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Des citoyens et des députés européens combatifs pour ouvrir tout de suite des brèches dans l’Europe libérale – Creil, 23 mars 2018

Les communistes préparent leur congrès extraordinaire qui se déroulera fin novembre 2018, comme l’ont adopté les animateurs de section réunis le 18 novembre dernier en assemblée nationale. À cette dernière a aussi été décidé que, dans une première phase préparatoire, quatre grands thèmes de travail et d’action seront ouverts, dont celui des élections européennes de mai 2019. En effet, il ne faut pas attendre le Congrès pour lancer la réflexion, au risque de se retrouver piégés par un choix entre ceux prônant la continuité d’une Europe libérale et ceux pour qui seul le repli nationaliste serait la solution. Un Conseil national, qui se tiendra les 30 et 31 mars, fera des propositions d’orientation pour préparer cette séquence électorale.

L’Europe et les élections européennes sont un des chantiers auxquels les adhérents du PCF sont appelés à participer, notamment par la plateforme internet mise en place pour le Congrès : http://congres2018.pcf.fr. Il suffit de s’inscrire et chaque militant peut contribuer à la réflexion commune à travers les différents chantiers ouverts. 

C’est dans cette même volonté de nourrir la réflexion commune pour le Congrès que des assemblées de communistes se tiennent partout en France, ainsi de celle qui s’est tenue le 23 mars dans l’Oise à Creil, en présence de Francis Wurtz. Ce dernier a été député communiste au Parlement européen, président du groupe de la Gauche Unitaire Européenne (GUE) et responsable des questions internationales au PCF. Ci-après, vous trouverez le compte-rendu de cette réunion, avec les vidéos de la soirée.

(Introduction au débat - Vidéo 1/8)

 

Éléments pratiques sur les élections européennes 2019

(Vidéo 2/8)

Après des derniers scrutins constitués de listes « régionales », on assiste au retour à des listes nationales. Le PCF demandait ces listes nationales, plus en phase avec la réalité des batailles, menées au niveau des pays. Le seuil pour avoir des élus est de 5 % des votants, soit environ 1 million de voix. Le remboursement de la campagne électorale est effectif pour un seuil de 3 %.

Il est vraisemblable que chaque famille politique européenne pourra présenter à nouveau un candidat à la présidence de la Commission européenne, comme cela avait été le cas la fois précédente, à la suite des élections européennes de 2014, avec la candidature d’Alexis Tsipras pour le groupe parlementaire de la Gauche Unitaire Européenne (GUE).

En 2014, l’abstention en France avait atteint le taux de 57 %, avec 65 % chez les ouvriers, 68 % chez les employés et culminant à 73 % pour les moins de 35 ans ! 32 % des abstentionnistes estimaient que l’Union européenne n’a que peu d’influence sur leur vie quotidienne et 14 % que le Parlement européen n’a pas de pouvoir.

Il est pourtant utile d’aller voter et de bien choisir ceux et celles qu’on envoie, comme le prouve l’action des députés européens communistes ou apparentés Patrick Le Hyaric (voir par exemple l’historique de ses votes contre la libéralisation du rail), Marie-Christine Vergiat, engagée notamment pour une politique migratoire digne et humaine, et Marie-Pierre Vieu.

L’Europe a souvent bon dos, avec des dirigeants nationaux qui seraient « obligés par Bruxelles » de mener des politiques contre les peuples, alors qu’elles correspondent en tout point à celles défendues par la droite et la social-démocratie. Avec ou sans Europe, Macron mènerait exactement la même politique de régression sociale. La France a d’ailleurs contribué directement à la mise en place de cette Europe des marchés, avec de nombreux Français qui ont été aux manettes : les « pères de l’Europe » Jean Monnet et Robert Schuman ; Jacques Delors, président de la Commission européenne qui a œuvré pour le marché unique et la libéralisation ; Pierre de Boissieu, secrétaire général du Conseil de l’Europe, l’homme toujours en place pendant que les représentants des États et gouvernements occupaient pendant 6 mois la présidence tournante du Conseil de l’Europe ; Jean-Claude Trichet et la création de la Banque Centrale Européenne (BCE) ; la rédaction de la Constitution européenne dirigée par Valéry Giscard d’Estaing, celle qui a été rejetée notamment par les électeurs français en 2005 ; le Parti Populaire Européen (PPE) dirigé par le Français Joseph Daul… Autant d’exemples montrant qu’il ne faut pas laisser les dirigeants se cacher derrière l’Europe.

