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Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du lundi 8 novembre 1920

L'Humanité, journal socialiste quotidien

À partir du site internet Gallica, de la Bibliothèque nationale de France

 

L'Humanité du lundi 8 novembre 1920

 

 

Avant le congrès

Les deux motions - par Daniel Renoult

Les adhésions viennent, nombreuses, à la motion pour l'adhésion à la IIIe internationale. Le mouvement en sa faveur s'affirme avec puissance dans les sections et les Fédérations. Nos adversaires, d'autre part, s'efforcent de se rapprocher de nous. Autant d'heureux symptômes.

Toute œuvre a ses défauts, et nous ne donnons pas cette notion pour parfaite. Mais, telle qu'elle est, nous pensons qu'elle va achever l'œuvre de propagande commencé et assurer, dans le Parti, le groupement d'une majorité considérable pour l'adhésion.

Son mérite est de présenter avec fermeté et franchise les réponses que le Parti peut et doit faire aux diverses questions posées par Moscou, dans les thèses et les conditions. Nous n'avons ni rusé, ni biaisé : nous avons répondu en précisant nos conclusions sur tous les points.

Qu'on lise attentivement cette motion et qu'on se reporte à nos premières déclarations, par exemple à mon article sur les « neuf conditions », que Léon Blum me reproche d'avoir écrit avec une précipitation un peu imprudente, et l'on verra si, selon l'expression de Dunois, ce n'est pas toujours le même esprit qui nous a inspirés.  

Nous pensons donc que la lecture et l'étude du document que le comité de la IIIe internationale et le groupe des Reconstructeurs qui ont démissionné pour rester fidèles à la décision fondamentale de Strasbourg, proposent au Parti, lèveront les derniers doutes.

On peut en effet juger maintenant de l'épouvantail de 21 conditions.

L'interprétation loyale et précise que nous en présentons n'est pas le résultat d'un tour de force exécuté pour arracher le vote du congrès. Il s'agit d'une mise au point effectuée de bonne foi, par des hommes qui se sont mis d'accord là-dessus pour pouvoir ensuite, en toute confiance et sérénité d'esprit, continuer à travailler ensemble pour le Parti et la Révolution. Et nous sommes fondés à croire que cette mise au point s'accorde avec l'appréciation du conseil exécutif de l'Internationale communiste, gardien des volontés du congrès de Moscou.

C'est sur les thèses interprétées selon la motion, sur les conditions précisées par elle, sur les décisions pratiques qu'elle propose, pour mettre immédiatement en valeur les principes affirmés, que le Parti aura à se prononcer et non sur les interprétations plus ou moins fantaisistes de nos contradicteurs.

Lorsque, par exemple, Léon Blum soutient que le Parti est actuellement révolutionnaire et qu'il est superflu de travailler à le rendre tel, que l'organisation socialiste, aujourd'hui démocratique et populaire, deviendra pour nous, la chose d'une oligarchie, que celle-ci ne sera d'ailleurs toute puissante qu'en apparence pour être en réalité un instrument aux mains de personnages mystérieux, inconnus, qui dirigeront tout, que nous abandonnons toute la tradition socialiste, et jauressiste et marxiste,  pour instituer un nouveau blanquisme, condamné à tenter dès demain les coups de désespoir de l'insurrection ; quand il ajoute que le problème de la scission ne se pose pas devant l'honneur des opposants parce que l'exclusion de tous les non-conformistes est une obligation inéluctable, il ne fait qu'agiter avec beaucoup d'art de brillants paradoxes, ou que soutenir, par une dialectique subtile des affirmations visiblement fausses (1).

Les modifications aux statuts du Parti seront l'œuvre, ou du prochain congrès ou du congrès administratif que nous prévoyons. Le Parti les déterminera lui-même. Nous lui demandons de renforcer sa propre puissance de décision en créant, à la place d'une C.A.P. débile, parce que divisée, un comité directeur qui aura vraiment le pouvoir de traduire en actes les volontés du congrès national. Liberté absolue, contrôle illimité à la base ; en haut, faire application des résolutions prises par la masse, voilà notre formule. Nous croyons qu'elle vaut mieux que le système actuel, qui nous montre une C.A.P. qui ne peut rien, un groupe parlementaire qui se permet tout, des organismes locaux ou des individus qui se font souvent un jeu de transgresser la loi commune : en un mot, l'impuissance et le gâchis.

