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Hôpital de Creil (et plus largement les hôpitaux publics en France) : point de vue de Loïc Pen, syndicaliste, chef du service des Urgences

Notre hôpital est confronté à une purge financière sans précédent

Depuis le début de l'année 2017 jusqu'à sa fin, nous aurons vu environ une centaine de lits supprimés sur le GHPSO, que ce soit sur le site de Creil ou de Senlis.

Le déficit doit être comblé. Des lits supprimés cela veut dire les emplois supprimés, c'est à un véritable plan social (de licenciement) que nous assistons.

On nous explique que nous ne serions pas assez efficaces, qu'on peut faire plus avec moins, qu'il faut prendre le grand virage ambulatoire et qu'il faut encore supprimer des lits de médecine.

Il n'est pas question de nier que l'hôpital a changé, que nous devons adapter certaines de nos pratiques. Nous sommes tous d'accord pour dire qu’il ne sert à rien de laisser un patient dans un lit d'hospitalisation quand les examens ou le traitement qu'il attend peuvent se faire à domicile.

Mais cette logique a ses limites : comment renvoyer à domicile une personne âgée dépendante ? Comment être sûr qu’un patient peut rentrer à domicile alors que le diagnostic certain est en attente du fait des délais d'un examen ? Comment renvoyer à domicile un patient dont les conditions de vie précaires ne permettent pas les soins à l’extérieur ?

Évidemment la logique hôpital de jour est fabuleuse, on vient une journée à l'hôpital, on a ses examens, son traitement et on repart, personne ne souhaite vraiment rester hospitalisé, on est bien mieux chez soi. Sauf que cette pratique n'est pas adaptable à toute la médecine, Elle est particulièrement inadaptée aux patients vus en urgence, ou aux patients présentant un problème aigu, ou bien encore aux patients dépendants ou polypathologiques.

De plus l'hospitalisation de jour nécessite d’aller plus vite, et requiert en fait plus de personnel si l'on veut vraiment être efficace, or ce n'est pas ce que nous observons.

Si l'on veut vraiment tenir compte de l'efficacité et de la santé publique, c'est simple. Mettons en place les structures ambulatoires recommandées, et voyons quels lits d’hospitalisation classique restent vides. Nous saurons alors combien de lits il faut fermer. On fait tout l'inverse, On ferme d'abord les places d’hospitalisation puis on voit ce qu'on peut absorber avec les structures ambulatoires. Ce qu'on ne peut pas absorber, se retrouve dans le couloir des urgences avec toutes les conséquences en termes de qualité et même de sécurité des soins.

Le pompon, c'est que ce sont les mêmes technocrates qui conseillent la fermeture de lits qui viennent expliquer que la situation aux Urgences est inadmissible et que nous sommes sûrement mal organisés.

Aujourd'hui, les urgences du GHPSO sont une coquille d’œuf, un rien suffirait à briser ce service.

Il manque 10 postes de médecins urgentistes, et ceux qui travaillent dans le service ont des conditions d'exercice inadmissibles. Ils ne peuvent voir les urgences dans des délais raisonnables car ils doivent d'abord réévaluer les patients stationnés dans les couloirs et qui n'auraient rien à y faire. Ils passent ensuite un temps fou avec les infirmières, les aides-soignantes à changer les patients de place pour les examiner, du fait de l'exiguïté des locaux. Et enfin dans cette multitude de malades, quand ils arrivent à boucler un dossier, reste le parcours du combattant pour trouver une place d’hospitalisation. À croire que tout est fait pour qu'un accident finisse par arriver.

Le ras-le-bol est majeur, et au prochain médecin urgentiste qui jettera l'éponge, on risque de voir tous les autres le suivre. Le premier site d'urgence mis en cause sera évidemment Senlis. Mais si Senlis ferme, la charge de travail qui se reportera sur Creil entraînera inéluctablement d’autres départs de médecins urgentistes.

Les hôpitaux publics sont coincés entre un financement à l’acte qui les rend tous déficitaires et une démographie médicale qui ne leur permet pas de trouver les professionnels dont ils ont besoin. Désormais, l'effondrement est proche.

Nous venons de passer un cap à Creil avec l'annonce (mais sans le dire vraiment) de la fermeture de la maternité. Il y a deux raisons à cette volonté de fermeture. Une raison financière avec la volonté de réduire encore les dépenses de l'hôpital et une raison démographique avec l'insuffisance de praticiens pour maintenir la qualité et la sécurité des soins sur deux sites.

Si nous laissons faire cette fermeture, ce sont les populations les plus fragiles du Bassin creillois qui seront directement impactées.

C’est désormais à l’ARS d’intervenir, elle est responsable de la couverture sanitaire de nos territoires. Si nous restons sur des solutions locales, nous avons perdu. Tant sur le plan financier que sur le plan des ressources humaines, les hôpitaux de Creil et de Senlis ne peuvent s'en sortir tout seul.

Alors soit l’ARS remplit le rôle qui lui est officiellement affecté. Soit elle ne sert en effet qu’à restructurer l'offre de soins au bénéfice du privé en laissant mourir l'hôpital public, il faut alors clairement annoncer la couleur, seuls ceux qui en auront les moyens seront correctement soignés.

L’argent existe, les hôpitaux publics de France payent une taxe sur les salaires à hauteur de 4 milliards qui si elle était supprimée leur redonnerait des marges financières. Pour l’instant, on a préféré supprimer l’ISF pour le même montant de 4 milliards.

Nous avons besoin d'une mobilisation large du personnel, des élus, de la population tout au long des semaines à venir pour aboutir à une manifestation fin janvier afin d’exprimer notre refus des choix de santé délirants concernant nos hôpitaux et notre bassin de vie.

 

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Hôpital de Creil (et plus largement les hôpitaux publics en France) : point de vue de Loïc Pen, syndicaliste, chef du service des Urgences

le 15 décembre 2017

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