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La retraite, enjeu d'une nouvelle innovation sociale et démocratique - Saint-Maximin, 28 novembre 2019

Frédéric Boccara, éconmiste, membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE), dirigeant national du PCF, était invité le 28 novembre 2019 par Epace Marx60 à venir échanger sur « la retraite et son financement », alors qu'un mouvement social de grande ampleur se préparait quelques jours plus tard, le 5 décembre et les jours suivants, pour refuser le projet de réforme Macron des retraites.

 

Sécurité sociale et retraites : une révolution réussie

Frédéric, dans son introduction, rappelle les conditions de mise en place du système de retraites par répartition en France - système qui n’est pas spécifique à notre pays - , à la sortie de la Seconde Guerre mondiale et après un cycle long de crise économique. Cette « révolution réussie, non armée » a été permise par l’action de Pierre Laroque et du ministre communiste Ambroise Croizat du Travail et de la Sécurité sociale, relayée sur tout le territoire notamment par les syndicalistes de la CGT.

La Sécurité sociale est depuis lors attaquée par les puissances de l’argent, comme en 1967 avec les ordonnances Jeanneney et la remise en cause de son fonctionnement démocratique, en détournant le sens du paritarisme.

 

La réforme Macron, une mauvaise réponse aux insuffisances actuelles

Le système actuel ne répond plus aux besoins des citoyen·ne·s : les pensions sont trop basses, celles des femmes encore plus ; les réformes d’É. Balladur et de F. Fillon ont diminué le niveau des pensions et augmenté la durée de cotisation ; les exonérations de cotisations sociales, dont le CICE, pas toutes compensées, déstabilisent le financement des retraites.

La réforme Macron ne répond pas aux défis d’aujourd’hui et de demain. Cette réforme diminuerait encore, de façon mécanique, le niveau des pensions, qui seraient calculées sur toute la carrière et non plus sur les meilleures années. En réalité, c’est le but recherché. Avec le système du point, est introduit un paramètre qui permet, à lui seul, en le modifiant, de rester à un niveau de dépenses publiques pour les retraites inférieur à 14 %, comme il est annoncé – alors même que le nombre de retraité·e·s va augmenter. L’exemple de la Suède montre l’effet, sans surprise, à la baisse du niveau des pensions (voir l'article des Échos). Remarquons ici que jusqu’à présent nous avions affaire à des réformes « paramétrique », jouant sur l’âge de départ à la retraite ou sur le nombre d’annuités nécessaires, le système ne changeant pas. Ici, avec la réforme Macron, c’est une réforme « systémique » qui est imposée, avec chaque année une révision du point, le paramètre unique de ce nouveau système. Au final, c’est une réforme paramétrique tous les ans – dans le sens de la dégradation sociale – qui serait mise en place ! « On sait combien on verse mais on ne sait pas combien on touchera » serait alors la normalité. Même si des gens comme Raymond Soubie préfèrent rester dans des réformes paramétriques, ils·elles s’entendent avec E. Macron et J.-P. Delevoye sur la « nécessité », selon eux·elles, de baisser le niveau des dépenses publiques pour les retraites.

 

Avec un système par points, que l’on accumule tout au long de sa vie au travail, idéologiquement, c’est une entrée dans la logique de la capitalisation et de la marchandisation. La retraite par répartition est toute autre, par sa nature contributive : la retraite doit aussi corriger les inégalités de la vie. La civilisation est ce qui permet de se prémunir des incertitudes de la vie : la vie est précaire mais la société doit la rendre moins précaire. C’est le sens du progrès.

 

Ce système par points entraînerait donc une baisse massive du niveau moyens des retraites – avec une petite hausse pour les plus faibles. Est ainsi ouvert un espace pour les retraites par capitalisation, qui ne simplifie en rien le système des retraites contrairement à ce que nous « vend » E. Macron. À l’exemple de la Suède, ce sont de multitudes régimes par capitalisation qui sont mis en place : système par branches, fonds privés etc. (voir l'article des Échos).

Les Français·e·s ne sont pas prêt·e·s à croire que cette réforme serait juste, comme le montre un sondage réalisé par l’Institut Montaigne en juillet, avant les mouvements sociaux.

 

L'allongement de la vie est une chance, nous avons les moyens de l'assumer

L’allongement de la vie est une chance, et notre société peut se permettre d’avoir des retraité·e·s, plus nombreux et plus longtemps. Lors de sa présentation de la réforme, sans débat, au CESE, dont est membre Frédéric, le Premier ministre s’est appuyé sur la démographie pour tenter de démontrer la nécessité de cette réforme. Ainsi, entre 1960 et 2000, on est passé de 4 actifs pour 1 retraité, à 2 pour 1. Pour 2040, on arriverait à 1,5 pour 1. Mais dans le même temps, la production hors inflation à été multipliée par 4 sur 1960-2000. Les prévisions sur 2000-2040 oscillent entre 1,6 et 2. La situation se tend effectivement, exacerbant les tensions avec le capital. Celui-ci « veut sa part » et aujourd’hui il faut trancher : les bénéfices doivent-ils rester au Capital ou bien aller au bien commun ? « La question des retraites, c’est le capital financier contre l’ensemble de la société », dira Frédéric.