Pour l'action, nous tendons à constituer un Parti vraiment révolutionnaire, c'est-à-dire dont tous les efforts soient dirigés vers la préparation de la Révolution, et nous disons que, malgré le redressement d'octobre 1918, nous sommes encore très loin du but.

Pour la doctrine - s'il est possible de se résumer ici en quelques mots - nous pensons que, dans les conditions présentes, toute organisation socialiste qui ne s'inspire pas des leçons de la Révolution communiste de Russie, ment à son titre et fait œuvre contre-révolutionnaire. Nous voulons donc, dans toute la mesure du possible, et en tenant compte des conditions spéciales à la France, poursuivre l'adaptation des principes de doctrine et d'action des révolutionnaires russes à notre lutte prolétarienne nationale. Est-il besoin de rappeler toutes les adjurations de Lénine pour prouver à nos contradicteurs qu'ils déforment la vérité - et font le jeu de la répression bourgeoise - lorsqu'ils soutiennent que la tactique nouvelle du Parti doit aboutir à des coups de main inconsidérés ? Il s'agit, au contraire, de préparer soigneusement les événements en pénétrant les masse ouvrière d'esprit révolutionnaire, en neutralisant les classes intermédiaires, et surtout de choisir l'heure de l'action propice où les faits économiques, la force des choses vont au secours des hommes.

À tout camarade qui lira notre proposition, sauteront aux yeux ces réponses qu'il est trop aisé d'opposer à nos adversaires.

Quant aux exclusion, c'est la clarté aveuglante et, vraiment, je me refuserais à qualifier l'attitude de camarades qui s'obstineraient à nous combattre sur ce point.

L'une des conditions du Congrès de Moscou réclame l'exclusion de certains camarades dénommés centristes, et elle désigne pour la France Jean Longuet. Un autre article des conditions précise que des exceptions pourront être faites en ce qui concerne ces camarades et les délégués qui, au prochain congrès, voteront contre la motion d'adhésion. Nous déclarons de façon formelle, que l'exception doit s'appliquer pour la France en faveur des délégués en question comme en faveur des camarades dits centristes.

Quoi de plus clair et reste-t-il la moindre équivoque ?

Nous osons dire que la motion présentée par les camarades du Comité de la Reconstruction qui, dès le début se sont dressés contre la campagne de Cachin et de Frossard en faveur de l'adhésion, est au contraire un monument d'obscurités et de contradictions.

Volens, nolens, absolument incertain de ce qu'il doit faire : c'est ainsi que se présente mon ami Jean Longuet.

La motion qu'il oppose à la nôtre se donne comme une motion d'adhésion avec réserves. On demande l'adhésion, mais avec des considérations telles que l'entente, on le sait bien, ne pourra se faire avec Moscou. Que le Parti vote la motion Longuet-Paul Faure et l'adhésion effective sera renvoyée aux calendes grecques. La situation actuelle s'éternisera.

Mais une question se pose : comment cette demande d'adhésion avec réserves peut-elle se concilier en raison avec la campagne de Léon Blum qui rejette les deux thèses fondamentales de Moscou, avec les discours de Pressemane, avec la propre action de propagande de Paul Faure et de Longuet, avec tout cet effort dirigé contre la IIIe internationale ? Sans doute Verfeuil, Delépine, Lussy et quelques autres sont passés par là, mais leurs intentions excellentes n'ont abouti qu'à des contradictions.

D'ailleurs, nous ne nous y trompons pas : la formule d'adhésion avec réserves n'empêchera pas le citoyen Léon Blum de se rallier in-extremis, comme il fit à Strasbourg, pour la motion qui proclamait l'identité des thèses de la IIIe internationale et des principes traditionnels du socialisme. Et il y a gros à parier que le citoyen Renaudel lui-même - toujours comme à Strasbourg - apportera, lui aussi, son contingent, pour faire le bloc contre la vraie motion d'adhésion - la nôtre - bien que Longuet et Paul Faure lui rappellent assez cruellement que, pendant la guerre, ses « mains défaillantes ont laissé tomber le drapeau du Parti. »

Il serait facile, si je ne devais conclure, de montrer que sur les points les plus importants : subordination du groupe parlementaire, direction du Parti, etc., le texte Longuet Paul Faure ne propose rien : c'est la motion des velléités. Qu'on l'adopte, et, sur le plan national, comme sur le plan international, il n'y aura rien de changé.