Penchons-nous sur les directives européennes exigeant l’ouverture à la concurrence des compagnies ferroviaires. Comment cela s’est-il passé ? Il y a environ 20 ans, le traité européen contenait l’obligation de mise en concurrence des entreprises de service public, comme la Poste, les télécoms, les centrales hydroélectriques, le ferroviaire… La Commission européenne ne décide pas, elle propose des projets de directives, qui sont votés par le Parlement européen et le Conseil de l’Europe : l’un des deux ne vote pas le texte et la directive ne s’applique pas. Le 14 décembre 2016, le Parlement européen a adopté à 13 voix près (354 pour, 330 contre, sur 704 votants possible) le 4e paquet ferroviaire – ce qui montre une nouvelle fois l’importance du choix des députés européens. C’est l’aboutissement d’une bataille de 15 ans des libéraux, qui ont ouvert le fret à la concurrence, puis, suivant les résistances et les rapports de force, ont fait des compromis, ont réattaqué, commençant par l’ouverture des lignes internationales et la permission du « cabotage » pour passer à l’ensemble du trafic passager. Des mobilisations dans d’autres secteurs ont été victorieuses, comme celle des dockers dont le statut était menacé et qui, unis syndicalement dans tous les pays européens, ont gagné après 2 ans de bataille. Ou bien encore de celle contre « la police sur internet »,  gagné en inondant les boîtes mail des députés. Ces exemples montrent la nécessité d’une mobilisation dans la durée contre les mauvais coups, avec des citoyens sensibilisés de façon permanente et des élus qui combattent.

 

Les grands enjeux européens

Les tares fondamentales de l’Union européenne

(Vidéo 3/8)

Elles se résument en fait en une seule : la priorité faite aux marchés, financiers et commerciaux. Les conséquences se font sentir au niveau social, démocratique et des relations internationales.

Le traité de Rome, en 1957, contenait déjà les quatre libertés du marché, avec la libre circulation des biens, des services, des capitaux et de la main-d’œuvre. Mais il a fallu plus de 30 ans pour que ces règles ultralibérales ne s’appliquent, restant inertes face aux résistances, dont celles d’États. C’est en effet dans les années 1990 qu’elles vont s’appliquer, coïncidant avec le grand tournant constitué par la chute de l’URSS, l’explosion de la mondialisation libérale et le désarroi des forces progressistes. Les 300 directives de Jacques Delors sont symptomatiques de cette flambée libérale dans l’Union européenne, ainsi que le principe d’ouverture à la concurrence des services publics ou de la modification de la procédure d’appel d’offres pour les commandes publiques. Se mettent aussi en place les politiques d’austérité, de baisse de la dépense publique, des privatisations…

L’Union européenne met également à mal la démocratie. Tout d’abord, par la nature des traités européens, qui fixent le modèle économique, le libéralisme, que doit suivre tout gouvernement. C’est au cœur de la crise politique actuelle : pourquoi voter ? Ensuite, elle instaure des lieux de décision inaccessibles aux citoyens. Ainsi de la Banque Centrale Européenne (BCE), avec une poignée de gouverneurs qui décident seuls de la création monétaire. Depuis 40 mois, sont créés et mis à disposition des banques 80 milliards d’euros (puis 60 et actuellement 30), banques invitées à faire des crédits bon marché aux entreprises mais qu’elles mettent en réalité dans les marchés financiers, pas dans l’économie réelle. En 2007, après le rejet par les citoyens de la Constitution européenne, le traité de Lisbonne, avec un contenu similaire, est signé par les États membres. En 2008, le diktat de la centralisation est renforcé, avec une soumission des projets de budgets nationaux à Bruxelles, avant même les discussions au sein des parlements nationaux. Tous ces exemples sont révélateurs de la priorité faite au marché, du principe de « la démocratie conforme aux impératifs du marché » porté par Angela Merkel.

Enfin, les relations internationales subissent également les conséquences de cette tare. L’exemple de la Convention de Lomé est marquant. Elle permettait des échanges « privilégiés » entre l’Union européenne et 71 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, ces derniers ne payant pas de droits de douane pour l’exportation vers les pays européens. Cette Convention a volé en éclat, laissant place en 2000 avec l’accord de Cotonou à des accords de libre-échange, nécessairement favorables aux pays de l’Union européenne.

 

Sortir ou pas ?

