin. Et je suis persuadé que, si ses déclarations avaient été connues plus tôt, - et qu'on ait consenti à causer, à la commission des résolutions, - elles auraient rallier la grande majorité des « reconstructeurs ».

 

Intervention du secrétaire fédéral

Georges Pioch montre ensuite combien il est nécessaire que toutes les tendances fassent effort pour maintenir l'unité.

Pioch s'adresse à la droite :

Je rappellerai que, lorsque certains ont adhéré au Parti, ils y venaient avec un individualisme soigneusement cultivé. Et, le jour où ils ont accepté d'être des partisans, ils ont fait un sacrifice dont ils peuvent demander l'équivalent.

Pioch rappelle qu'il adhéra pendant la guerre, à une époque où l'authentique leader du Parti participait à l'organisation de la guerre, et visitait le tsar.

Et pourtant ! nous avons accepté l'unité qui servait cette pactisation et cette imposture.

… Je vous demande de faire comme nous.

Faites comme nous ! Consentez à être des partisans.

Tout n'est pas parfait dans la tendance à laquelle j'appartiens. Mais songez-y ! Il vient fatalement un jour, où cette discipline que vous nous avez imposée autrefois, - il faut que vous la subissiez. Laissez évoluer ! Si ceux-là (Pioch montre la gauche) se trompent, ne les quittez pas ! Que votre sagesse soit un poids assez lourd pour leur donner le temps de la réflexion.

Et vous ! mes amis, n'oubliez pas l'adage antique qui dit que « la nature ne fait pas de sauts ». Et rendez-vous compte que vous avez besoin d'eux (Pioch montre la droite), comme ils ont besoin de vous.

Puis, le secrétaire fédéral évoque la soirée du 11 novembre où déambulant seul parmi la foule populaire, dans la rue de Ménilmontant, il n'entendait autour de lui aucune parole témoignant de la présence d'une conscience socialiste :

Et je me suis senti si seul, si humilié que je me suis promis, la première fois où j'aurai l'honneur de vous parler, de vous dire : « Ne rompons pas ce pacte d'unité, fruit de tant d'années de travail ! »

Nous sommes 175 000 braves gens. Nous sommes un îlot seulement, hélas !

Je sais que des hommes qui ne sont pas de mon avis jouent à cette heure, un drame aussi vrai que le mien… Mais je leur dis : cessez d'ourdir, contre nous tous, une scission dont, pour notre part, nous ne voulons pas. (Applaudissements).

 

Déclaration de Fiancette

Fiancette déclare que si quelques camarades sont allés chez Bonvalet pour envisager les possibilités de scission, ils n'y sont pas allés dans l'intention de la préparer.

Dans le passé, nous avons fait des sacrifices à l'unité socialiste, et nous ne savons pas si nous ne les renouvellerons pas demain.

Des voix. - Vous ne le savez pas !

Fiancette. - Vous me dites qu'il faut le savoir ! Comment voulez-vous que nous prenions un parti avant de connaître les décisions du congrès.

Cependant nous déclarons dès aujourd'hui que ce n'est pas sans amertume que nous verrions l'unité brisée. Et nous ferons l'impossible pour qu'elle sorte plus vivante du Congrès de Tours. La bataille, elle ne doit pas être livrée entre socialistes, - mais contre la bourgeoisie. (Applaudissements).

 

Réponse de L.-O. Frossard

L.-O. Frossard constate que les diverses interventions précédentes n'ont pas infirmé la déclaration qu'il fît le matin :

Tous les termes de ma déclaration étaient soigneusement pesés. Je n'ai pas dit que le Comité de la Reconstruction, comme tel, eût été présent à la réunion de Bonvalet. J'ai dit qu'à cette réunion, il y avait des membres de ce Comité, à côté des parlementaires, de conseillers municipaux, et de camarades de « la Vie socialiste ».

Notre ami Manier a pris acte de la déclaration que j'ai faite. La Fédération de la Seine avait déjà enregistré mes paroles, par un vote quasi unanime ! Et je tiens à dire que ma déclaration a été établie d'accord avec tous mes amis du Comité de la IIIe Internationale et de la Reconstruction.

Que Manier, dans ces conditions, n'insiste pas pour obtenir le vote de sa motion. Ce vote aurait un regrettable caractère de tendance et paraîtrait dirigé contre tel ou tel camarade de telle ou telle tendance.

Les engagements que j'ai pris ce matin, j'entends les tenir, à Tours, - et au lendemain du Congrès de Tours, après le vote de la motion qui, - vous le savez bien, - ralliera demain tous les socialistes de ce pays.

