Fédération de l'Oise

Fédération de l'Oise
Accueil
 
 

Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du jeudi 11 novembre 1920

L'Humanité, journal socialiste quotidien

À partir du site internet Gallica, de la Bibliothèque nationale de France

 

L'Humanité du jeudi 11 novembre 1920

 

 

Avant le congrès

Motion pour l'unité internationale - par Léon Blum, Bracke, Mayéras, D. Paoli

Appelé à délibérer sur la délégation accomplie à Moscou par les camarades Cachin et Frossard, le Parti socialiste accuse réception de la lettre remise à ses deux représentants, ainsi que des conditions qui tendent à résumer en 9 paragraphes les 21 conditions ultérieurement votées par le 2e congrès de l'Internationale communiste.

Le Parti apprécie la franchise avec laquelle le Comité exécutif a défini sa pensée sur l'attitude du socialisme français et sur l'ensemble des problèmes posés devant le socialisme international. Soucieux d'éviter toute parole et tout acte dont les polémiques bourgeoises puissent s'armer contre la Révolution russe, il s'abstiendra de répondre aux condamnations prononcées par le Comité exécutif. Mais il veut suivre l'exemple de franchise qui lui a été donné en précisant une fois de plus sa doctrine, en résumant ses méthodes d'organisation et d'action, en les confrontant avec l'ensemble des résolutions adoptées par le Congrès de Moscou, enfin, en recherchant les moyens de grouper à nouveau autour d'une Internationale unique les Partis socialistes de tous les pays.

Organisation du Parti

Le Parti se rend compte que la constitution élaborée en 1905 revêt, en partie, un caractère de circonstance et de transition. Il admet que les conditions historiques de l'heure présente imposent la nécessité d'un centre permanent d'exécution et de coordination dont l'influence s'exerce sur l'ensemble des organes du Parti. Mais il ne saurait renier le principe, inscrit dans ses statuts, suivant lequel la direction du Parti appartient au Parti lui-même. Il se refuse à pousser la centralisation jusqu'au point où l'autonomie des groupes locaux et l'initiative du groupe parlementaire se trouveraient totalement anéanties. Il se refuse à priver les minorités du droit d'agir, en supprimant la Représentation proportionnelle ; du droit de penser, en supprimant la liberté de discussion ; ou même du droit de vivre à l'intérieur du Parti, en organisant les exclusions en masse et les épurations périodiques. Il se refuse à créer à côté ou au-dessus des organismes publics du Parti, des organismes clandestins, et, par conséquent, irresponsables, qui les contrôlent. Il entend, à cet égard, demeurer ce qu'il est : un parti populaire, de pensée libre, de propagande ouverte, dans les règles ou les décisions essentielles sont dictées, non pas subies, par la masse des militants, où le Prolétariat organisé reste le seul maître de ses destinées.

Rapport du Parti et de l'organisation syndicale

Le Parti ne saurait perdre de vue que les organisations politiques et économiques du prolétariat poursuivent, sur des terrains différents, un projet unique, que le même prolétariat s'organise et agit dans les syndicats, et dans les sections, que, par suite, le même devoir s'impose de part et d'autre, de coordonner, dans toute la mesure du possible, les deux actions.

Mais il déclare que toute entreprise directe ou déguisée contre l'autonomie du mouvement syndical rendrait cet accord pratiquement impossible. Il répudie toute tactique qui encouragerait, ou même envisagerait, les scissions ouvrières, qui inciterait les prolétaires à prendre parti, dans l'intérieur dans leurs groupes politiques, pour une Internationale syndicale contre une autre, dans l'intérieur de leurs syndicats, pour une conception politique contre une autre, et qui, au lieu d'opérer la concentration indispensable pour l'effort révolutionnaire, aboutirait ainsi à une guerre fratricide entre travailleurs.