(Vidéo 4/8)

Dans ces conditions, il est légitime de poser la question de la sortie. Nous pensons que c’est un piège. Tout d’abord, les États membres sont à des niveaux d’interdépendances considérables, avec une même monnaie, des partenaires commerciaux, technologiques etc. identiques, avec des législations largement communes. La Grande-Bretagne illustre les difficultés rencontrées pour sortir de l’Union européenne, alors même qu’elle en était le pays le moins intégré (hors de l’euro, de l’espace Schengen…). Elle fait concession sur concession, repoussant la sortie de 2019 à 2021, restant deux années sans députés européens les représentant. Une deuxième raison est que la sortie de l’Union européenne n’est pas synonyme de sortie de la mondialisation capitaliste. Le pays se retrouvera même isolé face aux marchés financiers et à la concurrence. La sortie de l’euro pour être plus compétitif ne durera qu’un temps : les autres pays feront de même et les patronats nationaux auront beau jeu de prendre l’argument du gain de compétitivité pour empêcher toute revendication salariale par exemple. Enfin, l’exacerbation des nationalismes est à prendre en compte. Les nouveaux dirigeants d’extrême droite ont ainsi récemment décidé d’offrir le passeport autrichien aux habitants de Haut-Adige (Italie) parlant allemand.

La sortie de l’Union européenne représenterait ainsi un risque incommensurable que l’on n’a pas le droit de faire prendre à nos peuples.

 

Comment faire émerger les changements nécessaires ?

(Vidéo 5/8)

Il appartient au Congrès de définir la démarche à suivre, mais quelques idées peuvent être avancées.

Il s’agit d’un combat de classe, d’un processus dont on ne maîtrise pas le calendrier. « Nous devons faire tout ce qui dépend de nous », en l’occurrence proposer un projet alternatif visible et compréhensible, celui d’une Europe refondée, c’est-à-dire d’une Europe dont les habitants sont protégés contre les effets pervers de la mondialisation libérale et d'une Europe qui use de son poids pour changer les règles. Cette « humanisation de la mondialisation » est une aspiration forte, présente dans tous les pays du monde.

Une politique de large rassemblement est nécessaire. Il faut être nombreux pour imposer le changement, en se rassemblant sur des axes fondamentaux forts, et ceci au niveau européen. C’est tout l’enjeu des convergences progressistes en Europe, avec la Gauche Unitaire Européenne (GUE) au Parlement européen, le Parti de la Gauche Européenne (PGE) et d’initiatives comme le Forum progressiste européen dont la première édition s’est tenue à Marseille fin 2017.

On ne fera pas l’économie d’une bataille d’idées de haut niveau, comme celle de 2005 contre le traité constitutionnel européen et pour une autre Europe qui a été un exemple de démocratie citoyenne exemplaire, mais qu’il s’agit cette fois de mener dans la durée. Il est essentiel de casser le fatalisme présent dans de nombreuses têtes et de montrer qu’il est possible d’ouvrir, tout de suite, des brèches dans l’édifice libéral.

Prenons quelques exemples.

Il y a environ deux ans, le Parlement de Wallonie a déclenché un débat à l’échelle de l’Europe concernant le traité CETA avec ses tribunaux d’arbitrage privé. Les futurs traités devront dorénavant être ratifiés par le Parlement européen mais aussi par les 35 parlements nationaux et régionaux. Autant de batailles à mener dans chaque pays. Et plus encore : récemment, la Cour de justice de l’Union européenne a déclaré cet arbitrage privé illégal, alors même que l’Union européenne en a déjà signé 96, dits de « protection des investisseurs ».

Un autre exemple est donné par la taxation des transactions financières. Tout d’abord jugé par ses détracteurs comme « irréaliste » au seul niveau européen, c’est Sarkozy en 2008, devenu un temps anticapitaliste primaire, qui reprend l’idée. La Commission européenne rédige un projet de taxation, 11 pays seulement sur 28 sont d’accord mais il est trouvé une clause dans le traité de Lisbonne permettant de le mettre en place même à 11 pays… Aujourd’hui, la taxation n’a toujours pas abouti car la pression a baissé depuis 2008. On note toutefois à nouveau un frémissement, à un an des élections européennes. Macron propose de taxer les actions et les obligations - laissant de côté le gros morceau que représentent les produits financiers dérivés – pour abonder l’aide publique au développement. Saisissons-nous du calendrier pour faire avancer cette idée de taxation.

