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Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du mercredi 10 novembre 1920

L'Humanité, journal socialiste quotidien

À partir du site internet Gallica, de la Bibliothèque nationale de France

 

L'Humanité du mercredi 10 novembre 1920

 

 

Les premiers congrès fédéraux

La Corrèze

La Fédération de la Corrèze - une des plus importantes du parti, puisqu'elle compte 3 000 cotisants est près de 100 sections - a tenu son Congrès dimanche 31 octobre et lundi 1er novembre, dans la petite ville d'Égletons, dont le citoyen Charles Spinasse est le conseiller général socialiste. Ses séances ont été présidées par Frossard, secrétaire du Parti ; Aussoleil, député, assistés de Jean Mouret, député, et Bouthonnier, maire de Périgueux.

Un important débat ses produits sur la question de l'Internationale. Il a été ouvert par une controverse entre les citoyens Frossard, qui défendit l'adhésion, et Mouret, qui la combattit. Un grand nombre de camarades sont intervenus, notamment les citoyens Bouthonnier, Spinasse et Roumajon, secrétaire fédéral adjoint. Finalement, après une dernière intervention de Frossard et sur la proposition d'Aussoleil, l'adhésion à la 3e internationale est votée à l'unanimité, avec les seules réserves formulées par Frossard lui-même, à savoir : le maintien du titre du Parti, la non-exclusion de la fraction centriste ; enfin la non-subordination de l'action syndicale à l'action socialiste.

Le Congrès fédéral dans sa séance de lundi, désigna par acclamations ses trois candidats aux élections sénatoriales : les citoyens Malaure, secrétaire fédéral : Tinlot, notaire à Meymac et Delfour, d'Égletons.

 

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Le Comité confédéra​l national s'occupe des rapports avec le Parti et de « discipline intérieure »

Le Comité confédéral national, continuant hier ses travaux, a voté deux ordres du jour importants : le premier motivé par la campagne menée actuellement par la CGT, d'accord avec le Parti socialiste et la Ligue des Droits de l'Homme ; le second ayant trait à la « discipline intérieure » c'est-à-dire aux « noyaux ».

Les séances du comité sont secrètes, il n'en est publié qu'un communiqué officiel dont la neutralité voulue est loin de traduire la physionomie véritable de débats le plus souvent mouvementés.

Tout ce que nous pouvons dire, d'après les renseignements très sûrs qui nous parviennent, c'est que le débat sur le « noyautage » - c'est-à-dire sur l'existence et l'action au sein des syndicats de minorités révolutionnaires organisées -, a revêtu, à de certains moments, des formes violentes est âprement personnelles et que le vote auquel ce débat a donné lieu (77 voix pour l'ordre du jour Dumoulin, 28 contre et 23 abstentions) a été interprété par le Bureau confédéral de telle manière qu'il a cru devoir pendant un moment se déclarer démissionnaire.

 

La campagne en faveur de la Russie

Le premier ordre du jour a été adopté à l'unanimité, après des interventions de Lapierre, Dumoulin, Labrousse, Jouhaux, Luquet, Merrheim, Liochon, Mayoux, Delagrange, Bouet. En voici le texte :

Le comité national réuni les huit et 9 novembre, approuve la C.A. de la CGT dans ses relations avec le PS et la Ligue des Droits de l'Homme, relations qui ont abouti à un accord entre ces trois organisations en faveur de la paix avec la Russie et contre la réaction dans toutes ses formes.

Le Comité national s'associe à l'action engagée et s'engage à donner tout son effort pour l'organisation et la réussite des nombreux meetings qui auront lieu tant en province qu'à Paris.

Il laisse à ceux qui se proposent d'affaiblir cette action en y introduisant des questions de tendance et de préventions personnelles, la responsabilité de leur attitude.

De même il n'accepte pas d'être rendu responsable si éventuellement l'accord intervenu n'a, dans l'esprit de certaines personnes, fraction ou groupements, qu'un caractère provisoire.

Par-delà les frontières, le Comité adresse son salut fraternel au peuple russe en l'assurant de son désir de voir la paix rétablie et les relations normales réalisées au bénéfice commun des peuples.

