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Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du vendredi 26 novembre 1920

L'Humanité, journal socialiste quotidien

À partir du site internet Gallica, de la Bibliothèque nationale de France

 

L'Humanité du vendredi 26 novembre 1920

 

 

 

Avant le congrès

Frossard ou Zinoviev ? - par Jean Longuet

À tous ceux qui connaissent l'âme passionnée et tourmentée de mon ami Daniel Renoult, l'article qu'il a publié avant-hier dans l'Humanité n'aura pas causé beaucoup de surprise. Tout de même la passion politique fait écrire de bien étranges choses et ce n'est pas sans une véritable stupéfaction que j'assiste au travail de déformation que les faits subissent dans l'esprit de notre camarade. Lorsqu'il vient parler d'une « conjuration » pour briser l'unité du Parti, de la part des camarades qui combattent le bouleversement total de la tactique et de l'organisation du socialisme en France, proposés par ses nouveaux amis du Comité de la IIIe Internationale, Daniel Renoult en prend vraiment trop à son aise avec la vérité.

Lorsqu'on a à ses côtés des camarades qui n'ont pas cessé d'outrager et de mépriser l'idée unitaire, qui n'ont pas hésité dans un article abominable paru dans l’Humanité à la qualifier de « mensonge », c'est véritablement une plaisanterie un peu forte de venir nous parler d'une « conjuration » contre l'unité - de la part des camarades qui luttent désespérément pour la sauver !

Certes, je ne nie point qu'il y ait à l'extrême droite de notre Parti certains éléments depuis longtemps fatigués par notre discipline et désolés de trouver dans nos principes des obstacles à leurs ambitions, qui seraient très heureux de profiter des circonstances actuelles pour échapper à la contrainte d'un parti de classe et pour aboutir à la construction d'une organisation de tout repos où l'on pourrait « ministérialiser » et « politicailler » en toute liberté.

Mais ces éléments-là, qui donc peut leur donner à l'heure actuelle des espérances, si ce n'est les inconscients, les sectaires ou les malins qui font tout ce qui dépend d'eux pour rendre le Parti inhabitable à tous ceux qui ont conservé quelques souvenirs de l'enseignement doctrinal du socialisme jusqu'à ce jour et qui ont acquis quelque expérience, par dix, quinze, vingt ou trente ans de lutte dans le milieu ouvrier français ?

J'ignore quel est ce groupement d'action constitué entre droitier et « reconstructeurs défaillants » dans parle Renoult. Les seuls « reconstructeurs défaillants » que je connaisse, ce sont mes amis renoult, Dunois, Frossard et Paul Louis, qui nous ont cruellement déçus en nous quittant dans la douloureuse crise précédente. Les autres camarades avec lesquels je milite en ce moment à la « Reconstruction » sont tous les minoritaires de la première heure ; je n'en connais aucun qui réponde à la définition extraordinaire que donne Renoult de « socialistes de guerre » qui seraient à mes côtés. Cela s'appliquerait-il à Paul Faure, à Le Troquer, à Verfeuil, à Mistral, à Goude ou à Pressemane ? En fait de socialisme de guerre, que mon ami Daniel regarde autour de lui, il en trouvera une jolie collection qui, comme en 1914–1915–1916, continuent « à hurler avec les loups ».

Notre camarade, par une manœuvre évidemment très habile, s'est efforcé de me mettre en opposition avec mon camarade Verfeuil, qu'il s'efforce de tirer à lui en le couvrant de fleurs, pour sa déclaration de dimanche au Congrès de la Seine. Verfeuil a dit que, « quelle que fût la décision du Congrès, il resterait dans le Parti ». Il a ajouté, ce que Renoult oublie de dire, qu'il n'accepterait pas d'exclusion pour délit d'opinion.

Car c'est lui et non moi qui a employé le premier cette excellente formule que je n'ai fait que de reprendre après lui. C'est donc à Verfeuil, aussi bien qu'à moi, que Renoult aurait pu s'adresser pour savoir ce qu'il entendait par là.

