Fédération de l'Oise

Fédération de l'Oise
Accueil
 
 

Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du dimanche 14 novembre 1920

L'Humanité, journal socialiste quotidien

À partir du site internet Gallica, de la Bibliothèque nationale de France

 

L'Humanité du dimanche 14 novembre 1920

 

Avant le congrès

Pour la représentation proportionnelle - de Raoul Verfeuil

Les motions sur lesquelles veulent se compter, au Congrès de Tours, les deux grandes fractions du Parti que, pour notre modeste part, nous nous efforcerons jusqu'au dernier moment de rapprocher, ces deux motions ont de nombreux points de ressemblance.

D'abord, elles comportent toutes deux l'adhésion à l'International communiste. Nous sommes, les uns et les autres, d'accord pour exprimer notre volonté d'entrer dans la troisième internationale. C'est à celle-ci de dire si elle veut nous admettre.

Dans les deux motions aussi, l'adhésion est une adhésion avec réserve. Je sais bien qu'il y a le titre des résolutions et que, dans beaucoup de sections parisiennes, on vote pour l'adhésion sans réserves ou pour l'adhésion avec réserves. En dépit du titre et de la façon de voter, les deux textes publiés par L’Humanité contiennent des réserves, aussi bien celui du Comité de la IIIe que celui de la Reconstruction. Pas d'exclusions, pas de subordination des syndicats au Parti, pas de changement de titre du Parti : nous trouvons cela dans les deux textes. Et quant aux fameuses épurations périodiques dont l'idée a dû germer dans la cervelle d'un humoriste, la résolution du Comité de la IIIe ne veut y voir qu'une « suggestion » qu'elle se contente de « retenir ».

Lorsque nos camarades - que nous ne considérons pas comme des adversaires - nous aurons dit ce qu'ils pensent des organisations clandestines imposées par la troisième condition et dont ils se sont abstenus de parler, le désaccord, sans doute, ne portera plus que sur un point : la représentation proportionnelle au sein des organismes centraux du Parti.

Car c'est à cela que va se réduire finalement le débat.

D'accord sur l'interprétation des thèses et de la plupart des conditions, nous nous séparons sur cette question qui a d'ailleurs une grosse importance.

Et qu'on me permette de dire qu'il n'était peut-être pas nécessaire de la soulever. Les 21 conditions ne l'exigeaient pas. La deuxième condition, invoquée par Flory, stipule qu'il faut « écarter de tous les postes plus ou moins responsables du mouvement révolutionnaire (organes du Parti, rédactions, syndicats, groupes parlementaires, coopératives, administration communale), les réformistes et les gens du centre et les remplacer par des communistes éprouvés ». Cela ne signifie pas que les organismes centraux doivent être occupés exclusivement par ces prétendus communistes « éprouvés » dont il sera d'ailleurs bien difficile d'établir en quoi ils sont plus éprouvés que les autres. Il ne s'agit pas, d'après le texte même de la deuxième condition, d'enlever aux « réformiste et gens du centre » (qu'en termes élégants ces choses-là sont dites) toute part de représentation dans les organismes centraux, mais simplement les postes. Ce n'est pas la même chose.

Qui plus est, la vingtième condition, qui traite spécialement de la direction du Parti et de la composition des organismes centraux, exige seulement la présence de deux tiers de communistes puisque communistes il y a et elle prévoit encore des exceptions « en ce qui concerne les représentants de la tendance centriste nommés au paragraphe 7 ».

Une fois de plus, les Russes de Paris ont été plus russes que ceux de Moscou : ils suppriment en totalité la représentation proportionnelle dans les « organismes de direction et de propagande du Parti » comme veux bien le préciser Flory dans son article du 9 novembre et comme l'indique d'ailleurs nettement leur résolution si habilement mais si partialement commentée par notre ami Daniel Renoult.

Nous restons, nous, partisans de la représentation proportionnelle.

Nous en restons partisans parce qu'elle est un principe de justice qui, jusqu'ici, ne fut contesté par aucun socialiste.

