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PCF. Ce que les militants veulent changer…

Article paru dans l'Humanité Dimanche du 16 novembre 2017

 

PCF. Ce que les militants veulent changer...

Dans la perspective de son congrès extraordinaire qui aura lieu en 2018, le PCF réunit le 18 novembre ses animateurs de section pour en fixer la date et l’ordre du jour. Étape importante d’un processus qui doit transformer en profondeur ce parti, qui fêtera son centenaire en 2020.

« Vous venez avec vos questions, je viens avec mes réponses », c'est la réplique mythique, mais fausse, que l'on attribue à Georges Marchais, face à Jean-Pierre Elkabbach et Alain Duhamel sur les plateaux télé. Vingt ans après sa mort, avant de donner leurs réponses, les communistes cherchent d'abord les bonnes questions auxquelles ils veulent répondre. Et elles sont nombreuses depuis le printemps pour le moins contradictoire vécu par les communistes. Pour la première fois depuis 1981, le candidat qu'ils soutenaient à l'élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon (FI), a obtenu 19 % des voix mais, faute d'accord avec la FI, le PCF a ensuite enregistré son pire score dans les élections législatives (moins de 3 %), tout en passant de 7 à 11 élus. Dès le mois de juin, la direction du PCF a émis l’idée d’un « congrès extraordinaire » pour analyser et opérer les transformations nécessaires pour rebondir. Une consultation des adhérents a été lancée et doit permettre aux communistes de déterminer les questions qu'ils veulent se poser. C'est à partir de cette expression de la base que « l'assemblée nationale des animateurs de section », qui se réunit ce 18 novembre, doit déterminer l’ordre du jour et la date du prochain congrès.

Ambiance studieuse

Scores en berne, second tour de la présidentielle entre libéralisme et extrême droite, législatives calamiteuses... dans la plupart des endroits, les motifs de satisfaction ont été rares pour les communistes ces derniers mois. « Au mois de juin, je ne pensais pas que nous serions capables de mener le débat que nous avons aujourd’hui », note Cécile Dumas, secrétaire départementale des Alpes-Maritimes. « Le climat est bon, avec beaucoup d’interrogations et une volonté de chercher des réponses réelles, pas des règlements de comptes », abonde Thierry Aury, secrétaire départemental de l’Oise. « La tentation de chercher des coupables plutôt que des solutions existe aussi, mais c’est très minoritaire », tempère Cécile Dumas. À Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), Pierre Belloch constate des « copains un peu perdus, avec un besoin de débattre ensemble, mais aussi un besoin de dire des choses à leur direction ; on sent une vraie inquiétude par rapport à l’avenir du Parti ».

À l’ouverture de la conférence, près de 10 000 communistes auront rempli le questionnaire en ligne et sans doute trois fois plus s’en seront servis individuellement ou collectivement pour donner leur avis. « La consultation, au-delà de l’outil qui a ses avantages et ses inconvénients, a permis de libérer la parole et d’élargir le débat », note, pour sa part, Gilles Ravache, qui coordonne la région Auvergne-Rhône-Alpes. « Nous avons inclus les sympathisants dans nos réunions autour du questionnaire et nous avons réalisé 22 adhésions en quelques semaines », abonde Cécile Dumas. « Mais il y a aussi des doutes sur la capacité à être à la hauteur des questions posées. Des congrès précédents ont parfois déçu avec des textes qui ne tranchaient pas clairement les débats », affirme Gilles Ravache.

Recherche d’identité

À ce stade, que ressort-il des débats? Le travail sur l’identification des communistes dans la société semble plébiscité par les adhérents. 90 % des réponses aux questionnaires indiquent ainsi le besoin de travailler à améliorer la communication du Parti. « Il y a un gros décalage entre ce que nous sommes et la manière dont nous sommes perçus », résume Aurélien Guillot, secrétaire départemental d’Ille-et-Vilaine. « Il nous faut retravailler à la façon d’identifier le communisme dans la société. » Selon Gilles Ravache, « il y a également, chez les adhérents, une forte demande d’un discours clair et fort du PCF pour que nous soyons perçus comme contestataires là où nous pouvons sembler aujourd’hui comme trop “gentils” ».

Mais les premiers débats dans le Parti font apparaître le besoin de comprendre et de s’adapter à des changements politiques et sociaux profonds. « Il y a une énorme demande de comprendre la société actuelle, certains se sentent largués face à la montée de l’individualisme, l’impact du numérique sur toutes les sphères de la société, etc. », constate Cécile Dumas. Une analyse d’où doit découler un projet de société mieux identifié.