Nous demandons seulement au Parti de choisir entre cet ajournement général et toutes les résolutions immédiates que nous lui proposons.

Daniel Renoult.

 

(1) Je groupe ici les principales critiques qui nous sont faites. Je sais que Léon Blum insiste davantage sur certaines d'entre elles. Certains de ses amis appuyant surtout sur les autres.

 

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Note de la rédaction

Dans un intérêt général, et pour éviter toute confusion, nous désignerons les deux notions de la manière suivante :

1° Motion d'adhésion (Comité de la IIIe et Cachin-Frossard) ; 

2° Motion pour l'adhésion avec réserves (Longuet-Paul Faure).

 
 
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À Cr​eil

La section de Creil avait organisé, pour l'après-midi d'hier dimanche, un grand meeting qui a pleinement réussi. La salle du Casino était pleine d'un public plein d'enthousiasme qui a chaleureusement applaudi le citoyen Marcel Cachin dans son exposé sur la Révolution russe.

De nombreux camarades des sections voisines assistaient à la réunion, qui fut présidée par Jules Uhry.

Un sénateur de l'Oise, Monsieur Delpierre, a pris la parole pour poser au citoyen Cachin des questions qui voulaient être embarrassantes. Le malencontreux sénateur a reçu de la salle un accueil très sévère et les réponses qui furent faites à son interrogatoire furent acclamées par l'auditoire entier.

 

L'affaire des prisonnier​s - par Marcel Cachin

Hier, à Creil, à la fin d'une réunion publique organisée par la section socialiste locale, le sénateur Delpierre a cru devoir reprendre contre Frossard et moi l'accusation d'avoir omis, lors de notre voyage en Russie, de nous occuper des Français retenus à Moscou par le gouvernement des Soviets.

La presse bourgeoise a déjà amplement exploité contre nous certaines affirmations de cette sorte. Or la vérité est très simple.

Dès notre première visite à Tchitcherine, au lendemain même de notre arrivée, nous demandâmes avec instance à notre camarade de hâter le retour en France de nos compatriotes. Le commissaire aux affaires étrangères nous répondit que le gouvernement de Moscou aurait voulu depuis longtemps en terminer avec cette question des prisonniers. Sur la proposition Tchitcherine lui-même, une convention avait été passée quelques semaines auparavant entre le quai d'Orsay et la République soviétique, aux termes de laquelle l'échange devait se faire dans les délais les plus rapides entre les 20 000 Russes retenus en France et les 800 Français gardés en Russie.

Preuves en mains, notre camarade nous démontra que la Russie avait avec une rigoureuse et irréprochable loyauté tenu ses engagements et il ajouta qu'elle était toujours prête à obéir aux stipulations convenues.

À leur actuel, tous les Français de Russie sont rentrés dans notre pays, mais il reste encore ici de nombreux Russes que notre ministère refuse de laisser rejoindre leur patrie.

Dans toute cette affaire, les socialistes de France, n'ont plus que ceux de Russie, ne mérite aucun reproche.

Marcel Cachin.

 

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Les socialistes célèbrent à Wagram

l'anniversaire de la Révolution Communiste

et la défaite de Wrangle

 

L'anniversaire de la révolution russe a été joyeusement fêté hier par les socialistes parisiens à la salle Wagram. Les camarades réunis étaient heureux de la récente défaite de Wrangel, qui consolide la puissance révolutionnaire de laquelle les hommes libres attendent la rénovation du monde.

Il était singulièrement émouvant aussi de se retrouver, satisfaits et pleins d'espérance, dans cette même salle Wagram où, le 2 août 1914, les socialistes français acceptèrent de se courber sous la rafale.

Chacun se félicitait de voir enfin reniée par la grande majorité des socialistes l'abominable capitulation souscrite jadis en ce lieu.

La séance était présidée par Jean Ribaut assisté de Daniel Renoult et René Reynaud. Le secrétaire du comité de la IIIe Internationale, - après avoir opposé, dans une brève allocution, l'anniversaire de la vivante République Communiste, et celui de notre pestilentielle République impérialiste, - donna la parole à Marcel Cachin.

Discours de Marcel Cachin

Notre camarade indique combien la victoire suivre sur Wrangel est significative :

Non seulement l'aventurier est mis pour un temps hors d'état de nuire, mais le prestige de la République soviétiste se trouve raffermi.

Cette armée rouge décrite comme écrasée, pulvérisée, par les Polonais, - elle prouve son existence en vainquant l'armée stipendiée que les Alliés alimentent matériel et en munitions.