Conception révolutionnaire

Le parti proclame à nouveau que la lutte de classes est le principe de son action ; que la révolution sociale, c'est-à-dire la transformation complète du régime de la propriété en est le but ; que l'expropriation économique de la bourgeoisie doit être nécessairement précédée par son expropriation gouvernementale ; que pour la conquête du pouvoir le prolétariat ne saurait renoncer à aucun moyen de lutte, si légal ou si violent qu'il soit, ou paraisse. Il renouvelle cette déclaration sans équivoque ni réticence, prêt à préserver l'intégrité de sa doctrine contre toute tentative de déviation théorique ou de collaboration pratique avec l'État bourgeois.

Il affirme, en revanche, que dans les conditions générales de la vie française, le pouvoir ne saurait être conquis et conservé par des mouvements de masse du prolétariat inorganique, mais seulement par l'action consciente des travailleurs organisés. Il rappelle que la prise du pouvoir politique est la condition et l'un des moyens de la Révolution, non pas la Révolution elle-même, et qu'elle n'y peut aboutir que dans la mesure où l'état d'évolution de la société capitaliste et l'ensemble des circonstances économiques permettent la transformation du régime de la propriété. Il persiste donc dans la doctrine et dans la tactique traditionnelle, - règle invariable, depuis près d'un demi-siècle, de l'élite de ses militants, - qui reconnaît une valeur révolutionnaire à toutes les formes d'activité immédiate du prolétariat préparant, dans les cadres de la société actuelle, la formation de la société future : travail d'extension, d'encadrement et d'éducation des organismes ouvriers, conquête des mandats électifs qui transporte la lutte de classe sur le terrain politique, conquête des réformes, - par l'action directe ou par l'action parlementaire - qui favorise le recrutement des forces socialistes, entretient leur réunion et les tient en haleine pour des revendications nouvelles.

Dictature du prolétariat

Le droit et le devoir du Parti socialiste, après la prise du pouvoir et tant que la sécurité du travail révolutionnaire ne sera pas assurée, sera de gouverner dictatorialement sans chercher une consécration ou un appui dans les formes politiques abolies. Il devra briser toutes les résistances, même celles qui s'appuieraient sur les principes et les institutions démocratiques.

Le parti reconnaît donc la nécessité de fait de la Dictature du Prolétariat, mais sous les réserves formelles :

qu'elle soit exercée par un parti dont l'organisation repose effectivement, comme celle du Parti français, sur la souveraineté populaire ; que, par conséquent, la réalité du pouvoir appartienne personnellement au Prolétariat lui-même, au lieu de se concentrer dans les mains d'un comité public ou occulte ;

qu'une prise de pouvoir impatiente et prématurée ne laisse pas un intervalle de temps démesuré entre la saisie du pouvoir politique et la transformation économique qui est par elle-même la Révolution ; que, par conséquent, la Dictature du Prolétariat conserve son caractère provisoire de mesure révolutionnaire, au lieu de devenir un système stable de gouvernement ;

que le recours à la violence, et, à plus forte raison, l'application de la terreur, toujours combattus par la doctrine socialiste, n'apparaissent que comme l'extrême moyen de salut de la Révolution menacée ; au lieu d'être affirmés systématiquement comme l'instrument normal est inévitable du pouvoir prolétarien.

Questions nationales et coloniales

Le Parti convient qu'une atroce expérience a montré l'inefficacité complète des mesures prises par l'Internationale contre les risques de conflagration européenne. Prévenir à tout prix une catastrophe nouvelle est le premier de tous les devoirs socialistes. Mais le Parti doit maintenir cependant, conformément à la suite ininterrompue de ses résolutions, que, même en régime capitaliste, et si son effort ne pouvait parvenir empêcher la guerre, le devoir international et le devoir de défense nationale pourraient concorder pour les travailleurs.