 

La « discipline intérieure »

Voici comment s'exprime le communiqué officiel au sujet de la discussion sur la « discipline intérieure » : nous n'y ferons aucun commentaire.

La situation intérieur des organisations syndicales a retenu l'attention du Comité national. Le débat qui s'est institué a eu pour objet de déterminer si la Fédération nationale, les Unions départementales, les syndicats devaient rester libres de prendre toutes mesures et sanctions envers les auteurs de l'action de division entreprise à la suite des instructions venue du Congrès de la IIIe internationale.

Le Comité national a déclaré à l'unanimité qu'il ne saurait être question de limiter en quoi que ce soit la liberté de pensée, pas plus qu'il ne saurait être question d'interdire des tendances diverses au sein du mouvement ouvrier.

Mais comme les témoignages nombreux en ont été apportées l'action actuellement entreprise par l'organe des Comités syndicaliste récemment institués qui s'étayent sur le mensonge et la calomnie pour aboutir à porter le trouble le plus grave dans les consciences ouvrières, cette action doit pouvoir comporter les sanctions que les organisations syndicales sont laissées juge d'appliquer.

L'ordre du jour suivant a été, d'après le Temps d'hier soir, proposée par Dumoulin et adopté par 72 voix contre 28 et 23 abstentions :

Le Comité Confédéral National adjure les militants et les organisations de ne rien faire qui conduise à la division des forces ouvrières. Il demande à tous, quelque soit leur tendance, de ne pas perdre de vue que l'unité des forces ouvrières est la condition primordiale et une condition essentielle de toute action efficace et les prie de se rendre compte que la division serait à cette heure particulièrement funeste à la Révolution russe, comme à tout effort national et international de libération du travail et ne peut que favoriser les entreprises de la réaction, dont l'audace grandit en même temps que s'accuse, ainsi que de nombreux exemples le prouvent, l'action dissolvante de certains groupements aux responsabilités lointaines et incertaines.

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Le Comité Confédéral National, rappelant les décisions du Congrès d'Orléans déclare que les syndicats qui ont donné leur adhésion de fait aux Comités syndicalistes révolutionnaires se sont placés dans une position d'hostilité, de scission morale et de désorganisation des forces confédérales et de l'Unité de l'Internationale syndicale constituée;

Il précise que la position ainsi choisie place ces organisations dans l'obligation d'appliquer les méthodes de division indiquées par l'Internationale de Moscou parmi lesquelles le noyautage est un des moyens prévus et déjà employés.

Le comité confédéral ne saurait éviter de mettre les organisations en garde contre les conséquences inévitables de leur adhésion qui pourrait provoquer de la part des Fédérations et des Unions départementales des mesures d'exclusion contre lesquelles la CGT ne pourrait nullement intervenir.

Les statuts confédéraux qui impliquent les deux obligations d'être adhérent à son Union et à sa Fédération Nationale resteraient toujours en vigueur et nécessiteraient ainsi des décisions concordantes devant lesquelles la Confédération ne pourrait que s'incliner.

 

Le Comité National poursuit ses travaux aujourd'hui.

 

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Les délégués des organisations minoritaires au Comité confédéral national et le comité central des CSR sont convoqués à une réunion qui se tiendra ce soir, à 20h30 précises, à la Maison Commune, 49, rue de Bretagne. Présence indispensable.

 

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Une infamie - par P. Vaillant-Couturier

C'est ce transport d'un mort inconnu en cavalcade sous l'Arc de Triomphe. On en a parlé longuement. On ne peut en avoir tout dit.

Jamais la France n'a manqué à ce point à ses traditions d'élégance morale.

Il semble que dans la victoire se soient effondrées toutes ses qualités de délicatesse et de mesure dans la sensibilité qui sauvegardaient un peu notre réputation si gravement compromise déjà au-dehors.

Car cette mauvaise action dépasse l'infâmie de l'abus de confiance. Le banquier escroc sait en général demeurer homme du monde. Ici aucun manque de tact n'a été épargné. Le cœur sec de Poincaré, le froid ordonnateur des pompes funèbres de la guerre, a présidé.

