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Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du mardi 23 novembre 1920

L'Humanité, journal socialiste quotidien

À partir du site internet Gallica, de la Bibliothèque nationale de France

 

L'Humanité du mardi 23 novembre 1920

 

 

 

Avant le Congrès

Verfeuil et Longuet - par Daniel Renoult

J'ai dit au Congrès de la Fédération de la Seine que certains citoyens avaient ourdi une trame contre le Parti, contre son unité. Je le maintiens. Il y a eu une véritable conjuration pour empêcher, par une manœuvre audacieuse, l'adhésion du socialisme français à la IIIe Internationale et si, malgré tout, cette adhésion s'effectuait, pour briser l'unité du Parti à l'exemple des Dittmann et des Crispien.

Je ne parle pas ici de la première levée de boucliers et des signataires de la « Lettre à la C.A.P. » où le citoyen Renaudel et ses amis marquèrent leur volonté de ne pas demeurer dans le Parti, désormais affilié à l'Internationale communiste.

Je parle du groupement d'action qui s'est constitué, entre droitiers et reconstructeurs défaillants, après la publication des conditions de Moscou, en se donnant pour principale tâche d'entraîner Jean Longuet hors du Parti socialiste.

Tous les moyens ont été employés pour persuader celui-ci. On a tiré parti de certaines attaques dont le directeur du Populaire a été victime. On s'est efforcé d'agir sur lui de toute manière possible. Pourquoi ? La raison est simple. Quelques socialistes de guerre, quelques chantres de la « guerre du Droit », hâtivement repeint en reconstructeurs, peuvent quitter le Parti : ils ne seront suivis par aucune force socialiste sérieuse. Mais Jean Longuet qui, dès 1915, a lutté pour la paix, au péril de sa liberté et de sa vie, Jean Longuet, qui, dans le déchaînement des passions chauvines est resté internationaliste. Jean Longuet qui a défendu la Révolution russe aux premiers jours, à l'époque où l'ancienne majorité socialiste déclarait UTILE l'intervention armée de M. Clemenceau contre les Soviets, Jean Longuet est un drapeau.

Contre l'opération, qu'il est inutile de qualifier, nous, les amis d'hier de Longuet, qui étions à ses côtés quand certains de ses amis d'aujourd'hui aidaient plus ou moins ceux qui s'efforçaient de le déshonorer en le désignant par leurs calomnies infâmes aux passions meurtrière de disciples de Villain, nous avons lutté de notre mieux. Auprès de lui, d'ailleurs, des hommes qui, certes, lui sont plus sincèrement attachés que les socialistes de guerre qui l'entourent aujourd'hui, ont combattu aussi l'influence néfaste. À leur têt s'est placé Raoul Verfeuil qui, à aucun moment, n'a trempé, je le sais, dans la conjuration.

Dimanche, au Congrès de la Seine, Verfeuil a parlé en homme de cœur. Il a crié, après avoir formulé les critiques et réserves que son opinion lui dicte : « Quelle que soit la décision du Congrès national, socialiste discipliné, je resterai dans le Parti. »

Au moment où il lança sa phrase, je me suis levé, applaudissant de toute ma force, et j'ai jeté dans la salle un regard circulaire. Tous les partisans de l'adhésion acclamaient Verfeuil. Longuet et ses amis les plus personnels applaudissaient mollement, mais, plus loin, les conjurés faisaient piteuse mine. Ce cri de conscience d'un honnête homme, d'un impeccable socialiste les atterrait.

Longuet parla ensuite. l'heure tardive ne lui permit pas d'exprimer toute sa pensée. Mais une minute lui aurait suffi pour reprendre la déclaration de Verfeuil. Et quel enthousiasme il eût déchaîné après le vibrant appel de Vaillant-Couturier ! Quel grand acte de haute politique révolutionnaire Longuet aurait pu ainsi accomplir !

Il ne l'a pas voulu. Des réticences, des distinctions, des conditions, des si et des mais, voilà ce qu'il nous a offert.

Nous le regrettons profondément.

Mais il faut qu'on le sache : si nous avons voulu, tous, dans la majorité nouvelle du Parti, multiplier les appels et les efforts de toute sorte pour sauvegarder la véritable unité - l'unité révolutionnaire - nous ne voulons pas être dupes !