Frossard ne regrette donc pas d'avoir parlé le matin comme il fit.

Mon compte rendu des réunions Bonvalet est exact au fond. Fiancette, et d'autres, se sont élevés contre les projets de scission, c'est exact. Et d'ailleurs, les camarades, assistant à ces réunions et qui m'ont renseigné, furent plus surpris encore que Fiancette de voir agiter une question qui ne se pose pas devant l'opinion socialiste.

Quant à moi, j'ai informé le Parti. Il se prononcera et, d'avance, nous acceptons son jugement (applaudissements).

 

La conclusion du débat

Divers camarades prient alors Manier de retirer sa proposition, puisqu'aussi bien la décision quasi-unanime de la Fédération de la Seine de publier les déclarations de Frossard constitue une homologation sans réserves. Manier insiste. L'ordre du jour pur et simple est pourtant accepté à une grosse majorité ; mais après ce vote, le secrétaire du Comité de la 3e Jean Ribaut, indique ceci :

Ribot. - Je tiens à préciser que ce vote a le sens de l'approbation des déclarations produites par Frossard à cette tribune.

 

-

Le vote sur l'adhés​ion

Il est alors 16 heures, et, comme il avait été décidé le matin, le Congrès vote sur les diverses notions relatives à l'adhésion à la IIIe Internationale.

Voici les résultats du vote :

Motion du Comité de la IIIe et Cachin-Frossard : 13 488

Motion Longuet–Paul Faure : 2 114

Motion Paoli–Blum : 1 061

Amendement Heine : 248

Abstentions : 228

Divers : 7

La proclamation du vote est accueillie par le champ de l'Internationale, chantée debout par tout le Congrès.

La Fédération de la Seine ayant droit à 73 délégués, la répartition s'établit ainsi : tendance IIIe Internationale : 58 délégués ; tendance Longuet-Paul Faure : 9 ; tendance Paoli-Blum : 5 ; tendance Heine : 1.

Le Parti paye les frais d'un délégué. La fédération, de plus, répartira 12 000 francs entre les 4 tendances, proportionnellement au nombre de suffrages qu'elles ont obtenus.

 

-

Pour les camarades de Hongrie

Frossard demande au Congrès d'adresser, conformément au désir exprimé par le Parti socialiste d'Autriche, un télégramme au gouvernement hongrois pour protester contre le projet qu'il a de faire mettre à mort dix de nos camarades socialistes de Hongrie.

Longuet appuie cette proposition et réclame, de plus, que le Groupe socialiste parlementaire intervienne auprès de M. Leygues afin qu'il fasse pression sur le gouvernement hongrois pour que celui-ci n'achève pas son projet d'assassinat.

La proposition Frossard et la proposition Longuet sont adoptées à l'unanimité.

Voici le texte du télégramme expédié par Georges Pioch :

Président République Hongrie, Budapesth

La Fédération socialiste de la Seine réunie en congrès, le 28 novembre, élève une protestation indignée contre l'arrêt qui condamne à la mort des militants socialistes. Elle fait un appel suprême à l'humanité du gouvernement hongrois afin d'épargner à ce gouvernement une honte ineffaçable et de conserver à la vie des hommes qui furent les serviteurs sincères et passionnés de leurs idées. - La Fédération de la Seine.

Il est ensuite décidé de faire une collecte dans l'assistance pour nos camarades emprisonnés. Puis le Congrès vote une adresse de solidarité à Ces camarades.

 

-

Le débat sur les Jeunesses

On se rappelle que la Conférence nationale des Jeunesses socialistes a décidé, à une forte majorité, l'adhésion de la Fédération des Jeunesses à l'Internationale communiste des Jeunes. À la suite de ce vote, la minorité protesta auprès de la C.A.P. et publia un appel aux ententes régionales, les engageant à ne pas correspondre avec le nouveau bureau de la Fédération. Sur ce, la C.A.P. décida de dessaisir ce bureau et d'administrer elle-même la Fédération.

Le Comité national de la Fédération des Jeunesses répondit à cette mesure en excluant les signataires de l'appel à la dissidence adressé aux ententes régionales, - et en demandant au Congrès de Tours de prendre des sanctions contre les membres de la majorité de la C.A.P. qui ont dessaisi le bureau de la Fédération.

C'est ce débat qu'évoquèrent devant le Congrès de la Seine Auclair et Vandomme pour la majorité des Jeunesses, et Lainé pour les exclus. Le succès de Vandomme notamment fut considérable : l'assemblée voulait qu'on publiât son remarquable discours ; malheureusement, aucun sténographe ne l'avait noté.