Toute une jeunesse vierge de violence vivait à travers le monde, enrichissant par son travail des capitalismes rivaux.

Au mot d'ordre des patries d'affaires, ces jeunes hommes, pour ce même enrichissement des capitalismes, ont été précipités les uns contre les autres. Ils sont tombés au hasard des champs de bataille, enterrés dans les tombes incertaines des boyaux, utilisés par nos souliers comme points de passage entre deux houes, hissés parmi les sacs à terre des parapets comme de flasques boucliers.

Trahis à droite, trahis à gauche, assassinés par leurs maîtres, les morts sans plaque d'identité, les disparus des premiers jours qui survivaient quelque temps au fond de l'espoir obstiné des leurs, les macchabées sans-papiers, les enfouis sans bouteille, les faits aux poches par les rôdeurs des fils de fer, les voici réveillés là-bas par leurs voleurs et leurs assassins.

Un vent d'épouvante venu de l'est soufflé sur les figures rassasiées. La défense nationale enrichisseuse et patronne des trahisons s'effondre dans le scandale de la faillite nationale. Il faut sonner le clairon de ralliement autour d'un état-major qui blêmit. Il faut battre le rappel des appétits, des intérêts, des ignorances. Il faut hisser un mort au bout de la hampe de ce drapeau qu'on ne salue plus assez.

Voici le mort-réclame pour les assassinats de Syrie, de Cilicie, de Crimée et du Maroc où les groupes financiers pillards suivent les troupes en marche.

Voici le mort-réclame pour le service de deux ans, pour le rabiot de la classe 19, voici le mort-réclame pour les ligues civiques d'assassinat, pour les unions de combattants briseurs de grèves, pour les chefs de section faucheurs de rues du cent et unième Suisse Binet-Valmer.

Voici le mort-réclame pour le reniement triomphal du socialiste Millerand, couronné part Daudet meurtrier patenté des socialistes.

Voici le mort-réclame pour la population des taxes indirectes, des impôts de consommation et du budget de la guerre.

Voici le mort-réclame pour l'Emprunt, le mort à six pour cent. Souscrivez, braves gens ! Vous voyez bien que c'est pour l'ancien poilu qu'on travaille puisque trois cent mille francs de crédits vont être ensevelis avec les pauvres os de l'inconnu sous les pierres de l'Arc de Triomphe.

Ah ! s'il était tombé pour une idée, le pauvre bougre ! Mais non, ce qui rend affreusement tragique cette époque de gloire militaire c'est que personne ne la crois plus désintéressée. Jaurès disait à propos de l'affaire Dreyfus que la machine militaire commençait à y perdre un peu de cette réputation d'honneur et de désintéressement qui l'auréolait aux yeux de la foule crédule. La guerre a achevé de démolir la vieille idole dans la conscience des masses combattantes.

Comme on n'acclame plus les généraux et qu'on méprise les politiciens, ils ont imaginé de se faire traîner à la remorque d'une victime pour que le même hommage semble réunir le tuer et les tueurs.

Dérisoire peut-être plus encore qu'ignoble, ce besoin d'illusion de consciences inquiètes, cet éclaboussement de gloire que les bras sacrificateurs espèrent mendier sur le passage de leur sacrifié muet.

Et leur recherche des complicités, quel scandale !

Non contents de voler les morts, les voilà qui vont voler jusqu'à la pieuse douleur des hommes et des femmes : « une mère, un père, une veuve, un orphelin de soldat inconnu » suivront le cortège, sur le pied d'égalité avec les maréchaux. Ceux qui devraient s'agenouiller devant eux et leur demander pardon consentent à les considérer comme des égaux à condition qu'ils veuillent bien jouer leur rôle dans la pièce macabre. Et quel rôle atroce !

Comment, s'il s'est trouvé des auteurs assez malpropre pour songer à l'écrire, a-t-on pu trouver de pauvres être assez dépourvus de sensibilité pour le remplir ?

Chacun a voulu apporter sa gaffe pesante, son lourd pavé au bûcher du pauvre diable d'inconnu ; il ne s'est pas trouvé assez de vieilles femmes pour apporter assez de fagots à ce christ aux outrages, il ne s'est pas trouvé assez de mercenaires, assez de pharisiens, assez de scribes pour apporter assez de verges et assez de crachats sur la dérision du sceptre de roseau et du manteau de pourpre.