Est-ce à dire que la révolution russe n'est plus en danger ? Ce serait nous leurrer de le croire.

La bourgeoisie va continuer demain plus fort qu'hier. La Révolution russe est le pivot de sa politique intérieure et extérieure.

Cachin se demande alors si le peuple sera moins clairvoyant que ne le sont ses maîtres :

Si l'État capitaliste, si votre ennemi veut, sur toutes choses, écraser la Révolution russe, cela ne vous enseigne-t-il pas que la Révolution russe est le bien le plus précieux que vous ayez à défendre ?

Certes, la République russe est solide. Elle vaincra définitivement ses ennemis. Cependant, si elle devait un jour périr, les responsables de sa chute ce serait vous, ce serait tous les prolétariats occidentaux, ce serait ceux qui n'auraient pas eu le courage de lui porter secours…

Et Cachin, frénétiquement applaudi, conclut :

Réfléchissez ! Le sort de la Révolution russe décidera de votre avenir à vous, socialistes d'occident. La défaite de Moscou serait la victoire de la réaction mondiale. Vous en sentiriez le poids sur vos épaules : le sang des justes retomberait sur les bourreaux que vous auriez accepté d'être.

Louise Bodin et Paul Louis

Louise Bodin expose ensuite comment la Révolution russe a libéré socialement la femme.

Toute féministe sincère devrait être bolcheviste, dit-elle. Il faut que la Révolution communiste s'étende afin qu'il puisse y avoir des femmes libres.

Ne donnons pas à la Révolution une adhésion sentimentale. Adhérons de toute notre volonté et de toute notre raison.

L'assemblée applaudit la directrice de la Voix des Femmes, puis Paul Louis vient analyser les phases diverses de la Révolution russe :

En 1905, la Révolution fut vaincue grâce à la coalition des États capitalistes. La France et l'Allemagne s'accordaient alors pour cette œuvre néfaste.

Le 13 mars 1917, nos amis ont fait leur 89.

En novembre, voici trois ans, ils ont accompli la Révolution sociale.

Paule Louis rappelle les 18 milliards prêtés par la France à la Russie :

Nos gouvernants prétendent que les socialistes russes leur rendent ces milliards prêtés au tzar pour assurer l'oppression du peuple. Prétention inadmissible !

D'ailleurs nous continuons à prêter à la Russie, à la Russie tzariste, j'entends ! Car c'est plus de cinq milliards que la France a versé depuis quelques années, aux divers aventuriers soudoyés contre la Révolution russe.

L'orateur montre qu'il faut donner un effort pendant l'hiver afin de prévenir l'organisation par les Alliés d'une nouvelle entreprise contre Moscou, et il conclut, très applaudi :

Les fils des hommes qui moururent sur les barricades de la Commune saluent les hommes qui ont fait la première Révolution socialiste triomphante.

Noël Garnier et Vaillant-Couturier

Noël Garnier évoque les heures de 1917 où l'on reprochait à la Russie de vouloir la paix. « Tous les peuples ne la voulaient-t-ils pas ? » Garnier réclame le désarmement général et termine sa vibrante intervention en disant : « Soyons fidèles à la Révolution russe qui sera la révolution mondiale. »

On sait que Paul Vaillant-Couturier donne toute son activité à des tournées de propagande en province. Il rapporte de ses voyages une impression très optimiste :

On vous dit que les paysans sont rétifs à la propagande socialiste. Erreur ! La vérité c'est que les gens des campagnes se méfient. On ne s'adresse pas à eux que pour les inviter à voter pour telle ou telle liste. Ils sont dégoûtés de l'électoralisme. Mais adressez-vous franchement à eux, avec tout votre programme, il vous suivront.

Le député de la Seine montre ensuite que le blocus de la Russie et l'emprisonnement des militants français sont des mesures solidaires. Il montre que le salut de la Révolution russe, c'est le développement de la révolution universelle :

Nous regardons la révolution en face, dit-il, comme une chose à laquelle il faut se sacrifier. Nous allons connaître les luttes, les assassinats. On nous jettera des bombes. Mais nos fils seront à l'honneur si nous avons été à la peine.

Garnier et Vaillant Couturier ont un grand succès. Séverine leur succède.