Jean Longuet a dit : « Je resterai dans le Parti, mais si un seul camarade est exclu pour délit d'opinion, mes amis et moi nous nous solidariserons avec lui. » Qu'est-ce à dire et comment Longuet entend-t-il cette expression : délit d'opinion ? Lui-même, par un passage de sa motion, paraît indiquer qu'il n'est plus possible de tolérer dans le Parti la présence d'un Albert Thomas que M. Millerand vient de féliciter à Genève pour son excellente « collaboration ». Longuet reconnaît donc, comme Verfeuil l'a déclaré à la tribune du Congrès, qu'il y a des « épurations nécessaires ».

Alors que signifie sa réponse ? Veut-il se solidariser avec les factieux qui ont écrit la « Lettre à la C.A.P. » pour s'insurger à l'avance contre la décision du Parti ? Veut-il s'allier aux ennemis acharnés, aux insulteurs obstinés de la République des Soviets, aux agents des mencheviks contrerévolutionnaires et assassins de prolétaires russes ? Lui, dont le plus beau titre de gloire est d'avoir défendu les Soviets naissant, veut-il joindre son sort à celui des hommes qui, depuis octobre 1917, n'ont pas cessé, parallèlement aux gouvernements capitalistes, de combattre la révolution bolcheviste et qui ne peuvent ouvrir la bouche sans accuser, calomnier et salir cette révolution ?

Est-ce cette solidarité que Jean Longuet revendique ?

Je ne veux croire à un pareil malheur. Mais, s'il n'en est pas ainsi, pourquoi ne s'est-il pas purement et simplement associé à la noble déclaration de Verfeuil ?

Il sait bien pourtant que nous ne déciderons jamais d'exclusions injustes et que nous voulons seulement (conformément à la plus élémentaire logique et à la plus stricte honnêteté) débarrasser le Parti, désormais adhérent à l'Internationale communiste, des hommes qui, irréductiblement, sont les ennemis de cette organisation, du grand mouvement historique qui l'a créée et partant de toute action révolutionnaire.

Daniel Renoult.

 

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Vaillant-Couturier dans le Nord

Samedi soir, à la suite d'une conférence contradictoire entre Lebas, député du Nord, et Vaillant-Couturier, le prolétariat de Tourcoing a ratifié par ses acclamations sa volonté d'adhésion à la IIIe Internationale qu'il ne dissocie pas de la défense de la Révolution russe. La veille et l'avant-veille Vaillant-Couturier s'était rendu à Hellemmes dont la section a voté à l'unanimité la motion du Comité de la IIIe Internationale et à Anstaing où l'adhésion fut acceptée à l'unanimité moins 6 voix.

 

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Verdier en liberté

Verdier, le secrétaire de l'Union des Syndicats de l'Aveyron, qui, après avoir vainement fait courir les gendarmes, vint se constituer prisonnier lui-même à la Santé, a été mis en liberté provisoire hier après-midi.

Décidément le « complot » se dégonfle. Samedi dernier, c'était le camarade Rabilloud qu'on relâchait. Hier, Verdier. Il n'en reste plus guère ; mais, cependant, il en reste encore trop !

Loriot, Monatte, Monmousseau, Souvarine, qui ne sont pas plus coupables que ne l'étaient Rabilloud ou verdier, quand donc va-t-on les relâcher ? M. Jousselin, depuis plus de six mois qu'ils sont emprisonnés, n'a pas cru devoir les interroger encore sur le fameux, le trop fameux « complot ».

Alors ?…

 

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Pour la fer​meture le dimanche

Dimanche matin, la chambre syndicale des employés de la région parisienne avait convoqué ses adhérents pour une manifestation rue de Rennes.

On se rendit devant la boutique d'un commerçant qui, dans cette rue, est seul à ne pas fermer le dimanche, et l'on y rencontra… la police. Naturellement ! Et, non moins naturellement, les policiers ce conduisirent comme ils ont l'habitude de le faire lorsqu'ils se trouvent en présence de braves gens. Notre camarade Capocci, secrétaire de la section des Petits Magasins, fut brutalisé et, sur l'ordre du secrétaire du commissariat, fut arrêté. On le relâcha deux heures plus tard.

On nous assure que le secrétaire du commissariat dont il est question aurait grand besoin de suivre des cours pour apprendre la politesse. Voilà qui ne nous étonne nullement.

 

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Glané

Sur 108 administrateur des diverses compagnies de chemins de fer, nous apprend l'Œuvre, 76 sont en même temps fournisseurs de ces compagnies.