Et cela, le jour anniversaire de l'armistice, le jour anniversaire de l'instant où nous avons enfin respiré, tandis que Paris et l'arrière se ruaient au plaisir et roulaient dans le vomissement des ruisseaux, le jour où commençait, après l'esclavage de la guerre, l'esclavage prévu d'une paix de trahison.

Brandissez-le, votre mort inconnu, soulevez-le au-dessus de nos têtes, volez-le nous notre camarade et commandez les tangos funèbres, les gueuletons funèbres et les pillages funèbres.

Mais ce n'est pas vous qui conduirez le prolétaire mort qui ne vous appartient pas.

Comme le mort de pierre des danses macabres de Berne ou de Rouen, comme le squelette de Holbein, votre soldat inconnu vous prend par la main et vous guide vers le trou où l'Histoire veut que vous et vos lauriers de papier peint alliez pourrir.

P. Vaillant-Couturier

 

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Le gouvernement de la police

On expulse les uns…

Jamais le gouvernement de la république n'avait, autant que depuis quelques mois, usé contre les révolutionnaires étrangers du coup de Jarnac de l'expulsion. Dans une République réelle, toute expulsion d'étrangers devrait ne pouvoir être prononcée que par des tribunaux compétents, après une instruction contradictoire. Mais dans notre République bourgeoise, dans notre République antirépublicaines, expulser est un fait du prince, expulser est une mesure de police. Et on expulse à tour de bras !

[…]

Un jour viendra où la classe ouvrière triomphante leur rouvrira les portes du pays qui put être appelé par Proudhon la patrie éternelle des révolution !

On interne les autres…

Tandis qu'on expulse les uns, on empêche les autres de sortir. C'est toujours la police qui règne.

Notre camarade Pierre Dumas qui, du secrétariat de la Fédération socialiste du Rhône, vient de passer au secrétariat de la Fédération des produits chimiques, devait se rendre, la semaine dernière, à la Haye au Congrès international de sa corporation.

Le Bloc national n'aime pas que les prolétaires de tous les pays se réunissent. Pierre Dumas s'est donc vu refuser son passeport.

La voilà bien, la dictature du capital ! Et dire que nous nous disputons encore, entre socialistes, sur la nécessité de la dictature du prolétariat !

A. D.

 

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« Le complot »

Pourquoi M. Jousselin n'emploierait pas la journée du Cinquantenaire de la République, à interroger nos camarades Loriot, Monatte, Souvarine et Monmousseau, sur le complot auquel ils sont censés avoir participé ?

Loriot, Monatte, Souvarine et Monmousseau n'ont cessé d'inviter M. le juge d'instruction Jousselin à procéder sans retard à cet interrogatoire. Le magistrat n'en a rien fait.

Remettons-lui sous les yeux la lettre de nos amis. Elle est toujours d'actualité. Toutefois comme, en dépit de l'inertie jousselinesque, les jours ont passé, il doit lire, à la première ligne « six mois » au lieu de « cinq mois ».

Monsieur le Juge d'instruction,

Après cinq mois de prison préventive pour « complot contre la sûreté de l'État », permettez-nous de vous demander pourquoi vous ne nous avez pas encore posé une seule question sur ce complot, auquel il paraît, d'après votre inculpation, que nous aurions participé.

Excusez notre curiosité et veuillez agréer, M. le Juge d'instruction, nos salutations. F. Loriot, P. Monatte, Monmousseau, B.Souvarine.

 

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La nationalisation des chemins de fer

Le projet du Conseil Économique du Travail

Les conventions scélérates

 

En mai dernier, tout le prolétariat français se leva sur le mot d'ordre de la CGT pour réclamer la nationalisation des services publics.