Il ne cessera pas d'agir, comme il a toujours fait, en faveur des populations indigènes que le système capitaliste livre à la conquête, à l'exploitation et à l'asservissement, mais il se refuse à confondre le mouvement de révolte des peuples opprimés avec le travail de libération prolétarienne ; il ne peut accepter une propagande qui tendrait à fausser la lutte de classes et à déchaîner une guerre de races également contraire à ses principes de fraternité et à sa volonté de paix.

Question agraire

Sans vouloir rechercher s'il est conforme aux principes socialistes de créer la petite propriété paysanne dans un pays où elle n'existait pas encore, le Parti constate qu'elle existe en France depuis plus de cent ans, qu'elle a pris, depuis la guerre, une consistance nouvelle, et que sa propagande comme sa doctrine doivent continuer à tenir compte de ce fait essentiel.

--

Ayant ainsi examiné l'ensemble des questions posées par le Comité exécutif, et affirmé sur chacune d'elles sa pensée propre, le Parti constate qu'il en ressort de graves divergences de doctrine et de tactique avec les thèses de l'Internationale Communiste. Dans ces conditions, il jugerait indigne, et de lui-même, et de la IIIe Internationale, de lui notifier son adhésion ou de lui demander son admission.

Cependant, il demeure plus convaincu que jamais que, sans organisation internationale, il ne saurait y avoir d'action socialiste complète, que les circonstances actuelles exigent plus impérieusement que jamais la concentration universelle du prolétariat contre la concentration universelle de la bourgeoisie, que l'exemple de la Russie elle-même - attaquée par toutes les forces capitalistes, et qui doit trouver toutes les forces prolétariennes pour la défendre - forme la preuve la plus éclatante de cette nécessité.

Mais il estime que l'union internationale a pour condition première l'unité de chaque parti. En incitant les prolétaires à des dissensions intestines, sous couleur d'action plus proche ou plus décisive, on travaille en réalité contre l'Internationale, en même temps qu'on détourne la classe ouvrière de son devoir permanent de lutte contre la bourgeoisie.

L'union internationale exige encore que nul parti socialiste ne soit subordonné à nul autre, que l'action du prolétariat ne soit nulle part liée à des conditions impérativement dictées du dehors, chaque parti restant comptable devant l'Internationale entière de la lutte contre sa propre bourgeoisie, tous les Partis devant trouver, de droit, leur place, dans l'organisation internationale puisque tous ont le devoir d'y participer.

L'union internationale exige enfin que l'action, dans chaque parti, se conforme aux directions d'ensemble, doctrinales et tactiques, qu'auront fixées par leurs délibérations des sections égales et libres. C'est à ce travail que la section française a voulu contribuer par la présente résolution.

Pénétré de cette conviction, résolu à employer tous ses efforts pour faire cesser, au sein de l'Internationale déchirée, une division mortelle pour l'avenir de la Révolution prolétarienne, le Parti décide :

De porter à la connaissance des partis socialistes de tous les pays sa résolution constante de répondre à tout appel, venu de Moscou ou d'ailleurs, qui permette aux diverses sections de reconstituer leur union internationale contre le capitalisme universel ;

De n'accepter qu'aucune organisation, aucun individu, soient exclus de cet appel, l'Internationale elle-même ayant seule qualité pour définir son action et pour écarter les éléments dont la présence serait incompatible avec les règles d'ensemble tracées par elle ;

De susciter, en ce sens, toutes les initiatives que permettront les circonstances ;

De persévérer, plus fermement que jamais, dans l'action qu'il a toujours menée et qui doit conduire le prolétariat, par la conquête du pouvoir politique, à la Révolution sociale ;

Léon Blum, Bracke, Mayeras, D. Paoli.

Les rédacteurs de cette motion ont cherché uniquement à rendre avec franchise leur pensée personnelle, sans provoquer aucune réunion ni solliciter aucune signature. Ceux de nos camarades qui désirent y adhérer sont priés d'adresser leur nom au citoyen Paoli, 37, rue Mouton-Duvernet, Paris (14e) ou à L’Humanité. Dès à présent cette motion est soumise au vote des sections et fédérations, à commencer par la Fédération de la Seine.