Mais je ne veux pas esquiver la question. Ce que nous avons voulu dire, c'est que le Comité de la Reconstruction unanime dans sa dernière séance (à laquelle assistait, sinon Verfeuil, du moins plusieurs camarades appartenant à la même nuance de pensée que lui) a proclamé, c'est que, décidé à accepter un renforcement de la discipline du Parti, résolus à en finir avec tous les actes d'indiscipline d'où qu'ils viennent, n'acceptant point que des socialistes agissent autrement qu'en socialistes, nous ne pouvons, d'autre part, admettre qu'on institue des procès de tendances contre ceux que Zinoviev englobe dans les aimables appellations collectives de « poux réformistes » ou de « punaises opportunistes ».

Et que l'on ne vienne pas nous dire qu'il ne s'agit pas de cela. Il ne s'agit que de cela, dans l'esprit des dirigeants de la IIIe Internationale.

C'est ce qui explique que les premiers de leurs partisans les plus ardents dans l'Europe occidentale, des hommes tels que Serrati en Italie, que Nobs de Zurich en Suisse, se révoltent aujourd'hui contre des « opérations chirurgicales mortelles ». Je signale en particulier Nobs, qui appartenait à l'extrême gauche du Parti suisse, et qui écrit dans un récent numéro de la Volksrecht de Zurich qu'il se refuse à faire « une scission arbitraire et artificielle dans le Parti socialiste suisse sur l'ordre de Moscou ».

C'est exactement le même problème qui se pose chez nous. Toutes les diversions, si artificieuses qu'elles soient pour faire supporter à autrui ses propres responsabilités, ne pourront masquer ces choses évidentes, pour tout homme de bonne foi.

Ou l'esprit de scission, d'intransigeance haineuse dont le Bulletin Communiste est en France la plus remarquable expression prévaudra, ou les militants qui, tel Frossard et, je l'espère, Renoult lui-même, ont le sentiment de leur responsabilité écrasante à l'heure actuelle, feront entendre raison aux insensés et aux fanatiques qui sont à leurs côtés.

Jean Longuet.

 

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Le vrai complot - par Daniel Renoult

Hier matin, une fois de plus, l'Action Française, sous la plume de M. Léon Daudet, affirmait la volonté des royalistes de procéder, à très brève échéance, à un coup de force. Elle disait :

Viennent les heures graves que nous ménage la somnolence actuelle des gouvernants, jointe à l'imprévoyante folie du régime, et cette supériorité des hommes d'ordre - chez lesquels l'énergie vaut l'intelligence - apparaîtra brusquement au pays inquiet, en dépit de la consigne imbécile des journaux dits d'informations. Du train dont vont les choses, ma conviction est qu'avant la fin de cette législature, l'Allemagne relèvera la tête et le bras, de façon telle que nous nous trouverons acculés à la nécessité d'une intervention vigoureuse. Cette intervention exigera la cessation à l'intérieur, de toute menée révolutionnaire, le bouclage immédiat des agitateurs.

Le complot est là, il n'est pas ailleurs. Les royalistes se préparent. Ils le répètent chaque jour. Sous prétexte de défense patriotique et bourgeoise, à la première occasion, ils tenteront l'aventure, sûrs d'appuis sérieux dans la police et le commandement militaire. Car il y a beau temps que ces messieurs pratiquent le « noyautage », l'action illégale, la propagande dans l'armée, que des camarades ingénus nous reprochent de vouloir utiliser.

Cela posé, il faut comprendre quel précédent précieux serait fourni aux « Kapp et Luttvitz » de France par l'affaire du complot.

Pour la première fois, on peut le dire, des citoyens français vont être poursuivis, en dehors de tout prétexte juridique, pour leurs opinions.

Nous l'avons démontré à satiété : les crimes de Loriot, Souvarine, etc., sont le manifeste de la IIIe Internationale, la motion présenté par l'extrême gauche au Congrès de Strasbourg, le programme de Boukharine, les œuvres complète de Lénine et Trotsky. C'est là-dessus que M. Jousselin leur a demandé de s'expliquer, laissant de côté le complot, et pour cause. Ainsi, sous le tsar, le seul fait d'appartenir à une organisation socialiste était puni par la pendaison ou la déportation en Sibérie.

