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Communiqué de l'Observatoire de l'état urgence « Barrons la route à l'autoritarisme ! » - 8 février 2019

Le collectif beauvaisien

Observatoire de l'état d'urgence

obsetaturgencebvs@gmail.com

 

Communiqué du 8 février 2019

« Barrons la route à l’autoritarisme ! »

La garantie des droits n’est plus assurée, ni la séparation des pouvoirs. Peut-on parler d’autoritarisme, pratique antidémocratique du pouvoir qui se traduit notamment par la primauté de l’exécutif et la restriction des droits civils et politiques. En effet, nombre de réformes contribuent à remettre en cause les droits de l’Homme, à fragiliser certaines populations, voire à les stigmatiser..

Des méthodes démagogiques sont utilisées pour construire une insécurité sociale justifiant la mise en place d’une politique sécuritaire qui asphyxie notre démocratie :

  • ainsi en continuité de la loi relative à l’État d’Urgence, la loi du 30 octobre 2017 accorde de nouveaux pouvoirs à l’autorité de police sans que l’autorité du juge soit requise, seulement informée ;
  • la récente loi sur le secret des affaires fait que des citoyen.ne.s et militant.e.s solidaires subissent des pressions et n’oseront plus dénoncer l’inacceptable ;
  • Maintenant, la loi « anticasseurs » qui ne menace pas le délinquant, mais le citoyen, qui va faire l’objet d’un vote en février. Ce projet, s’il est adopté, permettra des interdictions administratives individuelles de manifester, le fichage des manifestant.e.s, la mise en place d’obligation de pointage. Comme dans l’état d’urgence, c’est le soupçon qui devient le pilote. Le soupçon n’est pas connu pour son objectivité : il est porteur de nombreuses dérives possibles ;
  • L’usage illégitime et disproportionné des grenades de désencerclement et LBD 40 par les forces du maintien de l’ordre, dans le cadre des manifestations. De nombreux citoyens de tous âges en sont victimes. De nombreuses organisations et des ONG nationales et internationales dénoncent ces violences contre des personnes exerçant une contestation sociale. La France est le seul pays de l’Union européenne à compter dans son arsenal de maintien de l’ordre, l’usage de ces armes.

Aujourd'hui, un constat : l’exécutif prime et met en place un système d’oppression contraire à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

Le collectif « Observatoire de l'état d'urgence » Beauvais appelle les citoyen.ne.s à la vigilance. Il y va de la défense des libertés démocratiques. Rejetons ce projet de loi liberticide et non anticasseurs. Ne lâchons pas !

 

Collectif beauvaisien

ATTAC Oise, ANACR-Oise, AFPS BEAUVAIS, Cercle Condorcet de l’Oise, FSU Oise, La Libre Pensée de l’Oise, Le Chahut, Les Amis du Monde Diplomatique Oise, PCF OISE, Section de Beauvais de la Ligue des droits de l’Homme, Solidarité Migrants Beauvais, ...

 

Éditorial par Jean-Emmanuel Decoin de l'édition du 6 février 2019 du journal l'Humanité

Arsenal répressif

Ils ont osé : nous y sommes. En toute conscience – et résolument contre l’inconscience politique du temps qui est le nôtre –, ce que les députés de la « majorité » ont osé voter, mardi 5 février 2019, restera dans notre Histoire républicaine comme l’une des taches maculant ce qu’il nous reste de valeurs collectives authentiquement enra- cinées. La Macronie est-elle devenue l’antichambre de la droite extrême tout droit inspirée du XIXe siècle le plus répressif ? Ainsi, la tristement célèbre « loi anti-casseurs » a été adoptée au Parlement, hélas sans surprise. Une sorte de « loi de la peur », de « loi de sûreté nationale », propice à toutes les « notes blanches » d’un passé révolu qu’aucune juridiction de droit n’est jamais en état de discuter sérieusement. Imaginez les conséquences de cette loi entre certaines mains...
Résumons. Les préfets, soumis au gouvernement, pourront donc interdire de manifestation quiconque constitue « une menace à l'ordre public ». Exit la justice et les juges ! Comprenez bien : ce texte n'a pas pour objet de mieux réprimer les auteurs d'actes violents après qu'ils les ont commis. Il établit en revanche un véritable contrôle administratif d'un droit de manifester. Autrement dit, il s'agit d'une li répressive par anticipation, une sorte d'arsenal prêt à l'emploi permettant d'intervenir contre un citoyen avant même qu'il ne devienne un « délinquant », ce qui, dans notre République, bafoue l’esprit des lois et contrevient à tous les principes constitutionnels. Ce sont les manifestations que le pouvoir entend limiter, pas les actes violents. Et c’est le citoyen – dans sa citoyenneté même – qu’on intimide, pas le délinquant.
Nous n’oublierons pas de sitôt l’attitude des parlementaires macroniens quand le député centriste Charles- Amédée de Courson (interviewé dans nos colonnes par la suite) s’opposa à cette loi en invoquant le souvenir de ses aïeux résistants, dénonçant au passage un texte digne du «régime de Vichy». D’un côté : une question d’honneur, celui d’un homme expliquant qu’une liberté fondamentale risquait de disparaître, que les digues allaient sauter, que tout était désormais possible. Et de l’autre côté : des députés croupions ricanants, sans savoir qu’ils moquaient là, de leurs rires vulgaires, ce qu’ils étaient censés représenter : l’État de droit. Honte à eux.
 