Notons que la révolution informationnelle en cours est profonde et appelle au développement des femmes et des hommes, loin des principes capitalistes en cours dans notre société. Nous sommes porteur·euse·s du nouveau monde, permettant et poussant le développement de chacun·e. Frédéric développera ce thème en réponse à une question de Norbert Boulanger. Nous avons besoin d’une nouvelle industrialisation, d’un type nouveau, avec beaucoup de services dedans et une place importante donnée à la qualification. Les services publics seraient là pour la formation et pour faire le lien entre les besoins et la réponse à ces besoins apportée par l’industrie. Le PCF pourrait d’ailleurs proposer des États généraux de l’industrie. Face à la voracité du Capital, le corps social résiste, comme le montre le mouvement des gilets jaunes ou encore celui dans les hôpitaux.

 

La question du financement est un enjeu majeur, une grande responsabilité politique.

J.-P. Delevoye souhaite passer en force pour changer de façon système notre système de retraites, annonçant ensuite des aménagements équitables pour compenser les baisses annoncées des pensions, en augmentant par exemple les salaires – libre à chacun·e d’y croire. Un texte issu du rang des Économistes atterrés annonce qu’il n’y a pas de problème de financement, qu’il suffit d’augmenter les cotisations sociales. Pour Frédéric Boccara, cette question est au contraire cruciale ! La mondialisation et la financiarisation ont deux particularités : les revenus financiers des entreprises échappent aux cotisations sociales et ça démolit l’économie.

Une première proposition est donc de faire participer les revenus financiers des entreprises au même niveau que les cotisations actuelles, soit 10 % : ce sont ainsi 30 milliards qui seraient prélevés sur les 298,8 milliards en 2018 de dividendes et intérêts.

La deuxième proposition est d’utiliser la modulation des cotisations sociales pour agir sur les entreprises : celles qui n’adopteraient pas une nouvelle logique allant dans le sens des productions utiles, des bons salaires, de la qualification, se verraient imposer un malus. Par exemple, répondant à Nellie Rochex, un surcoût viserait les entreprises présentant une forte rotation d’emploi : l’existence des contrats courts ne serait pas interdit en tant que tel. Cette modulation augmenterait le niveau global des cotisations.

La mise en place de services publics du 3e âge, permettant la transmission entre les seniors et les jeunes, leur apport dans les associations et la société en générale (plutôt que d’aller vers un modèle de cumul emploi-retraite comme en Allemagne, en Angleterre ou encore aux États-Unis), ainsi que pour le 4e âge est également cruciale.

La CSG créée par Michel Rocard en 1991 déconnecte le financement de la protection sociale de la production de richesses. Elle est fondée sur les revenus, dont les revenus financiers – des particuliers, pas des entreprises. Elle est aujourd’hui de l’ordre de 110 milliards d’euros par an, pour 90 milliards d’impôts sur le revenu et elle est un peu inférieure à la TVA. La CSG étant peu progressive, elle est injuste. Des économistes comme Thomas Piketty souhaitent que le financement de la protection sociale se fasse en intégralité par la CSG, en ajoutant de la progressivité. Pour Frédéric Boccara, il faut faire tendre cette CSG vers zéro pour restaurer le lien entre la protection sociale et la production de richesse, par l’intermédiaire de la cotisation sociale. La participation des revenus financiers ramènerait 30 milliards comme on l’a vu, la modulation de la cotisation sociale est estimée à 70 milliards annuels au bout de 5 ans de montée en puissance. Un travail de simulation, comme préconisé dans le rapport Chasselat, serait à faire : c’est une question démocratique et politique.

La question de l’écologie est incontournable. Le CEN du PCF a adopté le choix d’une modulation des cotisations sociales selon la politique environnementale de l’entreprise. Frédéric Boccara défend lui des leviers par l’impôt ou le crédit. Le COR fait des projections à partir d’hypothèses sur la croissance. Nous disons qu’il faut inverser la réflexion : comment on se donne les moyens de développer une croissance d’un autre contenu, d’un autre niveau ? Une planification stratégique est nécessaire et des assemblées citoyennes pourraient être mises en place dans les régions ou les localités. Le contenu de la croissance et la façon de produire l’énergie doivent être interrogés.

 

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La retraite, enjeu d'une nouvelle innovation sociale et démocratique - Saint-Maximin, 28 novembre 2019

Conférence 1/5 - Introduction

Conférence 2/5 - Système actuel et projet de réforme Macron-Delevoye

Conférence 3/5 - Allongement de la durée de la vie et financement

Conférence 4/5 - Enjeux et propositions

Conférence 5/5 - Conclusion

Intervention 1/5 - Contribution des revenus financiers et modulation des cotisations sociales

Intervention 2/5 - Niveau des dépenses publiques de retraite et nouvelle industrialisation

Intervention 3/5 - PIB et cotisations sociales

Intervention 4/5 - La CSG et le lien à la production de richesses

Intervention 5/5 - Croissance et modulation écologique

Les Français et la réforme des retraites - Sondage de l'Institut Montaigne du 4 juillet 2019

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