 

---

 

ADHÉSIONS

MOTION D'ADHÉSION AVEC RÉSERVES (Comité de la Reconstruction - Longuet-Paul Faure) : Jules Uhry, député (Fédération de l'Oise) […] ; Pierre Ruillier, secrétaire de la Fédération de l'Oise.

 

---

 

RÉSULTATS

Kremlin-Bicêtre. - Dans sa séance du 4, la section a voté l'adhésion sans réserves par 77 voix, 17 voix avec réserves et 9 contre.

Nanterre. - 111 voix pour la motion d'adhésion (Comité de la IIIe, Cachin-Frossard), 9 voix pour la motion avec réserve Longuet-Paul Faure.

 

--

 

Fédération de la Seine

Congrès fédéral

Le prochain Congrès fédéral aura lieu aux dates et lieux suivants :

1° Dimanche prochain 14 novembre, à 9 heures du matin, dans la grande salle de la Bellevilloise, 23, rue Boyer (Métro Martin-Nadaud).

(Discussion générale sur l'adhésion à la IIIe internationale) ;

2° Dimanche 21 novembre, à 9 heures du matin, dans la salle des Fêtes de la Mairie du Pré-Saint-Gervais (Métro Pré-Saint-Gervais).

(Suite et fin de la discussion générale sur l'adhésion à la IIIe internationale).

3° Dimanche 28 novembre, à 9 heures du matin, dans la grande salle de la Bellevilloise, 23, rue Boyer (Métro Martin-Nadaud).

(Rapport de la Trésorerie, du groupe parlementaire, de L’Humanité, etc. ; demandes de réintégration au Parti. - Votes.)

Vu l'importance extraordinaire des décisions que la Fédération est appelée à prendre relativement à son orientation, la C.E. a résolu de ne pas consacrer moins de deux séances aux discussions motivées par la proposition d'adhésion à la IIIe Internationale.

Notification ayant été faite au Bureau fédéral que les rapports de la Trésorerie, du groupe parlementaires, de l'Humanité, etc., ne pourraient lui être remis que dans la seconde quinzaine de novembre, le Bureau a jugé utile, afin que, au préalable les sections en puissent utilement connaître, de différer à la dernière séance du Congrès fédéral la discussion publique de ces rapports.

Note importante. - Les secrétaires des sections sont priés de bien vouloir mentionner, sur les mandats remis aux délégués suppléants, la qualité de suppléant.

Le secrétaire fédéral : Georges Pioch.

 

---

 

Convocations

Parti socialiste

[…]

10e, Saint-Louis. Tous les camarades qui ont voté l'adhésion « sans réserves » à la IIIe Internationale à 10 heures, salle Drouin, 218, rue Saint-Maur : « Nomination des délégués au congrès ».

 

--

 

Parti socialiste (S.F.I.O.)

La conférence de Berne

La Commission administrative permanente a pris connaissance dans la réunion de mardi de communications du Parti socialiste indépendant d'Allemagne, du Parti socialiste suisse et de l'Independent Labour Party d'Angleterre, concernant une conférence de reconstruction internationale qui doit avoir lieu à Berne au début du mois prochain et à laquelle seront convoqués les Partis qui ont quitté la IIe Internationale.

Le texte de ces communications sera donné in extenso dans l'Humanité.

La Commission administrative a été saisie d'une proposition du citoyen Mayéras ainsi conçue :

En application de la résolution prise par le Parti au Congrès de Strasbourg, la Commission administrative décide de répondre affirmativement à la convocation du Parti socialiste suisse.

Cette proposition a été appuyée par les citoyens Longuet, Renaudel, Maurin, et combattue par les citoyens Paul Louis et Daniel Renoult.

Le citoyen Frossard a déclaré qu'il ne s'opposait pas à la proposition, mais sous la réserve que ses amis et lui ne participeraient pas à la délégation projetée.