Nous en restons partisans parce qu'elle a permis de cimenter l'unité à laquelle elle a pu, seule, donner à la fois la force et la souplesse nécessaire.

Nous en restons partisans parce que, avec Loriot lui-même, nous en avons réclamé le bénéfice lorsque les majoritaires, pendant la guerre, nous refusaient le droit d'écrire dans l'Humanité, organe officiel de tout le Parti et non pas seulement d'une fraction du Parti ; nous en restons partisans parce que, derrière Jaurès, tout le Parti à batailler durant des années pour l'obtenir dans le cadre parlementaire et que nous serions bien mal venus à demander, pour les prochaines consultations électorales, la révision de la loi Dessoye-Varenne et l'établissement de la R.P. intégrale si nous supprimons celle-ci chez nous, dans notre propre Parti.

On me répondra peut-être que cette dernière considération n'a pas de valeur. Elle en a plus qu'on ne croit pour l'immense majorité de nos adhérents (même emprisonnés) qui brûlent, en province surtout, de se débarrasser des élus du Bloc national, de regagner les sièges perdus et d'en conquérir de nouveaux au prix de combinaisons que la morale communiste et la motion Bracke réprouvent, mais que l'intérêt électoral, malheureusement, conseille bien des fois.

La R.P. comporte des intérêts et des inconvénients ? Il en est ainsi de toutes les choses humaines. Elle n'a pas, en tout cas, celui que Flory et Renoult veulent bien dire. Elle n'empêche pas une majorité de gouverner quand cette majorité est décidée à gouverner. Mais voilà ! Il faut être décidé à gouverner. La C.A.P. actuelle n'est pas débile et impuissante parce que divisée mais parce que la majorité est formée de certains éléments qu'on est allé chercher en dehors d'elle. Il fallait, à Strasbourg, flatter la droite tout comme on veut, à Tours, flatter la gauche.

Le résultat sera le même demain sans R.P. Les divergences persisteront. Deux individus qui se rencontrent ne pensent jamais exactement de la même façon. L'homogénéité que l'on prétend rechercher, on ne l' aura pas. Il me tarde fort, quant à moi, de voir fonctionner le futur comité directeur avec douze « reconstructeurs démissionnaires » d'un côté et douze communistes « authentiques » de l'autre. Car c'est ainsi qu'on se propose déjà, à deux mois du Congrès et sans avoir l'avis des fédérations, de procéder.

On s'entendra peut-être sur un programme minimum : que se passera-t-il quand il s'agira du programme maximum ? Daniel Renoult sera-t-il d'accord avec ses alliés d'aujourd'hui pour répondre à la pelle de Zinoviev ?

« Le 2e Congrès mondial de la IIIe internationale avait déjà fait appel aux ouvriers du monde entier pour empêcher par tous les moyens que les munitions n'arrivent des pays bourgeois qui font la guerre à la Russie des Soviets. Il vous avait adressé un appel pour faire sauter les trains de munitions, pour mettre hors d'état de nuire les officiers bourgeois et arrêter par tous les moyens, les ennemis de la Russie des Soviets. Le jour du troisième anniversaire de la Révolution prolétarienne, nous répétons cet appel. (Humanité du 7 novembre) »

Encore une réserve, mon cher Daniel, à introduire dans la motion que tu défends !

La suppression de la R.P. ne pourrait, à la rigueur, s'admettre que si la C.A.P. restait organe d'exécution, parce qu'il n'est peut-être pas indispensable en effet de venir de tous les points de l'horizon socialiste pour appliquer les décisions prises, elles, par l'ensemble du Parti. Mais nous sommes tous d'accord pour estimer que les pouvoirs de la C.A.P. doivent être étendus et renforcés et qu'il faut, de toute nécessité, lui donner le droit d'initiative et de direction. Ce droit - en dehors du droit de regard et de contrôle que toute minorité quelle qu'elle soit, peut revendiquer - doit être exercé par les représentants de toutes les fractions.