Si la complaisance des uns, l'indifférence des autres laissaient commettre contre les inculpés du complot le crime qui se prépare, demain à la réaction grandissante frapperait facilement des hommes qui se croient aujourd'hui en toute sécurité, socialistes modérés ou radicaux « caillautistes ».

Comprendra-t-on ces avertissements et voudra-t-on agir ?

Daniel Renoult.

 

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Dans le Parti socialiste italien

La Conférence des Communistes unitaires

Le groupe dit des communistes unitaires s'est réuni à Florence pour arrêter son programme et nommer son Comité. Notons en passant que le résumé de cette réunion transmis par l'Agence Havas était erroné d'un bout à l'autre. L'assemblée a adopté à l'unanimité une motion unique, après une intéressante discussion à laquelle ont pris par notamment les députés Alessandri et Frola et le directeur de l'Aventi ! Serrati.

Dans son discours, Serrati a parlé des rapports des délégués du Parti avec les communistes russes :

À notre arrivée en Russie, on nous couvrit de louanges. D'Aragona lui-même dut parler partout et fut montré comme un véritable ami de la cause russe.

À un certain moment l'on se mit à nous considérer avec plus de froideur, presque comme des traîtres.

Qu'il y ait eu à Moscou un changement graduel d'attitude des communistes russes vis-à-vis des délégués italien est un fait avéré. Mais ce changement d'attitude, au moins ce qui concerne D'Aragona, est clairement expliqué dans la lettre ouverte de Losovsky a la C.G.T. italienne que nous résumerons : les Russes se faisaient illusion parce que D'Aragona avait souscrit à leur projet d'un soviet international des organisations professionnelles ; mais les premières discussions qu'ils eurent avec lui leur montrèrent la distance qui séparaient leurs conceptions des siennes.

Au Congrès de Moscou, ajoute Serrati, nous fimes beaucoup de réserves sur les 21 points. Nous fûmes en désaccord spécialement sur les questions nationales et coloniales, sur le problème agraire, sur les scissions nécessaires… À Moscou on pense à un réformisme qui n'existe plus en Italie. Je ne veux pas prendre ici la défense de Turati qui n'a qu'un tort, c'est de ne pas savoir se taire. Je défends le parti qui n'a aucun tort.

Le programme

La motion votée commence par une longue énumération des mérites du P.S. : il est le seul parti en Italie qui puisse assurer au prolétariat la destruction du régime bourgeois et l'édification de l'ordre nouveau ; il s'est opposé unanimement à la guerre et a travaillé pendant le conflit mondial à la reconstruction de l'Internationale ; il avait expulsé de son sein avant la guerre les réformistes et les francs-maçons et depuis lors la tendance révolutionnaire y a dominé exclusivement, entraînant la droite du Parti et les organisations syndicales confédérales.

La motion proclame la nécessité de maintenir l'unité du Parti en vue de l'action révolutionnaire.

Quant aux rapports avec la IIIe Internationale, elle rappelle que le P.S.I. a été le premier à y adhérer, qu'il a toujours défendu avec ardeur la révolution russe et qu'après la guerre il a modifié ses statuts au Congrès de Bologne en adoptant les critèriums de la nouvelle Internationale.

Le groupe accepte les 21 conditions de Moscou mais veut qu'elles soient interprétées et appliquées selon les conditions locales et historique du pays.

Il admet que le concept de patrie et tout les buts nationaux sont désormais surpassés dans la conception et dans les buts de l'Internationale.

Les rapports entre les organismes de la IIIe Internationale doivent être ouverts et francs et doivent avoir lieu entre des organismes responsables et sans diplomatie secrète.

Tout moyen de conquête peut être adopté dans les limites de l'intransigeance de classe la plus absolue et pour ce qu'il vise à la révolution communiste, en vue de laquelle le Parti a besoin de compléter son action politique par l'action économique des organisations syndicales.

Le groupe propose que l'on renforce la discipline du Parti et qu'un contrôle soit exercé sur l'activité de chacun de ses membres ; que les organismes centraux du mouvement économique et syndical soient subordonnés au Parti ; que l'on s'occupe de la préparation légale et illégale, soit pour organiser les moyens d'éducation et les instruments de conquête révolutionnaire soit pour fonder les organes de substitution.