La proposition Mayéras a été adoptée par 13 voix contre 10 et 1 abstention.

La minorité a décliné toute participation à la conférence. En conséquence, la délégation de la majorité comprendra les citoyens Longuet, Paul Faure, Renaudel, et la citoyenne Saumoneau ; le citoyen Grumbach comme traducteur.

Le secrétaire : L.-O. Frossard.

 

---

 

Fédération Nationale des Jeunesses socialistes communistes

Comité national

Sont présents : titulaires : Auclair, Vandomme, Poutillon, Laporte, Vital, Calman, Perche, William, Schaub, Fégy, Kuntz, Lacroisille, citoyenne Waeziard ; suppléants : Naze, Paratre, Honel, Souflot.

 

La séance du 3 novembre est ouverte à 20 heures 30.

Vital préside.

Calman avise le Comité de l'arrestation du délégué des Jeunesses italiennes, Gino di Marchi.

L'on passe à la nomination du Bureau de la Fédération composé de deux secrétaires. Sont élus à l'unanimité : Laporte, secrétaire politique ; Fégy, secrétaire administratif.

Le comité envisage ensuite la situation créée par la minorité indisciplinée qui se déclare en lutte ouverte contre la Fédération et contre le vote de la Conférence nationale convoquée par le Parti. Auclair propose des mesures énergiques ; Laporte et Vandomme demandent l'envoi à la C.A.P. d'une délégation. Ce point de vue est admis et Vandomme, Auclair et Laporte sont désignés pour faire entendre la protestation du Comité national.

Calman voudrais que le comité entreprenne une agitation en faveur de l'anniversaire de la Révolution russe ; Schaub propose l'impression de tracts et d'affiches. Le Comité constate que les quatre jours qu'il a devant lui ne sont pas suffisants pour entreprendre cette action qui doit revêtir une grande ampleur. Le secrétaire se bornera pour cette fois à inviter les Jeunesses à organiser des Conférences sur la Révolution russe et à participer aux manifestations publiques. Tous les orateurs du Comité national se mettront à la disposition des Jeunesses. De plus, Laporte est désigné pour prendre, au nom de la Fédération, la parole au meeting de la salle Wagram du 7.

L'organisation de tournées de propagande en province est superficiellement envisagée. Vandomme est mandaté pour visiter le Pas-de-Calais.

Une commission est nommée pour mettre au net le programme d'action communiste adopté par la Conférence nationale.

La discussion s'engage ensuite sur les dettes des Ententes régionales. À ce propos, Vandomme demande l'envoi de circulaires les priant de se mettre à jour dans les délais les plus brefs et constate que l'ancien trésorier Mauduit est en possession d'une certaine somme. Le secrétaire est invité à s'entremettre avec les jeunesses d'Alsace-Lorraine pour le paiement de leurs cotisations.

Après un échange de vues général sur la réorganisation de la Fédération, son action future et celle des Ententes et des groupes, le Comité décide de consacrer sur ce sujet important plusieurs réunions spéciales et la séquence est levée à 23 heures.

Les secrétaires : Fegy et Laporte.

 

---

 

L'affaire des jeunes commu​nistes

Nos jeunes camarades Vouïovitch, Sulzbachner et De Marchi ont été extraits de leurs cellules de la Santé pour subir, au Palais, un interrogatoire de Monsieur Jousselin. Celui-ci a cherché, sans y réussir, à établir un lien entre les trois jeunes communistes qu'assistaient, comme avocats, nos amis Létrange (au nom d'Oscar Bloch) et Coën.

C'est par erreur que nous avons dit que De Marchi avait été arrêté à la Maison commune de la rue de Bretagne. Il a été arrêté chez le citoyen Radi qui lui avait offert l'hospitalité (et qui, soit dit entre parenthèses, n'a jamais été trésorier du Comité de la IIIe Internationale).

Monsieur Jousselin aura beau grossir le nombre des inculpés du complot ; il n'arrivera pas à établir la réalité du complot. C'est pourtant de cela, et de cela seul qu'il s'agit.