Groupe communiste à l'Assemblée nationale

Explication de vote - Assemblée nationale, 5 février 2019

Stéphane Peu, pour le groupe CRC

Violences lors de manifestations

 

Face au grand mouvement populaire qui traverse notre pays, le Gouvernement a fait montre d’une indifférence coupable. Il a géré cette crise de la plus mauvaise des manières, en méprisant, en sous-estimant, et même parfois en moquant, ce mouvement et l’ampleur de la colère.

Votre attitude n’a fait que renforcer les tensions et aggraver la crise. Depuis quelques années, depuis la mobilisation contre la loi El Khomri et lors des récentes manifestations, la gestion du maintien de l’ordre a été indubitablement fautive. Comment expliquer qu’avec un même cadre législatif, la violence à l’occasion des manifestations ait décru pendant ces trente dernières années ? Comment expliquer que les forces de l’ordre aient su gérer, avec beaucoup moins de blessés, les émeutes urbaines de 2005, pourtant beaucoup plus violentes ? Comment l’expliquer autrement que par une doctrine du maintien de l’ordre qui s’est progressivement éloignée de l’objectif préventif et de sécurisation des manifestations ?

Les conséquences sont lourdes : onze morts, des milliers de blessés et de mutilés, des policiers épuisés, envoyés à l’affrontement. Cela a contribué à étioler le lien de confiance entre la population et les forces de l’ordre. Face à ces drames humains, face à la colère immense, votre seule réponse concrète, c’est la répression et la restriction des libertés. Vous nous présentez aujourd’hui une proposition de loi reprise dans la précipitation, qui illustre un état d’esprit opposé aux mobilisations populaires.

Le Syndicat des avocats de France dénonce « des mesures générales contre les manifestants ». La Commission nationale consultative des droits de l’homme s’inquiète de la « logique sécuritaire du texte, qui heurte la liberté fondamentale de manifester ». Votre texte inquiète très largement, jusque dans les rangs de votre propre majorité. Or vous persistez à vouloir le faire adopter, dans un pur souci de communication, dans une logique d’affichage, sans prendre en considération les risques pour les libertés fondamentales qu’il porte en germe.

Vous le savez, les députés communistes condamnent avec la plus grande fermeté tous les actes de violence qui ont émaillé les manifestations de ces dernières semaines et ces dernières années. C’est la raison pour laquelle j’avais, avec le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, et bien avant l’affaire Benalla, demandé la création d’une commission d’enquête à l’Assemblée nationale. L’objectif était de faire toute la lumière sur la gestion des violences survenues à l’occasion du défilé du 1er mai 2018. Vous avez rejeté cette demande. Cet épisode témoigne de vos contradictions, que l’on retrouve à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi. Vous nous présentez, monsieur le ministre de l’intérieur, un texte issu du groupe Les Républicains du Sénat, que votre gouvernement et la majorité avaient dans un premier temps rejeté.

Cette proposition de loi est à la fois inutile et dangereuse. Elle est inutile, car des dispositions législatives existent déjà pour interpeller et condamner les personnes commettant des infractions lors de manifestations. Notre arsenal juridique actuel permet de faire face aux violences et d’agir contre les casseurs. Elle est dangereuse, car les dispositifs législatifs prévus apparaissent disproportionnés et attentatoires aux libertés publiques. Une interdiction de manifester pourra être décidée par le préfet, sans le contrôle d’un juge, sur des fondements aussi vastes qu’imprécis. Les personnes interdites de manifestations, y compris par l’administration, feront l’objet d’un fichage, sur le modèle de celui des personnes interdites de stade. Cela assimile un droit constitutionnel, celui de manifester, à la possibilité d’aller assister à un spectacle sportif.

L’ensemble de ces mesures ne permettra pas d’arrêter plus facilement les casseurs. Elles ne permettront ni de prévenir les violences, ni de calmer les tensions actuelles. Cette proposition de loi anti-gilets jaunes, ce texte de circonstance, restreint de manière inquiétante la liberté fondamentale de manifester, en dehors de toute logique de prévention ou d’apaisement des relations entre les forces de l’ordre et la population. (MM. Ugo Bernalicis et Jean Lassalle applaudissent.)

Les députés communistes voteront résolument contre cette proposition de loi inutile, contre-productive et dangereuse pour les libertés publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes Fi et SOC.)

 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)