La résistance acharnée de la bourgeoisie est encore présente à toutes les mémoires. Le capitalisme de notre pays mobilisa toutes ses forces d'oppression et de répression, employa toutes les armes que lui fournissaient « sa » loi est « ses » gendarmes pour écraser le mouvement prolétarien. Nos dirigeants, M. Millerand que les services rendus à la ploutocratie financière devaient désigner plus tard comme le plus digne pour l'Élysée, n'hésitèrent pas à recourir aux pires moyens, aux extrêmes brutalités pour triompher à tout prix. Les prisonniers de la Santé, les nombreux militants encore maintenus contre toute raison dans les geôles, attestent que la classe bourgeoise, pour conserver ses privilèges, a déployé tous les moyens de force dont elle disposait.

Est-il permis de croire qu'il puisse en être autrement à l'avenir ? Peut-on supposer que la classe possédante qui ne dispose du pouvoir que parce qu'elle détient ce pouvoir suprême en régime capitaliste : l'argent, consentira à abdiquer une partie de sa puissance, à renoncer sans y être obligée à une parcelle quelconque de ses prérogatives ? Dans le domaine spécial des services publics, peut-on croire que les grands consortiums capitalistes qui disposent des chemins de fer, des mines, de tous les grands services nationaux, laisseront toucher à leurs grasses prébendes sans les défendre avec la dernière vigueur ?

Les grèves de mai sont une réponse à ces questions. Elles nous ont montré une bourgeoisie de combat, avertie des dangers qui la menacent, et qui se défend avec d'autant plus d'opiniâtreté qu'elle sent ses jours comptés.

Dans ces conditions, poser le problème de la nationalisation - du moins dans le sens où le Parti socialiste l'a toujours entendue, dans le sens de la socialisation - c'est poser tout le problème de la transformation sociale, engager la lutte sur ce point, c'est prendre corps à corps le capital. Et le résultat ne peut plus être qu'une question de force.

 

La nationalisation industrialisée

Mais une nouvelle formule est venue, issue du Conseil Économique du Travail que la CGT fonda il y a un an en y convoquant la Fédération des Fonctionnaires, les Coopératives et les techniciens de l'U.S.T.I.C.A.

Cette formule, qui est celle qui servit pendant les dernières grèves, c'est celle de la « nationalisation industrialisés ».

Le Conseil Économique du Travail a défini ainsi son but :

Une entreprise est nationalisée lorsqu'elle n'est plus exploitée qu'en vue des besoins de la communauté, et qu'elle n'a d'autre but que de procurer aux consommateurs le maximum d'utilité et d'économie.

De quelle façon le Conseil Économique du Travail entend-il mettre en pratique cette formule, c'est ce que nous indique le volumineux rapport qu'il a établi sur cette question et que nous allons nous contenter d'analyser.

Ce travail nous a paru nécessaire au moment où laCchambre va discuter le projet Le Trocquer qui prétend « réorganiser » mais en réalité laisse subsister l'omnipotence des compagnies et le gâchis actuel, et le projet du citoyen Léon Blum.

 

Les conventions scélérates

Afin de préciser les détails de la nouvelle organisation, le rapport du C.E.T. dénonce les responsabilités du gâchis qui sévit actuellement.

Si l'anarchie persiste, c'est que quelqu'un a intérêt à la faire durer. Pour guérir le mal, il faut en chercher la cause profonde : elle réside dans le système des conventions qui depuis plus de 50 ans régit nos chemins de fer et que le mouvement actuel nous propose de renouveler pour 50 ans encore.

Ces conventions, justement appelées les « Conventions scélérates » nul ne les a mieux jugées que le député qui le 14 janvier 1895 demander à la Chambre de mettre en accusation pour crime commis dans l'exercice de ses fonctions M. Raynal qui, comme ministre des Travaux publics, les avait signées en 1883.

Ce député - alors socialiste - c'est M. Millerand qui fut le brutal étrangleur des grèves de Mai et à qui l'ardente défense des privilèges qu'il flétrissaient alors a valu le pouvoir suprême.

 

Les Compagnies encaissent, l'État paie…

Une des bouteilles de ces « conventions scélérates » est qu'elles laissent à l'État par le mécanisme des « garantie d'intérêts » presque toutes les charges de l'affaire. L'État, c'est-à-dire les contribuables, nous…

Les obligataires ont leurs intérêts payés par le Trésor public. Les actionnaires sont assurés d'un dividende minimum. Il est vrai que, par contre, la loi fixe un maximum ce qui fait que la situation des actionnaires est presque prévue d'avance « P.-L.-M., minimum 55 fr., maximum 67,50 fr.)