 

---

 

Les meetings d'​hier

La Fédération socialiste et l'Union des syndicats de la Seine avaient organisé hier dans les différents arrondissements de Paris et dans les communes de la banlieue, 41 meetings. Il s'agissait de faire une grande démonstration pour contraindre nos gouvernants à la paix avec la Russie.

Le succès fut complet.

Les orateurs - notamment Louis Sellier et Lefèvre à la Grange-aux-Belles ; Léon Blum et Berrard, avenue de la République ; Bracke et Barthe, rue Cambronne ; Delepine et Guiraud, à Billancourt ; Bourderon et Paul-Boncour, à Montreuil - protestèrent contre le blocus et contre l'appui donné à Wrangel. On réclama aussi la mise en liberté des militants emprisonnés et la réintégration des révoqués.

L'ordre du jour suivant fut adopté dans chacune des 41 réunions par l'unanimité des assistants :

Les citoyens et citoyennes réunis sur l'invitation commune de la CGT, du Parti socialiste et de la Ligue des Droits de l'Homme, quels que soient leurs sentiments respectifs sur les formes et les méthodes de la Révolution russe déclarent illicites, contraires aux droits des peuples, à l'esprit de la démocratie, aux prescriptions mêmes du traité de Versailles :

1° L'intervention militaire directe ou indirecte dans l'organisation politique et sociale du peuple russe ;

2° La prolongation du blocus qui a frappé cruellement des populations sans défense ;

3° L'envoi d'hommes, d'armes ou de munitions pour exercer indûment une pression sur ce pays ;

4° La reconnaissance officielle du gouvernement Wrangel.

Ils dénient au gouvernement et au Parlement le droit d'engager la France dans une action militaire en dehors des formes imposées par notre constitution et par nos lois.

Ils ne peuvent admettre que, par ces abus d'autorité, la République française apparaisse au monde comme reprenant la guerre de la Sainte-Alliance contre l'émancipation des peuples et se pose en champion mondial de la contre-révolution.

Par-dessus les frontières ils adressent leur salut fraternel au peuple russe et demandent que dans la paix rétablie les relations normales soient reprises avec la grande nation dont l'effort de production manque tant au monde.

En conséquence, ils font appel à tous les citoyens jaloux de conserver à la France l'attitude que lui commande les souvenirs de la Révolution française et cinquante ans de République.

Ils les invitent à peser de toutes leur action sur les pouvoirs publics pour mettre fin au plus tôt à une situation dont l'équivoque même fait injure à notre pays.

Profitant de ce qu'ils sont assemblés, les citoyens présents demandent la libération des militants emprisonnés, la réintégration des révoqués, l'amnistie pleine et entière et ils protestent contre l'entreprise militariste qui vise à accabler le pays sous le fardeau de la loi de deux ans.

 

---

 

Les troupes rouges pénètrent en Crimée

Londres, 10 novembre. - (Par téléphone de notre correspondant particulier.) - Un télégramme de Moscou annonce que les troupes rouges ont pénétré en Crimée. Après plusieurs tentatives vigoureuses contre les troupes de Wrangel, les rouges ont forcé l'isthme de Perekop ; une division blanche s'est rendue.

Sivatch, à l'est de la Crimée, a été pris.

 

---

 

Cinquantenaire ! - par Marcel Cachin

Ce cinquantenaire de la République, le peuple, le peuple socialiste et révolutionnaire aurait seul strictement le droit de le fêter. C'est lui qui a abattu l'Empire par son coup d'État du 4 septembre 1870 : c'est lui qui a fait la Commune pour arracher la France à l'Assemblée de malheur bourrée de royalistes, de cléricaux et de bonapartistes, élue en février 71.

La République, née des héroïques sacrifices des communards et des ouvriers parisiens, est, depuis, accaparée par les pires ennemis des prolétaires qui lui donnèrent la vie.