76 sur 108 : exactement trois quatre.

Autrement dit : ils sont, à la tête des compagnies, exactement trois flibustiers sur quatre qui ont intérêt à vendre cher aux compagnies qu'ils « administrent » ce que lesdites compagnies auraient intérêt à acheter bon marché.

Que voilà donc des compagnies honnêtement administrées ! Et comme on comprend, après ça, ces déficits chroniques que ne comblent même pas les relèvement de tarifs…

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[…]

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Poincaré annonce une série de six conférences sur les origines de la guerre.

Ça pourrait, ça devrait s'appeler : les origines de la guerre ou Pourquoi j'ai fait tuer 1 700 000 Français…

Le sinistre petit politicien dont la mégalomanie a définitivement abaissé la France éprouve-t-il donc déjà la nécessité de présenter sa défense ? Sent-il déjà que le procès est ouvert et la justice en marche ?

La défense de Poincaré par Poincaré, il va falloir ouvrir les oreilles. - Accusé, vous avez la parole !

Am. D

 

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La guerre civile d'​Irlande

Londres, 22 novembre. - Les derniers télégrammes communiqués par l'Irish Office donnent les noms des quatorze personnes qui ont été tués par les sinn-feiners hier matin, ainsi que ceux des six personnes qui ont été grièvement blessées. Parmi les tués se trouvent 6 officiers, 2 agents de la police spéciale, anciens officiers de l'armée, et deux civils. Les blessés comprennent deux colonels, un capitaine, un lieutenant et un civil.

Tous les officiers qui sont tués avaient été récemment attachés à des cours martiales soit comme juges, soit comme rapporteurs, et leurs assaillants ont fouillé leurs papiers et détruit des dossiers compromettants trouvés en leur possession.

Les attaques ont commencé simultanément vers 9 heures du matin dans huit quartiers différents de la ville. Chacune des bandes de sinn-feiners comprenait environ de 12 à 25 hommes. Dans les milieux officiels de Dublin, on exprime la crainte que des représailles sur une grande échelle ne soit tentées par les policiers et des instructions ont été données pour les empêcher à tout prix.

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Comment le gouvernement explique l'affaire de Croke-Park

Plusieurs versions ont été reçues concernant la collision sanglante de Croke-Park. La plus détaillée dit que les autorités avaient des raisons de croire qu'une partie des individus qui formaient les bandes de sinn-feiners étaient venue de Dublin de divers districts des environs sous le prétexte d'assister un match de football annoncé entre l'équipe de Dublin et celle de Tipperary. Un détachement mixte de soldats et d'agents de police fut, en conséquence, envoyé pour cerner le terrain et fouiller les spectateurs. Le détachement était accompagné d'autos blindées sur lesquelles étaient montées des mitrailleuses. Une panique se produisit à son arrivée parmi la foule. Les policiers furent alors accueillis à coups de revolver et la troupe répondit. Officiellement, on annonce ce matin qu'il y a 10 tués et 65 blessés. (Radio.)

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Dublin aux mains de l'armée

Londres, 22 novembre. - Pendant toute la nuit de dimanche à lundi, il y a eu des batailles de rue à Dublin. Aujourd'hui, les troupes anglaises ont entouré la ville et pris possession de tous les points stratégiques. Tout trafic avec l'extérieur est interrompu. Dublin est séparé du reste du monde.

Les tragiques incidents de dimanche ont eu leur répercussion à la Chambre des Communes. M. Devin a voulu poser quelques questions à sir Greenwood, il a été accueilli par le cri de « Assis. »

 

Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du mardi 23 novembre 1920

-  « Avant le Congrès - Verfeuil et Longuet », par Daniel Renoult, sur l’attitude de l’un et de l’autre à la 2e journée du Congrès fédéral de la Seine

- « Vaillant-Couturier dans le Nord », à Tourcoing et Hellesmes

- « Verdier en liberté », secrétaire de l’Union des syndicats de l’Aveyron

- « pour la fermeture le dimanche », action de la chambre syndicale des employés de la région parisienne

- « trois flibustiers sur quatre » à la tête des compagnies des chemins de fer ; annonce de six conférences de Poincaré « le sinistre petit politicien », sur les origines de la guerre

- « la guerre civile d’Irlande », sur le « Bloody Sunday » de 1920

le 21 novembre 2020

 
 

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« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)