Notre ami Maurice Delépine montra ensuite que le conflit actuel des Jeunesses était une manifestation d'un mal chronique. Il suggèra la nomination d'une commission qui tenterait de réconcilier ces enfants « qu'un excès de nervosité seulement avait séparés ». Cette proposition ne fut pas accueillie avec ferveur. Au contraire, notre camarade obtint l'approbation de toute l'assemblée lorsqu'il revendiqua le droit de tout membre du Parti à penser librement. Delépine, avec sa gracieuse finesse, fit miroiter les nuances qui séparent le droit de penser de l'indiscipline dans l'action ; et il condamna cette indiscipline avec autant de force qu'il avait revendiqué cette liberté.

Ribaut reprit alors l'affaire des Jeunesses depuis son début. Tous les torts sont du côté de la C.A.P. D'abord elle ne sait jamais enquis auprès de ses délégués à la Fédération des Jeunesses de l'état de celle-ci. Puis, lorsqu'après la Conférence de Troyes la majorité du Comité national changea, elle a refusé de remettre le bureau à cette nouvelle majorité. Enfin, elle a commis l'imprudence de mettre elle-même à l'ordre du jour de la Conférence de novembre dernier la question de l'Internationale.

Cette question étant posée, les Jeunes l'ont résolue en adhérant à la seule Internationale des Jeunes qui existât : l'Internationale communiste. En suite de quoi, la C.A.P. dessaisit le Comité national élu par une majorité des deux tiers. Résultat : la propagande stagne, et la Fédération est désorganisée. C'est pourquoi Ribaut recommande le vote de la motion suivante, qui est adoptée par le Congrès à une forte majorité :

La Fédération de la Seine approuve complètement la décision prise par la majorité du Congrès des Jeunesses, se solidarise complètement avec elle et s'engage à aider dans toute la mesure de ses moyens la Fédération Nationale des Jeunesses Socialistes Communistes à mener l'action qu'elle s'est engagée à faire auprès de la jeunesse ouvrière, de notre pays en accord complet avec les décisions de l'Internationale Communiste des jeunes.

 

-

La désignation des dél​égués

Les camarades des diverses tendances s'étant concertés proposent à la ratification du Congrès les trois listes que voici :

Pour la motion du Comité de la IIIe Internationale et de Cachin et Frossard. - […]

Pour la motion Longuet. - […]

Pour la motion Paoli. - […]

Divers délégués protestent contre la désignation de notre ami Mayéras. Celui-ci doit au Parti un certain arriéré sur le montant de ses cotisations d'élu de la précédente législature. Quelques camarades assurent que l'existence d'une telle dette est une objection d'ordre statutaire à la nomination du débiteur comme délégué. Mayéras contredit ces vues et indique que si la Fédération de la Seine ne le ratifie pas, il en appellera à la C.A.P. qui interprétera plus exactement les statuts. Cependant l'assemblée refuse d'homologuer la désignation de Mayéras.

Il est 20 heures. Les rapports n'ont pas été discutés. On décide qu'ils le seront dans une nouvelle prochaine séance.

 

 
 

Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du lundi 29 novembre 1920

- « danger écarté », avec la reproduction d’une déclaration de Frossard lors du Congrès de la Fédération de la Seine [À la dernière de leurs réunions - jeudi - la question s'est posée, non de savoir si l'on ferait la scission, mais à quel moment il serait opportun de la faire, avant ou pendant le Congrès national, avant ou après le vote sur l'Internationale.]

- « la Fédération de la Seine décide l’adhésion par 13 488 voix sur 17 146 »

— protestation contre la décision de la C.A.P. de maintenir le Congrès à Tours, et sur 8 jours plutôt que 5

— rapport sur l’Humanité [Il est évident que si les 175 000 membres du Parti consentaient à s'abonner au journal, celui-ci serait plus satisfaisant.]

— débat sur la déclaration de Frossard [suite au vote d’une motion concernant des garanties aux minorités, Ribot, secrétaire du Comité de la IIIe :  « Je tiens à préciser que ce vote a le sens de l'approbation des déclarations produites par Frossard à cette tribune. »]

— télégramme au gouvernement de Hongrie pour éviter l’exécution de 10 camarades socialistes

— débat sur les Jeunesses, avec vote d’une motion de soutien à la majorité qui a voté l’adhésion à l’IC des Jeunes, et à la nouvelle direction

— désignation des délégués pour les 3 motions [58 sur 73 pour la motion du Comité de la IIIe et Cachin-Frossard]

le 28 November 2020

 
 

Il y a cent ans : L'Humanité au jour le jour

 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)