Qu'elle est loin aujourd'hui de ses origines glorieuses ! Elle n'est plus qu'un nom, une façade, une duperie, et la bourgeoise, qui en est la maîtresse unique, se sert du régime pour asseoir ses privilèges et sa dictature.

Au pouvoir, les millionnaires, les mercantis, les triporteurs, les banquiers, les profiteurs de tout ordre ! À la présidence de la République, un renégat froidement impudent ! Autour de cette Marianne infidèle on voit, montant la garde, la réaction la plus avancée, tous les déchets du passé, les intérêts les plus vils, la presse cynique et vénale.

En prison, les socialistes et les honnêtes gens ! À la rue, 25 000 cheminots innocents ! La lutte de classes la moins dissimulée ; un budget écrasant que l'on fait payer aux pauvres ; des projets de spoliation de la nation, de nouvelles conventions scélérates en préparation ; un militarisme plus insolent que jamais ; du chômage ; la vie chère ; l'incertitude pour tous et, se profilant sur ce tableau, le capitalisme anglo-saxon qui tient de plus en plus le pays à la gorge.

À l'extérieur, la lutine inexpiable, la guerre, le blocus honteux contre la Révolution ouvrière de Moscou. Des haines qui s'exaspèrent entre les Alliés d'hier. Des convoitises impérialistes qui menacent sur tout le globe la paix « boiteuse et essoufflée » des gouvernants victorieux !

Pour étayer cette politique insensée, 800 000 Français sous les armes dans une nation où, en 1919, le chiffre des décès s'éleva au double de celui des naissances ! Dix milliards annuellement jetés au gouffre de la paix armée en une nation qui doit 300 milliards ! Ce pendant qu'à nouveau les chauvins imbéciles réclament le Rhin, la Ruhr ! Que Gouraud se flatte de garder la Cilicie et la Syrie, et que l'Algérie meurt de faim.

On nous invite à participer à l'apothéose du régime qui a produit ces fruits amers ! Non ! Le peuple socialiste ne reconnaît pas la République rêvée par ceux qui, il y a cinquante ans, moururent aux barricades. Ce soir, il ne se mêlera pas aux badauds qui chanteront et danseront aux carrefours !

Marcel Cachin.

 

---

 

Le congrès communiste

Berlin, 4 novembre. (De notre correspondant particulier).

La séance de mercredi a débuté par une discussion sur l'admission du Parti communiste ouvrier comme membre sympathisant de l'Internationale Communiste. Le Congrès a adopté, à l'unanimité moins une voix, une motion déposée par la Fédération rhénane et demandant au Comité Exécutif de la IIIe internationale de refuser l'adhésion du Parti communiste ouvrier comme membre sympathisant.

Le camarade Braudler a prononcé ensuite un discours important sur les conseils d'ateliers, dont il a fait l'historique depuis le début de la guerre ; il a reconnu que jusqu'à l'époque de la Révolution la lutte de la classe ouvrière n'avait pu se dérouler qu'à l'intérieur du système capitaliste par l'amélioration des conditions de vie des travailleurs. Mais il s'agit aujourd'hui de créer chez les ouvriers la volonté de parvenir au pouvoir.

Les Conseils d'atelier doivent d'abord devenir des organes permettant de supprimer le chômage. Ce problème du chômage est aujourd'hui le problème cardinal. Il ne peut être résolu que par la destruction du système capitaliste. À une époque où le capitalisme ferme les usines ou bien ne travaille que pour disperser à l'étranger les produits indispensables à l'économie allemande, seule l'organisation communiste de l'économie, l'accommodation de la production aux besoins du prolétariat peut résoudre la crise. Il en est de même dans l'agriculture où les bases de la production sont détruites par le passage à la culture extensive.

À toutes les tentatives de réformes et de socialisation partielle nous devons opposer la lutte pour le contrôle de la production. Il semble que cette formule soit adoptée dès aujourd'hui par les socialistes majoritaires et les syndicats socialistes de droite.