Le résultat :

Dès lors comment s'étonner, si les actionnaires n'étant stimulés ni par l'appât du gain, ni par la peur de la perte, ont pris l'habitude de se désintéresser de la gestion de leurs propres affaires.

On a beaucoup exalté les petits actionnaires, les « cheminots de l'épargne ». Les voilà, les propriétaires des compagnies s'attendrissaient la grande presse. En fait, démontre le rapport du C.E.T., ces petits actionnaires ne comptent pas, n'ont pas voix au chapitre.

Seuls, en vertu de la loi, les actionnaires peuvent y avoir accès. Mais les statuts particuliers des Compagnies ont décidé que pour y avoir droit de vote, il faut posséder au moins 40 actions (20 seulement à la Compagnie du Midi) ce qui représente au cours actuel un capital d'environ 20 000 à 35 000 fr.

Or, d'après les travaux de l'économiste Neymarck, grand défenseur des Compagnies, les actions de chemins de fer se sont tellement « démocratisées » depuis un demi-siècle, que le capital de chaque actionnaire ne dépasse pas 10 000 fr. en moyenne. Il en résulte que l'immense majorité des actionnaires se trouve exclue comme la totalité des obligataires. Seul, un petit nombre d'actionnaires aisés, à 20 000 fr., ont entrée à l'assemblée générale. Mais s'ils y ont droit de vote, ils ne sont pas éligibles. Pour être candidat au poste d'administration, il faut posséder un nombre important d'actions. 100 à la Compagnie du Nord. D'où il résulte que les conseils d'administration des grandes Compagnies se composent uniquement de gros actionnaires à 70 000 ou 60 000 francs de capital.

C'est le régime censitaire, aboli dans les élections politiques depuis la chute de Louis-Philippe, mais qu'on a maintenu soigneusement dans le domaine économique.

Les compagnies sont devenues la propriété, le champ d'exploitation des grandes banques, des grandes firmes métallurgiques et charbonnières.

Parmi les 108 administrateurs de nos grands réseaux figurent les noms de 34 banquiers représentant 15 grands établissements financiers.

Mais la plupart de ces banquiers comme les Rothschild, les Hottinguer, les Mallet, sont en même temps administrateurs de Sociétés minières et métallurgiques. Dès lors, il n'y avait pas de raison pour que les fournisseurs de charbon ou de rails ne devinssent pas aussi administrateurs des Compagnies de chemin de fer.

Les Compagnies sont de beaucoup les plus gros acheteurs de charbon, d'acier et de machines de toutes sortes qu'il y ait en France. Les Sociétés houillères d'accord avec les banquiers ont donc fait élire, au conseil des Compagnies, 19 de leurs administrateurs, et les sociétés métallurgiques 23.

Au total, - d'après le Progrès Civique qui s'est livré à cette enquête - sur les 108 administrateur des compagnies, 75 sont en même temps les fournisseurs.

À ce système de désordre, de pillage et de gabegie le C.E.T. oppose une organisation nouvelle. Nous en parlerons demain.

Ch. LUSSY

 

 

 

 

Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du mercredi 10 novembre 1920

- les premiers congrès fédéraux : la Corrèze

- « le Comité confédéral national s’occupe des rapports avec le Parti et de « discipline intérieure »

- « une infamie » de Paul Vaillant-Couturier, sur l’inhumation du soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe

- « le gouvernement de la police » : on expulse les uns, on interne les autres

- « le complot » qui vaut 6 mois en préventive (en cours) pour Loriot, Monatte, Souvarine et Monmousseau

- « la nationalisation des chemins de fer » : le projet du Conseil Économique du Travail, fondé par la CGT, de « nationalisation industrialisée » ; les Conventions scélérates : les Compagnies encaissent, l’État paye

 

 

le 09 November 2020

Il y a cent ans : L'Humanité au jour le jour

 
 
 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)