Séverine

L'admirable orateur parle d'abord de ceux et de celles qui depuis plus d'un demi-siècle sont morts en Russie pour la cause du peuple…

Ceux qui périrent dans les cachots de la forteresse Pierre-et-Paul, ceux qui furent pendus, et les autres qui sont restés sur les routes de la Sibérie…

Puis Séverine défend les bolcheviks du reproche de cruauté :

Il y a dans notre histoire révolutionnaire de telles pages que nous n'avons pas le droit de nous montrer très difficiles.

Toutes les révolutions commencent par des jacqueries. Hélas ! ces révoltes paysannes sont-elles autre chose que l'explosion d'un amas de douleurs tristement accumulé pendant des siècles ?

Séverine parle d'une tribune adjacente à la galerie du premier étage. On voit de là la salle dans un trou sombre, et trois larges faisceaux lumineux tombent de la verrière sur sur ce fond… Et notre camarade dit :

Voyez ces trois rayons dans cette salle obscure, ces trois rayons qui nous font tout voir… C'est ça, pour nous, la Révolution russe.

L'émotion de tous est infinie et la salle ovationne la fidèle militante.

Torrès et Treint

Torrès, avec cette fougue qui enthousiasme, proteste contre l'arrestation des délégués étrangers au Congrès des Jeunesses. Il montre par de cruels exemples que le militarisme est très vivant en France :

Il faut, dit-il, que le militarisme et la guerre disparaissent du monde. Et pour cela que la IIIe Internationale développe son essor.

Si la guerre a tué la IIe internationale, c'est la IIIe Internationale qui tuera la guerre.

Treint, avec sa précision coutumière, montre que la situation géographique de la Russie fait d'elle une position de choix pour un foyer révolutionnaire :

Si la Révolution s'éteignait à Moscou et que cependant elle se rallumât ailleurs, le désastre resterait immense. En tout autre lieu la Révolution sera plus aisément vaincue que ne le pourrait être la Révolution russe.

Comme il est tard, notre camarade Treint doit malheureusement abréger son discours, et Tommasi, dernier orateur inscrit, à la parole.

Tommasi

Le militant des syndicats minoritaires fait l'aveu d'une appréhension qui le tourmentait, voici quelques semaines :

Je me demandais, dit-il si cette anniversaire n'arriverait pas après la défaite de notre cause. Aujourd'hui je suis raffermi : Wrangel est vaincu.

Tommasi explique alors quelle est la mentalité actuelle des ouvriers français :

Dans les ateliers, les hommes restent des révoltés, mais ils ne savent pas où se diriger. La boussole a perdu son magnétisme et ne peut plus servir pour s'orienter.

Puis l'orateur précise en termes heureux :

La IIIe Internationale est le pôle d'attraction qui va nous permettre de retrouver une direction vraie. L'adhésion à la IIIe Internationale signifie : « volonté de faire l'éducation révolutionnaire ».

Et il conclut :

Donnons-nous à la défense de la Révolution russe. Cette révolution n'est pas la chose des Russes mais notre chose à nous !

Tommasi est très applaudi. L'assistance réclame Daniel Renoult, mais notre camarade, enroué, doit, à son grand regret, renoncer à prendre la parole.

L'ordre du jour acclamant la Révolution russe et la dictature du prolétariat, est voté à l'unanimité des 8 000 auditeurs. L'assistance se retire alors, avec calme, en chantant l'Internationale.

 
 
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Ce soir lundi 8 novembre à 20h30

grand meeting

organisé par

la « Voix des Femmes »

salle des Syndicats, 33, rue Grange-aux-Belles,

sous la présidence de Louise Bodin.

Orateurs :

M. Cachin, L.O.Frossard, Jeanne Melin.

La femme et la Révolution russe.

La situation de la femme dans la République des Soviets.

 

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L'Angleterre et les Soviets

Au pied du mur - par Paul Louis

On a annoncé, de bonne source, que les prisonniers anglais de Bakou allait être libérés par les Soviets et transférés à Tiflis, afin qu'ils puissent rentrer dans leur pays par Batoum. Le Cabinet de Londres est-il prêt maintenant à faire honneur aux engagements qu'il a pris ?

Chacun se rappelle, en effet, que la diplomatie britannique s'était déclarée prête à renouer les pourparlers commerciaux avec Moscou, si Moscou, de son côté, restituait les prisonniers encore retenus dans l'Azerbaïdjan.