Ils veulent fausser la lutte révolutionnaire pour la souveraineté dans les usines et s'en servir pour parvenir à des postes où ils collaboront avec le capital. Or, la lutte pour le contrôle de la production signifie la défaite du capital : elle n'est pas avec les patrons mais seulement conte eux.

La mission des conseils d'ateliers

La première tâche des Conseils d'ateliers sera de faire l'inventaire de toutes les disponibilités de travail, de façon à faire rentrer les chômeurs dans le courant de la production. Il ne s'agit pas là d'une statistique syndicale, mais d'une lutte active contre le patronat. Nous devons exiger pour les chômeurs, le minimum prévu par l'ordonnance des commissaires du peuple, c'est-à-dire le placement des anciens combattants avec salaire complet dans les cas où ce placement n'est pas possible.

La classe ouvrière ne pénètrera au cœur de la production que par le contrôle de la production charbonnière. Les Conseils d'ateliers des mines doivent donc travailler de concert avec les Conseils d'ateliers des autres industries ; ils doivent organiser la répartition du charbon malgré le patronat. Le charbon ne doit être livré et transporté que sur certificat du Conseil de mines. Les industries de l'alimentation, du vêtement et du bâtiment doivent être pourvues en première ligne ; les fabriques d'armes et de munitions ne doivent pas en recevoir ; elles ne seront pourvues que lorsqu'elles travailleront pour le prolétariat.

Mais toutes ces mesures de contrôle resteront en l'air tant que nous n'atteindrons pas le système capitaliste dans son centre vital par le contrôle des banques.

La question des paysans est très importante. Nous n'obtiendrons des vivres pour le prolétariat industriel que si nous livrons aux agriculteurs les produits industriels par échange direct au lieu des billets imprimés de l'État capitaliste. Les organes d'échange seraient, d'une part les Conseils d'ateliers, les syndicats et les coopératives de consommation, et d'autre part les Conseils de domaines et les coopératives paysannes. Une autre tâche des Conseils d'ateliers sera le trafic avec la Russie des Soviets, la centralisation des commandes et l'échange de marchandises et des travailleurs.

(À suivre.)

 

 

Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du jeudi 11 novembre 1920

- avant le Congrès : « MOTION POUR L’UNITÉ INTERNATIONALE », par Léon Blum, Bracke, Mayéras, D. Paoli, 3e motion présentée après celles de l’adhésion à la IIIe Internationale avec réserves et celle sans réserves [dans ces conditions, il (le Parti socialiste) jugerait indigne, et de lui-même, et de la IIIe Internationale, de lui notifier son adhésion ou de lui demander son admission]

- adhésions à la motion avec réserves (Comité de la Reconstruction - Longuet-Paul-Faure) : Jules Uhry, député, et Pierre Ruillier, secrétaire de la Fédération de l’Oise

- résultats des votes des sections du Kremlin-Bicêtre et de Nanterre

- annonce du Congrès fédéral de la Fédération de la Seine

- convocation à une réunion de la section de Saint-Louis des camarades ayant voté l’adhésion sans réserves pour la nomination des délégués au Congrès

- décision discutée à la CAP de la participation à la Conférence de Berne en décembre, avec les Partis ayant quitté la IIe internationale

- réunion de la « nouvelle » Fédération nationale des Jeunesses socialistes communistes

- les jeunes communistes emprisonnés entendus par la justice

- 41 meetings la veille à Paris et en banlieue en soutien à la Russie

- Wrangel : les troupes rouges en Crimée

- « Cinquantenaire ! » de la République, par Marcel Cachin [ce soir, il (le peuple socialiste) ne se mêlera pas aux badauds qui chanteront et danseront aux carrefours ! »

- « le congrès communiste » allemand et la mission des conseils d’ateliers

 

le 10 novembre 2020

 
 

Il y a cent ans : L'Humanité au jour le jour

 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)