« Il faut discuter de notre projet et de la manière dont on le définit, et je ne suis pas sûre qu’on ait raison de ne plus parler de socialisme pour le définir », pense pour sa part Marie-Christine Burricand, membre du conseil national. « Il y a surtout une demande d’extraire de notre projet ce qui en forme les lignes directrices : idée de faire du “commun”, analyse Gilles Ravache, les aspects collaboratifs dans le numérique, les échanges sans argent, la maîtrise publique de l’eau, etc. » « La critique du capitalisme est largement partagée dans la société française, mais pour l’instant, c’est le nihilisme qui progresse. Comment rendre crédible un changement de cap ? » s’interroge, quant à lui, Thierry Pris, secrétaire de la section d’Annecy (Haute-Savoie). « Les questions d’écologie et de révolution dans le travail reviennent souvent dans les débats comme devant être mieux travaillées pour être plus audibles », relève Cécile Dumas faisant écho à nombre de remontées en ce sens. « Il nous faut aussi comprendre comment le travail a changé pour comprendre pourquoi, désormais, la politique a tant de mal à entrer dans les entreprises », ajoute la dirigeante azuréenne. Outre le projet, les communistes sont également appelés à se prononcer sur les démarches et stratégies politiques de ces dernières années. Mais jusqu’où remonter ? « Il y a besoin d’un bilan du Front de gauche et des choix faits aux dernières élections, pas pour refaire le match, mais pour analyser et avancer », assure Aurélien Guillot, pour qui « le débat sur la candidature Mélenchon continue d’interroger, surtout à la lumière de ce qui s’est passé depuis la présidentielle ». « Il y a du ressentiment envers la France insoumise », constate également Thierry Aury. « Il y a une nostalgie du Front de gauche qui n’est pas allé au bout de ses objectifs », analyse Cécile Dumas, pointant aussi le besoin de discuter du rapport aux syndicats et associations. Mais, pour certains communistes, il faut remonter davantage encore pour comprendre les difficultés actuelles : pour Marie-Christine Burricand, « après 2000 et le congrès de Martigues, on a pris des distances avec le communisme et certains de ses fondamentaux ».

Vers un parti nouveau ?

Pour le Parti qui s’apprête à fêter ses 100 bougies en 2020 , l’émergence des mouvements politiques,comme la France insoumise ou la République en marche, ne manque pas non plus d’interroger. « Des centaines de milliers de gens s’y engagent, pourquoi ? Comment ? Comment ça fonctionne ? Est-ce durable ? » Autant de questions auxquelles la réflexion collective doit permettre de répondre, selon Gilles Ravache. « Nous devons faire un effort de novation pour mieux nous adapter aux nouvelles pratiques, constate Aurélien Guillot, nous devons sortir de nos réunions d’assemblée générale en soirée introduites par un rapport politique, et inventer de nouvelles formes. » Le Parti communiste, parti de militants par excellence, s’interroge donc sur « l’impact du militantisme de proximité » à l’heure d’Internet et des réseaux sociaux. « Les communistes font beaucoup d’efforts pour défendre leurs idées et sont peu payés en retour, ils aimeraient donc que leur activité militante porte ses fruits », constate Aurélien Guillot. « Il faut comprendre pourquoi nous n’arrivons plus à rentrer dans les entreprises. »

Les « solidarités concrètes » semblent une réponse pour, à la fois, renouveler l’activité du PCF et faire mieux identifier le communisme. « Il nous faut reconstruire un imaginaire communiste. En quoi nos idées sont profondément modernes et le fait que nous sommes en même temps le Parti qui fait bouger les choses dès aujourd’hui, qui aide les solidarités collectives », analyse Thierry Aury, en charge des solidarités concrètes au PCF. Les ventes solidaires de fruits et légumes, les journées à la mer pour les familles populaires ou autres bourses soli- daires sont autant d’actions que le PCF voudrait multiplier. Cette généralisation de la solidarité pourrait être l’un des « chantiers » que le PCF veut lancer pour son congrès. « Les communistes veulent un congrès différent, qui ne répète pas les mêmes débats, qui nous aide à approfondir des questions nouvelles, qui fait le bilan de notre ac- tion et ouvre la voie à des expérimentations nouvelles », disait Pierre Laurent dans les colonnes de l’« HD », il y a quelques semaines, appelant « à construire des chantiers qui allient réflexions et actions concrètes ». L’assemblée du 18 novembre doit en définir les contours. Elle devra également en fixer la date entre juin et novembre 2018. « Si nous voulons avoir le temps d’expérimenter, il faut se donner un an, sinon, c’est le processus habituel de congrès qui sera mis en place au risque de rater l’objectif », argumente Gilles Ravache. D’autres veulent aller le plus vite possible et penchent pour juin. Questions multiples, nouvelles façons d’y réfléchir... les communistes mettent la barre haut. Si tous ne sont pas d’accord sur les moyens d’y arriver, nombre de communistes sont du même avis sur une chose : ce congrès doit être réellement « extraordinaire ». « Nos idées correspondent à la période et les Paradise Papers en sont une nouvelle illustration ; à nous de trouver les moyens de rencontrer les aspirations qui montent ! » lance Thierry Aury. Permettre à l’offre de rencontrer la demande ? Un vrai défi pour des communistes.

Cédric Clérin

 

 
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Saint-Just (révolutionnaire français, 1767-1794)