Le P.S.I. prendrait le nom de Parti Socialiste Communiste Italien (Section de la IIIe Internationale Communiste).

Comme on le voit, la motion insiste fortement sur le maintien de l'unité du P.S.I. tel qu'il existe actuellement. On ajoutera simplement l'adjectif communiste à l'ancienne dénomination du parti. Plusieurs orateurs ont nié qu'il existât encore des réformistes dans le parti : les réformistes, ce sont les Bissolati, les Bonomi, etc., qui ont été expulsés avant la guerre, à la suite de l'aventure de Tripolitaine.

Deux comités ont été nommés par la Conférence : un comité pour la préparation du Congrès National et un Comité exécutif. Alessandri, Vella, Serrati font partie de celui-ci.

Comme nous l'avons déjà annoncé, Serrati, Vella et Baratono se rendront auprès des communistes russes afin de réaliser l'entente avec le Comité exécutif de la IIIe Internationale.

Jacques Mesnil.

 

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Le Congrès de la Fédération Internationale Syndicale

Londres, 25 novembre. - (Par téléphone de notre correspondant particulier.) - Le Congrès de la Fédération internationale syndicale a examiné aujourd'hui les différentes résolutions préparées par les commissions.

La première de ces résolutions est relative à la journée de huit heures ; elle demande l'entière reconnaissance et la mise à exécution des décisions en faveur de la journée de huit heures et de la semaine de quarante-huit heures, prises par la conférence de Washington. Elle impose aux organisations affiliées l'obligation de faire échouer par tous les moyens toutes les tentatives ayant pour but de laisser dans les cartons les conventions de Washington. Elle propose, en outre, de refuser toute aide nouvelle des trade unions au bureau international du travail si la ratification des décisions de Washington n'est pas faite dans un délai déjà fixé.

Dumoulin (France) s'est opposé à ce dernier paragraphe qui est, dit-il un ultimatum qui semble exagérer les pouvoirs de l'Office International du Travail.

Tothorne (Angleterre) réclame l'insertion des mots suivants : « Maximum légal de huit heures par jour », en vue de garantir certaines catégories d'ouvriers comme les constructeurs de navires, par exemple, qui ont obtenu déjà la semaine 47 heures.

Volan (Norvège) a conseillé qu'il n'y eut aucune coopération entre les syndicats et l'Office international du travail ; cette coopération est illogique, les puissances centrales n'ayant pas encore été admises dans la ligue des nations.

Cet amendement a été repoussé et la résolution présentée par la Commission a été voté.

La Norvège, l'Italie, la France, le Canada et le Luxembourg ont voté contre.

La résolution sur le pacifisme a été votée sans opposition. Elle déclare que le pacifisme de la classe bourgeoise n'a rien de commun avec la volonté ouvrière de la paix définitive.

La troisième résolution est relative à la répartition des matières premières. Cette répartition ne pourra être efficace, dit la résolution, que si les organisations ouvrières usent immédiatement de leur influence.

Le président a lu ensuite une lettre de syndicalistes de l'Oural regrettant que les Soviets n'aient pas envoyé des délégués et protestant contre la politique maximaliste.

Cette lettre est signée de Popovaloff, président de l'Union des syndicalistes de Votinsky, et de Munillo, membre de l'Union des métallurgistes de Perm.

Ce soir, tous les délégués ont été reçus par le Comité parlementaire des trade unions qui avait organisé un dîner en leur honneur. - C. David.

 

 

Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du vendredi 26 novembre 1920

- « Avant le Congrès - Frossard ou Zinoviev ? » par Jean Longuet, répondant à l’article d’il y a deux jours de Daniel Renoult, opposant les attitudes de Verfeuil et de Longuet lors de la 2e journée du Congrès de la Seine

- « le vrai complot » par Daniel Renoult, à propose des prisonniers syndicalistes, réagissant à un article de Léon Daudet, de l’Action Française

- « la Conférence des Communistes unitaires » en Italie

- « Le Congrès de la Fédération Internationale Syndicale » à Londres

le 25 November 2020

 
 

Il y a cent ans : L'Humanité au jour le jour

 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)