La condition a été aujourd'hui exécutée par les Soviets. Le monde pourra juger de la loyauté du Foreign Office. Ou bien, en dépit des adjurations de la presse officieuse française, du Morning Post, qui invente chaque jour quelque histoire nouvelle du grand capitalisme de la Cité, il reprendra les conversations qui étaient déjà arrivées, en septembre, à un certain point d'avancement, et il s'exposera aux remontrances de notre Quai d'Orsay. Ou bien, piétinant les promesses faites, il refusera tout entretien nouveau avec les délégués soviétiques, et il commettra un acte de félonie vis-à-vis et des Soviets et du prolétariat anglais.

 

Monsieur Lloyd George est au pied du mur. S'il renoue les discussions, ce sera le signe que la reconnaissance des Commissaires du Peuple n'est plus très éloignée. S'il écarte tout contact, c'est qu'une nouvelle coalition menacera la Russie au printemps prochain.

Paul Louis.

 

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M. Wilson refuse de gracier Debs

Washington, 6 novembre. - On croit savoir que le président Wilson ne se propose pas de gracier Debs.

On sait qu'un certain nombre d'organisations socialistes ont sollicité plusieurs fois de l'autorité supérieure une remise de la peine. - (Havas.)

 

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Les impressions de Wells en Russie

Le rôle de Gorki

Londres, 7 novembre. - (Par téléphone de notre correspondant particulier). - Le Sunday Express publie le deuxième article de Wells sur la Russie. L'écrivain raconte sa visite à Gorki, qu'il a trouvé en excellente santé et non mourant, comme on l'avait dit.

Gorki occupent une situation extraordinaire et personnelle en Russie. Il n'est pas communiste. Avec la plus grande liberté imaginable, il critique les leaders bolcheviks. C'est, dit Wells, un tableau rassurant de la liberté de la parole que de voir Gorki dénoncer les méthodes extrémistes de certains leaders communistes. 

Gorki a gagné la confiance et le respect des bolcheviks. Il est possédé par l'amour passionné de la science et de la culture occidentales, et par le sentiment de la nécessité de maintenir le contact intellectuel de la Russie avec la vie intellectuelle du reste du monde. Il a trouvé un appui sérieux auprès de Lénine.

La chute de Kerensky, rappelle Wells, a plongé la Russie dans le chaos et l'anarchie. Ce fut l'explosion des plus mauvais instincts humains.

La Russie nouvelle a émergé de ce chaos, et Gorki a joué un grand rôle dans la restauration de l'art, de la littérature et des sciences. La musique n'a pas cessé un instant. Chaliapine, le plus grand des artistes et des chanteurs, continue à se faire entendre à Moscou.

Les savants sont dans la misère, dit Wells, et cependant ils continuent leurs travaux de recherches. Le blocus les empêche de rien connaître des progrès scientifiques réalisés en dehors de la Russie, et c'est leur plus grande misère.

Wells déclare que grâce à l'influence de Gorki, le gouvernement bolchevik fait l'impossible pour permettre aux savants, aux artistes, aux écrivains, de poursuivre leurs travaux.

Dans le domaine intellectuel, le gouvernement bolchevik est au moins d'un échelon au-dessus des autres.

Wells parle ensuite de la politique économique des bolcheviks. La situation en Russie n'est que le grossissement de la situation dans laquelle se trouvait l'Angleterre en 1918 : il fait un parallèle saisissant entre les mesures prises en Angleterre (rationnement, lois d'exception, etc.) et celles qui sont appliquées en Russie.

Wells termine en faisant une critique sévère de la politique poursuivie à l'égard de la Russie par les hommes d'État de l'Europe occidentale « sans intelligence et sans conscience ».

 

 

 

Centenaire du PCF, au jour le jour : L'Humanité du lundi 8 novembre 1920

- Avant le Congrès : « les deux motions » par Daniel Renoult

- meeting la veille à Creil pour le troisième anniversaire de la Révolution russe, avec Marcel Cachin et Jules Uhry, avec « l’affaire des prisonniers »

- compte-rendu du grand meeting la veille salle Wagram à Paris pour l’anniversaire de la Révolution et la défaite de Wrangel

- annonce du grand meeting du soir organisé par la Voix des Femmes

- prisonniers anglais : vers une reconnaissance par l’Angleterre des Commissaires du peuple

- refus du nouveau président US Wilson de gracier le candidat socialiste Debs

- article de H. G. Wells sur sa visite à Gorki

 

le 07 November 2020

 
 

Il y a cent ans : L'Humanité au jour le jour

 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)