Si nos camarades du Comité de la IIIe veulent bien faire sur ce point les concessions que nous attendons de leur esprit politique, un accord fraternel entre eux et nous est possible. Notre résolution n'est pas ne varietur. En est-il ainsi de la leur ?

S'ils ne veulent rien y changer, les deux motions seront maintenues et c'est l'unité, non pas seulement de la gauche, mais du Parti lui-même qui risquera d'être brisée.

Nous n'acceptons pas, pour notre part, d'un cœur léger, cette hypothèse.

L'unité n'est pas pour nous un mensonge, et elle nous apparaît - surtout dans la situation présente des choses et des esprits - comme une heureuse et féconde nécessité.

Raoul Verfeuil

 

---

 

Une lettre de Bracke

Notre ami Bracke adresse à notre secrétaire général la lettre suivante :

Mon cher Dunois,

Je vois que ce matin, dans le compte rendu d'un vote de la 12e section, la « motion pour l'unité internationale » signée par mois avec Léon Blum, Paoli et Mayéras, est annoncée sous la rubrique « Motion Vie socialiste ».

En ce temps où, au lieu de demander à un texte ce qu'il dit, on prend de plus en plus l'habitude de lui demander d'où il vient, il n'est pas sans intérêt d'établir là-dessus la vérité, altérée dans une arrière-pensée facile à saisir.

Notre motion est faite, comme toute proposition, pour réunir le plus d'approbations possibles. Nous les saluerons toujours avec joie d'où qu'elles viennent. En réalité, si on la lisait en songeant plus à l'intérêt de la révolution prolétarienne à rendre possible qu'à des combinaisons de suffrages, à emporter, elle devrait avoir pour elle les neuf dixièmes des militants, dont elle rend, c'est sûr, la pensée tout entière.

Le fait est que, des quatre camarades qui l'ont rédigée, aucun n'appartient à la Vie Socialiste, ni au groupement constitué autour d'elle, aucun n'a jamais assisté à aucune de ses réunions. Elle a été portée à la connaissance des amis de la Vie Socialiste, juste comme à celle de tous, après qu'elle a été terminée, arrêtée et communiquée.

Elle s'appelle « motion pour l'Unité internationale ». Qu'on l'accepte ou qu'on la rejette sous ce véritable titre. Si l'on tient à y joindre des noms pour la clarté, qu'on l'appelle donc motion Blum-Bracke-Mayéras-Paoli comme l'a fait l’Humanité en enregistrant les adhésions. Si l'on trouve cela trop long et qu'on veuille s'en tenir à ceux qui ont eu la plus grande part à sa rédaction, on peut dire : Blum-Paoli ou, pour respecter l'ordre des temps de sa naissance : Paoli-Blum.

La désigner autrement, c'est pour les uns préparer volontairement, pour les autres, involontairement accepter une erreur.

Cordialement à vous.

Bracke

 

----

 

Adhésio​ns

Motion d'adhésion (Comité de la Troisième et Cachin-Frossard) : […]

Motion d'adhésion avec réserves (Longuet-Paul Faure) : […]

Motion pour l'Unité internationale (Blum-Bracke-Mayéras-Paoli) […]

 

---

 

Résult​ats

Arcueil Cachan. - Pour l'adhésion sans réserves : 50 ; avec réserves : 10.

Suresnes. - Pour l'adhésion sans réserves : 154 ; avec réserves : 8.

Neuilly-en-Theille. - À l'unanimité pour l'adhésion sans réserves.

 

 

Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du dimanche 14 novembre 1920

- « Avant le Congrès - Pour la représentation proportionnelle » de Raoul Verfeuil

- « une lettre de Bracke » sur l’utilisation d’un mauvais intitulé de la motion pour l’Unité internationale, lors du vote de la 12e section

- intitulé des trois motions retenu par l’Humanité

- résultats des votes à Arcueil-Cachan, Suresnes et Neuilly-en-Theille

le 13 November 2020

 
 

Il y a cent ans : L'Humanité au jour le jour

 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)