Et regardons du côté de l’imposition des multinationales. La compétition fiscale entre États est autorisée par les traités européens, mais comme cela ne devait pas suffire, des cadeaux « secrets » sont offerts par l’Irlande, le Luxembourg… Difficile de croire que la Commission européenne n’était pas au courant. Aujourd’hui, une amende de 13 milliards d’euros a été infligée par ladite Commission à Apple et une liste de multinationales sont dans le collimateur. Ceci est le résultat de nos luttes : « une idée qui s’empare des masses devient une force matérielle ». Dernier exemple : Moscovici, le commissaire aux affaires monétaires, propose la taxation des GAFA, à hauteur de 3 % des revenus générés par les données des utilisateurs des sociétés Internet, avec un calendrier basé là encore sur l’élection de 2019. 

Il est donc nécessaire de mener une bataille d’idée à la hauteur de celle de 2005 mais de façon durable, permanente et davantage ouverte sur les citoyens des autres pays.

 

Interventions de camarades

(Vidéo 6/8)

Plusieurs camarades de l’Oise sont intervenus. Bernard a évoqué la bataille s’annonçant pour ces élections entre les forces démocratiques et le fascisme renaissant. Il a également demandé de travailler l’idée du progrès social en Europe. Marie-France a pointé les responsabilités des chefs d’État et de gouvernement alors que la Commission européenne émet des « recommandations ». Elle a rappelé que le Pacte de stabilité a pour effets la modération salariale, la remise en cause de la négociation collective ou encore de reporter sur les collectivités locales les conditions de la baisse de la dette. Riche de son expérience syndicale en 2005 où elle avait animé de nombreuses réunions pour une autre Europe, elle appelle à être présents sur le terrain pour expliquer à partir d’exemples concrets en montrant à chaque fois « qui fait quoi au niveau européen ». Alain se rappelle qu’en 2005 il avait utilisé le journal l’Humanité pour mener la campagne contre le traité européen et souhaite avoir à disposition des outils clairs pour discuter avec les gens. Il demande que soit explicitée la notion d’« Europe à géométrie choisie ». Jakie, après avoir rappelé l’importance d’avoir un Parti communiste en France, dont l’équivalent n’est pas présent dans chaque État membre, évoquera le rachat de Monsanto par Bayer et dira que « l’Europe est installée dans la mondialisation ». Thierry dira l’importance de montrer le rôle du Parlement européen – même si nous dénonçons le manque de démocratie au sein de l’Union européenne – pour inciter les gens s’emparer des élections européennes 2019. Il dira aussi qu’en 2008, Merkel et Sarkozy demandent à la BCE d’injecter de l’argent et que cette dernière obéit. Il est bien de la responsabilité de Sarkozy et de Hollande que cet argent n’ai servi en rien l’économie réelle.

 

Réponses et commentaires de Francis Wurtz

(Vidéo 7/8)

Francis Wurtz reprend la parole pour expliquer dans un premier temps la notion d’Europe à géométrie choisie. Actuellement, il y a un cadre unique, avec quelques dérogations sur l’espace Schengen ou la défense européenne par exemple. La question « que voulons-nous faire ensemble ? » n’est jamais posée. Des sous-groupes se sont formés, comme le groupe de Visegrád, avec la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et la République tchèque. Il y a aussi un ensemble de 8 pays composé de la Suède, du Danemark, de la Finlande, de la Lituanie, de l’Estonie, de la Lettonie, de l’Irlande et des Pays-Bas qui s’effraient du mot « solidarité », rejetant par exemple à la suite de l’Allemagne, la mise en place dans la zone euro d’une garantie européenne des dépôts des particuliers petits déposants, au cas où la banque ferait faillite. Les pays du Sud, Espagne, Portugal, Italie et Grèce ont aussi des positions pouvant être communes – même si le pays fondateur qu’est l’Italie semble actuellement sans direction. Un cadre unique et des sous-Europe qui partent dans tous les sens, telle est la réalité de l’Union européenne aujourd’hui. Un saut qualitatif en terme de progrès social ne se fera pas d’un coup dans tous les pays membres, mais d’abord dans quelques pays, puis dans les autres, à leur rythme, si tout va bien : l’Europe à géométrie choisie évoque cette possibilité de réaliser, à quelques pays, ces sauts qualitatifs.

 

(Vidéo 8/8)

Il explique ensuite ce que serait le « fonds européen de développement social et environnemental », proposé par le PCF et voté à l’unanimité par le PGE. Ce fonds, que d’autres appellent banque publique, bénéficierait de l’argent créé par la BCE – avec les traités tels qu’ils sont actuellement rédigés -, et ferait des investissements publics à vocation sociale et environnementale, à contre-courant d’opérations comme le rachat de Monsanto par Bayer.

 

 
 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)